En entrant, j'observe une auberge des plus simples, avec quelques tables circulaires, un comptoir entouré par quelques tabourets de bois. Des chandelles, une cheminée pour éclairer et chauffer la pièce et une décoration simple. Le couple d'elfe qui nous jette des regards méfiants se montrent toutefois poli et nous accueille dans leur auberge, qui à cet heure ne semble pas crouler sous le nombres d'ivrognes comme Depheline et Serpent en avait l'habitude à Dahràm.
Trois elfes bleus jouent aux cartes près de l'âtre et un elfe blanc boit au bar en discutant avec le couple. Vue l'heure tardive, les autres clients sont sûrement déjà chez-eux ou au lit. L'ambiance dégagée par l'auberge respire la tranquillité et c'est sans mal que je pose mes affaires.
Nous prenons une chambre pour la nuit à laquelle nous ajoutons un repas. Pour ma part, je m'empresse d'user de la salle d'eau de fortune de l'auberge pour enfin nettoyer mon corps des impuretés accumulées sous terre. Une fois propre j'enfile mes nouveaux habits et coiffe mes cheveux avant de les attacher en queue de cheval. Personne ne fréquente la salle d'eau à cette heure et je peux ôter mon masque de fer. J'entreprends aussi de nettoyer ce dernier, en essayant de retirer la couleur terreuse du vieux métal, ce que je réussit à faire après un long moment. Puis je l'enfile de nouveau et rejoint Delphine pour le repas du soir.
Plus tard, une fois le diner consommé, je me rends à l'étage et entre dans notre chambre. Assi sur mon lit, à la lueur d'une bougie, j'explore le savoir des trois parchemins achetés plus tôt chez le marchand moine. Cela me prend une bonne heure pour assimiler et comprendre le sens des écrits magiques qui peut à peu se désagrègent et intègrent mes pensées bien que je ne sois pas encore capable de manipuler ma nouvelle acquisition sans magie. Savoir que je me familiarise peu à peu avec elle me fait une sensation étrange. Je nourrissais jusqu'alors un mépris dédaigneux à son égard. Mais cette fois, je me sens prêt à voir la magie comme l'extension de mon art de barde. Après tout, je me bats avec vigueur et élégance et cette magie qui peu à peu inscrit sa force dans mon esprit ne peut que me rendre meilleur dans ce domaine.
Posant un regard discrêt sur Depheline, je devine presque la satisfaction de mon amie rousse à me voir embrasser les arts occultes et je grommelle à son intention :
"Retire ce sourire narquois de tes lèvres mon amie, je ne dépends pas de la magie pour survivre, moi. Ceci est l'extension de mon art !"
Satisfait de ma réplique, je m'allonge sur le lit, les bras écartés, les yeux levés au plafond. La lecture m'a fatigué et j'envisage de rejoindre le sommeil quand mes yeux se posent sur mon sac de voyage. Les fioles de fluide venteux luisent d'une lueur grisâtre, attirant mon attention jusqu'à me faire me redresser. Avec la curiosité qui me caractéristique, j’attrape deux fioles et les secoue devant mes yeux. Je ne vois rien à l'intérieur, juste cette étrange lueur grise. Puis je les tiens toutes deux d'une main et de l'autre, j'entreprends de dévisser les bouchon d'un coup. Le pouvoir des parchemins peut enfin être mis en pratique.
"Que Rana m'insuffle ses dons et qu'elle fasse de moi le parangon du vent..."
C'est à partir de ce moment précis que mes souvenirs sont devenus flous, car je ne me souviens que d'un "pop" sonore alors que je débouche deux des fioles, suivi d'un souffle d'air puissant envahissant mes poumons, mon estomac et tout ce que l'air peut investir. J'ai l'impression d'enfler et de tomber en même temps. Je sombre dans l'inconscience, mon corps s’élevant un instant au dessus du sol avant de laisser ma masse s'écrouler dans le lit.
Ma nuit est remplie de rêve venteux, je suis une feuille qui tombe en planant, puis une plume qui virevolte de haut en bas, puis un bout de soie que le vent porte avec rage vers les cieux. Je flotte sans cesse vers une lumière insaisissable qui me regarde de haut et m'éloigne d'un sol grondant dont la puissance endormie me fait l'effet d'être une mouche survolant un géant endormi. Je panique, le géant veut m'attirer vers lui, m’avaler, m'assimiler et la lumière me fait monter pour m'engloutir dans son éclat, peut-être pour me brûler. Je suis à la merci de la folie du vent et de ses aléas, moi, simple corps, trop léger pour lui résister.
Soudain, c'est l'illumination. Si le vent peut me porter, c'est que je suis saisissable, je ne suis qu'un corps étranger à cet élément. La solution est que j'accepte de devenir un rien, un filet d'air moi aussi, un zéphyr ou bien même, un ouragan. Je ferme les yeux et peu à peu le morceau de soie que je suis se disloque. Je m'éparpille, je ne pèse plus rien, je disparais. Le vent ne me guide plus à son gré, je suis le vent.
Je me réveille soudainement, vivifié, emplit d'une énergie forte, tonifiante, porteuse d'élan et d’énergie. Par la fenêtre, la lumière pâle m'indique l'aurore. Je bondis hors de mes couvertures. Il est temps de se réveiller et de souffler sur le monde l'amour de Rana.
Avant de descendre dans la salle principale de l'auberge, j'attrape les deux fioles de vent restantes et sans hésiter, je les respire. Le choc se fait, toujours aussi brutal. Le vent m'emplit, m'envahit et me soulève au dessus du sol. Depheline, inquiète, me met sans doute en garde de ne pas consommer les fluides à si peu d'intervalle, même si je l'écoute pas, car je sais comment ne plus m’évanouir. Le vent me soulève et je sens mon esprit presque s'arracher sous la bourrasque. Avant que je ne retombe dans les nimbes de l'esprit, je repense à mon expérience dans le monde des rêves et je laisse le vent me traverser, je ne fais plus qu'un avec cet élément.
Soudainement, je retombe lourdement sur le plancher dans un "boum" tonitruant. Les yeux fermés, la respiration longue et la chair de poule couvrant ma peau, je sens que Depheline s'approche de moi. C'est au moment où sa main m'effleure que mes yeux s'ouvrent en grand et que je me redresse comme un ressort. Je sent l’énergie courir dans mes veines et c'est de très vive voie que je clame :
"Par Rana ! J'ai une faim de loup ! Allons manger !"
Ma voix est rapide, aussi fluide que le vent et c'est à toute allure que je me remets sur mes pieds et pars pour la salle d’accueil de l'auberge. J'ai faim de brioche, faim de fruit et surtout, faim du monde...
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Serpent Ménestrel (origine Voleur) Niveau 15 "Oaxaca contre-attaque." (Quête 30)
Réputation : ¤ Il est beau ¤ Une navigatrice dans la quête 27 ¤ Il est fantastique ! ¤ Un tavernier de Dahràm ¤ rchhhtll blll rll !! ¤ Le dieu pieuvre des mines de Lebher ¤ Il est trop rapide pour moi ¤ Le Dragon Noir d'Oaxaca ¤ Il m'a faite danser, et j'ai aimé ça ¤ Silmeria, l'anima noire
Dernière édition par Serpent le Sam 29 Sep 2012 11:40, édité 3 fois.
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