Réveillé dans ta cabane, tu entends maintenant un bruit de sabots au galop.

Un long moment s’écoule avant que je ne réalise où je suis. C’est bel et bien ma cabane qui se trouve autour de moi. Et, alors que le galop se fait de plus en plus fort, j’ai encore ces deux yeux verts en tête. J’hésite à me redresser…à donner un quelconque crédit à ce que je viens de voir…

(de vivre ?…)

Alors je reste allongé…Je voudrai tant me rendormir, prétendre que tout cela n’était qu’une invention de mon esprit…mais deux émeraudes brillent dans ma tête, trop réelles pour que je puisse les avoir inventées. Et ce galop de cheval, c’est un rêve aussi ?…

(Tout ceci peut encore être évité…)

La voix me revient en tête alors que je me redresse sur ma couchette. Alors même au fond d’une forêt je n’arrive pas à être tranquille ?…
Je me sens épuisé…complètement abattu à l’idée que la liberté à laquelle j’aspire…n’existe pas. J’ai beau m’éloigner de tout le monde…quelqu’un arrive encore à me retrouver dans mes rêves pour me déranger.

(Prends la porte des songes dans le royaumes des nains…)

Je suis parfaitement réveillé maintenant mais je ne comprends pas mieux ce qu’il m’arrive. Le cheval, si s’en est un, sera bientôt là. En y réfléchissant je connais seulement deux…êtres, qui ont su se glisser dans mes rêves avec autant de…réalité…Shin et Elle. Mais Shin n’était qu’un fantôme et je l’ai définitivement éliminé…Quant à Elle, si Elle avait un service à me demander, Elle ne se donnerai pas autant de peine pour me le faire comprendre…Mais alors qui ? et pourquoi ?…

(…La folie te guidera…Je compte sur toi…)

Je ne comprends rien…Je ne veux pas comprendre. Mais si c’était vrai ? Si Leïla était vraiment en danger. Pour une fois que j’ai une chance d’aider quelqu’un que j’aime…Et ça ne sera pas la première fois que je me fierai à un rêve…
Il fait encore nuit noire mais je ne pense pas que je serai capable de me rendormir après un cauchemar pareil. J’attrape ma cape, ma besace et mon arc. En dessous de l’arbre un cheval hennit. Ne sachant à quoi m’attendre j’enfile mes griffes. Un cheval se déplace rarement sans son cavalier…et rêve ou non, je me demande bien comment quiconque a pu me trouver ici…je n’ai laissé aucunes traces…

Le martèlement des sabots a cessé, la forêt a retrouvé son calme. Le cheval s’ébroue, mais je n’entends rien d’autre. Je descends de quelques branches pour voir ce qui se trouve en dessous du feuillage. Dans la pénombre je distingue un cheval, mais pas de cavalier en vue. Lentement, faisant le moins de bruit possible, je fais le tour de l’arbre, passant agilement de branche en branche. Je scrute attentivement les obscurs buissons qui jonche le sous-bois. Pas d’autres bruits que celui des sabots du cheval qui foule le sol de temps à autre. Plusieurs minutes s’écoule sans que rien ne se produise.

(Si quelqu’un voulais me surprendre, il ne serait peut-être pas venu à cheval jusqu’ici…Alors pourquoi personne ne se montre ?…Ce cheval n’a pas pu venir ici tout seul…)

Tu entends une voix de femme émerger alors, d’un ton vraisemblablement exaspéré.

« Voilà, j’y suis ! Tu es satisfaite maintenant ? Tu vas me laisser dormir ! Tu vois bien qu’il n’y a personne dans ce coin paumé ! »

Tu vois alors une cavalière peu banale, arborant une armure semblable à celle de la milice de Tulorim….Elle possède une magnifique chevelure rousse rassemblée en une queue de cheval, et parait plutôt maigre. Tournant encore en rond dans les alentours avec son destrier, tu peux l’entendre sangloter et grommeler en intermittence.

