Les deux lucioles, prises dans un débat d’idées ineptes et incompréhensible aux non-initiés tel que Gorog, finirent par leur donner une précieuse information : un contact sur place qui en sait un minimum sur les aldrydes. Un certain Mathurin Dubosquet, qui vit au logis Beau-Laid d’Ombrechêne. Gorog manqua de pouffer dans sa barbe à l’écoute de ces noms colorés, mais se retint, conscient que ça serait déplacé. Il fallait dire, quand même, que les noms nains en jetaient bien plus. À commencer par les leurs : Poing-d’Acier, Barbe-Roche. C’était nettement plus épique que ces buissonneux pseudonymes qui faisaient penser à des bouffeurs de salade. La noiraude élancée et fluette – trop fluette pour être totalement honnête - enchaina aussitôt pour signifier sa volonté de suivre le duo des nains vers la petite bourgade de Bouh-Chêne. Elle avait beau la porter haut, elle semblait avoir la tête sur les épaules, et réfléchir plus loin que le bout du nez de Krassus, dont elle proposa qu’il aille à Bouhen pour faire des courses, trouvant une excuse tout à fait valable pour fausser compagnie à ce sombre olibrius pseudo-autoritaire qui n’arrivait pas à jouer son sergent-chef avec la petite communauté, qui le tenait par le nez. Le nez, ce fameux nez auquel Gorog ne cessait de penser, et qu’il trouvait fort petit et chafouin par rapport au gros sien. À demi-mot, elle venait de le congédier, et le nain roux applaudit mentalement cette initiative heureuse.
Mais c’était sans compter l’esprit étriqué du milicien gradé, qui la prit au mot, signifiait qu’il avait sur lui suffisamment de vivres pour tenir jusqu’à Bouh-Chêne. Il précisa qu’il allait rester avec le groupe, par sens du devoir. Gorog, s’il avait eu la main palmée comme le canard dont la tête ornait le casque de son collègue zélé, il se la serait collée sur la face pour montrer son dépit. Mais comme il ne l’avait pas, il s’en abstint, et écouta la réponse que Krassus le malavisé lui donna à la suite de ses propres paroles éclairées. Le milicien semblait prendre peur que le groupe se sépare, et rencontre fortuitement des groupes d’aldrydes mal intentionnées. Gorog s’insurgea :
« Boup ! Mais c’est pour ça qu’on est là, pardi ! Si on les rencontre pas, on aura du mal à leur faire entendre raison, à ces foutus moucherons ! »
Il haussa juste les épaules pour toute réponse à l’inénarrable vacuité de la question d’aldrydes passant inaperçus parmi d’autres aldrydes. C’est qu’elles se ressemblaient toutes, pour lui, ces fichues bestioles. Alors à part si les factions rebelles se peignaient la tronche en rouge vif et en vert pomme, oui, ils passeraient sans doute inaperçus. Si tant est qu’ils croisaient ces foutues patrouilles. Au moins, dans tout son discours dépréciateur, Krassus Glandus avoua que l’idée de rejoindre Bouh-Chêne était bonne. Ça gonfla l’orgueil du nain, qui n’en avait de base pas forcément besoin. Au moins, ça atténuait un peu la lassitude qu’il ressentait envers l’incapacité humaine de ces miliciens sans cervelle. De plus en plus, il voyait les humains comme des rats : c’est par leur nombre, non par leur intellect, qu’ils s’étaient taillé une belle part de gâteau dans le monde qu’ils parcouraient. Des vermines, quoi.
Puis, le ténébreux pourvu de longues jambes que Gorog avait déjà presque oublié ouvrit la bouche qu’il avait laissée close depuis l’entretien chez le roi, qui semblait lui en avoir bouché un coin. Il remit à sa place le capitaine en lui indiquant que rester tous ensemble n’amènerait qu’à peu de résultats. Et il n’avait pas tort. Il mit en avant l’échec évident des méthodes habituelles de la milice, et prit le parti d’affirmer davantage l’idée du nain de se séparer en petits groupes d’action. Lui irait avec les deux moucherons et sa gonzesse voir les aldrydes de Sartori. Péter des ailes et des culs, si le nain avait bien saisi toute l’étendue diplomatique de ce goujat patenté. L’aldryde effarouché confirma les dires de l’humain en précisant qu’il ne remettrait pour rien au monde les plumes dans ce patelin de lutins. Ça avait le mérite d’être clair. Gorog opina du chef : tout s’organisait comme prévu. Krassus, mis à mal par l’argumentaire combiné de toute la troupe qui le suivait, ce dont il ne semblait pas avoir l’habitude, ses subordonnés habituels devant être des bizuts imbéciles fraichement sortis du corsage laiteux de leur matrone, se permit de provoquer l’humain ténébreux en lui signalant qu’il partait sans vivre, avant d’en envoyer un paquet à sa greluche aux cheveux noirs. Il leur conseilla de ne prendre aucune initiative malvenue, précisant qu’ils les retrouveraient à un poste de commerce près de la route, plusieurs jours après leur arrivée. Une fois de plus, il n’avait rien compris. Les initiatives, c’est JUSTEMENT ce que les aventuriers devaient prendre. Là où la rigueur milicienne avait lamentablement échoué. Apparemment, ça ne servait à rien de le lui répéter : tout ce qu’on disait à ce crasseux des oreilles ressortait aussitôt par l’autre écoutille. Le milicien, fier, sans doute, de sa pique, se retourna vers le trio et affirma qu’ils se mettraient en route vers Bouh-Chêne à quatre. Gorog le regarda de travers.
