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 Sujet du message: [Luminion] Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Jeu 29 Nov 2012 19:31 
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Bâtisse Indartsua


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Bâtisse fortifiée en pierre blanche, appartenant à la famille Indartsua de Cuilnen. Depuis le début de la guerre, cette demeure a reçu pour vocation principale le stockage d’armes et d’armures destinées aux soldats envoyés pour contrer les raids d’Oaxaca.

La partie destinée aux armées est en façade, tandis que la partie d’habitation privée est située en fond de cour.

L’ensemble des bâtiments est construit en bordure de la ville.

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Les larbins du Domaine




Le Bossu : Un Kendran de 45 ans environ, au service de la famille Indartsua depuis bientôt 20 ans.

La Gouvernante : Hiniönne de 120 ans. Elle a fait son apprentissage dans la famille Indartsua l’année de ses 40 ans et est restée à leur service depuis. Elle gère le Domaine depuis ses 80 ans.

La Cuisinière : Une Sinari âgée d’un siècle, bien portante et toujours guillerette. Elle reste principalement dans sa cuisine ou au marché. Elle gère également les stocks de nourriture.

Les bonnes : Au nombre de quatre, elles sont toutes Varrockiennes. Elles adorent la Gouvernante et obéissent toujours.
Elles sont chargées de servir-desservir, ranger, nettoyer.

Les hommes de main : Leur nombre varie mais il y a toujours des soldats en faction sur place, principalement pour surveiller les réserves d’armes et d’armures, mais également pour vérifier les activités des Garzocks et réagir en cas de raids sur Luminion.

_________________
Quatrinette pour les intimes, n'hésitez pas à poser des questions, je suis là pour y répondre ;)
Merci à Itsvara
Et surtout, bon jeu à tous !


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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Jeu 29 Nov 2012 21:13 
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En soixante ans, je n’étais jamais venue dans ce domaine, je ne savais même pas qu’il existait. De toute façon, je n’étais jamais sortie de la maison à Cuilnen, et je n’avais aucun intérêt à venir ici. Père avait fait affréter une charrette chargée de vivres, d’armes et d’armures. Il m’avait dit que, quitte à me rendre au domaine, autant que je serve à quelque chose. Le Bossu m’accompagnait… au cas où quelque chose arriverait au chargement. Nous n’avions pas parlé de tout le trajet qui dura tout de même une semaine. Il avait bien essayé, au début, mais je n’avais pas répondu. Il n’insista pas.

Une fois arrivés devant les grandes portes de la propriété, je me décidai à, enfin, ouvrir la lettre donnée par mes parents.

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Il n’avait même pas pris la peine, ou il n’avait même pas eu le courage, de signaler que je porte le même nom que lui, que je suis sa fille. Il a tellement honte de moi.


Le Bossu tambourina sur l’une des portes, une petite ouverture grillagée glissa, ne laissant apparaître qu’un morceau de visage masculin.

« Identités et motifs de votre présence ? »
« Bonjour est, visiblement, optionnel. Dame In…Negliits. Votre nouvelle intendante. » Je plaquais alors ma lettre contre la protection de fer, attestant mes dires. Je laissais surtout visible le sceau familial. « Ouvrez, je vous prie. »

Un court instant s’écoula avant que la porte se mette à grincer, indiquant son ouverture prochaine. Le garde m’observa de la tête aux pieds. Je suppose que si j’avais été plus belle, son regard se serait plus facilement perdu lors de sa contemplation. Mais je ne suis pas belle, alors on me regarde peu et on ne le fait qu’en cas de nécessité.

« Et lui ? »
« Il m’accompagne et, surtout, il est celui qui vous amène le chargement placé dans la charrette. »

Le soldat se pencha légèrement, de manière à voir la fameuse livraison.

« Bah c’est pas trop tôt ! Ça fait plus de cinq jours qu’on l’attend. »

Je ne pris pas la peine de répondre. Le bossu, quant à lui, se remit à son poste de cocher pour diriger les chevaux dans la cour intérieure.

Je suivais la charrette. Il y avait de l’animation dans la cour. Des soldats allaient et venaient, des chevaux hennissaient, des poules caquetaient et déambulaient à leur aise. Après avoir passé soixante années enfermée dans la demeure familiale, si cossue et si elfique, je me retrouvais enfermée dans une ferme parmi des soldats. Le changement était radical, du moins pour le contexte.
Je me désintéressai rapidement des communs pour me diriger d’un pas assuré vers le corps de bâtiment principal. La porte d’honneur, constituée de larges panneaux de bois richement décorés, trônait au milieu de l'édifice. Considérant que j’étais chez moi, je ne frappai pas avant d’entrer et me retrouvai face à une hiniönne distinguée, quoiqu’un peu coincée.

« Bonjour Madame, que puis-je pour vous ? »
« J’aimerais déposer mes affaires dans ma chambre. »
« Votre ? Pardon de me montrer si directe mais, vous êtes ? »
« Dame Negliits, la nouvelle Intendante de ce domaine. Et vous ? »
« Dame Zonjë, l’actuelle Intendante de ce domaine. »

Elle avait essayé de garder sa contenance, mais mon annonce l’avait clairement affectée. Et, pour être honnête, cela ne me faisait ni chaud ni froid.

« Oh, parfait, vous pourrez donc me faire la présentation du site. Mais, avant cela, j’aimerais disposer de mes appartements. »
« Vous comprenez bien, Dame Negliits, que je me dois de demander un justificatif concernant votre arrivée ici, ainsi que votre titre. »

Je lui tendis simplement le parchemin et me retournai pour interpeller le Bossu.

« Déchargez mes affaires et suivez nous. »

Il ne broncha pas et s’exécuta.

Une fois mon ordre donné, je constatai avec une impassibilité extrême que l’Intendante était blême.

« Ai-je fauté ? »
« Non. Bien, maintenant que ceci est clos, je vous laisse me guider. »

Je sentis bien, à ce moment, que la rage commençait à naître au plus profond d’elle. Et, malgré ses efforts, elle ne parvenait pas à se calmer.

« Non, mais, attendez ! Vous arrivez ici la bouche en cœur, me prenez ma place et me traitez comme une boniche ! Qui me prouve que ce document n’est pas un faux ? Personne ne vous connait ici ! »

Je ne savais pas quoi lui répondre sans trahir mon identité. Et, si en lisant la lettre, cela m’avait agacée qu’il ne soit pas mentionné mon nom de famille, je trouvais, finalement, que l’idée était bonne, me permettant de vivre comme je l’entendais.

« Écoutez, si cela ne vous convient pas, vous pouvez toujours contacter la famille Indartsua. D’ici là, veuillez me traiter avec égards, comme le mentionne ce plis.
Ma chambre, je vous prie. »


J’ai pu constater, au cours de ma courte existence, qu’on respecte bien plus facilement les personnes belles que celles qui ne se font remarquer que par leur laideur. Comme si les premières étaient forcément plus compétentes, plus intelligentes, plus riches que les secondes.

La Gouvernante, puisque désormais tel serait son titre, attrapa sa robe et s’engagea à toute vitesse dans l’escalier d’honneur de gauche. Si elle espérait me semer, c’était peine perdue, d’autant que j’avais chargé le Bossu de mes effets personnels.
À l’étage, une seule porte donnait sur le couloir, en son centre. Elle l’ouvrit, et toujours sans m’attendre, tourna à gauche dans le salon de musique ; mes parents ont toujours aimé en entendre et en jouer. Elle pénétra ensuite dans un boudoir richement meublé et, enfin, finit par pousser une porte dissimulée dans la décoration des murs.

« C’est ici. »

Je chargeai le Bossu de déposer mes affaires à l’intérieur et, sans me soucier de l’apparence de ma chambre j’indiquai à la Gouvernante que je ferai quelques changements à l’intérieur.

« Qui se charge des travaux et aménagements ici ? »
« Nous ne touchons pas à la décoration décidée par les propriétaires. »
« Là n’est pas la question. »
« En général, nous demandons au forgeron de nous aider, sinon aux soldats. Mais, la plupart du temps, nous nous débrouillons. »
« Alors vous vous en chargerez. »

Elle serrait les dents et, je dois l’avouer, cela me faisait plaisir. Cette hiniönne n’avait probablement jamais rencontré de véritables difficultés au cours de sa vie ; elle était bien trop belle pour ça. Je partageais ainsi un peu de mon quotidien avec une autre personne.

« Je ne suis pas préposée à cela. »
« Vous n’êtes plus intendante mais gouvernante. Cela rentre tout à fait dans vos compétences. Je n’ai aucun doute de votre dévouement à votre travail.
Bien, vous pouvez disposer. Je visiterai par moi-même. »


Elle tourna les talons et partit comme elle était venue : la tête haute, les poings serrés et le corps rigidifié par la haine.




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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Sam 13 Avr 2013 11:40 
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Je ne savais pas, à cette époque, que mon attitude engendrait tant de haine à mon encontre. J’avais, jusqu’alors, eu l’habitude d’être détestée, du moins ignorée, à cause de mon physique… qui ne correspond pas aux canons esthétiques de ma race. J’eus été naine, cela aurait été ; mais ce n’était, malheureusement, pas le cas.
Cette garce de Gouvernante usa habilement de ses charmes et de ses relations pour inciter l’ensemble du personnel, excepté le Bossu qui me resta fidèle, à me détester. Elle forgea ainsi un peu plus ma misanthropie… et ses conséquences.

