Le Venin du SerpentLe Coeur du Serpent
Sid était là, debout, le visage ensanglanté par le coup de poing qu'il avait reçu, mais était maintenant le seul et unique vainqueur du démon des ruines de la cité disparue.
"Es-tu blessé ?", dit-il en tendant son bras pour aider Agadesh à se relever.
"Non, il n'a heureusement pas eu le temps pour cela.""Bien, alors ne perdons pas plus de temps en bavardages inutiles Agadesh, les autres sont bien mal en point."Bes se manifesta vers eux. Il était encore conscient, mais ses bras étaient rongés par l'acide du Lotan. D'une profondeur se limitant certes à quelques millimètres, mais son visage, tiraillée par la douleur lui laissait une grimace horrible sur le visage, se laissant totalement aller à couler les larmes de ses yeux et la mucosité de ses narines. Et il tenait ses bras dans les airs, droits et loin de toute autres parties de son corps. Le contact devait lui être insupportable.
"Bes !"Agadesh et Sid n'osait le toucher ni faire une quelconque action sur ce genre de blessure, et lui demander ce qu'il ressentait semblait être bien inutile.
Mais Bes, même dans sa douleur immense, pensait aux autres avant lui-même et réussit à bafouiller, entre plusieurs reniflements et soubresauts de douleur quelques mots :
"On doit s'occuper d'Hamilcar."Cette phrase réveilla Agadesh et Sid, qui s'étaient quelques peu perdus dans la contemplation des marques encore fumantes de Bes, mais il avait raison.
Hamilcar était effondré au pied d'un mur et sa torche à ses côtés éclairait la triste scène de son corps se vidant lentement de son sang dans une sordide flaque tannée sur le sol sinople.
"Et Eshmoun, où est-il passé ?""Le monstre lui a donné un grand coup de queue, il a disparu dans le noir et je ne l'ai pas revu depuis. Prend la torche et cherche-le, moi et Bes nous allons voir ce qu'il en est d'Hamilcar. Si jamais tu rencontres le moindre problème, appelle-nous.""Oui."Agadesh alla avec Bes en direction de l'inquiétante vision, espérant qu'il ne soit pas encore passé de vie à trépas.
Agadesh prit la torche à terre, et attendit une réaction de Bes. De près, le trouble était encore plus flagrant. La peau d'Hamilcar avait pris un teint cadavérique de bien mauvaise augure.
"Prend son pouls."Agadesh s'exécuta, alors que Bes semblait être même en incapacité de se baisser convenablement. Il guette le moindre battement de coeur à son coup qui puisse prouver de la survie de son camarade avec un espoir défaillant. Il était là ! Lent, mais présent.
"Il respire, mais son pouls est très faible.""Met un bandage sur ses blessures."Bes semblait faire un effort énorme pour se concentrer sur les instructions de soin de son camarade que sur sa propre douleur, et s'il n'était pas plus précis dans ses ordres, c'était que ses yeux étaient encombrés de larmes de souffrances et n'arrivait pas à juger de la gravité de la situation par ce fait. Il était de plus bien trop fier pour oser demander à quelqu'un d'autre d'essuyer ses larmes étant déjà de bien trop démonstratives marques de faiblesses. Se faire assister n'aurait été qu'un déshonneur de plus qui aurait fini d'enterrer son égo.
Agadesh chercha un moment de quoi bander une surface aussi importante que le ventre. Il déchira le boubou d'Hamilcar et enleva finalement son turban, se débrouillant tant bien que mal à mettre l'inconscient en position assise pour pouvoir en faire le tour autant de fois que nécessaire et faire un noeud à son dos, tout ceci en pataugeant dans la flaque écarlate qui le salissait et le faisait glisser. Il était sur lui tel un poids mort, se soumettant sans aucune résistance à la loi de la gravité. Le bandage semblait marcher. Bien que l'on pouvait apercevoir le tissu s'imbiber de sang, celui-ci s'écoulait déjà bien moins.
"C'est fait. Et maintenant ?""Maintenant, c'est à Yuimen de décider de son sort."Agadesh resta silencieux, regardant son ami évanoui au sol avec un air de défaite, priant intérieurement pour la sauvegarde de la vie de son compagnon.
