Amarante fut conduite par le vieillard sous un petit porche auréolé de ces lueurs vertes. La végétation y était presque abondante, le sol était de mousse et les arcs muraux étaient bourgeonnés par d'étranges fleurs. Petites boulettes de pétales jaunes qui se fanaient sur l'immédiat. Elle sortaient des coques verdâtres pour s'épanouir l'espace d'une dizaine de secondes avant de mourir et de tomber dans une éternelle petite pluie de pétales jaunes en l'air, devenus bruns sur la terre noire...

Malgré cette ambiance féérique, au milieu du cercle d'ouvrage se dresse un autel retenant dans une sculpture de patte de corbeaux un orbe luisant... Les vibrations qui émanent de l'objet magique sont d'un noir odieux, la puissance révélée dans cet artefact vibre dans l'âme de ceux qui s'y approchent... Les racines au pied de l'autel brillent de mille éclats et s'enfoncent dans la terre, c'était probablement ça qui alimentait la magie dans ces lieux perdus...

Le vieil homme, alla s'installer sur un petit banc de pierre situé dans l'enceinte de l'alcôve. Il expliqua :

« Je suis Marsh. Gardien de l'orbe... Mais voyez, il est déjà gardé. Je suis aussi gardien des souvenirs. L'orbe murmure, il chante à ceux qui y tendent l'oreille, mais personne ne comprend. Cette ville l'adore. Pour beaucoup, le Maître est l'orbe ne font qu'un. Mais tout ceci est faux. Le Maître est notre Dieu. Nous l'adorons mais l'orbe est sacré. Trop sacré pour être un Dieu... Autrefois, la ville fut frappée d'une maladie, une grande épidémie qui avait emporté la moitié des habitants... Elle provenait peut être du navire, un jour tombé de la roche... Nous ne savons comment il est arrivé ici, mais la nourriture qui s'y trouvait avait attiré l'œil. Là, le Maître a châtié les pillards. Ils en sont devenus fous, mais il y a eu des émeutes, des choses atroces... La ville en porte encore les dures séquelles... Alors, l'orbe s'était emballé, il a noyé la ville dans un coussin noir avant de voler les yeux des fautifs... Aujourd'hui, ils se trouvent dans ce que nous nommons l'Antre... L'Antre des Exilés, mais elle est difficile d'accès, seuls ceux qui en reçoivent l'ordre, l'ordre du Maître lui même peuvent y accéder... Et ça n'arrive pas tous les matins. » Termina-t-il en ricanant sournoisement. Il présenta l'Orbe. L'orbe sacré, toujours plus noir...

Si un être souhaitait le libérer de la patte de corbeau, il serait instantanément privé de quelque chose, l'unique moyen, était de lui murmurer une phrase enchanteresse, quelque chose qui le libérerait de cette prison.

Au bas de l'autel, se tenait une tiare encastrée dans le roc. Aux contours curieusement irréguliers, comme si elle avait été conçue pour un visage autre que celui d'un humain. L'or semblait être dominant, mais un mystérieux éclat plus lumineux suggérait quelque étrange alliage avec un autre métal magnifique. En parfait état, il était possible d'y étudier de nombreux dessins minuscules et d'une originalité déroutante. De modèles marins, certains géométriques, d'autres ciselés ou modelés en relief sur sa surface avec un art et une habilité et d'une grâce incroyable... Sous elle, est écrit simplement :

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Jet de dès énigme : Tordue
Indice : - 1/3

Chaque personne à le droit à 2 essais, murmurer deux fois la tentative à L'Orbe. Aucune troisième fois infructueuse n'est accordée par l'objet magique, vous serez tué à la troisième si vous échouez. Ceci est bien sûr facultatif... Mais ça serait dommage de passer à côté d'un objet de la sorte. Je garde les capacités secrètes, je les équilibrerais en fonction du joueur qui réussira l'énigme.