Ma première journée s’acheva par une visite, sans guide, du domaine. La bâtisse était vaste et possédait un niveau d’élévation et la soupente. L’aile principale, exceptées les combles, était réservée aux pièces d’honneur, tandis que le retour d’aile était dédié au personnel et aux écuries. Je n’allais pas souvent dans cette partie de la résidence, de même pour le quartier des militaires. De toute façon, je ne sortais que peu de ma chambre, depuis laquelle, bien évidemment, je gérais le domaine mais, surtout, j’expérimentais mes capacités à manier les fluides magiques.

Toute jeune, déjà, j’avais montré quelques affinités avec les fluides de glace.
Je me souviens de la première fois. Ma sœur fêtait alors ses vingt ans. Mon père lui avait offert vingt roses, comparant leur beauté à celle de ma cadette. Je me souviens qu’un artiste était venu également faire son portrait, mon paternel avait insisté pour que le peintre mette bien en valeur la peau si belle de son modèle.
Quant à moi, j’étais priée de rester dans mes appartements, du moins, le temps de la présence des invités.
Une fois les festivités achevées tous partirent se coucher et j’en profitai pour descendre dans les salons d’honneur. Le bouquet était disposé au centre de la grande table et je restai assise, devant ce cadeau fleuri, ruminant ma jalousie et mon désespoir.
Peu à peu, la rage montait. Je me ramentevois de ce sentiment si puissant qui monta en moi. Je voulais écraser ces roses, briser le vase, balancer l’ensemble à travers la pièce et étrangler ma sœur, mon père… et tous ceux qui avaient été invités. Je pris le vase, le serrai fort, voulant le fracasser. Ma force physique était bien trop faible pour y parvenir. Ma force mentale, par contre, se montra surprenante.
Une buée fine enveloppa le vase, suivie rapidement par une pellicule de glace qui se cristallisait autour de ma main. De surprise, je lâchai le vase… qui se fracassa.
Le bruit rameuta le gardien et sa femme. Ils étaient plantés là, à l’entrée de la pièce, ne sachant comment se comporter. Les roses étaient éparpillées au sol et sur la table, l’eau ruisselait sur mes cuisses.
Leur absence de réaction m’agaça. J’avais envie d’hurler, de les insulter. Même des larbins ne me regardaient pas. Je sortis en trombe de la pièce pour rejoindre ma chambre.
Le lendemain, mon père me frappa. J’avais abîmé les roses et le vase de ma sœur chérie.

Depuis, j’ai bien perfectionné mon habilité à manier les fluides… et je prends un malin plaisir à en user et en abuser.
Mais revenons-en à cette chère Gouvernante.
Je ne me doutais pas, à ce moment, qu’elle me causerait des torts. Elle semblait tellement idiote et faible. Ce genre de personne sur qui j’aurais pu me défouler, évacuer la rage retenue depuis trop longtemps.
J’étais, avant d’arriver au domaine, habituée à subir. Subir les ires de mon père, subir les railleries de ma sœur si parfaite, subir la pitié condescendante de ma mère… et subir même la gêne honteuse des serviteurs.
En arrivant au domaine, je commençais une nouvelle vie et cette pétasse me semblait être une proie facile.



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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Sam 13 Avr 2013 11:41 
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La première semaine, l’ambiance était polie mais glaciale. Un climat comme je les aime, et je n’ai rien fait pour l’arranger.
J’aurais pu essayer de devenir amie avec les personnes du Domaine, mais cela ne présentait aucun intérêt à mes yeux. D’ailleurs, je n’en vois toujours pas.

Ils vivaient leur quotidien comme ils en avaient l’habitude et continuaient de considérer la Gouvernante comme étant la personne de référence.
Quant à moi, je passais mon temps à les observer, soit depuis les fenêtres de ma chambre, soit en me promenant à travers les couloirs et pièces du Domaine. J’observais le manège du personnel, leurs habitudes, leurs vices, leurs défauts, leurs mensonges. Ce qui m’agaçait le plus était sans aucun doute de voir les femelles aguicher les soldats en poste au Domaine. De vulgaires coureuses de remparts.

La deuxième semaine, j’avais pris mes marques et je pense que j’avais cerné une bonne partie des personnes présentes. Ma première décision fut de nommer officiellement l’ancienne intendante en tant que Gouvernante. Elle avait pour mission quotidienne de me faire un rapport des stocks, des mouvements de troupes et des activités du personnel. Je lui transmettais ensuite mes ordres, à charge pour elle de les faire appliquer.
Je pensais qu’elle se plierait devant l’autorité de mes parents qui m’avaient nommée à ce poste. J’étais encore naïve, je pense.

Je me souviens de la première fois où j’ai réalisé qu’elle me bernait.
Les soldats en faction au domaine avaient eu pour mission de faire une poussée contre les troupes d’Oaxaca. J’avais reçu une missive me demandant d’aider à l’effort de guerre. J’avais donc donné un ordre simple à cette idiote : Récupérer du fourrage au Duché d’Amaranthe, quérir l’aide de la dispendieuse armée de Valorian et obtenir du vin, les soldats en ont besoin pour supporter les horreurs de la guerre, auprès du duché de Blanchefort. Rien de bien difficile, vous en conviendrez.
En respectant mes directives, non seulement elle m’aurait démontré son dévouement mais en plus j’aurais pu prouver mes compétences d’intendante.
Cependant, j’avais eu le malheur, la semaine précédente, de l’humilier devant quelques invités habituels du domaine. Aussi, je lui offrais là une occasion de se venger et de me discréditer.

Au lieu de suivre mes ordres, cette garce a décidé de ne rien faire. Pas une missive envoyée, pas un coursier dépêché, pas une seule aide sollicitée. Les conséquences furent désastreuses. Les chevaux manquèrent de soin et défaillirent bien trop vite, les troupes, trop peu nombreuses, furent débordées par les Garzoks, et leur moral sombra au plus bas. L’échec de la mission me fut imputé et les soldats en poste au domaine me vouèrent une haine profonde, pour le plus grand plaisir de cette félonne.

Une sanction s’imposait.



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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Sam 13 Avr 2013 11:44 
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Je la convoquais dans le salon de musique. Installée dans un grand fauteuil, je tournais le dos à la porte, le regard portée vers l’horizon. Un bouquet de roses était disposé à ma droite, j’en caressais les pétales, attendant la venue de ma chère gouvernante.
Enfin, elle rentra dans la pièce et, de son exécrable voix, elle me lança :

« Vous m’avez fait appeler ? »
« Il semblerait, sans quoi vous ne seriez pas là.
Vous avez envoyé à la mort une troupe de soldats. »

« Je ne vois pas de quoi vous parlez, Madame. »

Je vais être honnête, elle m’énervait et je me doutais qu’elle nierait.
La solution sage aurait été de lui faire une simple remontrance, lui rappelant que je détenais l’autorité et que, dans un élan de bonté, j’acceptais de passer outre son outrecuidance. Mais je ne suis ni sage, ni bonne.

« Je vais vous rafraichir la mémoire et vous l’ancrer profondément dans votre cervelle d’idiote. »

À ces mots, j’effleurai à peine l’une des roses disposées à côté de moi. Le rouge devint rosé, puis blanc ; enfin, j’appuyais lentement mais avec fermeté sur les pétales qui s’étiolèrent en une pluie de glace.

« Je ne supporte pas les manquements au devoir. Vous ne m’aimez pas, je le sais bien et, soyez rassurée, ce sentiment est réciproque. Cependant, lorsque je vous donne un ordre, vous devez vous y plier, que cela vous plaise ou non.
Je ne vous rappellerai à l’ordre qu’une seule fois. La prochaine, vous découvrirez mes ressources, belle rose.
Disposez. »


J’effectuai un léger mouvement de la main, comme pour la balayer. Je m’attendais à entendre la porte claquer mais rien ne se passa. Je me décidai à me lever et à me retourner pour constater avec autant d’agacement que de satisfaction qu’elle était plantée à l’entrée de la pièce, comme tétanisée.

« Vous souhaitez peut-être ajouter quelque chose ? »

Elle resta figée un moment, fixant les paillettes de rose au sol. Enfin, elle déglutit, redressa la tête et avec un affront terrible me lança :

« Le Duché de Valorian n’a pas envoyé de troupes, que puis-je y faire ?! Pourquoi m’en tenir pour responsable ? »

Je lui adressai un sourire qui, sur mon visage, ressemblait plus à une grimace qu’autre chose et m’avançai vers elle.

« Ne me prenez pas pour plus idiote que je le suis. Essayez une fois encore de me flouer et j’aurais une raison de jouer avec vous… comme avec cette rose. »




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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Sam 13 Avr 2013 11:50 
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Je ne quittais mes appartements que pour surveiller le Domaine et ses larbins. Lors de ces rares sorties, personne ne venait m’importuner… au contraire, on me fuyait. Les rumeurs circulaient, j’entendais les chuchotements, je surprenais des conversations, j’étais le centre d’intérêt et j’aimais ça. Les gens me détestaient et me craignaient… alors que je n’avais encore rien fait. Ce pouvoir me rendait ivre et je n’attendais qu’une chose : en profiter et montrer de quoi j’étais capable.

