La paix d'Amaryliel n'était point encore violée par la gloire de ceux qui mouvaient toutes choses, gloire qui pénétrait et resplendissait davantage en certains points, et moins ailleurs ; plus dans le cœur des pieux que dans celui des infâmes, mais plus dans celui des infâmes que dans celui des bêtes. Et dans ce sombre espace où la lumière avait donné son âme à Phaïtos, il fit, et vit des choses qu'il ne saurait ni ne pourrait redire s'il remontait à la surface. "Déjà" pouvait-on dire, eh oui, déjà car rien que le sinueux endroit était inexplicable : on ne croirait personne qui proclamerait avoir vu cela. Tant de coups imprévus l'accablaient à la fois, cependant rien ne lui ôtait la parole et n'étouffait sa voix ; car en approchant du désireux but, en touchant et foulant cette mystérieuse terre, son intellect alla si profondément que sa mémoire ne put l'y suivre.
Vraiment, l'impie royaume n'inspira confiance à personne mais cet univers fut véritablement trésor à l'esprit rompu de tous clichés ; morts et souffrants pouvaient y régner, le charme du labeur qu'inspirait la demeure eut insufflé mille pleurs à moult fragiles cœurs, et pourtant le mystère et l'angoisse augmentaient l'intérêt plus que conséquent de l'elfe aux lunettes d'argent. Il ne savait, notre jeune homme au visage plus blanc que les nuages, quel auguste présage allait s'emparer de lui ; même dans sa modeste foi, il n'oublia pas l'égoïste transport d'une volonté pleine d'honneurs qui le fit venir si proche du silencieux royaume neutre pour purifier ses horreurs, eh oui, en effet son dessein le plus fidèle en fut prit car pour icelui, ce qui fut noir se devait de devenir blanc pour le salut de son esprit et de son avenir complaisant. (Change de pensée ; pense que je suis auprès de ceux qui allègent tous les maux.) Aussi irréligieux qu'il pouvait être, il avait connaissance de ceux qu'on nommait Dieux ; quand le presque sindel se tourna vers le son intérieur de son réconfort, il vit alors de ses yeux saints choses qu'il renonça à dire ; non qu'il se défilât de sa parole, mais parce-que le sentiment ne pouvait être compris que par celui qui le connaissait déjà : on accusa à tort un discours innocent. Cependant, il l'avoua et le comprit en rougissant, saisi d'une émulation et d'un intellect fulminant qu'une bévue eût été commise et, de honte, cette faute fit que l'obscur flamboyant ne put soutenir la vue en direction du torkin qui l'eut trop entendu. Mais pour en revenir à la pensée de la bien gauche personne - et plus particulièrement à la mention des Dieux -, celle-ci avait foi en eux pour les autres, il soulevait le pédant principe qu'une fois épanoui à un certain stade, les Dieux devenaient une charge acide sur le dos de la brillante personne ; il fallait donc les honorer encor mais pour les remercier d'être là pour les autres. Mais passons. A sa énième révérence qu'il fit au nain, il ajouta jouant la douceur et l'amertume, mêlant pureté et grâce du langage dans une dévotion oratoire des plus promptes et fidèles à la lumineuse icône que fut le si aigre Amaryliel pour le petit trapu à la hache agile.
"Misérable que je suis, je cours à ma ruine infaillible. Moura, par toutes les mers les plus terribles, ne me lavera de mes si assassines paroles, et risque de me noyer. La rancœur vous frappe, je ne puis maintenant l'éviter. Je vous ai vexé ; et je sens que malgré mon offense vos sentiments à mon égard s'étaient troublés par avance. Mais à me condamner j'ai trop engagé. Jamais, en effet, je n'avais autant outragé. Justes Dieux qui voient la colère qui m’accable, ai-je pu aussi involontairement bafouer le respect et provoquer une ire inévitable ?"
Ce qu'il avait vu, c'était évidement la colère du puissant et bas morceau d'homme ; il fut fixé dans le for intérieur du très jeune immortel que le torkin devrait dorénavant être respecté avec autant de délicatesse que de raffinement, de peur qu'il ne devînt un farouche ennemi qu'on ne pourrait dompter. Il se devait de tenter de l'amadouer et même de le caresser dans le sens où son poil le voudrait. Peut-être que le petit bout de taurion pouvait en ressortir vainqueur et le torkin, dans un espoir long et intangible, allait ouvrir les voies de son cœur. Nous étions loin, très loin, trop loin hélas ! de cette consolation. Et puis, pour n'oublier personne dans ces tribulations, notre bon et clair fanatique vit son nouveau compagnon, l'humain, descendre vers l'obscure interrogation ; dans une tranquille vertu et dans un pas calme il s'approcha à la molle vitesse de celui qui use le temps comme il use du feu, notre être aux allures asexuées admira en lui un triomphe sans pour autant en être humilié : triomphe, oui, car il montra un grand courage en se livrant à la terrifiante menace qui gisait encapuchonnée en bas. La rudesse de ses mouvements éclaira un aspect essentiel du jeune homme pour l'androgyne aux yeux verrons.
