-Et pourront-nous y aller ? Demanda le tigré avec espoir.
-Hin ! Tu vas y aller tout seul avec ta lance, récupérer ton armure, charcuter deux-trois fidèles et revenir gentiment ?
-Et pourquoi pas ?
-Hmpf ! S'exclama le shaakt en affichant un franc sourire. Ton soi-disant « maître » est bien téméraire, faera de Meno, tutoya le shaakt.
-C'est un vrai fauve en cage...
-Alors pose tes affaires, fit le magicien.
Le félin s'exécuta, veillant à garder son arme bien en main. Il ne quitta pas le mage des yeux, Zénith s'éleva alors dans la pièce. Le félin eu un sale pressentiment :
(Zénith ?..... Zénith?)
La réponse fut courte mais directe :
(Xaï est un maître, bats-toi en maître!) (Qu...)
Soudain sous pression, le félin se délesta de l'inutile, enfilant simplement son plastron, laissant ses épaulettes en place près de la petite porte de bois nichée dans un coin. Epée au côté, lance en main, il fit quelques pas, s'approchant légèrement de Xaï qui s'était retourné, la main dans l'intérieur de sa toge.
-Si je dois me battre... maugréa le woran neige.
Il ne perdait pas le vieux shaakt du regard.
-Tu penses donc venir à bout de ces serviteur de la neutralité...
-... et par la même déposséder l'usurpateur de l'armure... et de son âme.
Le silence qui suivit fut intense, c'est d'un geste très vif que Xaï usa de son pouvoir et abattit son bras en direction du fauve. Un craquement inquiétant se fit entendre et un tremblement fit se faire jeter le félin sur le côté, évitant l'ouverture béante qu'avait provoquer le magicien dans sa propre demeure. De sa lumières Zénith éclairait les parois noires de abîme qui creusait à présent la pièce d'une largeur à l'autre, Aztai observait le résultat avec une petite sueur.
-Beau réflexe, il s'agit là en fait de la première épreuve que je fait subir à mes élèves : un gouffre profond de plusieurs centaines de mètres. Leur objectif ? Sortir, tout simplement. La pression qu'il y a là-bas (il montra le trou du doigt), est insoutenable. Combien de gens rêvent de se faire enterrer vivant ?
-Aztai est très vif malgré sa carrure, complimenta la faera de sa hauteur.
-Ah, hé bien s'il est vif... fit le mage d'un air satisfait. Mais, est-il fort ?
Sans prévenir, Xaï leva les bras et joignit peu à peu ses mains, refermant avec fracas l'abîme fatal qui s'était formé sous ses ordres. Et puis, il invita le fauve à se relever, reculant par la même vers le murs couvert de mousse du fond.
-Je ne vais pas le ménager « Zénith », prévint le maître en retirant un parchemin de sa toge.
-Il y arrivera.
Le déroulant sur toute sa longueur, sous les yeux impressionnés du tigré, Xaï To s'exclama bien fort :
-Je ne fais que semer la graine !
Il plaqua violemment le parchemin au sol et y déversa de sa magie.
-Hé c'est quoi ça... paniqua légèrement Aztai.
Une racine prit alors forme au centre du papier jaunit. Le shaakt retira sa paume et contempla peu son œuvre s'agrandir ; la racine grandit, se tortillant en tout sens. Lorsqu'elle fut bien haute elle se sépara en deux et la nouvelle extrémité vint creuser le sol à son tour. Ce spectacle fascina le woran qui n'en perdit pas une miette. Alors que deux véritables troncs se formaient et s'enracinait dans le sol, le parchemin se volatilisait peu à peu. L'énergie qu'il relâchait produisait bientôt une masse végétal de presque trois mètres de haut. Deux nouvelles protubérance naquirent, la plante prenait vie physique. Au grand damne du félin, un colosse prenait forme sous ses yeux. Deux jambes aux pieds enracinés, un corps plus large que deux hommes et plus dur que tous les bois, un semblant d'expression mais deux mains tentaculaires qui menaçaient clairement le félin. La marionnette du maître se réveillait, Aztai allait en baver...
-Sympa de me prévenir avant la prochaine fois ! Cria la félin vers sa faera.