L’occasion se présenta peu de temps après ma mise au point avec la garce, deux semaines avaient dû s’écouler tout au plus.
Il me faut tout d’abord vous préciser un détail important dans ce contexte. Ma laideur, ne nous voilons pas la face ce mot est le plus juste qui soit, ne m’aidait pas à être courtisée. Aussi, pour répondre à des impératifs naturels et pour me sentir plus puissante, je payais des soldats, prêts à arrondir leur solde, pour qu’ils me tiennent compagnie.
Cette habitude s’est vite sue dans le Domaine, et je prenais un malin plaisir à choisir les mâles courtisés par les boniches du coin.
Ainsi, ce jour-là, j’avais choisi le petit jeune, souvent collé à la surveillance du stock d’armes. Un beau brun, à la musculature bien dessinée et à la poigne ferme. Il était arrivé dans mes appartements et commençait à me distraire quand un bruit de frottement se fit entendre derrière la porte. Tout en enlaçant mon étalon du jour, je l’attirais vers la dite porte avant de l’ouvrir soudainement.
La boniche-amoureuse se tenait derrière, agenouillée et pétrifiée d’avoir été découverte.

« Vous vous joindrez bien à nous, n’est-ce pas ? »
« Non. Non non, je… Je… »
« Vous ne savez pas mentir. » lui dis-je avec une vois mielleuse.

Je la pris par le bras et l’attirai dans la grande pièce. Si elle résistait, je ne m’en aperçus pas. Je désignai un fauteuil au soldat et le chargeai de le placer au milieu de la salle. Enfin, je la plaquai dessus.

« Installez-vous donc sur ce fauteuil. Et profitez du spectacle avant d’en devenir un. »

Ce jour-là, je compris la peur que je faisais naître chez mes employés. Cette peur qui bloque toute réaction sensée.
La boniche restait là, immobile, les yeux écarquillés d’angoisse.

« Aller, Antonin ! Montrez donc à la demoiselle comme votre corps est attirant ! Faites-moi plaisir et embrasez-la de désir. »
« Alexandre… Je m’appelle Alexandre. »
« Oui oui, c’est ça. Agissez maintenant. »

Je restai à quelques pas d’eux, le regard pétillant, le cœur s’emballant, l’entre-jambes s’humidifiant. Quant à elle, elle était tétanisée, fixant le soldat à demi-nu. Son regard se portait furtivement vers moi, cherchant à comprendre mes intentions. Son mal à l’aise me rendait joyeuse et me donnait envie de la traumatiser un peu plus.
N’y tenant plus, je m’avançai vers eux, repoussai l’homme et fis face à la jeune femme.

« N’est-ce pas un beau spécimen ?
Vous n’êtes pas mal dans votre genre. Vous ne devez pas avoir de mal à faire passer les hommes entre vos cuisses. »


Elle ne répondait pas, se demandant toujours, je pense, dans quelle galère elle s’était embarquée.

« Vous voyez, je n’ai jamais eu cette chance… et les personnes comme vous me rendent malade. »


Je plaçai une main sur son visage, caressant sa chevelure, jouant avec ses mèches.
Je ne sais pas ce qui me traversa l’esprit. Je pense que je voulais détruire cette beauté insolente. Ou peut-être voulais-je entendre le son de sa voix. Ou alors, ses larmes qui commençaient à couler lentement m’exaspéraient.
Je posai le bout de mes doigts sur ses joues, une vague de froid me traversa et se plaqua sur sa peau.
Elle hurla de douleur.
J’étais surprise par ma réaction, par la sienne et par celle du militaire. Il s’était jeté sur moi pour m’écarter de la pauvrette.

« Arrêtez ! »

Comment osait-il ?!
Ma haine, ma frustration, ma jalousie… une puissance envahit alors mon corps, mon esprit, mes fluides.

« Tu veux la protéger parce qu’elle te fait bander ? C’est ça ? »

Le froid envahissait l’atmosphère autour de moi tandis que je me sentais de plus en plus agacée. Et cet abruti ne trouva rien de mieux que de se rapprocher de la boniche pour la prendre dans ses bras !

« Lâchez-la ! C’est à moi que vous devez faire ça ! »
« Vous devenez complètement folle ! Calmez-vous… Je vous en prie. »
« LÂCHEZ-LA JE VOUS DIS ! »

Je bouillonnais… au point de glacer complètement l’atmosphère environnante. Ce qui suivit m’impressionna autant qu’eux… Des flocons se formèrent et tourbillonnèrent autour de nous. J’étais complètement insensible à la tempête et je jubilais de les voir lutter contre le vent et le froid.

Et puis… plus rien. Je me souviens m’être réveillée dans mon lit, les deux avaient disparus, j’étais seule dans la pénombre du soleil tombant. Mes appartements étaient impeccables, comme si tout ceci n’avait été qu’un rêve.



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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Lun 6 Mai 2013 15:24 
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Il est probable que vous vous demandiez « Pourquoi un masque ? ». Il est vrai qu’autant l’utilité d’une bague avec réceptacle secret semble évidente, autant celle d’un masque peut paraître plus obscure.

Il faut remonter un peu dans le temps, à cette fameuse soirée lors de laquelle j’avais humilié la Gouvernante… bien que ce terme soit un peu trop extrême à mon sens. Je pense qu’elle mérite ce qu’elle a subit.
Cela faisait près de trois semaines que j’étais arrivée au Domaine. Après avoir pris le temps d’observer les occupants des lieux, je devais me présenter aux personnes influentes des duchés voisins. L’idée aurait pu être bonne… mais je n’étais pas encore prête pour la vie en société.

Il est difficile, pour toute personne ne l’ayant vécue, d’imaginer ce que représentent soixante années de solitude. Une solitude qui n’est pas physique, mais mentale ; sans aucun doute pire.
J’étais entourée, mais, à mes yeux, il s’agissait d’un monde superposé au mien. Un monde auquel je n’appartenais pas, bien que mon corps – mon satané corps – en fît partie. La demeure familiale me semblait toujours vide. Mes interrogations, mes craintes, mes joies, mes pleurs, toutes ces choses que l’on peut partager avec autrui, tous ces moments sur lesquels on a besoin de s’appuyer sur une épaule compatissante et encourageante… Tout ceci restait enfermé dans mon âme. Scellé par la laideur, par la honte, par l’incompréhension et, finalement, par l’habitude.
Je m’inventais les discussions, les scènes, j’évoluais parmi ma famille et les domestiques avec la sensation d’assister à une pièce de théâtre. Parfois, je réalisais la tristesse de cette vie et pleurais en silence, la tête perdue dans les draps, le visage caché et l’envie de me l’arracher.
Dans ces moments-là, je me demandais pourquoi fallait-il que cette vie infecte soit vécue. Je me demandais pourquoi je devais subir cette solitude. Je me demandais pourquoi je devais tout garder en moi, pourquoi je n’avais pas le droit, moi aussi, de partager.
Et finalement, je me persuadais que je n’avais pas le choix, que j’étais trop lâche pour me dévoiler, trop lâche, même, pour en finir purement et simplement. Affligeant, n’est-ce pas ?

Imaginez, maintenant, ces phases se répétant soixante années durant et le résultat lors d’une première soirée mondaine en tant que maîtresse de maison.

J’avais bien vu ce genre de soirées, mes parents en faisaient régulièrement ; ma sœur paradait et je regardais. Croyez-le ou non, cela me satisfaisait pleinement. Je participais à la fête à ma manière et, si on ne me voyait pas, tout se passait au mieux. Si par malheur un regard se posait sur moi j’étais, selon les cas, soit prise pour une domestique bâtarde, soit renvoyée séance tenante dans ma chambre.

Recevoir dans ma demeure ne m’apparaissait pas comme une activité pleine de subtilité. De mon expérience d’observatrice, je pensais que je devais simplement sourire, glousser un peu et complimenter mes invités. La dimension politique et commerciale m’avait, bien évidemment, échappée.
Je ne m’étais chargée de rien sauf des invitations. J’avais eu l’occasion de lire les correspondances entre l’ancienne Intendante et nos relations à travers les Duchés. Pour une première rencontre, je n’avais pas invité les comtes et ducs, je m’étais contentée des riches propriétaires terriens, mes équivalents en quelque sorte.

Alors que le soleil commençait sa course descendante, je finissais de m’apprêter du mieux que je le pouvais ; et ce n’était pas chose aisée. Lorsque je sortis de mes appartements pour vérifier l’avancée des préparatifs, je dois avouer que je fus agréablement surprise par l’efficacité de mon personnel. Leur haine ne s’était pas encore développée. Je n’étais, pour eux, qu’une parvenue, une remplaçante un peu étrange mais discrète.
Les premiers invités arrivèrent et saluèrent la Gouvernante qui les attendait devant l’entrée ; elle semblait si à l’aise avec eux. Ils se connaissaient bien, ce n’était pas la première fois qu’ils venaient au Domaine. Chaque convive prenait le temps de parler un peu avec elle, jetant régulièrement des coups d’œil dans ma direction et, finalement, rentrait pour me saluer.

Dans la teneur, les propos tenus ressemblaient à ça :

« Dame Negliits, c’est un plaisir de vous rencontrer. C’est rare de voir de nouvelles personnes ici, surtout à un poste comme le vôtre. »
« Fantastique. Cette Gouvernante est terriblement prévenante. »
« Elle a toujours su nous émerveiller, c’est une perle que vous avez là. »

Je souriais poliment, rendant mon visage un peu plus difforme, et ils partaient discuter entre eux… voire avec cette peste.
Je l’observais passer d’un petit groupe à l’autre, souriante, détendue. J’observais aussi le comportement de mes invités, à leur aise en sa compagnie. Cela m’agaçait mais je ne savais pas comment réagir.
Quand vint le moment de se faire servir, je demandai à cette dernière de rester debout, à mes côtés, afin de veiller au bon déroulement du repas. Ce qu’elle fit admirablement bien, malgré le peu d’enthousiasme donné à la tâche.
Nous devions être une petite quinzaine et les discussions s’enchainaient avec une facilité déconcertante. Je ne suivais pas grand-chose, mais j’aimais véritablement être entourée par autant de personnes. Parfois, l’un ou l’autre semblait se souvenir de ma présence et me demandait mon avis, ce que je faisais gauchement. Irrémédiablement la suite était la même : la Gouvernante se mordait les lèvres tandis que les invités se désintéressaient de moi pendant un moment.