Amarante avança, cherchant l’orbe du regard, cet objet enchanté de toute puissance dont elle rêvait mettre la main dessus. Si cette chose possédait la force citée par le vieillard, alors la Belle s’en servirait pour assouvir le monde. Tous ces imbéciles seraient à ses pieds et crèveraient sous sa volonté implacable. Mais l’atmosphère étrange qui régnait à l’intérieur donna des frissons à Amarante qui s’attendait à toute autre chose. Croyant être arrivée au pays des merveilles, elle put observer des fleurs d’une beauté, certes délicieuse, mais qui ne durait que l’instant d’un battement de cils. Ces belles écloraient et disparaissaient dans une pluie de pétales jaunes qui étincelaient sous la lumière tamisée. Néanmoins, l’objet tant recherché se trouvait là, devant ses prunelles qui luirent devant le spectacle. Cet orbe était magnifique, disposée dans une serre de corbeau qui la retenait prisonnière. Quelle bande d’idiots ! Comment osaient-ils la garder captive en ce lieu alors que des êtres terribles pourraient libérer sa toute-puissance pour façonner un nouvel ordre. La Sulfureuse savait trop bien la sensation que procurait l’enfermement ! C’était atroce ! Fulminant intérieurement, la Délicieuse masqua sa colère, sa rage même contre ce peuple pitoyable qui préférait vivre reclus dans les profondeurs dégradantes de ce monde.

Dégoûtée, Amarante désirait vomir toute sa violence en ce lieu afin de libérer l’énergie démoniaque qui emplissait le cercle enchanté. Puis, le crouton finit par interrompre le cerveau dérangé de la terrible démone pour lui expliquer l’histoire de cet orbe. Rapidement, la Belle apprit que le Maître était en fait une autre forme de cette sphère enchanteresse. Ainsi donc, cet objet pouvait murmurer des choses à ceux qui veulent bien l’entendre et donc par extension au fou qu’ils avaient croisé précédemment, celui qui avait exprimé des choses atroces à l’encontre de la personne ô combien sensuelle d’Amarante.

(Qu’il brûle en enfer !)

L’histoire de l’orbe attira l’attention de la Déesse. Apparemment, il possédait des pouvoirs totalement dévastateurs et pouvait agir en tant que personne, munie d’une conscience qui lui était propre. Cette révélation n’enchantait guère la Belle qui n’appréciait pas d’être en concurrence avec un objet aussi ridicule que cet orbe. Amarante n’arrivait toujours pas à comprendre comment ces crétins pouvaient vénérer un vulgaire caillou. Certes, il possédait des pouvoirs sans doute fascinants, néanmoins, ça n’en était pas moins qu’une pierre ! Une pierre qui avait retiré la vue à des pillards, des gens malintentionnés. Mais depuis combien de temps ces êtres étaient dans cet antre des Exilés ? N’étaient-ils pas morts après toutes ces années ? À moins que toute cette histoire ne soit qu’une machination destinée à détruire la virulente Amarante ? Tout était possible et cette sombre idée la dérangeait ! Elle qui était si bouillonnante et si impulsive, la Belle devait se résoudre à l’évidence : elle devait faire preuve de prudence !
«Vous parlez d’Exilés si j’ai bien compris. Depuis combien de temps sont-ils maintenus captifs dans l’antre ? Je n’arrive pas à comprendre comment peuvent-ils être encore en vie ? Pour quelles raisons gardez-vous l’orbe ? D’après ce que vous venez de dire, il semble pouvoir se protéger lui-même assez facilement, non ?»

Le vieil homme rajusta un peu sa position, il était si voûté que son corps donnait l'impression de fondre sur place et de couler lentement vers l'avant. Dans l'esprit d'Amarante, des murmures apparurent. Des cris, des pleurs... Et le silence soudain brisé par une brusque averse lointaine avant que les cris inconnus revirent faire vriller son esprit tant ils étaient emprunts de détresse.

« Garder l'Orbe ? Mais ma tendre enfant, vous n'avez pas compris l'histoire. L'Orbe décide de rester. Il me murmure qu'il aspire à trouver un porteur, un porteur qui sache le défaire de cette emprise. Il ne quittera ces lieux qu'avec le porteur, et aucun des nôtres a su se montrer digne. Il faut lui murmurer l'incantation située au bas de l'Autel. Dans une langue commune. Mais les langages sont anciens et personne n'a su vivre assez longtemps pour en connaître le sens. » Un temps, et il se leva.

