Kendra-Kar, Temple de Yuia
Le temple semble en décalage complet avec la ville, comme si il était en réalité sur un sommet de montagne gelé. C'est avec délice que je sens un air froid descendre les marches que je franchis. Cette déterritorialisation me plait beaucoup, c'est comme un havre de paix dans le chaos ambiant de la ville.
Je pousse la grande porte d'acier froid et découvre une petite salle à fonction clairement religieuse. Un peu impressionné, je reste un moment sous le porche, puis me décide à entrer. Un prêtre officiant, à la coupe au bol, les cheveux blonds, vient à ma rencontre.
"Bienvenu voyageur. Que cherches-tu en ce saint lieu ?"
"Bonjour, je m'appelle Lillith, et voici mon amie Lallydir. Depuis longtemps, j'ai eu des prédispositions à la manipulation de la glace et j'ai découvert depuis peu que ce don me vient probablement de Yuia. Je ne la connaissais pas avant et je désire ardemment régler ce manque.""Je vais appeler le grand prêtre. Il saura t'apprendre ce qui est nécessaire de savoir."
Le prêtre s'éloigne et se dirige vers une salle en retrait. Je reste immobile, regardant Lallydir. Elle semble aussi impressionnée que moi dans cet endroit.
Lallydir a écrit:
Je m'adosse à une colone mais déchante rapidement : elle est glacée ! Je m'assieds alors sur l'un des nombreux bancs.
"Impressionnant ce temple. Vraiment magnifique."
Le prêtre revient un instant plus tard, laissant passer devant lui un homme assez petit portant une toge violette.
"Salutations, …messire""Bien le bonjour à toi, fils de Yuia. Mon bon Zumastra m’a parlé de tes dons et de ton désir de connaissances. Je serais ravi de t’enseigner tout ce que tu as besoin de savoir sur notre chère déesse, beauté de glace. Je m’appelle Sidfreid et je suis le grand prêtre de ce temple."
Il commence par me montrer la statue qui règne dans la salle, une femme faite dans un marbre blanc aux veinures infimes et à la ciselure travaillée, presque parfaite. Je reste silencieux, observant consciencieusement, tel un enfant face à son pédagogue.
"Tu vois, ceci est ta déesse..... Notre chère et magnifique Yuia. As-tu quelques notions en théologie ?"
Ne comprenant même pas le mot prononcé, je préfère répondre par la négative d’un signe de tête.
"Eh bien, disons que la plupart des dieux ont existé bien avant nous. Ils furent présents à la création de ce monde et à l’apparition des faibles créatures que nous sommes. Mais certaines exceptions existent. Yuia n’est pas née d’autres dieux, ni du néant. Elle est née de la foi des petits peuples."
"Je ne comprends pas.""Ferme les yeux. Maintenant que tu ne vois plus, qui te dit que je suis encore face à toi."
"… Votre voix."(Je ne comprends pas sa démarche, mais il semble si sage, je ferais mieux de suivre son enseignement.)Il ne parle pas pendant plusieurs secondes. Je comprends enfin.
(Même si je n’ai aucune preuve de sa présence, je crois qu’il est là.)"J’ai compris. Mais la différence avec la déesse est que vous étiez là avant que je ferme les yeux. Et ce n’est pas parce que j’ai cru que vous étiez là que vous êtes resté.""Tu analyses bien. Mais la plus grande différence qui existe entre moi et notre déesse, c’est la puissance inépuisable de la magie. Le mana de glace a toujours existé, mais les croyances des hommes lui ont donné forme. Notre esprit a bien plus de capacités que nous le croyons. Si suffisamment de personnes ont une foi inébranlable en quelque chose, la communion de leurs esprits infléchit la réalité. Des générations d’elfes blancs ont sculpté une déesse dans le mana qui émanait des glaciers de Nosvéris."
"Je saisis mieux. Quel est cet endroit appelé Nosvéris ?""C’est un continent, loin, au-delà des mers septentrionales. Ce sont des terres glacées, aux neiges perpétuelles. Le lieu de la naissance de notre culte, de pèlerinage pour tout enfant de Yuia, là où ses serviteurs sont plus nombreux que ceux de Gaïa. Malheureusement, c’est une période sombre pour ce pays, plus sombre que pour le reste du monde."
"Pourquoi donc ?""Tu n’es pas au courant de la guerre ? Une terrible force maléfique nommée Oaxaca veut asservir notre monde et à commencer sa conquête par la grande ville des glaces, Pohélis. Une triste époque."
"Etait-il nécessaire de m’apprendre les origines de Yuia ?""Oui. Il te faut les assimiler pour connaître le rôle de la volonté et de la croyance dans la maîtrise de la magie de glace. Tu t’en rendras compte plus tard."