"Agadesh, Bes !", cria Sid qui était parfaitement visible dans la lumière de sa torche à quelques dizaine de mètres de là, accompagné par un Eshmoun semblant s'être laborieusement réveillé.
"Qu'y a-t'il ? Comment va Eshmoun ?""Je vais bien Agadesh, viens vite voir ça !"Agadesh voulait obéir, mais Hamilcar était toujours inconscient et Bes dans l'incapacité de l'aider à le porter.
"Je ne peux pas porter Hamilcar seul, que l'un de vous vienne m'aider !"Cette phrase résonna dans la tête de Bes comme une humiliante insulte. Dans son état, il n'était plus capable d'être utile pour de simples actions. L'inutilité était le pire des déshonneur pour un homme du désert, si l'on n'est plus utile pour son peuple, c'est comme si l'on était mort...
Eshmoun se détacha de Sid pour venir aider Agadesh. Eshmoun semblait aller bien, malgré que dans sa posture se ressente une certaine douleur au thorax qui le courbait. Agadesh prit Hamilcar par les aisselles, se débrouillant tant bien que mal à trouver une manière de garder la torche dans sa main. Ne réussissant pas cette épreuve d'agilité, il donna la flamme à Eshmoun, qui lui réussit à prendre d'un seul bras les pieds d'Hamilcar. Le spectacle du blessé, voûté entre les deux, touchant presque le sol, avait quelque chose d'absurde. Et Bes continuait de se taire en les suivant, comme s'il ne voulait pas ajouter à son inutilité le fait d'être un poids de plus à porter.
Une fois arrivé jusqu'à Sid, qui s'était essuyé autant que possible de cacher son nez cassé et son oeil au beurre noir sous son turban, il remarqua la présence à ses côtés d'un petit bénitier à la forme du mollusque homonyme, sur un pied en pierre solide, toujours dans la couleur verte qui hantait sans en démordre les parois des salles qu'ils parcouraient depuis la gueule du serpent. Elle était remplie d'une eau trouble, comme envahi par une curieuse poussière rouge bordeaux qui n'inspirait pas à la confiance.
Eshmoun posa doucement les jambes d'Hamilcar sur le sol, laissant le soin à Agadesh de le stabiliser dans une position assise.
"Ce doit être les eaux d'immortalité dont parlait la créature. Elle disait que c'était elles qui lui avait permis de survivre jusqu'ici. Elles sont peut-être susceptibles de soigner nos blessures.""Tout comme elles peuvent aussi nous tuer...""Je suis volontaire, je vais en boire.", dit aussitôt Bes. C'était peut-être là sa chance de reconquérir son utilité. Pour l'heure, il se sentait aussi précieux au groupe qu'un homme mort. Boire de cette eau était pour lui un moyen de se prouver le contraire et de faire avancer le groupe, quelque soit le résultat.
Les autres n'eurent le temps de broncher que Bes, ne pouvant apporter l'eau à sa bouche et ne voulant pas demander d'aide pour cela, se pencha pour boire à la surface du bénitier.
Il se releva doucement, restant silencieux quelques secondes.
"Alors ?""Rien. Je ne ressens absolument aucun changement.""Cela met peut-être plus de temps pour agir.""Peut-être que ses eaux n'étaient prévu que pour agir sur ces fameux Lotans...""Possible. Mais faisons-en boire à Hamilcar, au point où il en est, cela ne peut qu'améliorer son état."Agadesh prit de cette eau en main à plusieurs reprises pour en faire boire à son camarade, lui ouvrant la bouche manuellement en lui mettant la tête en arrière.
