Les portes de YarthissJe m'engageais donc sur la route menant vers Dehant. Dans un premier temps, le chemin m'était familier, c'était le même que pour retourner chez moi. Mais j'allais bifurquer plus tôt que prévu, pour éviter de revivre certains moments difficiles ... J'atteignais donc la forêt, mon second chez moi. Après une petite demi-heure de marche, mon estomac me rappela que je n'avais pas mangé depuis plus d'un jour. Ah si, il y avait eu le délice des Enfers, mais bon, c'était juste un gâteau, rien de très nourrissant.
Je me mis donc en quête d'une proie. Après quelques minutes de recherche, j'en avais trouvé une, à voir ses traces (qui étaient assez mal imprégnées dans le sol) ça devait être un chevreuil. Ou un sanglier, auquel cas cela serait plus compliqué (les sangliers ont des pattes courtes et robustes, mes bolas n'étaient pas forcément adaptés, et en plus, un sanglier ça charge au lieu de fuir). De toute façon, je pensais plus au chevreuil, les traces y ressemblaient plus.
Je me mis donc à marcher plus vite, autant pour ne pas le perdre que parce que mon ventre me criait "Bouge-toi feignasse". Après un quart d'heure, je parvins enfin à l'apercevoir. C'était bien un chevreuil, qui avait l'air en pleine forme. J'allais devoir être précis et discret. Je savais plus ou moins bien faire les deux. Je me glissais donc le plus silencieusement possible dans les fourrées, m'approchait jusqu'à être à environ quinze mètres de lui, puis lançait mes bolas. J'avais bien visé, et il se retrouva entravé au sol. Il essayait de se débattre en vain. C'en était fini de lui. Je m'approchais tranquillement. Il me vit, et fut presque calmé par ma présence. Je ne comprenais pas trop pourquoi certains animaux étaient rassurés par ma présence. Enfin, toujours est-il que ça m'aidait, il ne se débattait presque plus. Je m'approchais, caressait son doux pelage, puis saisi sa tête, une main au niveau des cervicales, l'autre au niveau du museau.
"C'est bientôt fini, mon brave"Et je lui brisais la nuque. La vie avait quitté son corps. Je pouvais maintenant retirer mes bolas, tailler sa peau et manger un peu de viande sur place. Je laisserais sa carcasse (j'allais pas le porter quand même) pour les éventuels autres prédateurs qui avaient faim. Un petit geste histoire d'être sûrs qu'ils aient le ventre plein, donc moins de danger pour moi. Par contre, j'aurais dû au moins prendre un couteau à dépecer. Parce que là, j'avais l'air fin à essayer de me couper un morceau de couverture dans sa peau avec Gladys ...
Une fois ma dure tâche accomplie, je me découpais (toujours avec Gladys, j'avais pas trouvé comme par enchantement un couteau à dépecer, mais j'aurais bien aimé) quelques morceaux de viandes. Je commençais à en manger un directement (oui, je mange la viande crue), puis me découpais un petit sac avec ce qui restait de peau et de boyaux pour pouvoir en conserver quelques autres. Et je me mis aussi à boire un peu de son sang (vous direz que je suis un barbare, mais bon, c'est pas si mauvais que ça, surtout encore chaud). Le ventre plein, je pus enfin repartir après une courte pause. Bon, j'avais à présent un couverture pour dormir, et de quoi manger en cas de coup dur (en gros si je trouvais pas de gibier).
"Allez mon coco, faut se bouger d'arriver là bas."Je parlais seul, libre de faire ce que je voulais seul dans la nature. À voir la luminosité qu'offrait le soleil, il devrait se coucher d'ici une heure, ou une heure et demie. Je me trompais rarement sur ce genre de prévisions. Je décidais donc de continuer à marcher pendant environ une demi-heure, un peu plus vite, et de me trouver un petit coin sympa pour dormir en paix, à l'abri des prédateurs potentiels. Une fois cette demi-heure passée (enfin, à peu près, je me repérais toujours à la luminosité), je commençais à regarder les arbres. Puis j'en trouvai un qui convenait, facile à grimper pour moi, impossible à grimper pour un loup et trop gros pour qu'un ours le renverse. Les arbres comme ça, c'était le top pour dormir en paix. Je m'installai donc, et me recouvrit de ma couverture grossière, qui soit dit en passant ne recouvrait pas tout mon corps, j'avais les pieds qui dépassaient d'une bonne trentaine de centimètres, et les épaules découvertes. Mais bon, le principal c'était d'avoir le centre du corps au chaud. Je m'endormis assez facilement.