« T’as tout compris, mon p’tit. »
Puis, visualisant sa taille haute par rapport à la sienne, se reprit, maussade :
« Enfin… C’est ça, c’est ça, mon gars. »
Non sans toutefois préciser :
« Nous, on part à Bouh-Chêne, et personne t’a invité, qu’je sache. Si tu veux pas venir, l’est encore bien temps d’aller trouver refuge dans les jupons des femmes de Bouhen. »
C’est qu’il semblait avoir peur des aldrydes, le bougre. Un grand garçon comme lui. Si c’était pas mignon. Quoi qu’il en fut, il ne sembla guère prendre en considération l’avis du nain, et s’attela à mener la compagnie vers les sentes qui les mèneraient dans ce petit village lutin. Il fallait lui reconnaitre ça : sans lui, Gorog n’aurait tout simplement pas su par où aller. Comme quoi, même le plus bel imbécile pouvait servir.
Ils partirent donc vers l’est, parcourant de larges plaines agricoles sous un soleil présent, croisant sur leur route des fermes isolées, fiefs de paysans patentés. Le chemin de terre était large, suffisamment pour laisser passer des attelages de grains et de foin, qu’ils croisaient de ça, de là. Comme pour se donner une contenance, Krassus rabâchait le résumé de notre ordre de mission. La guerre entre aldryde à cause d’un éclairage nocturne trop puissant, des lutins isolés et racistes, une ville perchée dans un arbre où ils ne pourraient entrer, le rencard avec le dénommé Mathurin à l’huile de lin, et à ses pairs à l’huile de glaires, et l’empressement dont ils devaient se parer pour rejoindre les autres en danger. Gorog se lissa la moustache en haussant les épaules. Pas de quoi fouetter trois pattes de chat à un canard. Il savait tout ça. L’humain, malgré son jeune âge, semblait déjà touché par la sénilité.
Rotant gaiement sur le chemin, il continua sa marche toute la journée durant, sans ouvrir son clapet pour d’autres raisons que d’admirer la faune et flore locale, plaisantant dès qu’ils croisaient un papillon en s’écriant à Krassus de prendre garde, le papillon allait sans doute l’agresser et le laisser mort sur le coin du fossé. À mesure qu’ils avançaient, une forêt barra leur horizon. C’était leur destination.
Jusqu’au moment où la noiraude, s’approchant de lui, lui demanda tout de go comment il s’était retrouvé embarqué dans tout ça. Gorog se devait d’être exhaustif, à sa manière, dans la manière qu’il aurait de raconter ses mésaventures, sous peine de passer pour un nain-bécile à côté de ses pompes. Ainsi, il s’éclaircit la voix en se raclant la gorge avant de lui répondre, non sans fierté :
« Ouah, c'est pas simple ça comme question, par ma barbe ! Par où commencer... Ah. D'abord il y a eu notre expulsion de Mertar. Ahah. Ils ne parvenaient plus à nous supporter là-bas, même enfermés dans des cages pour tapages en tous genres. Puis on s'est retrouvé avec ce prêtre en bure violette qui a fini par tomber dans une avalanche. Puis y'a eu les gobelins, et le troll des montagnes enrhumé. Une sacrée bestiole, c'te truc là. Sauf qu'il avait beau être grand, beau et fort, mon ami l'troll du chaos, il a pas résisté à une chute mortelle dans une crevasse. Ah ça, j'ai failli y rester, si Broginn n'avait pas été là pour me réveiller à coups de baffes dans la face. Pour sûr, il m'a sauvé la vie, c'bourrelier. »
Il avisa son compagnon de route en embonpoint et continua :
« Puis, y'a eu la glissade, qu'a été fatale aux derrières de nos braies. Et à notre derrière aussi, pardi. Ah ça, j'ai jamais tant envié mon pote Stanley de porter glorieusement le surnom de "Cul-Brique". Pour sûr que j'aurais eu moins mal aux fessiers ! Et puis, on a atterri dans un village humain. Pour sûr qu'on y vendait d'la bière, mais on a eu peur qu'aucun homme ne veuille servir un nain. Surtout cul-nu ! Mais mon énorme verve nous a sorti de ce mauvais pas, et nous avons pu savourer une merveilleuse cuvée d'une ambrée de Mertar. Oh ça vous devriez goûter, mamzelle. Sûr que ça vous plairait. Mais bon, les humains étant c'qu'ils sont, ils ont fini par nous accuser de je ne sais quoi parce que leurs veaux, vaches, cochons s'enfuyaient à tout va. Et là, on s'est retrouvé dans une carriole, emprisonnés par des miliciens du Royaume kendran, qui ont fini par nous libérés, une fois encore grâce à ma puissante capacité de persuasion. Ah, pour sûr que même des moucherons belliqueux n'y résisteront pas ! Et du coup, nous étions à Kendra Kâr, sans le sou ni de toit, ni de pantalons, et nous eûmes vent d'une forte récompense pécuniaire pour cette salle affaire de loupiotes dans le ciel. Et nous voilà, embarqués chez le Roitelet, à devoir supporter les pires miliciens que je n’aie jamais croisés. Ah ça, c'est une sacrée histoire, pour sûr. »