Le groupe resta ainsi quelques instants, silencieux, à voir si l'eau aurait un quelconque effet. Eshmoun, las de ne voir aucune réaction de la part d'Hamilcar ou de Bes, s'exclama :
"Bien, cela ne nous sert à rien de nous éterniser ici maintenant. Si l'eau a un effet, nous l'apercevrons bien assez tôt. Continuons notre chemin.""Et Hamilcar ?""Hamilcar, tu vas m'aider à le porter Sid et nous allons continuer notre route. Agadesh, tu es certainement de nous tous celui que la créature a le moins blessé, tu seras notre bouclier en cas de nouvelle attaque."Agadesh fit un signe d'approbation. Il était vrai que les quelques coups que lui avaient donné le Lotan ne se faisaient presque plus sentir sur lui, il avait tout au plus une ecchymose un peu gênante sur le torse, résultant du coup d'épaule qui l'eût mis à terre. La seule véritable douleur qu'il pouvait ressentir était celle de sa chair carbonisé au niveau de la morsure du véroce, mais celle-ci se faisait de moins en moins présente. Bes avait fait du bon travail.
Le groupe se mit donc à sonder rapidement les murs de la salle. Celle-ci était bien moins décoré que la précédente. Les murs étaient pour ainsi dire nu. Seul quelques bas-reliefs récurrents en forme de coquillages à plat faisaient office d'ornement. Un nouveau passage se révéla dans la lumière de la torche brûlante. Elle n'avait rien de particulier si ce n'est de prendre une largeur et une hauteur très faible, qui ne pouvait, une nouvelle fois, ne laissait passer qu'un être à la fois. De même tous avaient une taille trop importante pour ce tunnel et devaient baisser la tête pour bien pouvoir y passer. Le cortège des fils du peuple des dunes avait ainsi perdu tout de sa superbe, errait maintenant pathétiquement dans ce couloir sombre.
Bes, à l'arrière, les bras brûlé bien droit devant lui et le visage défait marchait tel un zombie à la respiration forte et toujours saccadé par la douleur dans une obscurité relative derrière un Sid, toujours boiteux, au nez fendu qui, bien qu'il ait cessé de saigner, lui avait laissé une trace rouge sèche jusqu'à la bouche et qui exhibait un oeil noir qu'il ne pouvait garder ouvert. Celui-ci portait l'inconscient Hamilcar tant bien que mal par les aisselles, qui se laissait aller complètement, le torse nue et pâle sous les tissus qui rougirent de son propre sang à sa panse et à sa jambe. Jambe au bout de laquelle Eshmoun, qui avait reçu un fort coup au thorax, avait quelques peines à bien se tenir droit et se laissait par moment aller à des petits ralentissements qui perturbait la marche à son arrière. Agadesh, le plus à même de lutter du groupe, se retrouvait à l'avant avec la dernière torche restante ; l'autre ayant été abandonné car n'ayant personne dans la capacité de la porter. Il avait toujours à son avant bras le pansement dû à une morsure de véroce, et ses vêtements bleus trempés du sang d'Hamilcar avaient viré vers un vert très sombre. Ne pouvant pas garder sa torche près de lui en raison de la petitesse du conduit, il la tenait droit devant lui. Ce n'était pas sans lui poser quelques difficultés, car la chaleur et la fumée de celle-ci se retrouvait à s'écraser sur son visage, rougissant son visage et lui donnant un obstacle à sa vision du chemin.
Le spectacle était grotesque et avançait laborieusement, où le jeu consistait maintenant à continuer sans faillir à marcher malgré tout ces inconvénients.
Même Bes, qui était pourtant en plein désert celui qui savait quand dire stop, se retrouvait ici à la suite d'un groupe d'infirme qui auraient bien besoin de repos sans dire quoi que ce soit. Si un nouveau danger se présentait devant eux, ils ne seraient même pas dans la capacité de défendre leur peau. Mais en ces lieux, ces lieux inconnus, il préféraient tous se taire. Juste se taire, et marcher. Pour en finir le plus vite possible. Comme s'ils cherchaient maintenant, inconsciemment, à se suicider collectivement par procuration. Et ils continuaient tel des âmes en peine à errer dans cet étroit couloir vert et plat vers une direction inconnu. Trouveraient-ils ce qu'ils cherchent un jour ? Ils commençaient à en douter, mais ne voulaient en aucun cas s'en désespérer.
Agadesh ouvrant le chemin pour la première fois et ayant sur lui la responsabilité de ses camarades redoublait d'attention. Il guettait le moindre bruit suspect, la moindre vision se découpant de l'ombre.