Je me réveillais le lendemain, très tôt (normal, je m'étais couché tôt pour profiter au maximum du jour), m'étirai un peu, puis descendit de l'arbre. Pour déjeuner, je mangeai un peu de viande, qui avait commencé à sécher et que je ne pourrais pas garder très longtemps.
Une fois cela fait, je me remis immédiatement en marche, je ne voulais pas perdre de temps. Je pris un rythme de marche plutôt soutenu, et ne le modifia pas avant d'avoir faim. Je m'arrêtai donc, j'avais marché comme ça depuis à peu près cinq heures. Il devait être midi, le soleil était à son zénith.
"Un peu de repos n'est pas de refus. J'ai marché très vite ... Enfin bref ..."J'en profitais pour observer les lieux, même si ils m'étaient familiers. J'observais avec attention le sol, pour savoir quels animaux rôdaient dans les environs, quand je tombais sur les traces d'un animal horrible, méchant et maléfique. En plus, il ne devait pas être loin. Et sûrement pas seul, je me suis déjà fait surprendre par l'un d'eux alors que j'en surveillais un autre. Et là, ce fut le drame. J'aperçus enfin l'animal. Il était horrible, tout plein de poils durs, et sa fourrure d'une couleur presque noire montrait d'où venait cette créature : des ténèbres. je ne pouvais pas me résoudre à l'affronter, on voyait dans ses yeux la lueur d'intelligence maléfique et malsaine dont ils étaient dotés. Je m'éloignai donc avec précaution, il ne m'avait sûrement pas remarqué. Mais il ne bougeait pas. C'était louche, ça. Je reculais donc, ne lui tournant pas le dos (il pourrait me sauter dessus si je lui tournais les dos), et me pris dans un racine, puis tombai en arrière, sur une chose très piquante.
"Arghhh !!! Ça fait très mal !!!"Je me retournai pour voir ce qui m'avait piqué, et ce n'était rien d'autre que le frère de la créature qui m'avait sournoisement piégé pour que je trébuche sur la racine et tombe sur son frère d'arme. C'était affreusement intelligent, les hérissons. Petit, mais très malin.
Je perdis alors tout contrôle de moi-même, et m'enfuis en courant pour tenter de les semer. J'avais peur, la vraie peur qui fait accomplir des actes héroïques. Là, en l'occurrence, c'était le fait de courir pendant deux heures sans m'essouffler (oui, j'avais une peur très tenace et complètement irrationnelle des hérissons). Une fois sûr que ces envoyés des enfers n'étaient plus là, je me reposai, terrassé par l'effort que je venais de fournir.
J'avais même réussi à dépasser ma maison, c'était peu dire. Il devait être aux alentours de quinze heures, le soleil allait donc se coucher d'ici trois à quatre heures. À voir la distance que j'avais parcourue, je décidai que j'avais suffisamment voyagé pour aujourd'hui, et de me reposer en attendant la tombée de la nuit. J'en profitais pour vérifier le contenu de mon sac à viande, et vit qu'il était presque vide. J'avalais le peu de viande qu'il restait dedans, et partis donc pour remplir de nouveau ce petit sac.
Après quelques minutes de recherche, je trouvais un lapin, qui comme un abruti s'est réfugié dans son terrier. Bon, c'était raté pour le lapin. Et je m'aperçus que ce bout de forêt ne m'était pas familier, et je n'y trouvais rien à manger. C'était la première fois que je me retrouvais dans une telle situation, ça faisait bizarre, et je commençais petit à petit à m'inquiéter.