Un rire gras sortit de sa gorge déployée, avant qu’il ne plonge les yeux sur Eyllwë pour lui retourner sa question, lorsqu’elle eut terminé de partager son hilarité :
« Et vous, mamzelle. Comment vous êtes atterrie là ? C'est pas souvent souvent qu'on croise des... trucs avec votre carnation. »
Bien entendu, elle se pâma avec intérêt devant l’histoire épique des deux héros nains. Ou presque, du moins. Elle quémanda même à ce qu’il raconte plus en détails certains passages, en particulier leur rencontre fantasque avec ce troll des cavernes morveux.
« Oh ? Une sordide histoire se terminant en bain de morve, vous n'apprécieriez guère. Même si pour le coup, on l'a sacrément mouché, le troll ! »
Elle avoua ensuite avoir une histoire moins drôle que la leur, précisant qu’elle s’était faite enlever par des shaakts pendant qu’elle cherchait de la nourriture pour les siens, et embarquée sur l’un de leurs navires pour être vendue comme esclave. Sauvée par les troupes kendranes au large de la capitale humaine, elle leur avait promis un digne retour de manivelle pour leur aide, et s’était donc engagée sur cette voie avec eux, sans en savoir grand-chose, apparemment. Gorog devint plus grave dans son expression à mesure des mots de la jeune femme, commentant néanmoins ses dires d’un ton surpris :
« Boup ? C'est quoi ça les eruïon ? Quant aux shaakts, c'est sans doute les pires raclures parmi les oreilles pointues ! Ils ne sont bons qu'étêtés par une solide hache naine ! Que ceux qui vous ont kidnappée soient bercés de tourments pour l'éternité dans les fonds marins où ils croupissent. »
Puis, se rapprochant d’elle, et murmurant dans sa barbe, une main devant la bouche pour que nul ne lise sur ses lèvres, déjà bien encombrées pourtant par sa large moustache rousse, il poursuivit d’un ton conjurateur :
« Hé, le Krassus, là. Ne ferait-on pas bien de lui fausser compagnie, à ce gougnafier ? »
Puis, elle répondit. Tout d’abord, elle s’exclama que les Eruïons étaient les bâtards lointains des shaakts, sindeldi et hafizs, des humains vivant sur le Naora, un lointain continent dont Gorog ignorait tout, si ce n’était qu’il était peuplé d’oreilles pointues à la peau grise comme la roche. Elle décrivit son peuple comme les pires rejetons parmi les leurs, des exclus qui auraient fini par se mêler pour former une espèce à parts entières. Concernant le capitaine, elle répondit qu’il ne l’était que de nom, et qu’elle n’avait pas la moindre confiance en lui. Gorog haussa les épaules d’un air défait. Ils devraient se le coltiner pour le moment, hélas. Il revint néanmoins sur un détail qui l’avait marqué au fer rouge dans les dires de la noiraude :
« Té ! Ah bah donc vous êtes un peu une elfe, en fait ?! »
Elle marqua son approbation à ses propos, soulignant l’évidence. Et ce fut non sans grimacer qu’il poursuivit.
« Enfin, déjà plus maline que ces bouffeurs de salade. Faut croire que ce qui est mauvais pour eux est bon pour le reste des peuples, hein ? C'est qu'ils pensent à l'envers, ces tafioles. »
Elle partit d’un rire clair, aussi subit qu’inexpliqué, et rétorqua qu’ils n’avaient pas de salade à se mettre sous la dent, là d’où ils venaient. A part éventuellement un lézard perdu qui passerait par-là. Gorog trouva inopportun la façon qu’elle eut de parler des écailleux, et s’offusqua :
« Oh ! Les lézards, ça c'est bon ! Avec de la confiture d'oignon, et du sang de triton ! »
Surprise par la réplique, elle le questionna sur ce qu’était la confiture d’oignon, précisant que ça n’existait pas par chez elle. Ce qui était bien dommage. Elle demanda même où on pouvait en trouver dans le coin.