Sid et Eshmoun finirent tout de même par demander une pause; porter Hamilcar n'était pas une chose aisé, surtout que celui-ci devait être le plus corpulent de tous. Ils s'arrêtèrent donc un instant, le posant à terre le temps de reprendre quelques forces.
Lorsqu'ils furent de nouveau prêt, Sid reprenant Hamilcar par las bras, celui-ci se réveilla mollement, parlant d'une voix flasque et éraillé, bougeant faiblement la tête et les yeux ramollis :
"Père ? Où étiez-vous passé ? Je vous cherchais !""Hamilcar ?""J'ai capturé un scorpion hier soir avec les autres... C'est bien hein ? Mais mère a eu peur lorsque je lui ai montré et m'a obligé à le libérer. Les filles ont toujours peur de tout hein père ?""Qu'est-ce que...", dit Sid, plein d'interrogation.
"Il est en plein délire. Parlez avec lui, rassurez-le, ramenez-le à la réalité.""Hamilcar, c'est moi Sid. On est toujours dans les couloirs de la grotte. Tu... Tu comprends ce que je te dis ?""Sid ? Sid c'est un petit péteux comme son père ! Hi hi hi !"Sid se tourna vers Bes, le regardant d'un air énervé.
"Il délire, il ne sait pas ce qu'il dit ! Il est en plein dans ses souvenirs, continue à lui parler !"Eshmoun intervint :
"Est-ce que tu peux marcher, Hamilcar ?"Le dialogue continuait mais n'était pas très fructueux. Hamilcar restait à exhibait pitoyablement des anecdotes enfouis de sa jeunesse, son esprit se perdant dans le temps et l'espace. Il restait incapable de faire un quelconque mouvement, et le faire marcher n'était tout simplement pas envisageable. Le groupe se résolut donc à continuer son chemin, Sid et Eshmoun portant toujours Hamilcar malgré son réveil, qui se laissait toujours aller à un discours irrationnel dans une voix faiblarde.
Agadesh, qui n'avait dit mot depuis la reprise de conscience d'Hamilcar était tout de même soulagé de voir que l'état de celui-ci semblait s'améliorer, gardant tout de même la réserve que ce ne soit qu'un bienfait temporaire ou à s'imaginer que celui-ci resterait maintenant enfermé dans sa folie. Être fou a toujours été considéré par le peuple du désert comme pire que la mort, ainsi les enfants se montrant anormaux et les adultes sombrant dans une dépression persistante, dans des discours aliénés ou la sénilité étaient tués parce qu'ils n'étaient d'aucune utilité à la tribu, et au contraire susceptible de la mettre en danger. C'était au sage du village de désigner si la personne concernée était touché par la folie ou non. Si c'était le cas, c'était à sa famille que revenait la responsabilité de son exécution ou au sage lui-même si celle-ci n'en avait pas ou refusait de reconnaître son verdict.
Balamon en serait à sa sixième sentence et a dû être de bourreau pour deux d'entre eux. Agadesh priait alors de ne pas avoir à ramener son compagnon en plein délire à celui-ci.
Soudain, ses tristes pensées furent dérangés par une ouverture droit devant lui avant d'arrêter ses camarades.
"Attendez ! Là, une autre pièce !""Et bien qu'attends-tu ? Rentons-y !"Agadesh ne s'attendait pas vraiment à ce genre de réponse, surtout de la part du toujours prudent Eshmoun. Mais cela se comprenait aisément, tous étaient à bout de force, aussi bien mentalement que physiquement et continuer le chemin était la seule chose qui les raccrochait à un véritable but. Cela donnait un sens à leur souffrance, et il semblait bien peu convenu de faire maintenant excès de prudence alors que tous étaient bien loin de vouloir faire encore preuve de patience.
Il passa donc le portique et tomba sur une petite salle ronde ayant tout au plus un diamètre de six mètres et s'ouvrant vers cinq autres portiques fichés d'un signe différents au-dessus de chacun d'eux. Le plafond passait soudainement d'un peu moins d'un mètre à une hauteur spectaculaire, telle que la torche n'arrivait pas à l'éclairer.
