Le Sergent Collin prend le temps de tous nous écouter, puis il nous répond à chacun dans l'ordre de nos questions. Rien que l’exercice de mémoire que cela demande, j'en suis impressionné. Sans montrer mon ressenti, j'écoute attentivement les réponses, riches en informations diverses sur ce monde étrange pour nous. Il répond en premier à la jeune femme brune, on apprend ainsi que les maisons sont plus ou moins en concurrence entre-elles, mais dès qu'il s'agit de nuire à la maison Valaï, la suzeraine, alors des alliances de circonstances se font. Il explique que les relations sont quand même possibles entre-elles, mais que personne n'apprécie la maison Kartage, alors que la maison de la colonelle, elle, est vassale directe de la maison Valaï. Il indique qu'il existe une bibliothèque riche en information sur les maisons nobles du monde, ainsi que des gens appelés journalistes qui en savent beaucoup aussi. Des informateurs ? Intéressant à savoir...
Il explique ensuite des notions supplémentaires sur le téléphone à la jeune elfe. Rien de vraiment rassurant, mais bon à savoir... En cas de difficulté, on ne peut pas savoir ce qu'il y a dans notre appareil car il est lié par une force appelée Génétik, qui est une empreinte, comme une sorte d'esprit... Enfin à quoi bon essayer d'expliquer ça, si on se fait attraper, le tout est de savoir se battre pour s'en sortir et puis voilà... Donc rien n'arrivera à notre téléphone ni à nous...
Le Sergent répond par l'affirmative à ma question. Oui, je vais passer pour un original, oui je vais marquer les esprits de ceux que je vais croiser, mais non il n'y a pas de dangers outre mesure. En tout cas je ne passerai pas pour un agent du gouvernement. De toute façon il faudra qu'ils s'y fassent, j'ai ma fierté et mes convictions. Je ne prendrai pas les couleurs d'un pays dont je ne sais rien, mis à part qu'ils sont au cœur d'un complot visant à les destituer. Et il est rare que ça soit innocent ce genre de chose... Il faut que j'en apprenne plus, il faut que je sache ce qu'on peut reprocher au pouvoir en place, savoir si je peux leur faire confiance, ou si on sert des monstres ? A part eux, qui dit que c'est le camp des gentils qui nous a recruté, qui dit qu’on n’est pas manipulé ? Toujours se méfier des apparences, les gens trop propres sur eux ont des choses à cacher.
Il se tourne, fâché, contre le Shaakt étrange tout noir, qui a émis l'hypothèse que la maison Kobayashi puisse être soupçonnée aussi, malgré les liaisons très fortes entres les deux maisons nobles. Je suis aussi d'avis que tout le monde doit avoir à rendre des comptes et que tous sont sur la liste des potentiels coupables de traitrises. La colonelle intervient et fait taire son sergent. Elle explique qu'il y a des endroits secrets et inaccessible chez eux, mais que c'est pour garantir la sécurité d'Izurith. Je me rappelle en effet que se sont leur maison qui est responsable de garder et d'entretenir leur arme infernale : le Canon. Et je comprends tout à fait ces notions de sécurités et de prudences élémentaires. Toutefois il est normal d'avoir un doute. Quiconque est suspect, nous devons juste prouver leur innocence.
Il y a donc des zones hors de contrôle dans ce monde. Tout semble si lisse, si parfait dans ce palais, mais qu'en est-il dehors ? Quels sont les conditions de vie de la population. Si des trafics, si de la misère persiste, c'est que le pouvoir a failli ? La description qu'en fait le Sergent, plein de dégoût, est un signe d'une faille dans leur organisation et attise encore plus ma curiosité. Il est assez logique de penser qu'un nid de complotiste prolifère dans ce flot d'injustice. Je suis très curieux d'aller voir ça de plus près, mais je doute qu'un seul dans cette pièce voudra m'accompagner, il faudrait être fou ou innocent. D'autant plus qu'au vu du tableau peint, il est clair qu'ils ne veulent pas qu'on y aille. Pas tout de suite. J'ai hâte de rencontrer la population, hâte d'en savoir plus sur ce monde, connaitre qui domine et comment. Percevoir les frustrations, les injustices de cette immense cité. Je ne sais même pas à quoi m'attendre, je suis juste prêt à toute éventualité en restant très prudent.
Le Sergent se lève et fouille un tiroir pour en tirer comme des cartes de jeu. Il nous les pose sur la table et nous explique que c'est l'argent de leur monde. J'imagine d'abord que c'est nous qui allons couper des bouts, que c'est un peu comme de l'or la matière qui compose la carte. Mais bien vite je me rends compte que c'est farfelu et Aakia patiemment dans ma tête, m'explique des notions encore inconnue. Chez eux l'argent n'est pas physique comme sur Yuimen avec les yus ou Asflhon avec des varnods. Des pièces de monnaies ou des petites plaquettes de métal précieux. Ici non, tout est virtuel comme elle dit, ça n'existe pas vraiment, c'est dans un autre état mais ça a autant de valeur. C'est très pratique, rapide et sécurisé. Elle me dit de pas m'en faire et qu'elle m'expliquera comment faire quand le cas se présentera. Je prends une carte pour moi que je mets avec mon téléphone dans une poche interne de ma cape, bien sécurisé. Il nous explique que nous avons à disposition des trains, des sortes d'appareils comme des anyores, mais qui ne volent pas. Je suis impatient de voir ça, la description qu'il en fait me donne furieusement envie de tester cette technologie. Ça a l'air si facile et on peut aller partout en ville avec ça, et gratuitement, c'est important ! Et rapide si on en croit ses dires ! Apparemment ça détecte technolomagiquement notre téléphone et on peut aller où on veut. J'entends Aakia se marrer dans ma tête et expliquer que Caffreen se moquerai de mon ignorance des choses. Caffreen, déjà plus d'un jour, j'ai un petit pincement au cœur, elle me manque déjà la petite... Je dois rester concentré, penser à Caffreen, me fait penser à Seyra, et c'est très désagréable de la savoir si loin de moi. Je me mets à sourire en voyant le Sekteg se servir d'une deuxième carte et la cacher malicieusement dans son pantalon. Il est étrange celui-ci, il n'a pas l'air d'être de son espèce.