« Bah, partout où il y a des oignons ! Ça pousse comme des mauvaises herbes, ces trucs-là. On les fait revenir au fond d'un fait-tout, bien caramélisés avec de la mélasse, et là on fait refroidir sur une pierre. Le sang de triton, c'est pour donner une belle couleur violacée au tout. Et un bon goût piquant qui rend le tout sucré-salé. Un régal ! »
Devant une telle connaissance culinaire, élevée au rang de science dans sa bouche de gourmet, elle le questionna sur ses antécédents cuisiniers. Gorog ne put s’empêcher de partir dans un rire incontrôlable, qui manqua de l’étouffer. Lorsqu’il se calma, rouge sous l’effort, et les côtes douloureuses, il s’exclama :
« Oh, foutre non ! Plutôt goûteur que cuisinier. Tout ce que je mets sur le feu, je le crame ! »
Déçue, l’elfe brune répondit qu’elle aurait pourtant aimé goûter au plat décrit par ses soins. Gorog ne se laissa pas démonter, et désigna Broginn à ses côtés.
« Pour sûr, Broginn s'en sortirait mieux que moi. Hé, il fait déjà de la bière, ça doit pas être bien différent de la cuisine. Enfin là, c'est plus une fricassée d'ailes d'aldrydes qu'on va se bouffer. Et c'est pas pour me plaire : ces bestioles sont tellement courroucées qu'elles pourraient m'étrangler avec leurs petits os cassant, même une fois réduites en bouillie par ma pioche. »
Et il désigne son "arme". Cette pauvre pioche faite pour piocher, miner, et non pour démembrer des moucherons mal avisés. Elle s’enquit de savoir s’il accepterait, et demanda ce qu’était un aldryde. Surpris, Gorog lui répondit :
« Hé bah faut lui demander, pardi ! Les aldrydes, de c'que j'ai compris, c'est ces bestioles volantes, les mouches à plumes qui étaient là avec nous. Et c'est leurs gonzesses qu'on est censés ramener au calme. Mais j'en sais pas bien plus, ça court pas les boyaux d'mine, ces trucs-là. »
Le yu parut lui tomber dans l’esprit, lorsqu’elle comprit enfin ce que c’était. C’était une elfe, après tout. Un peu lente mentalement. Elle devait avoir des limaces qui lui bouffaient la cervelle, quand bien même elle n’avait jamais mangé de salade. Gorog revint sur la puissance de Kendra Kâr, défait :
« Peuh ! Quand on voit les guignols chargés de la sécurité, ça me semble évident, moi. Et si vous aviez vu leur roi. Il n'avait même pas de barbe. Pas de barbe ! Ahah ! »
Elle parut mal prendre cette dernière remarque, et fit remarquer que de la barbe, elle n’en avait pas plus. Gorog s’étonna :
« Hé. Hé bé, vous êtes des elfes. Y'a que des femmes, chez vous. Et des femmes sans duvet ! Et après ça s'étonne de s'enrhumer comme un troll dès qu'il y a un courant d'air... »
Elle précisa, terre à terre, qu’ils n’étaient pas que des femmes, et que deux trois attributs les différenciaient des mâles de son clan. Mais pas la barbe, c’était certain. Les elfes n’avaient fait, en toute leur longue vie, aucun progrès vers la virilité capillaire. Mais un papillon eut raison de sa concentration, et il héla le milicien, une fois de plus :
« Holà, Krassus ! Gare au trouffion : un papillon ! »
Et il s’en alla d’un rire gras, alors qu’ils approchaient de la forêt touffue. Et lorsqu’ils arrivèrent à proximité, ils constatèrent l’épaisseur des fourrés du sous-bois. L’orée était touffue et impénétrable, comme l’entrejambe d’une vieille servante de Gaïa. Rien qu’un coup de hache ne saurait débroussailler… Hélas, ils étaient mineur et brasseur, non guerrier ou tonnelier. Les haches, ils n’en avaient guère. Gorog pesta :
« Té, si seulement la milice avait pu nous donner de bonnes haches, c’aurait pas été un problème de rentrer là-dedans. »
Puis, à corps éperdu, il bougea sa masse, au risque de se faire chatouiller le nez par les branchettes feuillues, et pénétra sans finesse dans la forêt, dégageant, il l’espérait, une sente pour ses compagnons. Hé, c’est que le tank, il devait passer devant ! Et ce rôle ancestral, il lui tenait à cœur, pardi.
[3000 mots]
_________________ Gorog, nain.
Le nez, c'est l'idiot du visage.
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