Traînant adroitement son corps vers l'Autel ou il passera la main au dessus de l'Orbe. Celui-ci vibrait, comme si la tentation de briser ses propres chaînes pour trouver lui même un porteur s'emparait de lui... Mais l'Orbe était patient. L'Orbe se contentait d'attendre dans son écrin de fer, qu'une âme digne use et abuse de ses sombres pouvoirs. L'homme avait arraché à la faute environnante une petite tige de bois qui, bien qu'arrachée à ses racines continuait de créer des fleurs éphémères. De bout de la tige, il toucha l'obre entre les griffes du corbeau. La réaction fut immédiate. Comme de l'encens, le bout entré en contact avec l'objet tomba en cendre tandis que les fleurs furent mortes sur place et cessèrent de croître.

« Les Exilés vivent dans l'Antre, certains depuis des décennies. Je crois qu'ils ne survivent pas tous. Il arrive que parfois ils soient complètement vidés de tout sens, comme des morts debout. D'autres en revanche gardent le sens de la violence, et tentent de tuer à vue tout ce qu'il y a de vivant. Votre compagnon humain, bien qu'étranger à notre civilisation y a toute sa place... Regardez son esprit. Vide, incapable d'appréhender et de comprendre les directives oniriques. Il est même possible que les voix aient tenté de le mettre en danger... »

Une chose étrange interrompit les pensées de la Belle, une force si soudaine et si nouvelle qui s’immisça à l’intérieur de son esprit déjà bien dérangé par une folie furieuse qui ne demandait qu’à éclater. Qu’était-ce ? Le gardien qui tentait de tester ses compétences évidentes ? Un être qui voulait la mort de la Délicieuse ? Quelle honte ! Comment osait-il pénétrer son intimité, la souiller de pleurs et de tristesse infinie qui n’avaient pas lieu d’être dans l’antre du mal, dans ce cerveau chargé de rancœur. Puis, ils finirent par s’arrêter avant de reprendre irrémédiablement pour la faire sombrer dans un chaos intérieur. Amarante détestait ce genre de sentiments pénibles et pitoyables. Les pleurnichards n’avaient pas à exister, ils ne servaient à rien et elle comptait bien le faire savoir !
«Qu’est-ce donc que tous ces larmoiements ? Pourquoi dois-je supporter cette peine pathétique ?» demanda-t-elle au vieillard pour tenter de comprendre la situation.

Mais le crouton lui expliqua qu’il était à la recherche d’un porteur de l’orbe. Sans doute cet objet était chargé d’une puissance infinie qui propulserait la Belle vers le sommet de la gloire et de la vie éternelle. Cependant, la Belle n’était pas vraiment douée par les énigmes, si en plus il fallait qu’elle traduise un langage qu’elle ne connaissait pas pour récupérer l’objet, il était évident qu’elle n’était pas sortie de l’auberge.
«Et le jour où une personne décryptera la phrase, vous perdrez donc votre culte et votre seule raison de vivre ? N’est-ce pas un peu stupide de votre part ?» interrogea Amarante sceptique.

Même si la Sulfureuse désirait au plus haut point d’emparait de cet objet maléfique à souhait, le gardien lui fit clairement comprendre qu’elle n’était pas en mesure de la toucher… Une de ces plantes étranges mais somptueuse partit en cendres dès qu’elle toucha l’orbe… Ainsi donc, Amarante n’avait d’autres choix que de décrypter ces glyphes, cette phrase étrange et mystérieuse qui ne lui disait pour être honnête rien… Pourtant elle devait faire un effort, mettre toute sa délicatesse et toute son intelligence à l’œuvre pour enfin libérer de ses entraves cet objet ! Oui ! Elle savait pertinemment la sensation de douleur que devait ressentir cette entité, Amarante ne connaissait que trop bien la sensation d’être prisonnière.

