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Auparavant~
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J'écoute les réponses des matriarches humaines, et elles font douloureusement écho. Oaxaca leur ressemble. Elles s'y retrouvent, exactement comme les maîtresses shaaktes en Yuimen. Plus grave encore, ce que je redoute se produit. Elles envisagent même une alliance avec la demie-déesse. J'en plisse les yeux, grandement meurtri. Si cela se produit, alors Aliaénon et Oranan sont condamnés, car si elles n'interviennent pas ou pire accroissent les forces oaxiennes, je suis certain que personne, pas même un envoyé divin, ne pourra stopper la marche.
La blonde rebondit sur mes paroles, envisageant le Thiir, cette poudre, pour négocier. Je tente un regard vers la Reine, qui affiche tous les signes d'un sentiment de trahison. Elle est plus pâle encore, et tente de les persuader que ce monde sera ravagé sans leur aide. Elle ne reçoit comme réponse qu'il est absurde qu'Oaxaca détruise une planète sans rien y gagner. Ces dirigeantes sont persuadées que pour sauver les leurs, se rallier à elle est la seule solution.
Je me sens m'assombrir. Je savais que la chose n'allait pas être simple, mais que l'aide requise se destine à l'ennemi me cause une douleur sourde. Tendu mais stoïque, je prends la parole.
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Je comprends votre point de vue. D'autres que vous ont fait cette même erreur en Yuimen."
Je les regarde sans animosité. Je me doutais qu'elles ne seraient pas faciles à convaincre. Seulement, j'ai aussi quelque chose à défendre. Je pense à ma pupille. Je songe à la jeune Ayame enceinte. Je tremble pour la République, pour la cité d'Oranan directement exposée. Je redoute le sort réservé aux Hommes d'Andel'Ys et de Treeof.
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Et leurs têtes sont autant de hures, affichées dans un camp comme dans l'autre. Vous avez raison, une alliance augmenterait les chances que votre peuple soit épargné."
J'inspire brièvement, tentant de conserver mon calme en adressant un bref regard à la jeune Reine Sheeala, puis en poursuivant. Si je considère la possibilité de l'échec, il se produira.
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Mais cela ne sera qu'un répit de courte durée. Et si c'est la voie que vous choisissez, vous perdrez plus que vous ne l'imaginez. Puissance, respect, liberté. Ce à quoi vous tenez vous sera arraché."
Je marque une brève pause. Il me faut leur faire comprendre qu'en agissant ainsi, elles ne font que permettre à la Demie-Déesse de mieux les poignarder dans le dos. Non sans les avoir humiliées au passage, pour en faire un exemple. Je reprends la parole en pesant lentement dessus.
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En Aliaénon, les vôtres sont les seuls réputés aptes à se battre. Vous êtes un danger. En vous joignant à elle, Oaxaca profitera de vos ressources, de votre savoir. Elle vous fera étroitement surveiller par ses troupes au cœur même d'Arothiir, voire par l'un de ses hommes, de ses lieutenants. Auquel vous serez soumises, et devrez rendre compte dans l'éventualité où elle vous laisserait en charge de votre cité. Et le jour où Aliaénon sera sous sa botte, qu'il vous sera impossible de trouver le moindre allié, que les secrets du Thiir et le vôtre seront percés, elle se débarrassera de vous... Puis de votre identité."
Je serre le poing contre mon casque, à me le faire blanchir.
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C'est déjà arrivé en Yuimen... Et cela sera votre destin si vous lui offrez cette opportunité. Cela prendra quelques mois, quelques années peut-être, mais elle se retournera contre vous pour assurer ses arrières. Oaxaca ne protège rien ni personne. Ce n'est pas dans sa nature. Elle conquiert et asservit, et seul le chaos règne sur ses terres. Je vous conjure de ne pas l'oublier. "
Nouvel instant de silence de ma part, me permettant de réaffirmer mes convictions.
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Je conçois que les paroles d'un homme aient peu de poids en vos terres. Mais mon cœur est calme et sûr. J'ai juré de protéger les vôtres, tout comme mon monde et ceux que j'y ai laissé. Je m'y tiendrai. "
Je conclus, avec un calme qui me surprend un peu.
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Je ne possède guère plus que de ma vie et que ma magie en Aliaénon, mais si vous les offrir a la moindre chance de vous faire reconsidérer votre position, je n'hésiterai pas à le faire."
Mes yeux violets passent sur chaque visage féminin, y compris celui de la Reine. Je les clos à demi puis ploie légèrement et humblement vers l'avant face aux matriarches, à l'ynorienne. Je songe brièvement que c'est la première fois que j'évoque mes pouvoirs en présence de ressortissants d'Aliaénon. Seul le jeune Khar'Tal en a eu un aperçu, et cela l'a endormi en même temps que l'ourgle en pleine forêt.