Il s’éloigne de la statue, me menant près du prêtre qui m’avait accueilli plus tôt. Celui-ci recouvre ses yeux d’une pellicule de neige venant des glaces magiques qui naissaient de ce temple en psalmodiant dans une langue inconnue aux sonorités coulantes et soufflantes.
"Ce que tu vois, c’est une prière pour quémander la lucidité et le jugement neutre des glaces. Car les glaces ne sont ni bonnes ni mauvaises, elles appliquent le jugement divin de Yuia."
"Je ne comprends pas ses paroles.""C’est de l’elfique. Comme les elfes blancs ont été les premiers à célébrer Yuia, on dit que leur langue attire plus l’oreille de la déesse. Pour ma part j’estime que toutes les langues se valent sur ce point là… Mais c’est rentré dans la tradition et l’étude d’une langue forge une rigueur très utile."
(Je ne suis pas très studieux Je sais à peine lire. J’espère que cela n’entachera pas mon approfondissement de la magie de glace)Pendant plusieurs heures, Sidfreid me raconte des légendes sur Yuia. Il m’apprends milles et unes prières et petits rites qui célèbre cette beauté de glace. Il m’explique la nécessité de la rigueur, du recul face à ce monde d’émotions exacerbées. A l’image des flocons de neige, savoir garder sa superbe et une perfection ; et tel la glace se montrer puissant et intouchable.
"Si tu veux être un grand serviteur de Yuia, tu dois aspirer à l’extrême limite, le zéro absolu, la température à laquelle tout objet se glace, celle à laquelle le mouvement de la matière n'est plus."
"Un tel froid est possible maître ?""Seulement dans les légendes et dans nos cœurs. Mais rappelles toi…"
"… qu’une volonté puissante et qu’une vie dévouée peut créer des légendes."Sidfreid me sourit, malgré l’affront que je lui ai fait en lui coupant la parole.
"Tu as bien appris, je suis fier de toi. Maintenant, nous devons enrichir ta magie."
Il se place face à moi, prenant une position arquée.
"Allez, montre moi ce que tu sais faire."
Je me concentre un instant, visualisant la neige recouvrant le sol. J’ouvre les yeux puis bouge doucement mes mains pour effectuer des cercles. De la neige se soulève du sol, formant des petites boules qui virevoltent entre nous deux. Sidfreid prend un air étonné. Sa position arquée était en fait une position de combat.
"Tu ne m’attaques pas ?"
"La magie ne sert pas obligatoirement la violence.""Tu ne dois pas forcément devenir violent, mais la puissance de la magie passe par la colère froide. Le combat canalise cette colère et la maîtrise, pour que la magie ne te maîtrise pas."
"… "Comme je reste silencieux, Sidfreid me fixe dans les yeux, sondant mon âme au travers de mes prunelles sombres. Je finis par détourner le regard, trop intense pour que je tienne.
"Tu as déjà était dépassé par ta magie."
Ce n’était pas une question, mais une affirmation. Ce sage m’a bien cerné.
"Cela me répugne de donner la mort à l’aide de ma magie.""Le mal existe dans ce monde, à toi de choisir ta voie. Mais peu importe ton choix, la mort sera sur ton chemin. Tu devras y faire face. Et si ta magie t’a trahit auparavant, je te donne le moyen de l’en empêcher désormais."
Me rappelant d’amers souvenirs, je commence à sangloter.
"Mais c’est si douloureux."(Maman….)Je refais face au grand prêtre, asséchant mes yeux.
"Je suis prêt. Apprenez moi à contrôler ma magie.""Bien. Déjà, tu dois arrêter de céder à la facilité en utilisant des sources de froid existantes. Tu as cette force en toi, alors libères là. Crée des particules de froid pur. Elles deviendront glace acérée. Ensuite, ramasse toute la colère que tu peux avoir en ton être et ceint la dans ces petits cristaux de gel. Et doucement, évacue la, fais la fuir loin. Tu blesseras ton ennemi de toute ta colère, mordante, comme le froid qui la transmettra."
Pour accompagner ses paroles, il fait quelques gestes avec précision. Des pics pointus fait de glace pure, d’une transparence rare apparaissent de ses doigts pour se jeter sur une colonne dans laquelle ils se plantent en faisant de petites fissures. Je siffle d’admiration alors qu’il me regarde, ravi.
"Des années d’entraînement sont nécessaires pour un tel degré de perfection, mais tu peux déjà bien te débrouiller. A toi."