Pour terminer son discours, le vieux crouton lui raconta que les Exilés étaient reclus dans cet Antre seulement pour ne pas qu’ils tuent à tout va… Cela donna une idée à la Belle. Pourquoi ne pas les libérer pour décimer cette population pitoyable ! Après tout, l’humanité n’avait pas besoin de ces imbéciles qui vivaient sous leurs pieds, ça n’avait aucun sens !
«Et que se passerait-il si jamais quelqu’un venait à les libérer ?»

Quant au mineur, Amarante savait très bien où il avait sa place : dans une tombe… Cet idiot avait tenté de la tuer alors qu’elle était capable de créer des tornades pour se protéger et vaincre toutes les personnes qui se dresseraient en travers de son chemin. N’avait-il pas vu en elle le mal ? L’obscurité naissante qui plongerait ce monde dans les ténèbres ?

Le vieillard portait une attention grandissante envers toi, il passait à de nombreuse reprise sa main sur son menton et multipliait les moues réfléchies. Il se tourna finalement pour retourner poser son vieux séant sur le muret couvert de nouvelles fleurs.

« Le Maître et l'Orbe sont différents. Ici, ils vénèrent le Maître, et l'Orbe me harcèle depuis trop longtemps, je suis le gardien de ses secrets et de son culte. Aucun fidèles à ce jour, les rares que j'avais sont aujourd'hui dans l'Antre. »

Du tranchant de la main, il épousseta ses chausses, faisant chuter d'innombrables pétales qui tournaient à la cendre et enfin, continua après avoir longuement pensé :

« L'Antre renferme de nombreux secrets... Tant de maladies, de fous... La folie y règne et elle ne connait aucune règle. Si vous souhaitez ouvrir l'Antre, notre fin sonnera, pour tous... Sauf si quelqu'un brandit l'Orbe. Pour les voix, j'ai bien quelque chose, un breuvage à base de racine qui pourrait les chasser... Pour un temps, mais si vous en abusez, vous mourrez, ce qui soigne tue, tout dépend des doses.»

Amarante allait de révélation en révélation ! Néanmoins, ce vieux crouton commençait à la perdre complètement. La Belle pensait que le maître et l’orbe étaient la même chose sous d’autres appellations d’après ce qu’il venait de lui dire, mais à présent il disait le contraire… une chose encore plus intéressante fit apparition dans les propos du vieillard, il avait des fidèles parmi les esprits dévastés de l’Antre ! Que ceci était intéressant. Ainsi donc ce centenaire n’était en rien altruiste et bon, ce devait être une de ces âmes noires qui semaient le chaos dans les cœurs et dans les esprits. Peut-être était-ce même lui qui avait torturé ces imbéciles jusqu’à ce qu’ils deviennent complètement frappés.
«Je ne comprends plus rien ! Soyez plus clair ! Vous venez de me dire que l’orbe était le Maître mais maintenant vous dites le contraire. Qu’est-ce que cela signifie ? Et en ce qui concerne vos soi-disant fidèles pourquoi ne les libéreriez-vous pas pour imposer votre volonté au monde s’ils sont aussi violents que vous le dites. Ainsi vous pourriez exercer toute votre domination. Qu’est-ce qui vous en empêche ? Un esprit faible peut-être ?»

Puis, il continua discutant des personnes qui vivaient terrées dans l’Antre où régnaient maladies et folies. Cela n’effrayait en rien la Belle qui serait contenir toute cette violence pour l’user à volonté ! Mais d’après ce qu’elle comprit seul l’Orbe pourrait parvenir à maîtriser toute cette malfaisance. Bref ! Amarante n’était pas du genre sainte-ni-touche alors si elle pouvait libérer toute cette force, elle le ferait sans honte !
«Moi personnellement, je trouverai l’idée amusante et divertissante de les libérer ! Je ne sais que trop bien ce que c’est que d’être enfermée et je ne leur souhaite pas de vivre ainsi jusqu’à la fin des temps. Si j’en ai l’occasion je leur offrirai cette possibilité qu’ils soient létaux ou pas.» dit-elle amusée.

