Dopée par la nouvelle, la tueuse avait récupéré sa hargne. La fatigue se dissipait à mesure que son sang bouillonnant envoyait l'adrénaline dans son corps gorger ses muscles d'une nouvelle rage. Elle s'arrêta un instant au beau milieu de la rue. La Sindel observa son entourage bleuté et glacé. L'air du nord décoiffait ses mèches éparses et face à l'étonnement général, Hrist se déshabilla.
Quelques garzoks s'esclaffèrent et des ombres encapuchonnées s'arrêtaient, croyant que la jeune femme avait perdu la tête et qu'ils pourraient peut être s'offrir un butin facile. La tueuse quant à elle glissa sa main dans un abreuvoir dont la surface n'était qu'une pellicule de glace et commença à se nettoyer. L'eau froide coulait le long de ses membres et de son corps et lava sa peau de la poussière des sentiers et de la boue mêlée de sang, du sien ou d'Adèle, aucune importance - songea-t-elle - en observant l'eau virer au rouge à ses pieds.
Ses dents commencèrent à claquer et ses doigts à se raidir mais il lui restait une dernière chose, la tête. Elle plongea le visage et les cheveux dans l'eau glacée qui lui envoya un mal de tête aussi vif que soudain. Elle s'arracha aux eaux froides prendre immédiatement, coiffant ses cheveux trempés de ses doigts en arrière.
" Hey mais... C'est quoi ça ? C'est pas les bains publiques ici ! Dégage de là où j'te fais bouffer tes loques sale morue ! "
Hrist jeta un regard étonné au Garzok massif en armure cloutée qui s'approcha d'elle en beuglant. Il avait les veines sur le front qui se gonflaient et son teint verdâtre commençait à virer aux notes de pivoine.
Hrist se rhabilla tandis qu'il l'abreuvait d'insultes dans sa langue barbare et une fois qu'elle eut terminé, elle s'approcha de lui, plongeant ses yeux délavés aussi vides que la mort dans les siens, injectés de sang.
" As-tu de la corde à me donner ? "
Le Garzok se stoppa net. Un léger clignement de l'oeil nerveux tant il était surpris. Il bégaya en cherchant ses mots. " Qu.. De la cord... ? C'pour quoi donc y faire ? Tu m'as entendu ? Fiche le camp ou bien je te démembre. "
" Tu as très bien compris. De la corde. Corde à arc de préférence. J'ai laissé mon arme de service à Xenair pour lui prouver que je suis capable de tuer tous ceux qui se dressent sur mon chemin sans aucune lame. "
L'orque ne répondit rien. Son expression se tordit davantage. Dans sa tête, il se maudissait d'être intervenu et commençait à croire que la jeune femme devant lui avait le cerveau gelé. " Xenair.. C'est... Corde. J'dois avoir ça. Mais après tu dégages. " Il fit un geste brutal de la main pour inviter Hrist à le suivre.
C'est dans un vieil établi débordant d'armes cassées ou trop cabossées non loin de la forge qu'il pointa du doigt crochu quelques arcs brisés. Hrist observa un peu le matériel.
" C'est des conneries tout ça. En combat, rien ne vaut une bonne arme. J't'y foutrai du métal entre les côtelettes que ta corde te s'ra pas utile. "
Hrist dénoua la corde noire d'un arc court. Le bois avait été brisé par un coup d'épée ou de hache si on en croyait la coupure fine et profonde qui restait sur la fibre. " Et moi, je dis que je pourrais te tuer avant que tu ne puisse prendre ton arme. "
Un éclat de rire général. Le Garzok victime de cette moquerie ne l'entendit pas de cette façon et comme toute personne de son peuple, il y vit une menace et s'approcha vindicatif de la jeune femme dos tourné.
Il posa une main lourde et noueuse sur l'épaule de la femme et serra fort sa clavicule. " Je mets dix pièces sur ta défaite. Au premier sang ou au forfait. "
Hrist tira doucement la corde entre ses doigts, écoutant le bruit du fil qui se tendait et d'un air ravi répondit : " Je suis tellement heureuse que tu dises ça. "
Aussi vive qu'une murène défendant son trou, Hrist attrapa le petit doigt du Garzok et le tordit, arrachant un cri de douleur à son adversaire. D'un volte face rapide, elle se plaça rapidement derrière lui et frappa l'arrière de son genou du talon pour le déséquilibrer. Lorsqu'il fut tombé à sa hauteur, elle enroula la corde raide autour de son cou et tira brusquement en arrière, le faisant chuter. Il essaya de se retenir mais entraîné sous son poids, le Garzok comprit que la tueuse qu'il venait de défier n'avait même pas à exercer de pression pour le mettre à mal, elle profitait de son poids pour le laisser tendre lui même la corde. Gêné par son armure, il battait l'air de ses bras avant de s'avouer vaincu, à quelques secondes d'étouffer.
Hrist le laissa tomber. Il roula à terre en dé-serrant la corde noire autour de sa gorge. La respiration sifflante et difficile, il observa la femme d'un oeil mauvais avant qu'un autre Garzok n'envoie une grande tape sur le dos de la femme en rigolant. Deux autres relevèrent le vaincu en lui massant les épaules.
" C'pas grave, Thur. Heureusement pour toi qu'elle n'avait pas d'armes. " Ils s'esclaffèrent ravis. Même Thur qui venait de perdre reconnu sa défaite et presque bon joueur, glissa dans la main de la jeune tueuse les pièces du pari.
" T'paies pas de mine, mais je reconnais que t'es plutôt féroce pour une gamine. "
Hrist regarda au sol, c'est vrai qu'elle ne payait pas de mine. Elle n'avait rien pour se protéger du froid et ses chaussures de servante étaient complètement usées et trouées par son voyage. De plus, elle n'avait rien pour se protéger du froid et c'était bien le plus grand danger.
" J'ai eu une aventure difficile. Où est-ce que je peux me procurer un équipement fiable et solide ? "
D'une voix d'une seule, ils répondirent : La forge juste derrière toi.
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