-Allez, c'est une simple invocation, tu as de la chance que Xaï n'entre pas dans le combat lui même !
-Aucun mérite à charcuter un vieux comme lui... tandis que ça !
Sacré morceau, le combat s'avérait hardi. Si l'adversaire était peu rapide, il n'y avait que le feu pour le détruire... mais bon, ce n'était pas encore l'heure alors le fauve s'avança prudemment, lance en avant. Derrière le troll végétal, Xaï jubilait, l'impatience se lisant sur son visage. Aztai n'hésita pas plus que ça, il commença par repousser les imposantes « mains » de l'invocation. En fait il s'agissait plus d'énorme lianes, leur étreinte serait mortelle au fauve. A grands coups d'Ascalon, le fauve repoussa une première estoc d'une des lianes, en détourna une autre, mais ne pu réellement porter de coups au but. Et puis, le bois...
-Le bois... rageât le tigré, mon arme est inefficace.
Une soudaine volée fit chavirer le félin. La liane l'avait sonné, l'atteignant en plein visage, il releva tant bien que mal Ascalon pour finalement encaisser un deuxième passage de la même liane. Le souffle coupé, agenouillé, Aztai releva la tête et vit un nouvel assaut en son intention. Lâchant son arme il réceptionna proprement la protubérance sous son coude, bloquant l'attaque. Alors qu'une nouvelle tentative le frôla il tira de toute ses forces sur sa capture. Quelques craquements et le bois céda dans ses pattes avec un bruit sauvage. Pas le temps de savourer sa victoire, l'une des main s'empara de lui, coinçant un de ses bras au passage. Le gauche de valide, il planta ses griffes et fit voler l'écorce, sans grand succès. L'air lui manquait, il frappa encore et encore mais l'avatar de Xaï ne le relâcherait pas de si tôt... dans un soubresaut, le pendentif, présent de Gaora, vola devant ses yeux brouillés de larmes. L'idée explosa directement à son esprit et il concentra ses dernières forces : relevant péniblement sa main il tenta de tirer l'énergie que possédait le croc de fauve, la magie ! Malgré l'acharnement du monstre végétal à vouloir étouffer sa proie, Aztai vit se former une boule de feu dans sa paume, conscient de l'importance du moment. Lorsque l'énergie fut épuisée, il leva haut la patte dans un baroud d'honneur et la plaqua violemment sur la branche reliée à son coup. Il y eu un « pshiiiii » inquiétant, le fauve, dans une ardente caresse, étala son exploit, des flammes prenaient vie au passage de sa paume sur l'écorce sèche de l'invocation. En quelques secondes, le mastodonte eut vite fait de relâcher le woran qui s'empara d'Ascalon. Reprenant son souffle, il observa le golem s'enflammer sur tout le côté droit, un Xaï paniqué derrière lui.
-Rappelle-le ! J'ai vaincu !
-Tu n'as rien vaincu ! Cria le mage.
Sa véritable machine de guerre ignora alors son handicape, cessant d'affronter le feu qui rongeait son corps, et fonça sans sommation sur sa cible. Le fauve ne pu que se jeter au delà de la portée du monstre forestier enflammé. Ce dernier s'écroula sur le mur, ratant son petit adversaire. Aztai en profita et bravant le brasier qu'était devenu son ennemi, il vint lui planter plusieurs fois son harpon au niveau du « dos « , s'acharnant au même endroit. Le bois volait en éclat, creusant de plus en plus profondément. Finalement le fauve laissa les flammes lécher les restes du colosse. Dépité, Xaï rappela son fidèle d'un mouvement du bras, mettant fin à l'incendie que le félin avait provoqué.
-Alors ? S'exclama Aztai.
-Piètre.
-Génial !
Sans crier gare, le maître Xaï dégaina son sabre et dans un bond fulgurant, vint poser le fil de sa lame sous la gorge d'Aztai, impuissant, avec le pied de l'elfe sur sa lance. En plus de sa cécité, cet exploit laissait le fauve pétrifié. Les yeux plongés dans les orbites grises du mage, celui-ci lui susurra :
-Alors, dis-le : « Je suis vaincu. »
Sans broncher, le félin répéta:
-Je suis vaincu.
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