Lelma a écrit:
C’est le moment, c’est décidé ! Seul je serai plus rapide, seul je pourrai leur ramener le bateau. Personne ne doit savoir, personne ne doit me remarquer. Prendre mon équipement, prendre de quoi manger, de quoi boire. Ne rien dire et partir ! S’ils me voient ils voudront m’accompagner, nous perdrions du temps.
(Et Seyra ?)
(Elle restera… Pour une fois elle comprendra, trop dangereux ! La druide s’en occupera bien !)
(Tu es enfin raisonnable ! Tu dois leur prouver ta valeur, grâce à toi tu évites sûrement des blessés ou des morts ! Et puis avec le rouquin dans cet état, il ne ferait que vous ralentir, voir même vous stopper ! Tu vas gagner des jours entiers !)
(Et je vais ramener le bateau !)
Sans un bruit, sans un mot je pars. Je sais que le capitaine aura compris mon intention. Je sais que la Druide aura compris et gardera Seyra. J’espère qu’elle ne m’en voudra pas trop, mais je ne peux lui laisser courir autant de danger !
(Bon tu l’auras compris, on va traverser ce marais… on traverse toute l’île et il est au milieu !)
(Mais l’eau de feu ?)
(On va pouvoir passer à certains endroits…)
Il fait toujours nuit lorsque je sors du camp. Personne en vue, j'écoute les directives d'Aakia qui me guide dans l'obscurité. Le lien entre elle et moi et qui m'a déjà permis de voir dans la nuit, me prend trop d'énergie pour que je puisse le faire tout en progressant sur cette plaine. Malgré tout la nuit est claire est dégagé, je peux voir les ombres et les silhouettes de rares rochers et arbres dans cette grande plaine herbeuse.
(Il te faudrait un peu accélérer, marcher c'est vraiment ennuyeux !)
(Hum, tu penses que je devrais courir ? C'est si loin que ça ?)
(Oui c'est très loin, et tu marcheras assez dans le marais... Car je suppose que sa composition freinera toute course !)
Je me mets alors à courir. J'ai moins d'affaires que d'habitude dans le sac, ça me facilite la progression. J'ai l'impression d'être il y a à peine un an dans Surana, à courir dans la ville tous les jours. Livrer telle potion à telle famille, telle poudre à telle autre. Parcourir tout les rues, les ruelles, les remparts. Courir encore et toujours. L’important dans la course est de trouver son équilibre, son souffle. Les kilomètres défilent vite. Mais autant en ville, sur rues pavées, la course est facile, autant ici, sur herbes et de nuit, elle est plus compliquée. Je manque plusieurs fois de tomber ou de me tordre la cheville. Faire attention est complexe lorsqu'on ne voit presque pas. Mais je ne me décourage pas et continu ma progression.
Le soleil se lève peu à peu sur ma gauche, peu à peu l'ombre recule et je peux voir là où je vais. Le marais s'approche peu à peu, je le vois, cette inquiétante masse, un peu en deçà de la plaine. Cette mort puante et horrible. Je dois pourtant la traverser, je n'ai pas le choix. Hélas très vite je dois arrêter de courir, le terrain devenant spongieux et dégorgeant d'eau.
(Une chance là ça n'est que de l'eau ! Mais fait bien attention, je te dirais les zones à éviter... Si tu ne veux pas finir comme le rouquin tu as intérêt à m'écouter !)
(Surtout que je suis seul et que ça me serait fatal... Je sais, j'ai confiance !)
Ainsi la progression se fait de plus en plus difficile. Les premiers temps sont du marais classique, je n'ai pas à m'inquiéter de quelconques brûlures. Par contre mouches et moustiques m'assaillent, et j'ai du mal à les chasser. Je suis apparemment une bonne source de nourriture. Je déteste ce lieu et pourtant j'y suis attiré de plus en plus.
(Quelque chose dans ce marais je le sens, encore loin, mais t'y va dessus...)
(Je sens aussi quelque chose, on dirait que ça m'appelle, on dirait que c'est ça qui m'a fait quitter les autres plus que ma propre volonté.)