Certes j’avais appris les grandes lignes de géopolitique, mais je ne connaissais rien des usages et des petites affaires. J’avais tant à apprendre, je n’étais pas prête.

Bien que je ne me souvienne plus des convives présents ce jour-là, je me rappelle parfaitement de l’élément qui projeta la soirée dans un tourbillon. Tout commença avec la Slivis servie en fin de repas.

« De la Silvis ? Ça vient bien de Nosvéris ça, vers Pohélis ? »

Je n’en savais rien alors, me souvenant de ce que je voyais dans la demeure familiale, je me mis à sourire.

« Dame Negliits en a fait venir. »


Je me suis tétanisée sous les regards de l’assistance. Je sentais clairement un voile d’opprobre se déposer sur moi. La Gouvernante, en qui ils avaient toute confiance, venait, en une phrase mensongère, d’insinuer que j’étais une traitresse.
Comment avait-elle osé ? Pourquoi l’avait-elle fait ?
Soit j’avouais mon ignorance sur la provenance de cette liqueur et je passais pour une menteuse ou pour une ignare soit j’attaquais ; Mais comment ?
Mes pensées se bousculaient, je devais répondre, je devais faire quelque chose, et plus je me posais des questions, plus le temps défilait à une vitesse folle. Mes traits se durcirent. Comment pouvaient-ils croire que je puisse faire ça ? Ils ne me connaissaient même pas ! Ils me jugeaient sans doute sur mon apparence, encore et toujours. Je venais d’arriver et déjà on essayait de m’écraser. Finalement, je les fixai tous froidement avant de leur annoncer…

« Je vois à vos mines outrées que vous accordez votre confiance à ma charmante gouvernante, ce que je conçois parfaitement. Cependant j’attire votre attention sur les motivations de ma subordonnée. Je suis arrivée il y a trois semaines pour la remplacer et, il y a quelques jours, un pli est arrivé pour confirme mon rôle dans ce domaine. Les Indartsua ont d’ailleurs précisé qu’au vu de mon éducation j’étais tout à fait apte à remplir mon devoir, ils n’ont cependant rien expliquer des raisons de sa rétrogradation. L’amertume est sans aucun doute présente, il faut la pardonner. »

Je leur lançais un sourire compatissant avant de reprendre en levant le doigt impérieusement.

« Ce n’est rien, nous en discuterons plus tard. Maintenant, débarrassez la table et amenez nous quelques infusions et plantes. »

Je ne l’ai pas regardée une seule fois. Je l’ai chassée de la main et ai conclu en leur disant :

« Il faut que je lui fasse comprendre sa place désormais, et que je vous prouve mes compétences. Je viens d’arriver et je ne peux, visiblement, pas faire confiance pour le moment à cette hiniönne. Peut-être pourrions-nous profiter de cette rencontre pour affiner mes connaissances sur ce territoire ? »

Je voyais bien qu’ils hésitaient ; on ne brise pas plusieurs années de partenariat commercial et d’intrigues avec de simples mots. Je restais de marbre devant eux, attendant leur réaction.

Le ballet des serviteurs vint interrompre le silence glacial pour le remplacer par un cliquetis de tasses, de théières, de petits pots en porcelaine qui conduisit rapidement à un ronronnement de murmures. Je restais toujours immobile, seul mon regard venait se fixer tour à tour sur mes interlocuteurs.

Enfin, lorsque la pièce fut libérée des serviteurs, Gouvernante exceptée, l’un des invités prit la parole. Je ne me souviens plus des termes exacts mais il m’expliquait qu’ils faisaient confiance à la famille Indartsua, plus encore qu’à la Gouvernante. Ils étaient prêts à me faire confiance.
J’aurais pu jubiler intérieurement, mais il n’en était rien. J’étais énervée et, une fois encore, je goûtais à l’humiliation. Ce n’était pas en moi qu’ils faisaient confiance… Mais en mes parents.
La soirée s’acheva par des discussions politiques, commerciales et religieuses. Et, même si je n’avais jamais pratiqué ce genre de rencontres, j’avais tout de même reçu une éducation complète ; le précepteur était présent de toute façon.

Enfin ils prirent congé et me laissèrent seule.

La soirée m’avait agacée. Je n’avais pas pu être celle que j’aurais voulue être. C’est une phrase un peu alambiquée je vous l’accorde, mais c’est véritablement ça. Je voulais prendre le contrôle, être l’objet des attentions mais encore une fois j’avais subi, encore une fois j’avais été jugée hâtivement, encore une fois j’avais dû me cacher.
De toute cette soirée je n’avais apprécié qu’un temps, celui où je dus me justifier de cette accusation fallacieuse. J’avais eu de l’audace, de la verve, je m’étais tenue droite. La colère avait effacé la honte.

J’avais commencé, à partir de cette soirée et plus encore après la première trahison de ma Gouvernante, à comprendre que je devais porter, métaphoriquement, un masque.

La trahison de cette chienne pendant l’offensive ratée contre les Garzocks n’aida en rien mes relations avec les Duchés voisins ou les soldats en faction. Je n’étais conviée à aucune soirée et on continuait de m’éviter au Domaine.
Après l’épisode de la tempête dans mes appartements, je n’avais cessé de ressasser les évènements s’étant déroulés depuis mon arrivée et je pris conscience de deux faits importants : Le premier était que j’avais indubitablement commencé ma vie ici du mauvais pied. Le second était que je ne pouvais plus réparer, je devais donc m’imposer, comme au dîner.



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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Dim 19 Mai 2013 19:44 
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Ce masque m’a délivrée et je ne serais probablement jamais devenue celle que je suis maintenant sans lui. La magie, aussi, m’a forgée. Ma faculté à manier les fluides s’est déclarée très tôt mais la magie n’est devenue importante qu’après mon arrivée au Domaine.

J’ai déjà évoqué la tempête de neige dans mes appartements. Cet éclat de colère, qui déchaîna mes fluides et me laissa inconsciente pendant près de trois jours, marqua sans conteste ma nouvelle personnalité. Si j’avais su ça alors que j’habitais encore chez mes parents… ma vie en aurait été bien différente.
À l’époque, je n’avais jamais essayé de pousser mes capacités. Givrer ce que je touchais me suffisait amplement et je n’imaginais pas pouvoir faire plus. Je n’en avais même pas l’envie. J’étais habituée à ma condition, je la savais dure mais je m’y étais résignée. Je me demande ce qu’il serait advenu de ma famille si j’avais découvert la pleine puissance de la magie en ce temps –là.
Toujours est-il qu’après cette révélation au Domaine, je me décidai à explorer un peu plus mes capacités. La bibliothèque fut mon premier réflexe – j’ai beaucoup appris par les livres, à défaut de parler aux autres – et je fus surprise de constater que peu d’ouvrages étaient consacrés à la magie, au combat ou à quoique ce soit d’utile dans mes recherches.
La seconde étape fut de trouver par moi-même ce qui s’était accompli. Cloitrée dans mes appartements, je m’entrainais quotidiennement à manier mes fluides et à pousser la puissance de leur libération. Je n’ouvrai à personne, sauf parfois au Bossu, et j’avais conscience du temps écoulé qu’aux passages des boniches m’apportant et goûtant mon repas. Elles paraissaient souvent affolées de ce qu’elles voyaient en pénétrant dans ma pièce principale si bien que, bien vite, je leur demandais de m’attendre dans le boudoir.
Il faut admettre que le spectacle était déroutant : une couche de glace recouvrait le tapis central, les fleurs disposées ça-et-là étaient gelées, tous les miroirs étaient brouillés par le givre…

Le sort me permettant de glacer ce que je touche s’est spontanément révélé par un contact de la main, mais il s’avère qu’il est en fait réalisable d’à peu près n’importe quelle surface de mon corps. J’ai fait cette découverte dès les premiers jours avec des petits exercices simples que vous pourriez reproduire si vous souhaitez contrôler au mieux vos fluides et votre puissance.
Il faut focaliser ses fluides dans un doigt, puis deux, puis trois… faire passer l’énergie d’un doigt à l’autre, puis dans toute la main. Essayer avec l’autre main, puis les deux, pousser la libération des fluides sur une plus large surface, quitte à perdre de la puissance. Ce sont des exercices d’endurance aussi, libérer ses fluides à petite pression, le plus longtemps possible. Ou, à l’inverse, provoquer une explosion d’énergie.
Je ne sais pas exactement combien de temps cela me prit, peut-être une semaine, peut-être plus mais, après cet entraînement intensif j’étais capable de simplement rafraichir ou de briser de froid n’importe quel objet en le touchant avec mes mains, mes pieds, mes lèvres...

J’étais fascinée. C’était la première fois qu’une personne avait de l’admiration pour moi… Et j’étais cette personne. J’en voulais plus, toujours plus… mais ces exercices épuisent considérablement et je dus faire une pause.

Le Bossu en profita pour me rendre visite. Il était accompagné de larbins paniqués qui tentaient de nettoyer et surtout de réparer les dégâts. J’étais affalée dans mon lit tandis que tous s’affairaient, me jetant régulièrement des regards inquiets ; non pour ma santé mais pour la leur. Le Bossu me rejoignit et m’indiqua simplement que je devais sortir, que je devais m’accorder du temps et qu’après je me sentirais d’attaque.
Sa façon de le dire m’avait troublée. Il m’avait regardée droit dans les yeux, avec une insistance qui n’accordait aucun refus. Si bien que je le suivis dans la cour où je ne manquai pas de remarquer les regards assassins des larbins et soldats présents.