Je ne l’avais pas vu tout de suite dans la pénombre. Et de toute évidence elle ne m’a pas encore repéré. Mais à qui parle-t-elle ? Et que fait une milicienne de Tulorim au milieu de la forêt de Yarthiss ? Pour quelqu’un qui ne connais pas la forêt la route la plus proche doit être à au moins une journée de marche…En tout cas, pour mener un cheval dans ces sous-bois, ce doit être une bonne cavalière. Analysant ce que je peux voir j’essaye de repérer la personne a qui elle a parlé. Mais l’obscurité ne m’aide pas, et son injonction reste sans réponse…

De ce que je comprends, elle doit être perdu, sinon elle ne serait pas dans cet état. Je l’entends sangloter. J’attends encore un moment mais personne ne se montre. Ne pouvant pas rester éternellement percher dans mon arbre à regarder cette femme se lamenter je me décide à parler. Je ne me montre pas pour autant, préférant rester à couvert du feuillage de mon arbre.

« Qui es-tu ? Et que fais-tu ici ? »

Ma voix est glaciale, pas la moindre trace de compassion.

La jeune femme cherche d’où vient le son de ta voix avant de répondre :

« Hein… Enfin… Suis-je arrivée à destination ? Tu penses qu’il est là, hein ? Car bon… Sinon tu n’as qu’à te débrouiller toute seule… et moi je pars pour Mertar… »

Elle ne bouge plus, comme si elle écoutait une voix imaginaire…

« Hachéééééééééééé… Tu es là ? » Crie t’elle de toute ces forces.

De plus en plus déconcerté, je reste silencieux un instant. Cette femme parle à quelqu’un et semble chercher une autre personne. Cette nuit est de plus en plus étrange. Je reprends sans laisser paraître mon étonnement dans ma voix.

« A qui parles-tu ? Et qui est Haché ? Il n’y a personne de ce nom ici. »

Tu peux toujours voir cette jeune femme, équipée avec un semblant d’amure milicienne. Celle-ci ne comporte pas l’insigne de la milice qui a été précautionneusement effacé. Celle-ci tourne en rond autour de son cheval avant de te répondre :

« Tu es qui… O toi qui me répond… Tu es un esprit ? Un humain ? Tu es l’homme qui s’appelle Haché que je cherche depuis le début de cette nuit ? »

La femme prend sa tête dans ses mains avant de se tirer les cheveux.

« Non… C’est pas possible… Tu me demande de l’aide, je vais à l’endroit indiqué… Et je n’ai qu’une voix… »

De toutes évidences cette femmes n’est pas dans son état normal, mais elle n’a pas l’air dangereuse. Et si la conversation peut devenir un peu plus instructive si elle me voit, je ne vais pas attendre plus longtemps. Je me laisse glisser de l’autre coté de l’arbre puis le contourne pour faire face à la femme. Je prends bien garde de garder mes mains gantées de griffes dans ma cape. Inutile de l’affoler encore plus. Sans attendre sa réaction je prends la parole.

« Si ça peut te calmer, oui je suis humain… »

Je m’avance un peu vers la cavalière avant de rajouter : « Qui te demande de l’aide ? Et comment tu as trouvé cet endroit ? »

De plus près je m’aperçois que l’insigne de la milice a été effacé de son armure.
(Mais qui est cette personne ?…)

La jeune humaine montre des signes de fatigue, des cernes se situant sous ses yeux. Son regard sonde tout se qui bouge, le moindre bruit la fait sursauter. Dès qu’elle te voit apparaître, un grand sourire vient prendre place sur son visage.

« Ah… Je t’ai trouvé, Haché… Enfin l’autre va me lâcher… »

Elle s’arrête un instant, regardant partout.

« De qui, qui me parle ? Ben toi… »

Dit-elle d’un rire nerveux.

« Je m’appelle Ash. Et je suis le seul à vivre ici, je ne connais pas de Haché. »

J’hésite à la questionner encore sur qui lui a demandé de l’aide et comment elle a réussit à me trouver ici, mais je renonce. Après tout ça ne sera pas la première fois que je me frotte à des puissances que je ne comprends pas…
Je me concentre plutôt sur ce que j’ai une chance de comprendre.