La progression continue, lente, pâteuse et humide. Plus d'une fois mon pied s'enfonce dans cette vase verdâtre et puante. Bien heureusement la zone n'est pas encore chargée de cette eau qui ronge. Continuer, lentement, sans se fatiguer plus que de raison. Un pas après l'autre, cacher son visage et respirer entre des tissus afin de limiter l'odeur nauséabonde. Plus je m'enfonce dans le marais plus tout me semble futile. Avancer encore et toujours il le faut. Et pourtant pourquoi faire ? Pour sauver qui, pour sauver quoi ? A quoi bon ?
(Héééé tu te réveilles ! Ne te laisse pas prendre par le marais !)
(Mais à quoi bon ?)
(Ils comptent sur toi les autres, tu dois accomplir ta mission !)
(Je n'ai plus de force, je ne sais plus avancer !)
(Tu te trompes !!! Le marais est en train de te prendre pour lui, il va te tuer si tu ne réagis pas !)
(Qu'il me tue, je n'ai rien qui me retienne !)
(Mais as-tu déjà oublié les autres ? Et Seyra ? Seyra a besoin de toi ! Ca n'est pas parce que tu pars quelques jours sans elle qu'elle va t'oublier et te rejeter !)
(Seyra...)
A cette pensée des larmes coulèrent sur mon visage.
(Seyra...)
(Aller courage !)
(Mais je l'ai abandonnée ! Elle est seule !)
Je ne pouvais empêcher les larmes de couler.
(Non elle est avec les autres ! Aller continu, avance !)
(Les autres ?)
(Notre groupe, tu te souviens ?)
Soudain oui je me souvenais, le combat à Kendra Kâr, le bateau, les dragons... Les autres. Oui elle n'était pas seule.
(Alors tu arrêtes de suite tes larmes et tu luttes contre le marais ! Il a brisé si facilement tes souvenirs et ton courage ! Luttes, combats-le ! Montres-lui qui tu es !)
(C'est vrai ça... Extraordinaire comment il m'a détruit en si peu de temps !)
Cette fois-ci il ne m'aura pas ! Qu'un lieu étrange, si dangereux, si malfaisant ! Le simple fait d'être en lui détruit toutes les barrières mentales et physiques.
(C'est bien continu ! Seul dans un marais, surtout ce marais et c'est la mort par découragement. Surtout ne regarde pas les images qui te montent de ton passé... Il va te pousser à voir le pire et le meilleur pour te détruire...)
(Tu veux dire qu'il est vivant ?)
(En quelque sorte oui... Aussi étrange que ça puisse paraître.)
L'étrange sur cette île ne l'était pas vraiment, en tout cas on commençait à se dire qu'elle n'avait rien à voir avec le reste du monde connu. Je ne m'attarde pas plus et poursuit dans le marais.
(Attention zone dangereuse ! Sur ta gauche, n'y va pas, poursuis tout droit et je te dirais quand tourner.)
Ainsi on avait de nouveau rencontré cette zone dangereuse. Je vis au loin une fumée blanche s'élevant très haut.
(Y a des gens perdus dans ce marais ? Impossible, nous ne sommes pas seuls ? Et si c'était les gens de l'anyore ???)
(Bouges pas, je vais voir !)
Une boule de lumière rouge parti à la vitesse de l'éclair vers l'origine de la fumée puis reviens tout aussi vite. Pour se transformer devant moi en Aakia version fée.
(C'est un cratère d'origine volcanique qui recrache de la vapeur d'eau... Et du soufre... C'est ce qui produit cette eau corrosive...)
(Je vois, donc on va éviter cette zone aussi !)
(Très juste, on va le contourner par le sud, car c'est de là que provient cet acide pour cette zone à en tout cas, ensuite j'ai vu la rivière... Cette fameuse rivière que la druide nous a fait traverser.)
(Et ? Je suppose qu'on doit de nouveau la traverser ?)
(Oui, si on veut rejoindre une zone sécurisée avant la nuit on doit !)
Beaucoup de difficultés à venir encore, qu'importe je continu sous les directives d'Aakia qui m'aide à éviter les zones dangereuses. On se rapproche de la fumée, elle est bien plus impressionnante que de loin. On passe à proximité, je peux apercevoir ce cratère fumant et les bords composés de pierres jaunes.
(Voici le soufre, au contact de l'eau il forme cet acide, l'un des plus terrible et qui brûle tout !)
(Je vois, la nature a des armes terribles !)