« Regardez-les ! Ils m’égorgeraient s’ils le pouvaient. Mais ils ne le peuvent pas parce que Mônsieur et Mâdame Indartsua en seraient informés… Tsss ! »

Il me tira vers la porte noire avant de me répondre que je ne pouvais pas continuer à faire ça dans mes appartements, que ça attirait les regards et que nous n’aimions pas ça. Il m’indiqua alors les granges, situées à l’arrière de l’enceinte. Elles seraient désormais mon nouveau terrain d’expérience. Je le suivis vers l’une d’elles qui contenait l’outillage d’agriculture et d’entretien. Des pelles, fourches, faux et faucilles, des seaux, échelles, truelles, des roues… Un fourre-tout qui serait mon nouveau cocon.

Par la suite, je m’enfermais dans cette grange chaque après-midi, le Bossu venait m’observer parfois mais, la plupart du temps, il me laissait seule.

Ma volonté était ferme, je devais savoir refaire le sort de neige. Manier les fluides ne me posant plus trop de soucis, je cherchai à comprendre comment ils se libéraient.
Assise sur un tabouret-escabeau je plaçais mes mains l’une en face de l’autre et les montais face à mon visage. Je déployais alors mon énergie et tentais de la surprendre alors qu’elle se faisait matière. L’air se brouillait, se contractait et se dilatait en même temps. Une lueur bleue, presque blanche, émanait puis se diffusait avant de disparaître. La magie est belle… Elle me rendait belle. Elle m’offrait ce que j’avais toujours désiré mais que je pensais réservé aux personnes attirantes : être puissante, respectée et sûre de moi.

Confiante, je me décidai enfin à décharger mes fluides, à les propager autour de moi pour les matérialiser en neige. Mais rien n’apparaissait, pas même un petit flocon, ou encore un glaçon. Je ne comprenais pas encore le processus me permettant de créer cette tempête de neige. Il m’a fallu passer par d’autres étapes qui, à l’époque, m’ont laissé un sentiment d’amertume, d’échec ou de frustration. Je passais constamment de la fierté à la désillusion pour rebondir sur la conviction de pouvoir faire plus.

À m’envelopper ainsi de mes fluides je ne créais pas un tourbillon neigeux mais une atmosphère glaciale, et ce n’est que lorsque le Bossu vint me rendre visite que j’en pris conscience. C’est une question qu’on me pose souvent, d’ailleurs, si je ressens le froid. La réponse est oui. Mais lors d’un sort comme celui-ci, mon corps est comme protégé du gel ambiant, probablement par cette zone de turbulence que j’avais pu observer peu de temps avant.
Mais revenons à la visite du Bossu. Il était à peine entré que je le vis ouvrir pleinement les portes de la grange. Intriguée, tant par le bruit que par l’action, j’arrêtai de m’entraîner et le fixai avec mépris. Quand je repense à ce que je lui ai dit, je réalise à quel point j’étais dans un autre univers.

« Je n’ai pas particulièrement chaud, vous pouvez refermer. »

Il resta silencieux et, tout en me fixant, il se dirigea derrière moi. Ce que je vis alors me laissa pantoise. Les faucilles et autres petits ustensiles pendus au mur étaient gelés. Le fer était devenu blanc, marbré par la rouille. Le Bossu se tordit alors pour se saisir d’un outil et le laissa choir à ses pieds. Quelle ne fut ma surprise de constater que la lame s’était brisée !

J’étais enchantée. J’avais accompli quelque chose. J’avais réussi…certes pas à refaire mon sort de neige, mais j’avais tout de même eu de l’emprise sur mon environnement.
Tandis que je comprenais ce qu’il venait de se passer et que je m’enthousiasmais intérieurement, le Bossu vint m’apporter quelques courriers et ordres de mobilisations qui me ramenèrent vite à mon quotidien : l’Intendance.



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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
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L’intendance, à mes débuts, était une tâche que je trouvais lassante, voire ingrate. Consulter des listes d’achats, d’utilisation, de revente, de transfert… il faut admettre qu’il y a plus palpitant – surtout quand on considère obtenir de la puissance uniquement par la magie.
Mais cette charge d’intendance m’a, sans aucun doute, offert la plus grande reconnaissance de la part de mes semblables. Si les débuts se sont montrés chaotiques à cause de cette garce de gouvernante, j’ai su, par la suite, montrer mes compétences.

Une journée ordinaire au Domaine se déroulait ainsi : Réveil au lever du soleil, repas sitôt je descendais dans la salle principale, visite du domaine, suivi des affaires d’intendance, repas, entraînement à la magie dans ma grange, repas et coucher. Des journées chargées et réglées comme sur du papier à musique.
Je dirigeais mes affaires depuis la bibliothèque où étaient entreposés la majorité des archives d’intendance. Si, à mes débuts, je signais les bons sans véritablement les lire, je me décidai, sur les conseils du Bossu, à me pencher un peu plus attentivement aux informations qui circulaient sous mes yeux.

La majorité de nos produits provenaient du Duché. Les paysans du coin reversaient une partie non négligeable de leurs récoltes et nous assurions leur protection… du moins, autant que nous le pouvions.
Il arrivait fréquemment que nos convois soient attaqués par des escouades Garzoks… Bien qu’ils empruntaient des routes différentes afin d’éviter les embuscades.
Je convoquai alors la gouvernante, lui demandant de me justifier ces pertes, tant matérielles qu’humaines. La dangerosité de la région et le gaspillage étaient, d’après elle, les seules raisons possibles.

Cette peste avait beau me détester, je la pensais compétente… aussi, je me décidai à imposer une austérité nouvelle au sein du Domaine. De plus, chaque sortie de troupes devait s’accompagner d’un compte-rendu détaillé sur les mouvements ennemis observés.
Les restrictions imposées me firent passer pour la pire des garces. Les soldats étaient crevés, les escouades se faisaient encore souvent attaquer, notamment dès qu’elles patrouillaient un peu plus en altitude.
La Gouvernante était toujours en charge du ravitaillement des troupes, je ne faisais que superviser ses actions. Ma tâche principale concernait nos rapports avec les Duchés ; je savais que je ne pouvais tenir au front qu’avec le soutien de ce qu’on pourrait appeler l’arrière-front. Un autre point concernait l’amélioration de nos échanges avec la République d’Ynorie, essentiellement pour assurer une meilleure défense des frontières. Le Bossu, d’ailleurs, m’avait encouragée dans cette voie.

J’avais proposé au Conseil de la République, afin d’améliorer nos techniques de défense, d’envoyer une de leurs troupes au sein de mon Domaine, de manière à échanger les techniques de combat et de pistage.
Mes lettres reçurent d’abord un accueil poli mais glacial. L’invitation fut déclinée et je décidai d’envoyer une escouade à Oranan, toujours dans ce but de cohésion et d’entraide. Huit soldats volontaires partirent donc vers la cité ynorienne, ils apportaient avec eux une arme finement forgée à Luminion. Je voulais montrer le respect que j’avais pour cette ville de garnison.

La Gouvernante avait essayé de m’en dissuader, rappelant à quel point les ynoriens étaient fiers et fermés. Elle me prévint également des dangers d’un tel voyage et estima que les retombées ne méritaient pas l’effort fourni. Je restai sur ma position et envoya donc la troupe à destination d’Oranan.
Dix jours plus tard, j’apprenais, par courrier de la République, que les huit soldats furent retrouvés par une patrouille de la milice d’Oranan, éviscérés et dépouillés… et la garce ne trouva rien de mieux que de me sortir un : « Je vous l’avais dit. Vous devriez m’écouter, je sais de quoi je parle. »



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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Mer 29 Mai 2013 18:25 
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À chacune de mes décisions succédait un échec. Je finissais par croire que j’aurais mieux fait de laisser la Gouvernante gérer le Domaine.
Ma réputation allait de mal en pis, si cela eût été encore possible. Je me retrouvais isolée, encore une fois, et c’est la magie qui me servit de sanctuaire.

Je voulais, encore et toujours, reproduire la tempête de neige… mais je ne parvenais qu’à refroidir l’atmosphère autour de moi. J’avais beau maîtriser la libération de mes fluides, je ne comprenais pas comment les « projeter ».
J’axais donc mes séances sur ce point. Je voulais, je devais même, pouvoir recréer cette aura loin de moi. Je ne faisais jamais l’impasse sur mes exercices de maniement des fluides et j’ajoutais en plus quelques moments de méditation… ou plutôt de visualisation.

La magie est quelque chose de très éthéré… mais, paradoxalement, de tout aussi tangible. Si la volonté est présente alors vous serez capable des plus belles progressions. Dans le cas de cet apprentissage, je devais « simplement » reproduire la même utilisation de mes fluides tout en les matérialisant à une distance raisonnable de moi.
J’utilisais une astuce simple pour voir l’ampleur de mon sort : Un verre d’eau. Si un léger voile se formait sur le verre… voire, mieux, si l’eau se mettait à givrer légèrement, alors je réussissais mes exercices.
La première étape fut, comme lors de mes multiples entraînements, de pousser l’ampleur de mon sort. Je devais envahir le plus large espace possible même si je devais pour cela sacrifier de la puissance. Je parvenais sans trop de soucis à mener à bien cet exercice.
La seconde étape consistait à geler l’eau du verre, en m’éloignant de plus en plus. Le fait de se concentrer sur un point aide grandement pour canaliser son énergie. Si, lorsque le verre était proche de moi, j’avais tendance au début à reproduire encore et toujours le même sort, je parvins enfin, après peut-être trois ou quatre jours, à refroidir puis à geler le contenu.
La dernière étape, enfin, fut de maîtriser la puissance et la rapidité avec laquelle j’accomplissais cet exercice.