Une fois les cinq compagnons arrivés dans le cercle, ils vinrent en regardant derrière eux que le passage par lequel ils étaient passés n'y était plus. C'était comme si le passage n'avait jamais été là ou avait disparu sans un bruit alors que personne ne regardait, laissant à sa place une surface lisse et verte sans aucun motif.
Eshmoun voulu constater ce nouvel et incompréhensible fait qui les surprenait, tâtant de la solidité du mur sans même plus vouloir s'étonner d'une telle chose. Pour sa part, c'était maintenant comme s'il était las d'être surpris, renonçant à chercher la moindre once de sens à ce qui se passait.
Sid s'apprêta à prendre la parole lorsque Hamilcar reprit ses esprits :
"Je... Où on est ? Qu'est-ce qu'il se passe ?""Je crois que nous sommes à l'endroit dont nous avez parlé Balamon, où chacun de nous doit prendre un chemin différent.""Sauf qu'il ne nous a rien dit en ce qui concerne ses signes, là...""Tu as raison, mais ils veulent forcément dire quelque chose. Donne-moi ta torche qu'on se fasse une idée."Sid laissa Hamilcar à la charge d'Eshmoun et du mur et prit la torche des mains d'Agadesh et la rapprocha de signes en bas-relief visible au-dessus des portiques. On pouvait distinctement reconnaître trois symboles, de droite à gauche : le premier représentait un foetus, le suivant étant celui d'un d’homme, puis d'un crâne humain, d'un corbeau et enfin d'une couronne.
"Bien en tout cas il y en a deux pour lesquels cela me semble clair : le crâne, c'est la mort et la couronne, c'est celui qui va devenir le chef du clan.""Je ne sais pas. Ça parait trop simple. Et les autres ?"Hamilcar, maintenant juste porté par Eshmoun et appuyé contre le mur, jugea de son état, les idées plus claires. Il avait du mal à se tenir sur ses jambes, mais ne se laissait plus traîner et reprenait possession de son corps.
"Tu surestimes la cruauté des ancêtres Sid, c'est évident que le crâne représente la mort."Hamilcar réunit tout la force qu'il avait en lui pour se lever, se dirigeant vers le portique au mystérieux crâne.
"Et franchement, on peut dire que de tous ici je suis le plus mal en point. J'ai le bide perforé de toute part, je ne sens plus mes membres et le bleu foncé de ma jambe me hurle à la figure un futur d'unijambiste ! Alors pour vous et pour la tribu, bon chance mes amis, vous direz à mes femmes et mes rejetons que j'les aiment !""Non, Hamilcar !"Hamilcar se rua vers le portique, qui, à son passage, s'évanouit aussitôt en silence dans un curieux effet de vague de l'entrée libre au plus opaque des murs, laissant juste le signe du crâne à son sommet intact.
"Il a fait le bon choix Agadesh, et dans sa situation nous aurions tous dû faire le même choix.""Certes, mais...""Il ne sera pas mort en vain, il est mort dans l'honneur et son sacrifice restera longtemps dans la mémoire de notre peuple. Si mon destin me fait revenir auprès de lui, je fais le serment que son nom reste pour tous synonyme de bravoure et d'honneur !""Bien, et nous, que faisons-nous ?""Et bien, il n'y a qu'une chose à faire... Prendre les autres chemins ! Il ne s'agit maintenant plus que de choisir le bon. Pour ma part, mon choix est déjà fait.", dit-il en montrant du doigt le le symbole de la couronne.
"Et bien, il ne nous reste plus qu'à te souhaiter bon courage...""Yuimen te garde, Eshmoun.""Soit digne de ton destin Eshmoun !"Eshmoun se laissa aller à prendre ses compagnons dans les bras, dans un noble geste d'adieu et lâchant, peut-être pour la première fois, une larme d'un adieu sincère.
"C'aura été pour moi une fierté de vivre cette aventure à vos côtés mes amis. Je ne sais même si le destin qui m'attend là derrière saura m'emplir d'une même fierté. Que les vôtres vous comblent de bonheur, c'est tout ce qu'il me reste à vous espérer."