Dans un endroit un peu plus secs qu'ailleurs je me repose quelques instants. Enfin sec, pas trop humide serait le mieux à dire. Je ne m'enfonce pas en restant statique c'est tout... je me restaure donc, quelques tranches de viande fumée et de l'eau. Rien de bien exceptionnel mais très énergétique c'est déjà cela ! Au bout d'une dizaine de minutes je reprends mon chemin à travers le marais. Je contourne la zone dangereuse, toujours guidé par Aakia qui semble avoir la faculté de voir la composition du terrain.
(Je ne semble pas, je l'ai !)
(Surprenante Aakia !)
Un peu avant d'atteindre la rivière, nous avons une visite surprenante : la faera de la druide arrive d'un coup sur nous.
"Bonjour aventurier et Aakia, je viens aux nouvelles !"
"Belle surprise, comment tu nous as trouvé ?"
"En ciblant Aakia, je suis venu prendre de vos nouvelles."
"Et bien comme tu vois je vais bien, on a bien progressé, il manque à passer cette rivière, mais vu l'endroit elle est divisée en plusieurs branches, j'aurai aucun mal à la franchir. Mais là-bas, vous allez bien ? Comment va Seyra ? Vous avez compris ma démarche ?"
"Ta fille va bien, Lothindil s'en est occupée et quand je suis partie elle s'entraînait avec le Sindel maître d'arme à la faera. Elle t'a demandé au début, mais a vite compris pourquoi tu fais ça. Le capitaine était furieux, mais je suis persuadée qu'il savait et qu'il t'a laissé faire. Tu t'en tireras avec quelques remontrances c'est tout !"
"Je suis heureux de le savoir !"
"Mais sinon, tu penses y arriver ? Je veux dire, c'est bien d'aller chercher le bateau ce que tu fais là ?"
"Oui, je vais chercher le bateau car j'ai bien compris qu'on en avait besoin pour traverser la mer entre les deux îles, car tu as sans doute vu, de l'autre coté de là où vous êtes, vous avez vu certains une autre terre."
"Effectivement, on a bien pensé. Je te rassure, ils sont tous à attendre le bateau, ils te font confiance "
"Et je vais pas les décevoir. Dit à ta maîtresse d'attendre sur la côte, j'arriverai avec le bateau d'ici quelques jours. Ne vous éloignez pas !"
"D'accord, bonne chance et à bientôt !"
Toujours aussi étonnante les faeras.
(Tu n'as pas dit un mot Aakia !)
(Nul besoin de parler entre nous !)
(Ah je vois ! Tu lui as raconté quoi ?)
(Rien qui ne t'intéresse ni n'intéressera sa maîtresse, elle ne dira rien, j'ai partagé des impressions.)
(Ah d'accord, encore des histoires entre faeras !)
Nous arrivons enfin au bord de la rivière, enfin des différentes branches de la rivière qui serpentent dans le marais, restant relativement étroite.
(Je vais sauter par dessus, pas le choix !)
(Prends bien de l'élan, ça n’est pas très long mais tu ne dois surtout pas mettre un pied là dedans !)
Une angoisse pas possible me prend, et si je me ratais, et si je tombais dans ces ruisseaux ? J'en mourrai ? Sûrement ! Respirer un bon coup ! Lancer le sac de l'autre coté, voila lui n'est pas tombé. Prendre de l'élan, courir, ou du moins essayer et sauter ! Je retombe de l'autre coté, largement sur la rive. Et de un ! Un autre ruisseau coule à une trentaine de mètres. Je récupère mon sac et me prépare à nouveau, il est plus large celui-ci, presque un mètre et demi à vu d'oeil ! Je recommence l'opération, je lance mon sac, me recule et saute. Cette fois-ci je tombe presque dans cette eau...
(Ouf il s’en est fallut de peu !)
(Fais attention !)
Et ce fut encore 4 autres ruisseaux à sauter, plus petit que le second, et après quelques frayeurs je suis enfin de l'autre coté. Là, le chemin se poursuit, en sécurité, plus de danger par l'eau corrosive, enfin ! Le temps est couvert, je n'ai pas vu le soleil depuis ce matin. Il n'y a pas de vent et la température est agréable. Vers la fin de l'après midi j'arrive près d'un lac. Une partie du terrain est au sec, une sorte de rocher couvert de mousse.
(Bon ben je crois qu'on va s'arrêter là pour la nuit !)