Une fois de plus, la magie m’apportait le seul cadre dans lequel j’excellais… ou, en tout cas, j’en avais l’impression. Elle me réconfortait et m’insufflait confiance et détermination.
J’espérais pouvoir accompagner une escouade prochainement… Même si le Bossu doutait du fait que ce fusse une bonne idée.



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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Jeu 3 Juil 2014 00:07 
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Trois mois s'étaient écoulés entre mon arrivée et l'obtention de mon masque. Le bilan était sombre : au domaine, seul le Bossu me supportait, dans tous les sens du terme. Cette connasse de gouvernante continuait d'entretenir la haine plus ou moins affichée du personnel à mon encontre… sans oublier celle des soldats.
Quand j'y repense, je me demande comment ou pourquoi je n'ai pas été tuée par l'un de ces chiens.

Quoi qu'ils aient essayé une fois. Pas deux. Vous vous souvenez ? Je faisais goûter ma nourriture par les boniches, devant moi, parce que je me doutais qu'ils essaieraient un jour ou l'autre. Du coup, cette option leur était bloquée. De même, il leur aurait été impossible de me planter durant mon sommeil. J'avais pris pour habitude de m'enfermer et ce, depuis mes premiers éclats de colère magique. Alors, ils ont dû essayer plus directement.
Je ne me souviens plus à quel moment précis l'évènement se produisit, mais c'était après l'obtention du masque. Maintenant que j'y repense, je suis sûre que c'est une des étapes ayant entraîné mon état actuel.

J'étais en plein entraînement, travaillant encore et toujours pour recréer cette tempête. Ma grange était marquée par mes tentatives nombreuses et infructueuses. J'étais en général tellement concentrée sur mes expériences et exercices que mon environnement m'échappait complètement. Le Bossu avait d'ailleurs pris l'habitude de patienter un long moment avant que je ne réalise sa présence.
Enfin bref, je ne sais pas bien comment ce soldat, ce bleu, s'est retrouvé désigné, mais, un beau jour, il pénétra dans mon antre avec précaution et discrétion jusqu'à se faufiler dans mon dos.
Je jouais avec mes fluides, les faisant passer à travers mon corps, meilleure technique à mon sens pour en contrôler la puissance, quand il m'enfonça sa lame dans le bas du dos, juste au-dessus de mon rein droit ; qu'il avait probablement manqué par manque d'assurance.
Pour le coup, je fus rapidement ramenée hors de mon monde de fluides. La douleur s'avéra intense, fulgurante. Je n'ai pas réalisé, de suite, ce qu'il venait de se produire. Le gars, lui était resté figé, comme étonné d'avoir accompli cet acte, ne sachant pas quoi faire ensuite. Il tenait toujours la garde et, sitôt je tournai la tête vers lui, je ressentis, au plus profond de mon être, son tressaillement. Le supplice se fit plus intense encore et la colère monta du fond de mes entrailles. Elle se répandit en un hurlement de rage et de souffrance tandis que le sang se propageait sur ma robe. Le fer s'enfonça un peu plus. Je ne pensais même pas qu'il fût possible d'enfoncer une lame aussi facilement dans un corps.
Je ne me souviens plus exactement de ce qu'il se produisit ensuite, mais je me rappelle avoir été prise d'une fureur si vive et immodérée que mes fluides se déversèrent sur lui. Je lui avais saisi le poignet, qui se disloqua presque aussitôt. C'était à son tour d'hurler. La glace se mêlait à l'hémoglobine, elle se propageait aussi bien le long de son épée que sur son bras. Le froid m'envahissait et je crus mourir à cet instant.
Forcément, sans poignet ni main, difficile de tenir son arme. Le pauvre gars était totalement paniqué par ce qu'il lui arrivait. Son bras entier virait au bleu noirâtre et sa chair commençait à se désagréger. Le froid de l'épée semblait cautériser ma plaie, ou engourdir la douleur… ou alors était-ce le fait de le voir ainsi souffrir, mais je me sentais revigorée. Assez, en tout cas, pour l'achever, les deux mains posées sur sa poitrine, déversant mes dernières forces magiques pour lui briser littéralement le cœur.

Comme après la tempête, c'est dans mon lit, et avec le Bossu non loin de moi, que je repris connaissance.
Il n'était pas le seul à veiller sur moi. Il y avait aussi un humain, assez âgé puisqu'il avait une barbe et des cheveux grisonnants, sans être pour autant grabataire. Il prenait soin de moi, dans le sens premier du terme. Il m'appliquait les onguents, changeait mes bandages, me lavait… C'était bien la première fois qu'un homme me traitait ainsi. Je sais bien qu'il ne faisait que son métier, mais cela me fit un bien fou. Comme une prise d'oxygène avant de sombrer définitivement.
Ce que ce guérisseur faisait au Domaine ? Eh bien, vous allez peut-être en rire ou vous en offusquer, mais les conflits internes à la propriété avaient été éventés et cet homme faisait partie du contingent de l'armée kendraine envoyé pour enquêter sur les tenants et aboutissants de cette affaire. La bonne tenue des troupes situées aux frontières est une nécessité à la sécurité du royaume ; surtout pour les limites nord.
Cette tentative de meurtre me fut finalement bénéfique. En effet, l'enquête conclut que notre position reculée et recluse ainsi que le long temps de présence des soldats les avaient conduits à être réticents à toute perturbation de leurs habitudes. Ainsi, ma venue leur semblait être, certes, l'élément déclencheur de l'ambiance désastreuse, mais je n'en étais pourtant, aux yeux des enquêteurs, coupable en rien.
L'unité fut transférée plus au sud et une nouvelle troupe vint la remplacer.
L'occasion était parfaite pour imposer ma vision des choses, sur mon domaine.



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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Jeu 3 Juil 2014 00:10 
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Mon rétablissement se prolongea pendant six semaines, ce qui ne m'empêcha absolument pas d'accueillir les nouvelles troupes assignées à la garnison de Luminion.
Je suivis leur prise de poste depuis ma chambre, les observant tandis que les deux contingents s'échangeaient quelques paroles. Je bouillonnais, je ne savais pas ce qu'ils étaient en train de se dire, mais je craignais que l'ancienne équipe déverse son fiel à mon encontre, me rendant la tâche difficile avec la nouvelle.
Je ne descendis pas pour les recevoir moi-même. Je les laissais prendre leurs quartiers et ne vins les voir que le lendemain. Je m'étais montrée froide, sans mauvais jeu de mots, et avais établi les règles. Je m'en souviens comme si c'était hier.

"Je ne suis pas ici comme simple hôtesse mettant à votre disposition gîte et couvert. Je tiens à garder un œil sur vos entraînements, vos missions, votre dévouement au royaume, votre efficacité…
Mes boniches ne sont pas vôtres. Quiconque ira se fourrer en elles se retrouvera émasculé par la glace"


Je me rappelle avoir pris deux noix en main pour les geler et les briser ensuite d'une simple pichenette.

"La grange située juste derrière le corps principal de bâtiment vous est formellement interdite. Tout le reste du Domaine, par contre, est libre d'accès.
Je vous laisse deux semaines pour vous acclimater et faire une reconnaissance des territoires environnants. Passé ce délai, je vous confierai les premiers ordres de missions.
J'espère m'être fait comprendre. Vous pouvez disposer."


Ils avaient salué et s'étaient dispersés.

J'appris bien plus tard que mon intervention les avait laissé pantois, ne sachant pas vraiment comment réagir face à une femme se plaçant en chef des armées, surtout qu'on leur avait dit de se méfier de moi.

J'avais retiré à la Gouvernante toute ses fonctions liées à l'armée, lui rendant, en contrepartie et en marque de ma bonne volonté, les échanges commerciaux avec les Duchés et l'entretien du domaine. Si seulement j'avais su ce qu'elle faisait et était à cette époque, je l'aurais limogée avec les troupes.
Pourquoi avoir fait cela ? Tout simplement parce qu'avoir les soldats sous contrôle m'apparaissait comme essentiel. De plus, cette chienne avait su prouver qu'elle maîtrisait les liens géopolitiques. Ce qui ne m'empêchait pas de garder un œil sur ses actions et sur les missives que nous recevions. Tant pour la surveiller que pour m'instruire.

Pendant leurs deux semaines d'acclimatation, je les observais, et les faisais observer par le Bossu. Ce dernier a le même avantage que moi : Il est laid, on ne le remarque pratiquement pas, on ne s'attarde pas sur lui et il peut ainsi flâner à son gré. J'appris bien vite à distinguer les fortes têtes, les psychorigides, les loyaux, les acharnés, les discrets, les fainéants et je constituai , mentalement, des strates de confiance en chacun d'eux.
Peu à peu, je me décidais sur l'attitude à tenir envers eux. Je voulais faire partie du groupe. Être acceptée. Que mes capacités soient reconnues à leur juste valeur. Que je sois enfin considérée comme utile, mieux même, comme importante.
Je commençai, tout d'abord, par assister aux entraînements. Enfin, n'allez pas croire que je participais au même titre qu'eux aux entraînements. J'étais présente et je m'entraînais, à ma façon, utilisant ma magie, encore et toujours. Ce sort de tempête de neige me faisait toujours autant envie, probablement parce qu'il me mettait en échec. Mais, tout ce que je parvenais à faire, c'était d'engourdir les soldats qui m'environnaient. Si, au début, ils appréciaient peu de se faire ainsi contrôler par la magie, leur capitaine décida d'en faire son parti, et incita ses soldats à être d'autant plus vigoureux et résistants.