Face à ta soudaine incompréhension, le vieillard se releva, il haussa les épaules autant qu'il le put en s'avança, traînant maladroitement son vieux corps vers l'autel.

« Mais vous ne suivez rien. Les habitants de la terre voient l'Orbe comme le Maître car les deux murmurent, mais l'Orbe et le Maître sont identiques puisqu'ils rendent fous tous les deux, mais ils sont différents car la même force ne les anime pas de la même façon. L'Orbe est devant vous alors que le Maître c'est moi. Ou peut être vous ? Vous parlez de quoi ? Du Maître ? Ou du Maître ? L'Orbe cherche un Maître mais le Maître qu'il cherche n'est pas le Maître puisque le Maître est l'Orbe sans pouvoir l'être. Vous me comprenez ? »

La chaleur ambiante commençait doucement à grimper. De nouveau, comme à votre arrivée la terre fut secouée lentement par de faibles vibrations qui faisaient tremblotter les petits graviers ça et là sur le sol.

« Et puis, mes fidèles sont fous ! Ou peut être que non, qui sait, j'avoue ne m'être jamais entretenu avec eux. Je ne peux déchiffrer cette énigme. Seul un Maître en la matière le pourrait. Au fait ? Je vous ai déjà parlé de l'Orbe ? »

Derrière Amarante s'étendait la ville. Dans cette ville inconnue, s'élevaient dans les profondeurs de la pierre des hurlements de plus en plus stridents, de plus en plus forts. Comme si la population devait complètement paniquée, peut être s'agissait-il d'une attaque de scolopendre. Mais à cet instant précis, alors que tu souhaitais peut être t'attarder sur ce qui se passait derrière ces murs, le vieil homme attrapa tes deux épaules fermement, son visage était animé d'une expression toute nouvelle, rien ne laissait prévoir un tel changement, mais l'homme, presque apaisant qui t'avais expliqué de façon étrange l'histoire de la cité qui l'était tout autant, sombrait dans quelque chose d'indicible.

« Entendez-vous ? Nous ne sommes pas égaux ! Pas égaux, c'est l'oeuvre du Maître, ils sont différents, l'Orbe est un symbole de pouvoir qui se possède, avec lui, rien ne s'opposera à vous, le Maître en revanche est une entité, rien ne peut le posséder ! Entendez ? Les hurlements ? Ils crient ! Ils pleurent ! Ils craignent ! Prenez ça... »

Il délivra ton corps de son emprise tout farfouillant dans ses toges pour en extraire une petite fiole fine contenant un breuvage violacé.

« Buvez ! Et si vous souhaitez délivrer les exilés, sachez qu'il vous faudra brandir l'Orbe pour chasser le Maître de l'esprit de ses fidèles... De nous... Nous sommes ses fidèles... Même si nous ne l'avions jamais voulu. » Un temps et il souffla. Te tournant le dos. La démarche encore plus misérable, il s'installa. Le visage ravagé de ce qui était souvenir et désarroi. Peur anciennes et panique nouvelle. Il portait maintenant en toi un nouvel espoir.

« Buvez... Ca chassera les voix pour un temps. Elles ne vous harcèleront plus.»

Les explications du vieillard n’aidèrent pas la Belle qui se perdit dans un abominable mélange de paroles qui lui donnèrent des maux de tête. Ne pouvait-il donc pas être clair et concis ? Amarante était lasse et voyait bien cet idiot rôtir sur un bûcher qu’elle alimenterait de ses vents. Que croyait-il ? Il n’était pas face à une de ces niaises pitoyables qui faisait tout ce qu’on lui disait, bien au contraire, la Divine pourrait l’anéantir en un temps record ! Bref ! Cet être était donc le Maître, mais l’orbe aussi. Amarante en resterait là et ne chercherait pas plus de poux à cet incompétent.
«Hé bien soit ! Même si je ne suis pas sûre de comprendre encore maintenant je préfère en rester là.»