Eshmoun lâcha doucement ses compagnons dans un sourire avant de se poster devant l'immobile portique, prendre une grande respiration et enfin y avancer avec la force de la volonté.
Agadesh se sentait un peu pris au dépourvu, en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, avait perdu deux de ses compagnons et voyait rapidement s'avancer le moment où il se retrouverait seul dans un de ses couloirs. Il ne sentait en lui aucune envie de passer dans ses couloirs. Il n'aspirait qu'à rester ici, dans cette salle, à profiter éternellement de ses derniers compagnons auxquels, même s'il n'osait pas se l'avouer, il tenait tant.
Et il ne restait plus pour eux trois qu'un choix plutôt obscur entre un embryon, un homme et un oiseau. Autant dire une trinité de symbole pour une infinité de possibilités.
"Je prend le chemin de l'homme !", dit Sid avec un enthousiasme soudain.
"L'homme ? Pourquoi l'homme ?""Simplement parce que c'est ce que je suis, Agadesh. Oui, un homme... C'est tout ce que je suis... Adieu mes amis. J'espère tous vous revoir aussitôt que nous aurons fini cette épreuve."Il les regarda quelques secondes, l'air pensif et bienveillant. Et, sans plus un mot, il se retourna et rentra dans la voie de l'homme.
"On n'a plus vraiment le choix...""Effectivement.""Alors... Foetus ou un oiseau ?", dit Bes dans un petit rire désespère, vite accompagné par Agadesh. Celui-ci se transforma rapidement en véritable fou rire raisonnant dans la salle pour leurs nerfs mis à rude épreuve.
"Choisis, je t'en prie.""Je n'y ai pas vraiment réfléchis longtemps, mais vois-tu, je pense qu'il faut voir au-delà des signes affichés. Cette grotte est hanté par la volonté des dieux, tout les phénomènes que nous avons pu apercevoir en sont bien la preuve. De ce fait, j'ai tendance à penser que chaque symbole représente un dieu.
La couronne est à coup sûr le symbole du dieu des dieux, le dieu du destin et du temps, le grand Zewen. Vu de cette manière, le destin d'Eshmoun tiendra forcément une importance capitale, intemporelle... en tant que nouveau chef de clan ? Je ne sais pas... Le crâne est quant à lui clairement le symbole de Phaïtos et de la mort, mais il n'est pas dit que ce soit le destin réservé à celui qui y passe. Ce peut aussi bien être qu'il deviendra un grand guerrier et sèmera la mort derrière lui, ou deviendra une sorte de lien entre les morts et les vivants... Les deux autres symboles avant ne sont qu'une suite logique : le foetus représente Gaïa, la création de la vie, l'humain inachevé et sans expérience qui est appelé à naître. C'est à coup sûr le symbole d'une grande évolution, mais seulement à titre personnel. Et l'homme est tout bonnement le symbole de Yuimen ; c'est la créature finie, dotée de vie, qui agit sur le monde matériel. Rien de plus ni de moins. Le destin derrière lui peut aussi bien être d'une banalité sans nom que grandiose, pourvu que cela reste sous sa condition humaine. L'oiseau, quant à lui, peut avoir de bien multiples signification. Mais il ne s'agit pas de n'importe quel oiseau, il s'agit d'un corbeau. C'est un signe de mauvaise augure, c'est l'oiseau qui profite des morts violentes, des combats et des erreurs fatales. Je l'attribuerais bien à Thimoros.""Tu n'y as pas réfléchis longtemps, tu disais ?"Ils éclatèrent à nouveau de rire, se déchargeant une nouvelle fois de la peur qui les hante.
"Enfin donc, tu es en train me dire qu'il nous reste le choix entre Thimoros, qui représente le mal absolu, et Gaïa, qui représente tout le contraire... Bien, alors mon choix est tout fait ! Je..."Bes le coupa :
"Oui. Va Agadesh tu n'as pas à..."Agadesh le coupa à son tour, persistant à vouloir terminer sa phrase :
"Je prend le chemin de Thimoros !"Agadesh partit vers le portique, regardant Bes le voir s'éloigner en lui soufflant ces quelques mots :
"Yuimen te bénisse Agadesh..."L'Âme du Serpent