"Dans les montagnes, le froid ne vous fera aucun cadeau. Apprenez à le supporter ! Apprenez à le combattre, ou à l'apprivoiser ! Vous n'êtes pas des faibles, résistez et combattez !"

Si bien que je dus, bientôt, reproduire ce sort à chaque entraînement… parfois, cela tournait mal. La fatigue, ou le manque de concentration, mais certains hommes durent rester de longues périodes en convalescence. Cela m'apprit, sans aucun doute, à maîtriser plus encore la puissance de mes fluides. Finalement, je suis persuadée que cela a bien servi à ma progression, en plus de les rendre plus agiles.
Ces séances m'épuisaient autant qu'eux, au point d'en avoir des vertiges, ou du sang qui coulait de mon nez. Oui, cela semble peu… Mais c'est parce que vous ne réalisez probablement pas l'effet que cela produisait également à travers mon corps. Les fluides qui m'habitaient étaient… Je ne dirais pas perturbés… Ils étaient sans arrêt en mouvement. Ils me consumaient. Je me sentais me vider, reprendre des forces, les ressentir à nouveau, avec l'envie dévorante d'en profiter, pour me sentir à nouveau totalement affaiblie.
En plus d'en maîtriser la puissance, je devinais que ma magie n'était pas un don inépuisable et qu'au même titre que les soldats ne pouvaient combattre pendant des heures, j'étais incapable de dominer mon pouvoir indéfiniment. Cette révélation me mina pendant une longue période. À nouveau, je me voyais comme insignifiante, incapable, inutile, faible… Comme ces parasites, que l'on déteste, qui nous répugnent, que l'on peut écraser sans même s'en rendre compte, voire que l'on écrase volontairement, parce que cela nous fait du bien, nous soulage.

Je fus surprise lorsqu'un soldat vint frapper à ma porte, me demandant la raison de mon absence prolongée, s'enquérant même de ma santé. À vrai dire, je crus même qu'il se moquait purement et simplement de moi, comme ce connard, alors que j'étais gamine… Je l'ai envoyé paître. Un voile de terreur et d'incompréhension recouvrit ses yeux et il recula de deux pas, avant de s'excuser puis d'insister à nouveau, quoiqu'un peu hésitant.
Le Bossu, présent comme à son habitude, nous rejoignit et lui indiqua d'un simple mouvement de se taire et d'attendre sur le côté. Puis, il se retourna vers moi, le regard inquisiteur.

Plus que de croire aux paroles du soldat, il était nécessaire que je me conduise de manière plus… sociable, voire hypocrite. Les conseils de mon fidèle compagnon ont toujours été de bon aloi, aussi, je revins vers le pseudo-persécuteur et lui indiqua que j'étais actuellement débordée par mon travail d'intendante. Je ne pus m'empêcher de lui signaler que je n'avais pas qu'à gigoter sur un terrain d'entraînement comme occupation. Je conclus finalement par lui annoncer ma présence pour une patrouille prochaine.



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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Jeu 3 Juil 2014 00:11 
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La composition classique d'une escouade, du moins dans cette caserne, est de douze hommes repartis ainsi : quatre archers, deux lanciers et six fantassins. La cavalerie s'ajoute en sus de cette troupe, mais cela est plutôt rare pour les patrouilles basiques. Il n'y avait, à l'époque, aucun mage dans l'armée stationnée à Luminion aussi, lorsque le lieutenant en charge des patrouille fut averti de ma décision, il refusa de remanier l'équipe et je dus m'ajouter à la douzaine.
Si j'avais su me faire respecter dès leur arrivée en qualité d'Intendante, il n'en était clairement pas de même au niveau militaire. Certes, je m'étais montrée utile aux entraînements, mais de là à intégrer et gérer en patrouille, dans une région troublée par la présence de troupe garzoks, au service d'Oaxaca, il y avait un monde… et, pour le sergent, ce monde n'était pas le mien.
Ce qu'il avait pu jurer à l'annonce de ma présence future ! Pestant contre ces civils, et plus particulièrement les petits nobliaux rêvant d'aventures et de sensations fortes. Par Yuia, j'aurais tant aimé lui geler la langue ! Mais le Bossu m'en dissuada, il me conseilla même, pour faciliter mon intégration, de me plier entièrement à son autorité, de suivre ses conseils et d'apprendre ainsi le maximum, tout en flattant l'égo du gaillard.
Cela m'en avait coûté, mais, après coup, je ne le regrette vraiment pas. Je vous avoue que les premiers temps furent particulièrement difficiles. Je ne sais pas si c'est parce que je répugnais à reprendre une place de sous-fifre, ou si c'est lié à son acharnement pour me faire renoncer à ma folle entreprise. Peut-être bien un cumul des deux.
Toujours est-il que ma première expédition fut aussi plaisante qu'une marche sur des charbons ardents et le Bossu eut beau me répéter que mes efforts n'avaient pas été vains, sur le moment je n'y ai pas cru une seconde.
Le départ était prévu au petit matin, j'eus bien du mal à m'endormir, cette nuit-là. Un orage faisait trembler mes fenêtres, et probablement les montagnes elles-mêmes. Mon cœur s'emballait au fil des péripéties que je m'inventais. J'étais retombée en enfance, me construisant un univers imaginaire, dans lequel j'étais laide mais intelligente, douée, puissante et, finalement, je sombrai dans un monde onirique à quelques courtes heures du départ. Aussi, lorsque le Bossu vint m'aider à me préparer, apportant tout le matériel dont j'avais besoin et auquel je n'avais, bien évidemment, pas pensé, c'est encore somnolente que je m'apprêtai. J'étais équipée d'une tenue en cuir, fonctionnelle mais vraiment pas seyante, me protégeant le torse et les bras par-dessus laquelle j'avais enfilé une robe large et un manteau à capuchon, à cela s'ajoutait mon masque, bien évidemment. Il avait également prévu une ceinture sur laquelle était accrochée une gourde et un petit couteau. Enfin, pour parfaire cet équipement de fortune, un sac avec une lettre de mes parents attestant de mon rang et un coffret en bois contenant un pain elfique.
Je n'ai réalisé l'ampleur de ce qui m'attendait qu'en enfilant cet équipement. Jusqu'alors, j'étais un peu comme l'annonçait le lieutenant… Une ignorante qui pensait simplement se promener sur son domaine. Après coup, je pense que même à cet instant, je n'avais pas pleinement conscience de qui m'attendait.

Ils étaient déjà tous dans la cour, vérifiant leur matériel bien plus élaboré que le mien. Les fantassins étaient dotés d'une armure entièrement en métal, tandis que les autres portaient des tenues en cuir agrémentées de plaques en fer.
Lorsque je sortis du bâtiment, les visages se tournèrent dans ma direction et le silence se fit. Seul le tintement métallique des armes et armures résonnait dans la cour. Les lanciers tenaient de grandes torches qui ajoutaient à cette scène un aspect aussi solennel que lugubre.
Une nouvelle fois, je me sentis mal à l'aise d'être ainsi observée, analysée, jugée. Je savais que le lieutenant appréciait peu ma présence et je craignais qu'il en fût de même pour l'ensemble de la garnison.
La démarche gauchie par l'équipement et le poids des regards, je me décidai à les rejoindre.
Le lieutenant me salua militairement et ordonna à la troupe de se mettre en place. Je ne savais pas où me mettre et restai plantée sur le côté. Il m'hurla de rentrer dans le rang et je m'insérai au milieu des fantassins comme je pus. Il grommela et annonça le départ.

Ce qui m'a le plus marquée est sans aucun doute le silence. Les paroles échangées n'étaient qu'utilitaires ; aucun verbiage. Seuls le son des pas, le crépitement des torches et le battement des armes et armures rythmaient notre avancée.
Je vous avoue que ce n'était pas pour me déplaire. Je n'ai jamais été une grande bavarde et, malgré mes efforts pour apparaître sûre de moi, j'étais nerveuse. Je m'étais engagée dans l'inconnu et je savais pertinemment que je ne jouais qu'un rôle, auquel il m'arrivait de croire, parfois.
Notre patrouille devait longer la frontière d'est en ouest afin d'assurer le contrôle de la zone. Cette excursion devait nous prendre entre trois et quatre jours, selon les rencontres faites. Le circuit était bien rodé et chaque nuit se passait dans des refuges au confort inexistant mais à la protection certaine.
D'ailleurs, il ne me semble pas vous l'avoir indiqué, tandis que je vous expliquais brièvement mes fonctions au sein du domaine, mais j'ai également l'entretien de ces abris à ma charge. Cette mission était donc l'occasion de m'intégrer, voire de me faire respecter, mais aussi de visiter et constater l'aménagement et l'organisation de ces lieux.