« Tu as parlé de Mertar tout à l’heure, pourquoi t’y vas ? »

Je ne pouvais pas ne pas faire la connexion. Dans mon rêve la voix me parlait du royaume des nains, et voilà qu’une jeune femme parlant de Mertar se pointe sous ma cabane.

(Et si cette femme représente la folie, je ne pourrai même pas m’en étonner…)

Si je me laisse guider dans cette direction…C’est sûrement la même voix qui a contacté la cavalière.

La cavalière te parle alors en regardant à terre comme si elle y cherchait quelque chose. Sa voix se fait nerveuse et haletante.

« Ash…Oui…C’est bien ce que je disais ! Et Mertar…ben c’est pour les rêves. Ils sont devenus fous ! Tu n’as pas vu ? Partout dans la ville ! Ils sont partout ! »

L’étrange femme aux cheveux roux se retourne alors vivement en s’adressant au vide devant elle. Elle agite les bras en l’air et à l’air énervée…Son cheval reste cependant impassible, comme s’il était habitué aux délires de sa maîtresse.


« Non, vas-t-en ! J’ai assez de travail comme ça ! »

Pendant un instant je me demande si cette femme n’est vraiment pas dangereuse. Mais non, elle est juste complètement folle. Pourtant, je vais bien être obligé de la suivre si je veux avoir une chance de sauver Leïla. Mais je n’arrive pas à comprendre de quel danger il s’agit. Qu’est-ce qui a bien pu mettre cette femme dans un état pareil ?…

« Je ne comprends pas, tu veux dire que…les rêves sont partout en ville ? C’est quoi cette histoire ? »

La jeune femme te regarde avec des grands yeux, toujours très agitée.

« Les rêves… ben c’est des rêves… Des cauchemars quoi… »

Elle ne tient pas en place et se met à sautiller dans tout les sens sur les étriers. Son fidèle destrier ne bouge pas d’un poil.

« Le temps presse… Vite !!! »

Dit-elle en te fixant avec de grands yeux ronds. Puis, elle se tourne dans sa selle, du côté opposé à toi et dit tout bas :

« Bon… tu es contente maintenant hein ? »

J’en ai vu des choses étranges au cours de ma vie, alors je garde la tête froide. Après tout, est-ce que parlais à quelqu’un que les autres ne peuvent pas voir est plus inconcevable que parler à quelqu’un qui loge dans sa propre tête ?…
Je me retiens de soupirer, et demande sans même changer de ton.

« A qui tu parles là ? Je ne vois personne derrière toi. Qui est contente ? »

Je ne sais pas trop pourquoi je cherche à comprendre. Je suis déjà près à la suivre jusqu’à Mertar de toutes façons. Mais tout ça est si…précipité. Je crois que j’ai encore du mal à concevoir que je suis en train de me fier à un cauchemar…même si on esprit me crie que tout ça était trop vrai pour être un simple rêve…
Alors je me raccroche à ce que je vois…Une femme complètement fêlée…

Se retournant vivement vers toi, la cavalière te répond en faisant de grands gestes jusqu’à en avoir le souffle court :

« A qui je parle ? Mais à la femme ! Pas les autres esprits non, eux ils parlent pas pareil ! Les esprits ils pensent qu’à se venger, à hanter les mémoires ! La femme non, elle est différente ! Elle nous voit ! Elle nous observe ! Et elle sait tout ! Elle dit qu’elle a besoin d’aide ! Mais pourquoi moi ? Pourquoi nous ? J’en peux plus…Pourquoi c’est sur moi que ça tombe toujours…D’abord les esprits, puis la milice et là la femme… J’en peux plus moiiii »

Ces mots s’achèvent sur de longs sanglots, la femme se couvrant le visage des mains, se recroquevillant dans la crinière de son destrier.