Le Sergent coupe court à mon interrogation et va au fond de la pièce et ouvre un placard, qui, à notre étonnement à tous, est une porte dérobée donnant au-dehors. Il nous dit de sortir par-là, par discrétion et nous indique où il y a le train en nous souhaitant bonne chance. Je prends la parole en montrant mon téléphone.
"Je ne vous connais pas du tout, mais nous sommes du même monde. Sachez qu'en cas de besoin vous pouvez compter sur moi. Mon numéro est le 1.9.8.2.0.7.1.1. Si vous avez des informations à partager, il faut que nous le sachions tous afin d'être plus efficace. Soyez prudents et bonne chance !" Je ne sais pas ce qui m'a pris encore. Imprudence ou réelle empathie envers ces inconnus ? Ou alors réel intérêt à avoir un maximum d'information pour prendre une décision juste ? Quoiqu'il en soit ma proposition d'aide en cas de pépins est dénué de toute arrière-pensée. Je viendrai, c'est tout.
Le téléphone émet un petit bruit, curieux je le prends en main et essaye de me remémorer comment l'utiliser. Rapidement j'arrive à voir un message qui dit que quelqu'un s'occupe seul de la maison Kartage. Il s’appelle Vadokan le noir, ça ne peut être que le grand Shaakt bizarre. Grand bien lui fasse, la compagnie peut s'avérer dangereuse dans ces moments, il a bien raison d'y aller seul. C'est à ce moment que s'approche de moi le drôle de Sekteg qui me dit avec assurance et innocence qu'il va m'accompagner, qu'il est rapide, efficace et que j'aurai l'air encore plus excentrique avec lui. J'éclate de rire, c'est vraiment plus fort que moi. Il n'est pas sérieux ? Si ? Et si c'était un agent de l'ennemi ? Non vraiment ? Il n'a pas l'air si terrible, très loin des sektegs que j'ai pu croiser et massacrer dans le passé. On dirait un enfant, l'innocence même. Mais qu'est-ce qu'il cache ce coquin ? Oh et puis pourquoi pas de la compagnie, je pourrai l'avoir à l’œil et en apprendre plus grâce à lui. Et puis avec son costume de soldat il pourra aller où je ne peux pas et vice versa.
"Et bien viens s'y tu y tiens ! Je préfère prévenir, ça ne sera pas une partie de plaisir. On va au cœur des dangers d'après ce qu'ils en disent." J'ai dit ça le sourire aux lèvres, donnant une impression de sincérité. Nous sortons alors dans la ruelles derrière le palais. C'est la première fois que nous sommes dehors, le spectacle est si différent de ce que j'ai connu. Pas un arbre, rien que de l'artificiel et des constructions défiants les lois divines. C'est si grand, si vaste, si beau et étrange à la fois. Tout est propre, maitrisé, canalisé. Je vais vers une carte qui s'avère être un plan du quartier et tente de mémoriser un maximum d'informations. Pour la première fois, j'ai du mal à m'orienter, à trouver le nord, alors que c'est un don de l'enfance. Non ce monde n'est pas facile à appréhender. Je vois ce qu'ils appellent train non loin de là. Le Sekteg me suit toujours.
Les équipes se constituent. La brune et l'elfe blonde vont à la bibliothèque ensemble à ce que je comprends. Quant à Vadokan, il semble que son souhait n’a pas été respecté et la blonde l'accompagne. La vieille bleue, elle ne semble pas très active, sans doute déjà perdue par un trop plein d'informations ? Nulle trace du grand guerrier au teint basané avec son grand chien, étrange de ne pas le voir là, il est passé où celui-là ?
"Mais au fait, tu t’appelles comment toi ? Tu as un nom, tu viens d'où ? Moi c'est Lelma, et j'ai atterris à Kendra Kâr il y a déjà trois ans." Je questionne le petit être vert, m'étonnant de ma réaction amicale envers ce que je massacre d'habitude. Une fois ses réponses données, je lui demande de se préparer, car nous allons dans les zones dangereuses, interroger dans le quartier et les établissements suspects. Nous descendons dans le lieu des trains, appelés gare, comme pour les anyores. C'est vraiment étonnant de ne pas voir de verdures, de n'entendre que peu de bruits et de ne rien sentir. Ce monde est si différent des villes animées de Yuimen ou d'Asflhon. Je cherche des informations sur comment aller dans le quartier du premier établissement suspect puis une fois à peu près confiant, j'entre dans un train qui s'ouvre automatiquement à ma présence, et tout deux, nous allons vers notre prochaine destination.
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