Une chose étrange apparut, la température montait graduellement, mystérieusement comme si elle était le reflet de la rage de cet être impotent. Contrôlait-il les éléments ? Cette hypothèse pouvait se révéler véridique étant donné que le sol se mit à trembloter, comme si un séisme voulait affronter l’esprit dément de la Sulfureuse.
«C’est donc vous qui créait ces phénomènes ! Vous possédez donc tout comme moi des pouvoirs. En gros ces gens vous vénèrent bêtement parce que vous disposez de capacités qu’ils n’ont pas… Pathétique !» dit-elle un rictus venant déformer son visage.

Amarante fut interrompue par des cris ou peut-être des lamentations. De nouvelles personnes craintives et chétives devaient succomber face à leur reflet dans un miroir. Leur abominable mocheté devait les assassiner sur le coup. Avec un peu de chance, ses compatriotes se trouvaient parmi ces personnes ! Le garçon à la crête crevait-il en ce moment même ? Que ceci était grisant, excitant, orgasmique ! Néanmoins, le vieux crouton l’attrapa par les épaules, allumé d’une flamme nouvelle. La Belle l’observait, scrutait ses traits qui s’étaient changés en quelques secondes. Il lui expliqua que des personnes pleuraient, larmoyaient sur leur sort ! Cependant, elle n’en avait cure et cherchait simplement à éviter ces cris inutiles qui la molestaient intérieurement. Le vieux lui ordonna de boire une sorte de mixture étrange pouvant chasser les voix selon lui.
«Donnez-la-moi ! Mais s’il m’arrive quelque chose, je vous le ferai regretter vieux fou !» menaça-t-elle avant d’avaler le filtre.

Pour terminer, Amarante comprit quelque chose qu’elle n’aurait pas soupçonné. Cet homme lui demandait de le délivrer de l’emprise de l’orbe et pour cela elle devrait la brandir et par conséquence décrypter le message qui se trouvait inscrit non loin. Croyait-il qu’elle était une enquêtrice susceptible de décoder une telle langue ?
«Et pour cela je dois traduire cette phrase qui se trouve dans une langue que je ne connais même pas ? Je dois deviner ? Je dois écouter l’orbe ? Vous me donnez de bien maigres indices…»

Après tes dernières paroles, la canne du vieil homme tomba à terre. Les cris avaient cessés, certes, mais ta vue se brouillait. Tes yeux piquaient et le liquide pourtant doux te montait à la tête.

Le " vieux croûton " baissa les yeux, contemplant le sol et ses parures mortes. Derrière toi, alors que tu défailles, s'étaient rassemblés en silence des êtres noirs. L'oeil vitreux, le regard vide, sans un mot avancèrent vers ton corps inerte. Etalée sur le sol, Amarante était ailleurs, son physique seul restait présent, son esprit avait été avalé, engloutis par un abîme nocturne dont seule elle connaissait la forme.

Des mains collèrent à ta peau et soulevèrent ton corps en silence. Le vieil homme n'avait pas bougé d'un cil, sans oser te regarder disparaître, il essuya une larme d'un geste discret.

Le filtre n’était donc qu’une supercherie, une boisson infecte contenant un poison mortel, prêt à envoyer directement la terrifiante Amarante dans les ténèbres les plus profondes. La Divinité ne s’était pas suffisamment méfiée de cet homme pitoyable et elle en garderait sans doute les séquelles. Mais, dès qu’elle se serait réveillée la Belle n’hésiterait pas à le tuer de ses terribles pouvoirs. Quel imbécile ! Croyait-il vraiment que son âme perfide se laisserait faire aussi facilement ? Non ! Elle reviendrait le hanter et détruirait ce monde souterrain une bonne fois pour toute. Ces êtres, ces taupes venaient de déchaîner la toute-puissance, la colère, le chaos incarné. Même morte Amarante n’aurait de cesse que de les détruire tous autant qu’ils étaient.

