Je vais pour récupérer Harniän, toujours attaché à l'entrée de la boutique, quand j'aperçois une paire de soldat dans un coin de la place. Un enfant est maintenu entre les deux gaillards qui semblent ne pas lui vouloir du bien. Le gamin tente de se défendre tant qu'il peut, mais rien n'y fait.
(Et si tu écoutais un peu ce qui se disait avant de foncer tête baissée ?) (Je peux quand même pas laisser un gosse se faire agresser comme ça ?) (Tais-toi et écoutes.)
Un main sur ma monture, pour ne pas trop perdre le contact avec la réalité ambiante, je ferme les yeux et dirige mon audition vers le groupe. Les paroles qui sont dites me font comprendre instantanément mon erreur : il ne s'agit pas d'une bagarre, mais d'un entraînement militaire. L'enfant appelle même l'un des deux elfes adultes : "père". La technique à l'air particulièrement intéressante, même si, sans les gestes, j'ai du mal à comprendre de quoi il s'agit précisément. Je reviens à mes sens normaux, toujours aussi intéressée par le groupe, mais plus du tout pour la même raison. (T'as quand même failli faire une grosse bêtise une nouvelle fois.) (Ouais, mais Yuimen t'as embauché pour veiller sur moi non?)
Laissant mon cheval où il est, je me dirige d'un pas amène vers le trio. Ils sont manifestement en tenue d'entraînement et plusieurs sabres en cuir sont posés contre un mur, comme s'ils attendaient d'autres personnes.
"Vous avez un laisser-passer ?"
Je soupire, la question semble banale à la longue. Je tire le parchemin de ma ceinture et le tend à l'homme qui vient de m'adresser la parole. Il le parcourt rapidement, avant de hocher la tête.
"Vous venez pour la séance d'entraînement, je suppose ?" "Euh, oui." "Pff, c'est bien une femme, venir en robe pour s'entraîner au combat. Elle aurait au moins pu mettre une tenue adaptée." "Bah si elle se sent à l'aise. Tant qu'elle sait manier une arme mieux que ton rejeton, ça me convient." "Parce que mon fils sait pas manier une arme peut-être ?" "T'as même pas été fichu de lui apprendre qu'une arme c'est fait pour toucher la personne !" "Et la pouliche-là, qu'est-ce qui te garanti qu'elle sait tenir une épée ?" "Vous voulez tester ?" "Bonne idée, un duel entre mon gamin et la donzelle, comme ça on verra qui a raison !"
(Je suis obligée de me plier à ça ?) (Si tu tiens à apprendre leur technique, oui. En même temps, te défiler contre un gamin serait violent niveau de l'honneur.)
Gros soupir de ma part. Je m'avance pour saisir un des sabres en cuir, quand je suis arrêtée par l'elfe qui est manifestement l'entraîneur. "Je vous conseille de ne pas me faire défaut." "Ne vous inquiétez pas. Même sans avoir l'habitude de combattre en jupe, je pense être de taille contre un enfant."
L'arme n'est vraiment pas adaptée à un duel, souple, légère, fait pour rebondir sans blesser. Ce n'est vraiment pas une lame à ma convenance, mais soit, on va faire avec. L'enfant, avec un sérieux propre à notre race, se met en position de combat. Il est petit en taille, ce qui compliquera pour le toucher, mais je vois déjà des failles dans sa posture.
(Le plus dur sera de pas le blesser je pense.)
Le môme se rue littéralement sur moi, attaquant comme le ferait un jeune enfant, envoyant son arme de gauche à droite sans réelle maîtrise. Seule sa vitesse pourrait me gêner, mais j'en ai vu passer d'autres, qui avec la même rapidité avaient les techniques de maniement en surplus.
Je fais semblant d'esquiver ses coups durant quelques frappes, tentant plutôt de trouver comment achever ce combat sans lui faire mal.
(Contente-toi de le désarmer.)
L'idée de ma faera est pertinente, encore faut-il parvenir à piéger son arme dans la mienne. L'occasion se présente tout naturellement quand, esquivant à reculons, je me prends les pieds dans ma robe et chois au sol. Le gosse ravi, certain d'avoir fait mouche, me saute alors dessus, son arme dressée devant lui. Je décide de jouer son jeu et fait semblant d'être vaincue, feintant ma défaite. Il relâche alors sa garde, persuadé d'avoir gagné, alors qu'il a déjà perdu. Je profite de cet instant pour enrouler mon arme dans la sienne et envoyer celle-ci voler tandis que je me redresse. L'enfant me regarde alors sans comprendre puis regarde sa main, comme si ce simple fait pouvait expliquer pourquoi sa lame d'entraînement gisait au sol à quelques mètres de lui.
"Ne jamais relâcher sa garde ! Tant qu'un adversaire est vivant, il peut être dangereux." "Je lui dis tout le temps, mais il écoute jamais !" "J'espère que ça lui servira de leçon..." "Joli cumul entre la feinte et la botte. J'ai cru sentir une retenue en vous, comme si vous reteniez vos coups." "J'ai cru comprendre que vous teniez à la vie de votre enfant. Bien sûr que j'ai retenu mes coups, c'est un entraînement pas un combat !" "Une militaire ?" "Une femme habituée à manier l'épée, à tout le moins." "Et si vous luttiez contre moi ?" "Vous voulez quoi ?" "Un combat à la loyale. Et surtout ne retenez plus vos coups !" "Non merci, messire. Je souhaite juste apprendre une technique qui m'est inconnue et que votre ami était entrain d'enseigner à votre fils." "Je veux bien vous offrir cette leçon, jeune femme, mais seulement si vous le méritez. Battre un enfant, c'est pas difficile, mais un adulte, c'est autre chose." "Je n'ai aucune envie de me battre contre vous." "Vous avez peur, c'est ça ? Vous avez battu un gamin donc vous vous croyez la plus forte !" "Staral, calme-toi. T'es vexé d'avoir perdu ton pari c'est tout." "C'est pas ça. Mais la donzelle elle parade avec sa robe puis vient nous narguer tout ça pour battre un pauvre gamin." "Bon, je vais vous laisser, ça sera mieux pour tout le monde."