"Je suis vraiment un imbécile, moi ... Même pas capable de prévoir un peu de nourriture pour un voyage ..."En tout cas, si je survivais à ça, j'aurais appris une leçon : toujours prévoir de la nourriture, et aussi ne jamais trop avoir confiance en soi (et apparemment ça s'appelle l'humilité). D'ailleurs, j'avais le ventre plein (enfin, plus ou moins). Pour le moment ça pouvait aller, je devais me rassurer. Je pouvais tenir à peu près une semaine sans manger quoi que ce soit. Encore fallait-il que je trouve de l'eau. Je regardais le ciel, et vit qu'il était dénué de nuages ... J'étais mal parti, moi. Je pouvais marcher pendant encore à peu près deux jours sans vraiment ressentir les effets d'un non-nutrition. Il fallait absolument que je trouve de quoi manger d'ici là. J'étais trop fatigué pour chercher encore à manger, je me mis donc en quête d'un autre arbre pour dormir. J'en trouvais un en peu de temps (en même temps, c'était pas très dur à trouver), grimpai dessus et m'installai, profitant du temps qu'il me restait pour analyser les évènements de la journée.
"C'est les hérissons qui m'ont tendu un piège. Ils savent que je cours plus vite qu'eux, ils ont donc choisi de me laisser mourir de faim pour ensuite venir se régaler de mes entrailles ... Ils avaient tout calculé. Je me suis fait avoir comme un bleu. Bah, au moins, j'ai le mérite de mourir de la main d'un ennemi respectable."Cette idée me rassura, c'est vrai, c'était pas comme si j'allais me faire tuer par un simple sanglier. Et puis, peu après, les images de mon objectif, tuer les enflammeurs, revinrent à mon esprit. J'étais désolé de ne pouvoir accomplir ma vengeance ... Et je repensais à Rosa, qui avait perdu sa mère à cause d'eux. Non, décidément, non, je ne pouvais pas l'abandonner. Et puis, elle était presque devenue ma raison de vivre. C'était fait, demain, j'allais me lever, et affronter l'ennemi les yeux dans les yeux. Je ne me laisserais pas abattre alors que j'étais si près du but. Et puis, peu à peu, je sombrais dans le monde des songes et des rêves.
Je me réveillais, le lendemain, et la première chose que je fis, c'était de regarder au sol si les deux monstres qui me traquaient étaient déjà là. Je n'en vis qu'un seul, au pied de l'arbre sur lequel je dormais.
"Tu m'as poursuivi, hein ? T'as perdu ton frère !!!" Les hérissons avaient un bien piètre sens de l'orientation.
"Tu fais moins le malin, hein ! Regarde ce que je vais te faire !" Et je pris Gladys, et lui lançais dessus, comme on aurait jeté un javelot. Sauf qu'un cimeterre, c'est pas fait pour être lancé. J'ai donc lamentablement manqué ma cible, plantant mon arme quelques mètres à côté de la bête assoiffée de mon sang.
"Noooooon !!!! Gladys !!!" Je devais la sauver, mais si je sautais pour aller la chercher, la créature en profiterait pour me sauter dessus, et c'en aurait été fini de moi. J'éliminais donc cette option, puis pris mon temps pour réfléchir à la situation. Le hérisson, que je décidais de nommer Fatalis (un nom terrifiant pour une créature toute aussi terrifiante), attendait sagement que je descende pour me déchiqueter. En observant un peu l'environnement, j'aperçus une branche qui était pile à la verticale de l'animal. Elle était située à trois mètres de moi, et je ne pouvais que sauter pour l'atteindre, sans pouvoir prendre d'élan. je décidais donc de tenter le tout pour le tout, et sautais sur cette branche, quand je m'aperçus que je n'avais pas assez de puissance pour atterrir les pieds dessus, et lançais donc mes bras. Le choc fut rude, la branche craqua sous mon poids mais ne céda pas. Je parvins tant bien que mal à me hisser sur celle-ci, et, avant de monter, vis que Fatalis n'avait pas l'air de comprendre ma manoeuvre.
"Alors, tu vois qui c'est le plus malin de nous deux !!! C'est moi !!!"Et je me mis à sauter sur la branche, pour la briser et la faire tomber sur cette malédiction vivante. Une fois, deux fois, trois fois ... Et rien. Elle était solide, cette branche. Je sautais une quatrième fois, mettant toute ma force, et là, *CRAC*, elle céda, m'emportant avec elle (j'avais pas pensé à ça), et nous nous écrasames sur Fatalis, qui fut tué sur le coup. je retournais quand même la branche pour vérifier si il était bien mort, et vis qu'il ne restait de Fatalis qu'un tas de bouillie rougeâtre.