Néanmoins, son esprit cessait de lui obéir, plus le temps passait, plus ses pensées se brouillaient, se fondaient dans un brouillard épais. Telle l’écume au-dessus d’une vague, l’âme de la Sulfureuse était évaporeuse, prête à disparaître en un clin d’œil. Des êtres étranges s’en prirent à elle dans son sommeil, l’emprisonnant dans leurs mains souillées. N’avaient-ils pas compris ? Cette fois-ci ils venaient de franchir un fossé qu’ils n’auraient jamais dû traverser. Jamais elle ne les avait autorisés à la toucher et encore moins à la transporter dans un lieu où elle ne désirait pas… Mais c’en était trop, ses yeux ne pouvaient rester ouverts, ses paupières se fermèrent, la laissant sombrer dans l’obscurité la plus profonde. Les paroles disparurent, les cris et les lamentations n’étaient plus que des murmures inaudibles.

La magie de l’Orbe devait sans doute être à l’œuvre, sa force, son énergie l’avait faite voyager dans un nouveau lieu, dans une nouvelle dimension ou même un autre univers. Amarante finit par ouvrir ses prunelles complètement déboussolée par cette expérience insoupçonnée. La Belle regardait autour d’elle pour tenter de trouver des repères, pour tâcher de se souvenir de ce lieu… Mais rien ! Tout était si étrange qu’elle se demanda même si elle n’était pas morte. Oui, ce devait sans doute être ça ! Ce vieux crouton l’avait assassinée avec son filtre pittoresque. Amarante était furieuse, ressentant son énergie bouillir comme de l’eau sous les flammes d’un foyer. Fermant le poing, elle aurait bien voulu frapper cet impotent, lui briser les os de ses mains frêles et pourtant chargées de toute son énergie venteuse.

Autour d’elle il n’y avait rien à part des pierres qui volaient dans les airs. D’ailleurs, elle aussi était sur une roche flottante. Qui régissait ce monde, qui osait l’emprisonner ici ? Son corps était sans doute en train de brûler dans les flammes de ce satané peuple alors que son âme était enfermée dans cette prison psychique, lieu où elle vivrait éternellement, seule et sans avoir pu atteindre ses objectifs principaux. Non ! Elle ne pouvait accepter une telle fin, cela était bien trop gros pour Amarante, sa vie ne pouvait se résumer à mourir et perdre ainsi tout espoir de destruction et de domination. Une chose attira cependant son attention : une sorte de trou noir aspirait les roches qui flottaient à ses côtés. Peut-être pourrait-elle passer à travers ce passage pour retourner dans un nouvel univers où elle pourrait se sortir de ce mauvais pas ! Ainsi donc, Amarante se jeta à l’intérieur de cette puissance nouvelle, bien décidée à faire regretter à tous ces idiots de lui avoir infligé ces maux.

Mais, il ne se passa rien de spécial ; elle retourna à son point de départ, sur le rocher qu’elle avait quitté un instant auparavant. C’en était trop ! Amarante poussa un cri strident absorbé par la cacophonie qui l’entourait. La Belle comprenait que trop bien qu’il était vain de vouloir retrouver son corps de Déesse, qu’il était trop tard. La jeune fille avait été piégée bêtement et il ne lui restait plus qu’à se morfondre, à se maudire pour son incapacité dévorante à survivre face à un vieillard. Tous ses rêves, tout son futur, tous ses souhaits venaient de disparaître en un claquement de doigts sans qu’elle ne puisse rien y faire. Les Dieux continueraient d’imposer au monde leur minable volonté sans qu’Amarante ne puisse les détrôner. Comment avaient-ils pu lui faire ça ? Comment ? Comment ?! Mais au fond d’elle-même, Amarante savait qu’elle trouverait un moyen pour revenir sur Yuimen et elle détruirait ce monde, cette fois c’était certain. Elle le ferait imploser, l’anéantirait sans que personne ne puisse s’opposer à elle !
«Je reviendrai bandes de minables ! Et vos mines ne seront plus qu’un champ de ruines ! Vos cadavres serviront de dîner aux scolopendres ! Vous verrez, vous regretterez de m’avoir fait ça !» hurla-t-elle dans l’infini qui s’offrait à elle.