(Je ne pouvais le prédire ; mais uniquement le constater. Même si je me précipite dans cette hypothèse, Monsieur Cornélius possède un pas fort militaire, détail que je peux justifier étant de relation amicale avec les bons de la garde royale de Cuilnen qui possèdent un rythme d'un similaire faible. Mon raisonnement est extrême, cette chose est certainement fausse.)
Le calme pouvait celer les sentiments mais pas toujours cacher des vérités physiologiques ; pour ce qui était de celle-ci, il faudrait probablement la justifier en demandant de vive voix. Une lourde et fabuleuse boucle noire tomba sur un de ses verres, il la dégagea avec négligence puis distingua ce que le petit personnage avait prononcé, avant ses ferventes excuses, des présentations ainsi qu'une incitation sans élusion à suivre la voix et le pas de celui qui dorénavant fut devant la non-innocente personne au bouc. Amaryliel, dans un aveu dépouillé d'artifice, ( Je n'ai guère fait attention à ses mots, assez pour les entendre, trop peu pour y répondre : mon âme flotta dans mes excuses.), il savait qu'on ne lui rendrait justice. Et que voulant bien sceller des présentations à l'apparat de solennel, tous se rendirent devant le ténébreux au semblant criminel. Le jeune et serein humain, l’ô combien non éreuthophobe torkin et notre bien maladroit elfe sans fureur se dirigèrent vers le grand autre, l'"armurier" d'après les dires d'un certain. Même que ce certain se nommait Bolïn et qu'au fond, il ne semblait pas méchant. L'armurier n'inspirait confiance à personne mais d'après les nouvelles dires du nain, il lui fallait louer ancêtres, pères et mères pour ne pas tomber dans la colère et le frisson que lui provoquaient les esprits sombres. Dès que l'elfe à la peau de lait l'apprit, une autre pensée surgit: ( Ne pas avouer les obscures flammes qui sommeillent en moi devant lui, il risquera d'être profondément endiablé à l'idée d'avoir comme coéquipier un être apparenté aux vices de l'obscurité.).Sagace ou folle décision, il risquait pourtant, pour purger le noir, d'avoir recours à la magie.
Maintenant que tous étaient devant la somme de toutes les peurs, questions, curiosités, l’intendant au bouc, d'une voix faussement galante et complètement douteuse, engagea le premier mot, l'unique mot: un oui interrogatif des plus simplistes qui laissait à nos trois compères le bon soin de tout introduire. Déterminé à savoir et à servir, le quart-de-sang-mêlé maugréa avec noblesse: "C'est un peu en baladins que nous vous avions vu au loin, non content d'envoyer des oeillades de notre coin, nous nous décidâmes d'apparaître devant vous, humble considéré, quoique après nous avoir mesurés, vous nous abordiez d'un simple mot, d'une voix aimante. Ce monsieur à la hache dit que vous êtes armurier, en est-il vrai ? Moi, c'est avec une grande parésie mentale que je ne comprends... pourquoi nous trois ? Car ce soleil et ce sang omniprésent, cet espace clos, ce monde souffrant, ainsi que cette paradoxale porte du géant, je ne puis les déchiffrer de ma simple volonté, de mes sens ou de ma raison. Oui, mon humble mot, mon unique à moi n'est pas un oui mais ce "pourquoi"? "
Après sa brave tirade, l’œil du presque sindel se porta vers certaines élégantes armes qui reposaient non loin du fantasque fanatique au bouc et à la capuche. De bien belles œuvres, et même qu'il y vit, dans sa stupéfaction ébahie une merveilleuse rapière qui brillait tel un cristal. Sa garde sombre et ouvragée d'une façon des plus singulières contrastait avec la lame d'albâtre un peu large mais en parfaite adéquation avec le reste de l'opus lui donnant un charme exquis. Malheureusement, le coût de cette lame devait être élevé et, même en vendant la sienne, il n'aurait jamais assez. Quelques discrets parchemins et fluides dormaient à terre et l'idée d'en acheter un, s'il eût été possible d'en acheter, un au bon gré de la fortune le tenta. ( Le papier blanc à la lettre "O" gravé me plait tout autant que l'arme.)se disait-il, mais pour cela, il allait attendre que tous fassent leurs achats. Le plus important restait d’attendre les réponses du bon monsieur.
_________________ Valla-Meär Amaryliel Il Alamitz
Dernière édition par Amaryliel le Sam 21 Nov 2009 14:24, édité 4 fois.
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