Je commence à partir, laissant les deux mâles se quereller quand l'entraîneur m'attrape le bras, avec un sourire.
"Vous connaissez le ki ?" "Relativement, pourquoi ?" "Bonne idée, un duel de billes de Ki ! On verra bien qui est le plus fort !" "Pourquoi pas. Si je gagne, vous laissez votre professeur particulier m'enseigner la technique que je veux." "Et si vous perdez, vous acceptez de coucher avec moi !" "Voilà une technique de drague très particulière."
(Et une raison encore plus forte pour gagner.)
L'entraîneur sort alors un plateau et un jeu de bille aux reflets irisées, assez similaires à celles que j'ai dans mon propre sac depuis des semaines maintenant. Il en sort une série qu'il dépose de chaque coté du plateau. Celui-ci est beaucoup plus simple que le mien : deux couloirs, chacun ayant épais morceau de bois pour couper la piste et une clochette au bout du parcours.
"Le duel se passera en une manche Le premier qui fera sonner la clochette après avoir passer la barrière a gagné."
Dès le signal de départ, mon adversaire s'acharne, bille après bille, il les envoie sur le morceau de bois, l'entamant à peine à chaque fois. Les impulsions qu'il donne suffirait à peine à traverser un parchemin, alors un morceau de bois, il n'y est pas près. Pour ma part, et sur le conseil d'Anouar, je prends une bille plus grosse, un calot, que je sers dans ma main, distillant à l'intérieur petit à petit mon Ki, comme je le ferais dans mon arme. Je suis impressionnée par la résistance de cette chose à mon énergie, convaincue d'en avoir déjà glissé plus dedans que d'habitude dans mon épée, sans qu'elle tremble pour si peu. Je surveille d'un oeil l'action de l'autre duéliste, qui n'est pas encore à la moitié du travail de creusage, tout en ayant gaspillé une quantité impressionnante de petites billes.
(Stop, ça ira. C'est que quelques centimètres de bois que tu dois briser, pas un mur complet !) (Je lance donc ?)
Doucement, je laisse la grosse bille, devenue rouge vive, s'échapper de ma main sur la pente qui sert de piste. Elle s'élance à toute vitesse vers le bout de bois, tandis qu'une autre fait de même sur le parcours en face. Elle n'a pas parcouru la moitié de la distance que mon opposant relance encore une nouvelle bille, sans doute conscient de la menace que représente ma décharge d'énergie. Une série de choc, celui faisant voler quelques échardes de la plus petites des billes de l'autre coté du plateau, suivi de près de la mienne. La violence est elle que le bois vole entier et d'un seul coup en éclat, un trou se perce dans le sable du chemin, sans pour autant endommager la structure globale. Avec un léger sourire, je prends alors une nouvelle bille, que je charge à peine, au cas où la clochette demanderait de l'énergie pour s'actionner. Je la lance sur le terrain désormais dégagé... pour aller se perdre dans le trou de la précédente.
(Et je fais quoi maintenant ?) (Tu en lances deux, très très légèrement chargées ! La première sur la droite, doit frôler la bordure, mais être la plus rapide, la seconde légèrement plus lente, droit dans le trou.)
Faisant confiance à Anouar, je prends deux billes que je relâche sur la piste juste après les avoir pris en main ou presque. La première glisse sur le bord, prenant le trou de coté, tandis que la seconde, en léger retard fonce sur la bille toujours perdue dans le trou. L'effet escompté ne tarde pas à se produire, au moment où la seconde bille tape celle au fond du trou, la première est légèrement vers l'avant, entrain de glisser pour retrouver les deux autres. Mais le choc entre les deux structures irisées les font exploser. L'onde de choc expulse la première bille qui vient tout naturellement frapper la clochette du fond au moment même où mon adversaire parvient de son coté à détruire la plaque de bois.
"Victoire pour la demoiselle !" "Je m'incline, vu la puissance du ki, j'aurais été fin si elle avait accepté le duel." "La prochaine fois, tu observeras la personne avant de la défier. Tu aurais vu qu'elle portait une épée, une vrai; ainsi que des boucliers de poignets d'une facture admirable." "La madame c'est une vrai guerrière ?" "On peut dire ça, ouais."
Le môme, manifestement, rétabli de sa cuisante défaite ne parvient plus à me lâcher des yeux. Comme s'il n'avait jamais vu un guerrier de sa vie, alors qu'il vit non loin de la garnison la plus importante du Naora.
"Je pense que vous avez plus que méritez votre leçon particulière. Je vais vous laisser avec mon fils. Maeric, à la prochaine, pour le payement, c'est pour moi !"
"Venez avec moi, on va aller dans un endroit plus discret."
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Je suis aussi GM14, Hailindra, Gwylin, Naya et Syletha
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