Enfin bref, revenons-en à cette expédition…
Le départ s'est donc fait alors que le ciel étoilé nous couvrait. Mes pas étaient hésitants, malgré le halo lumineux accordé par les torches. Nous nous déplacions en une colonne formée de quatre rangs de trois soldats ; les lanciers étant au milieu de la première et de la dernière lignes. Pour l'occasion, je m'étais insérée dans la troisième rangée, provoquant un déséquilibre dans cette organisation bien huilée.
J'ai eu, sur cette première journée, beaucoup de mal à tenir la cadence. D'abord parce que la pénombre me rendait hésitante, ensuite à cause de la fatigue qui me terrassa bien vite ; le manque d'entraînement ne devait pas y être étranger. Le lieutenant, sans me regarder, insistait régulièrement sur la nécessité de maintenir le pas. Ceux à quoi je maugréai… et il enchaînait en rappelant qu'il n'est pas bon de parler quand on veut garder son souffle.
J'en avais marre et je sentais mes fluides s'agiter à chaque remarque, mais j'avais promis au Bossu de me contenir. Aussi, pour calmer les douleurs et soulager le bouillonnement glacial qui m'habitait, je déplaçais mes fluides dans mes muscles endoloris, par petites touches, sans m'épuiser plus que je ne l'étais déjà.
Le résultat n'était pas probant, mais il avait le mérite de m'occuper l'esprit et d'ainsi oublier les élancements.



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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Lun 16 Fév 2015 22:18 
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Notre entrée au Domaine ne s'est pas faite en grandes pompes. Nous ne souhaitions qu'une chose, rejoindre nos quartiers et reprendre le cours de nos vies. Le lieutenant savait qu'il lui faudrait prévenir les familles des soldats manquants et, clairement, cette partie de ses responsabilités l'enchantait peu. Quant à moi, je reprenais mon rôle d'Intendante et me devais d'alerter l'armée kendraine et, d'une façon plus spécifique, les Montagnois. J'avais demandé à la Gouvernante de préparer les courriers et lui avais fait un rapport complet de notre expédition, ajoutant les révélations des garzoks.
Concernant ces derniers, nous les avions installés dans ma grange, enchaînés à ce qui devait être une borne de grès, probablement utilisée pour attacher les chevaux. Leur passage dans la cour avait fait grand bruit et les rumeurs allaient bon train dans la propriété, mais également dans tout Luminion.
Les deux premiers jours, je ne savais pas bien quoi faire d'eux. Je n'avais pas vraiment repris mes entraînements, dès que je me retrouvais dans la grange, avec eux, je les regardais longuement, silencieusement, faisant crépiter ma magie pour la garder vivante, et peut-être aussi pour qu'ils gardent à l'esprit que je pouvais l'utiliser sur eux. Rapidement, la population environnante s'est mise à protester. Ils craignaient une expédition punitive des garzoks et cette connasse de Gouvernante rajoutait de l'huile sur le feu ; elle avait dévoilé notre suspicion concernant une personne au service d'Omyre présente dans la ville. La panique se répandait peu à peu et, rien que pour l'avoir provoquée, je rêvais d'appliquer tous les fabuleux conseils du lieutenant sur cette garce.
Pour calmer cette panique, j'ai décidé, sur les conseils du Lieutenant, d'offrir le défiguré à la vindicte populaire. Une lapidation en bonne et due forme. Que c'est long de trouver assez de bonnes pierres ! Et nous sommes, pourtant, dans les montagnes. Mais, au final, ce fut assez rapide et efficace une fois la première pierre lancée.

Il m'en restait un, le bavard. Pour maintenir une certaine pression sur lui, j'ai demandé à ce qu'on place le cadavre de l'autre non loin du survivant. Malheureusement, je n'avais pas prévu une conséquence élémentaire : l'odeur est vite devenue insupportable, au point de faire jaser au sein du Domaine. J'ai alors eu la brillante idée de le geler. Enfin, non. Dit comme ça, c'est vraiment sommaire. Disons plutôt que j'y ai déversé mes fluides et que le corps s'est maintenu dans un état de décomposition avancé, certes, mais sans progresser… pendant une bonne semaine. Pour être honnête, quand je l'ai fait, je n'étais pas bien sûre du résultat, ni sur le cadavre, ni sur son compagnon. Mais ça a pas mal fonctionné et j'ai réussi à soutirer d'autres informations.
Tout d'abord, le bavard n'a pas cessé de me dire qu'il n'était pas en sécurité au Domaine et il m'assurait qu'il ne parlait pas que de moi ou des soldats… Mais il était bien incapable de me désigner une personne. Ensuite, il m'a affirmé que plusieurs escouades avaient été envoyées pour décimer certaines de nos patrouilles… tout en en laissant d'autres passer, intentionnellement. Enfin, il savait que ma venue avait contrecarré certains plans, mais qu'il n'en savait pas plus, qu'il en avait juste entendu parler par-ci par-là.
Tout ça m'aidait sans véritablement le faire, j'avais l'impression d'avoir un sac de nœuds inextricables sous la main et ce garzok n'était plus d'aucune utilité. J'ai émis l'idée, auprès du Lieutenant, de le tuer. Mais il m'a proposé de le renvoyer chez lui, il m'assurait que ses souffrances n'en seraient que pires et je dois admettre que, s'il n'était pas arrivé bien après les attaques et vols sur nos convois, j'aurais pu l'imaginer être le traitre.

L'idée était bonne mais j'en avais une autre à accomplir avant. J'ai chargé le prisonnier de creuser un immense trou au fond de la grange. c'était assez amusant, les premiers jours, lorsqu'il s'imaginait ce que j'allais en faire. Ce qui revenait le plus souvent : l'enterrer vivant avec son pote le cadavre. Une fois son travail accompli, et cela a bien pris une quinzaine de jours, je l'ai intégré à la première patrouille qui partait longer le territoire d'Omyre. Une fois relâché, il était libre de fuir et de se cacher ou de rejoindre les siens. Il avait juste interdiction formelle de revenir sur nos terres. Je n'ai plus jamais entendu parler de lui.

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 Sujet du message: Re: Bâtisse Indartsua
MessagePosté: Mer 10 Juin 2015 19:32 
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J'étais donc de retour, et pour une période d'au moins trois mois, au Domaine, dans mon rôle d'intendante.
Le quotidien se déroulait sans trop d'accroches, tant au sein du Domaine que dans Luminion. L'hiver approchait et ma tâche constituait essentiellement à prévoir les stocks, la ville étant fréquemment bloquée par la neige. Ces trois mois furent donc utilisés à la taille des arbres, au rapatriement des ballots de paille et de foin venant du sud du Duché, on préparait les salaisons et fumaisons qui laisseraient bientôt en ville un fumet qu'on peut difficilement oublier.

Luminion voyait toujours des convois la traverser, par ce col plaçant la ville comme arrêt obligatoire. Ils y payaient une taxe, s'arrêtaient pour vendre et acheter et poursuivaient leur route vers Oranan ou Kendra Kâr.
Les soldats du Duché, parfois accompagnés de ceux du Royaume, continuaient leurs escortes sur la partie entre Luminion et la frontière avec Oranan, et il arrivait encore régulièrement qu'on m'annonce des attaques sur nos caravanes. Et, bien qu'elles aient eu lieu moins fréquemment qu'avant notre expédition, je m'interrogeais quant aux méthodes dont disposaient ces assaillants.
En effet, ces attaques étaient assurément ciblées, et donc renseignées. C'étaient principalement les convois de grande valeur monétaire ou militaire qui recevaient la visite de ces bandits et garzoks. Ceux avec de la nourriture ou des outillages communs passaient, majoritairement, sans coup férir.

Cette affaire m'intriguait, d'autant plus que le changement des troupes kendranes n'offrait plus l'accusation qui se dessinait à l'époque ; Les soldats précédents ne devaient pas être responsables puisque les attaques continuaient après leur départ. Il restait les soldats du Duché, mais je n'avais aucun moyen de les contrôler. Et, de toute façon, ces soldats n'étaient jamais informés du contenu de la caravane, prévoir les attaques en fonction du chargement leur était donc impossible.
J'avais envisagé, fut un temps, que ces attaques se faisaient en deux temps. D'abord une observation du convoi en début de parcours par une équipe transmettant les informations à une seconde, chargée de l'attaque à proprement parler, un peu loin, lorsque la route longe la frontière de l'Omyrhy. Pour vérifier cette théorie, j'avais requis une escouade chargée d'escorter une des caravanes en parcourant les environs de la route. Mais la démarche se révéla être infructueuse.

Ces attaques, en plus de provoquer la colère des marchands qui, même lorsque l'équipe militaire parvenait à sauver le convoi, perdaient tout ou partie de leur chargement, retardaient aussi nos préparations automnales.
L'un des conseillers du Duc venait régulièrement prendre nouvelle de l'évolution des réserves que nous engendrions et les comparait à celles accumulées dans ses centres.
Les convois uniquement sous responsabilité des soldats du Duché se faisaient également attaquer, mais à une fréquence bien moindre. Il nous fallut cependant plusieurs semaines, le temps de recueillir les informations, pour arriver à cette constatation… et à sa suite logique : une personne au sein du Domaine était impliquée.
Commença alors une recherche minutieuse et fastidieuse pour la démasquer. Bien évidemment, l'aversion que j'avais pour la Gouvernante me poussa dans sa direction… Peu à peu, je rassemblais les doutes et possibles preuves à son encontre, mais ma paranoïa devint vite dévorante et trompeuse.
Je me souvenais d'abord de ce fameux dîner, pendant lequel elle avait semé le trouble, puis de la semaine suivante où elle avait volontairement désobéi à mes ordres. Le soldat dans la grange était peut-être son initiative. J'en ai parlé au Lieutenant, avec qui j'apprenais les bases de l'organisation et de la stratégie, mais il mit tous ces évènements sur la seule jalousie de s'être fait voler, injustement, sa place.
Je ne savais pas trop quoi penser de tout cela et décidai de me reclure à nouveau, partageant mes journées entre mes entraînements à la magie, et parfois ceux des soldats, et la lecture des rapports.

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