"J'ai gaaaagnéééééééééé !!!!!!" Je hurlais de toutes mes forces la joie que ma victoire me procurait, j'avais réussi à tuer un hérisson, l'une des créatures les plus dangereuses en ce monde ! Je méritais une médaille pour mes actes d'une bravoure extrême. et évidemment, il n'y avait personne qui fut témoin de mon exploit ... C'était ça, le destin des vrais héros, rester dans l'ombre ...
Je récupérais Gladys, puis me dirigeai fièrement en direction de Dehant, ma victoire m'ayant fait oublier que mon estomac était vide. Je marchais à une bonne allure, puis, après ne bonne heure de marche, j'entendis le tonnerre gronder. J'observer le ciel, pas un nuage.
"Bah, c'est sûrement un tonerre qui vient de très loin."Et j'entendis à nouveau ce bruit. Mais c'était bizarre, j'avais l'impression du sol, ou plutôt ... de moi-même. et je compris qu'en fait, c'était mon estomac qui avait fait un tel bruit. À ce même moment, je remarquais à quel point j'avais faim, et qu'il fallait que je trouve à manger avant la nuit, sinon la suite allait être très compliquée. Je me mis donc en tête de trouver du gibier, mais en restant sur la route, pour perdre le moins de temps possible. C'était assez compliqué de trouver du gibier de cette façon, mais au moins je ne fatiguerais pas pour des petits animaux comme les lapins, qui ont tendance à se cacher dans des trous ... J'espérais aussi trouver un animal qui soit "réceptif" à ma présence, et qui ne prendrait pas la fuite à mon approche. Je continuais donc de marcher, quand j'entendis des grognements bizarre derrière moi. Je me retournai et vis ... un sanglier énorme. Il devait mesurer un mètre cinquante de long, et peser dans les cent cinquante kilos. Un vrai mastodonte.
J'attendais de voir comment il régissait à ma présence. Il s'approcha de moi, tranquillement, je restais prudent et reculai au fur et à mesure qu'il avançait, histoire d'avoir un peu d'avance si l'envie lui prenait de me charger. Puis, il tourna légèrement, reniflant au pied d'un arbre, et grignotant les racines de celui-ci, emportant quelques champignons au passage. Il semblait se régaler. Je l'observai, puis alla moi aussi au pied d'un arbre, grattait la terre et arrachait quelques racines et champignons, puis les mangeai. Le goût était très déplaisant, mais ça avait l'air nourissant, j'en avalais donc autant que je pus. Puis, peu après, je vis le sanglier s'allonger sur le flanc. Je ne compris pourquoi il faisait ça que lorsque je vis trois marcassins se mettre à téter leur mère. J'étais donc en présence d'une laie, et non d'un sanglier. C'était peut-être pour ça qu'elle ne m'avait pas chargé. Au cas où je gagnerais la bataille (ce qui semblait peu probable, vu la taille de l'animal), ses petits seraient aussi morts (d'ailleurs, en y pensant, j'aurais mangé bien volontier du marcassin). Elle avait agi pour les protéger. C'était une belle leçon, mais elle ne s'appliquait pas à mon cas.
D'ailleurs, voyant qu'elle ne se méfiait pas de moi (j'avais vraiment un lien spécial avec les animaux, moi), je m'approchais d'elle, la caressa quelques secondes, puis, voyant l'épaisseur de son cou, abandonna l'idée de la tuer, je n'aurais jamais la force nécesaire pour y arriver. Je trouvais à présent stupide de la tuer, considérant que la leçon que je venais d'apprendre était assez utile pour lui laisser la vie sauve (le truc pour les arbres, pas l'autre). Et d'ailleurs, cela me fit penser que sur les arbres, il y avait des fruits, et même des feuilles ... La nourriture était là, autour de moi, et je ne la voyais pas ... C'est sûr que ça ne valait pas un bon morceau de viande, mais c'était déjà ça.
Je me remis en route, et, au moment où la nuit commençait à tomber, je me cherchais un autre arbre, puis, avant de dormir, mangea quelques racines, fruits et feuilles (c'était pas très bon mais bon ...). Je m'endormis enfin, voyant que j'étais à la limite entre la forêt et la montagne pure.
"Je devrais bientôt arriver vers l'ancienne Yarthiss ..."