Pendant une longue heure, j’essaye sans relâche d’imiter le maître, faisant de maigres réussites face à lui. Mais déjà, je commence à maîtriser la magie, lui dictant mes intentions, sans dépasser mes prétentions. A la fin, j’arrive enfin à cibler une zone, la mitraillant de faibles grêlons.
Content de moi, je m’accorde une pause en m’asseyant sur un banc glacé. Sidfreid vient s’asseoir à coté de moi.
(((Note au GM : cet entraînement est juste pour que je manipule correctement le sort Froid que j’ai de base)))
"Tu t’es bien amélioré. Tu n’as plus besoin de moi pour l’instant. Si un jour ton voyage t’épuise, n’hésite pas, ce temple t’est ouvert. En revoir."
"Attendez, je voudrais vous parler de quelque chose avant. Moboutou, le marchand de la boutique de magie nous a parlé d'un temple ancien vénérant Yuia il y a longtemps dans les Duchés des montagnes, mais abandonné depuis des années. Il nous en parlé parce qu’il parait qu’il s’y trouve des indications pour trouver le mythique livre de Yuia. J’espérais que vous en sauriez plus.""Le livre de Yuia ?! Tu es bien sûr ? Leurs origines sont un peu troubles, mais l’on dit que chaque dieu possède un livre sur notre terre, un livre amenant une sagesse immense pour manipuler les arcanes. Ce serait formidable qu’il existe des informations pour trouver ce livre. Mais faites bien attention. Si cet endroit a été abandonné, ce n’est pas pour rien. Personnellement, je pense que ce temple a été détruit par la fureur divine. Et un lieu abandonné par les hommes et les dieux l’est rarement par les bêtes."
Sidfreid se relève et s’éloigne pour retourner dans sa chambre.
"Bon voyage."
"Au revoir."Je reste assis un moment, repensant aux derniers instants. Puis je tâte mon sac, sentant au travers de la toile un parchemin. Sidfried partit, je décide d’essayer d’apprendre mon nouveau sort seul.
(Si j’ai besoin d’aide à chaque fois, je ne progresserais jamais)Je sors le rouleau de mon sac. Le parchemin est en bon état. Il n’avait jamais du quitter la boutique du magicien. En le déroulant, je fais se dégager des effluves que l’on retrouve dans les bibliothèques. Des symboles d’apparence incompréhensible sont étalés, formant des fresques hypnotisantes. Faisant fit de mes difficultés en lecture, j’ignore les symboles comme langage. Je me laisse absorber par ce puzzle, un dessin complexe aux volutes insensées.
Doucement, j’entre dans une sorte de transe, transformant ses arcs et ses déliés en vérité absolue, une évidence qui me mènerait à la connaissance. Il y a comme un déclic dans ma conscience.
Je comprends comment transformer ma volonté en une onde balayant l’air, se chargeant du mana de glace pour devenir une aura glacée, agressive si la colère l'envahit. Je pompe alors dans mon énergie, cherchant dans la moindre parcelle de mon être. Je sens mon énergie me quitter, mais je tente de rester conscient malgré cette projection astrale.
(Yuia, guide moi ! Que mon âme rencontre tes émanations magiques pour une ultime fusion)Mon énergie se mêle au mana ambiant, trépassant la matière, devenant une onde qui abaisse la température ambiante.
Je remarque alors que le parchemin est devenu vierge. Les écritures se sont évanouies. Mais comme je fixe le parchemin, mon énergie se concentre autour, le rendant de plus en plus froid. Il finit par se couvrir d’une pellicule de glace, étant désormais complètement rigide. En même temps, je me crispe dessus, toujours interloqué par la disparition des inscriptions. La concentration devient intense, manquant de m’arracher l’âme de mon corps. Ce point culminant se concrétisa par une crispation extrême.
Et ce qui devait arriver arriva. Sous la pression, le fin parchemin gelé se brise en mille morceaux, dans un tintement clair. Et heureusement pour moi, les éclats acérés s’enfonçant dans mes mains me ramènent à la réalité. Le sort s’interrompt, juste avant le point de non-retour où la magie allait dévorer mon âme. Je soupire, venant de vivre une expérience incroyable mais dangereuse.
(Ca doit être ça de vivre avec la magie. Effleurer sans cesse la ligne invisible, la limite de l’humainement possible.)Je retire les petits bouts de parchemins enfoncés dans mes paumes, provoquant des coupures superficielles. Les prêtres me regardent un peu surpris. C’est sûr que la scène avait du paraître étrange.
Je ramasse mon sac et fais un signe d’adieu en direction des prêtres, qui retournent vite à leurs occupations. Puis je vais réveiller Lallydir qui dort sur un banc.
"En route Lallydir, un long chemin nous attends"