Chacun à tour de rôle, nous avions déclinés nos identités telles que l’avait demandé cet être gris comme l’acier. Alors que Sirat s’était limité au strict minimun, à savoir son prénom et son nom de famille, Lilotéa pour sa part, toute enthousiaste, s’était lancée dans un petit monologue où elle s’était sentie obligée de décrire notre situation.
Pendant ce temps, j’écoutais vaguement ce qui ce passait autour de moi, j’étais trop absorbée en fait par la vision étrange que m’offrait cette pierre rouge que je tenais devant mes yeux. Contrairement à ce que je croyais, cette pierre ne me permettait pas de voir dans le noir, ou peut-être si, mais pas de la façon habituelle de voir les choses. En fait, je pouvais distinguer tous mes compagnons, car tous sans exception dégageaient une étrange lueur rouge-orangée qui me faisait penser aux flammes d’un brasier, à une source de chaleur. Fait étrange par contre, l’être, tout d’argent recouvert, n’émettait pour sa part aucune lueur. À travers mon œil de gargouille, il était aussi invisible que le reste des meubles, un être glacial dénué de toute petite trace de vie.
(Un pantin…)Je venais soudainement d’avoir une illumination, cet être n’en était pas un, il s’avérait être tout simplement une marionnette. Alors que j’étais une toute jeune lutine, ma grand-mère avait confectionné pour moi et mes sœurs de mignonnes petites marionnettes. Pour ce faire, elle avait utilisé les vieilles chaussettes de mon grand-père et y avait collé de petits fruits séchés en guise d’yeux. On s’était amusé longtemps avec ce simple présent. Des années plus tard, mon cousin Antoine m’avait montré un tout autre genre de pantin. Le sien, ne s’enfilait pas. Apprenti artisan, il l’avait fabriqué à l’aide de petits morceaux de bois. Il était articulé et soutenu par des fils.
J’étais envahie par la curiosité, je mourrais d’envie de savoir comme pouvait bouger ce pantin géant et surtout quel astuce était utilisé pour le faire parler. Cependant, paradoxalement, cet être froid me faisait étrangement peur. Je fis avancer Arak d’un pas ou deux, puis je le fis reculer. Indécise, je regardai Sirat et Lilo. Mes deux amis étaient là, pas loin de moi. S’il m’arrivait quoi que ce soit de fâcheux, j’étais persuadée qu’ils me viendraient en aide. Ainsi rassurée, je demandai gentiment à mon élégant chat gris cendre de s’approcher du bureau blanc métallique. Une fois à proximité, je me plaçai debout sur ma monture, puis après m’être donné un bon élan, je sautai sur la table.
Toute nerveuse, je m’approchai davantage de la chose aux yeux lumineux. Je fis un pas de plus en avant et m’étirai le cou afin de voir si elle possédait des jambes. Aussitôt, ma curiosité satisfaite, je reculai de quelques pas. Je craignais un peu que cet être sans cœur ne m’attrape et me capture. Sachant à présent, qu’elle avait tout ce qui lui fallait pour me poursuivre en cas de fuite, je me devais d’être prudente.
Je me tournai alors vers mes compagnons :
« Elle a des jambes, mais pas de cœur ! » Puis m’adressant tout particulièrement à Lilo, mais d’une voix assez forte pour être comprise de tous, je rajoutai :
« Cette pierre que vous m’avez offerte me permet de voir la chaleur que les êtres vivants dégagent et cette créature n’en dégage aucune» dis-je en la pointant du doigt.
Plus je la regardais, plus elle m’intriguait. Je me serais attendue à voir un mignon petit dragon, pas un jouet métallique à la voix monotone. Nous étions près de la pointe des dragons et ceux-ci en étaient les gardiens, il aurait donc été tout naturel d’en voir même à l’intérieur de la tour.
C’est dans cet état d’esprit que j’ouvris la bouche pour prononcer ce que je croyais être le code d’accès :
« Braaaaam » J’avais tenté, du mieux que je pus, d’imiter le son du petit dragon et j’avais ma foi assez bien réussi.
(((Utilisation de la petite broche en forme d’étoile qui change la voix)))