Dans tout Raynna et le désert attenant, la caserne militaire et ses alentours directs, soit une bande d'environ quatre kilomètres de large allant des contreforts des volcans jusqu'à la mer, est le seul territoire réellement contrôlé par les Sindeldi. Cette surveillance à elle seule mobilise plus de deux cents hommes et femmes qui sont relayés au bout de trois mois. En effet, aucun Sindel digne de ce nom ne supporte de tenir plus longtemps dans cet endroit oublié du monde.

Ce n'est pas tout à fait vrai cependant, car la garnison est complétée par une unité d'élite, formée au désert depuis le plus jeune âge (n'ayant en réalité pas quitté ce territoire depuis leur passage à l'âge adulte aux alentours des quatre-vingt dix ans). Cette unité est mystérieuse et possèderait des techniques de dissimulation et de survie particulièrement efficaces, au point de pouvoir partir en reconnaissance seuls dans le désert pour repérer les villages Shaakts.

Parmi ces guerriers d'élite sont élus, tous les deux ans, deux chefs. Le premier a pour fonction de gérer le fort en lui-même, l'approvisionnement, mais aussi la défense en cas d'attaque; l'autre gère les expéditions dans le désert et sur le volcan.

A l'heure actuelle, Erasti Nakaii occupe le premier poste. C'est un elfe de haute prestance, ayant une autorité naturelle et qui ne hausse que rarement la voix. Il porte un tatouage juste sous son œil, fait par les Shaakts lors d'une captivité. S'il le cachait au début, il l'expose désormais comme une marque de ce qu'il a vécu et ce à quoi il a survécu surtout.



Le second poste est occupé par une certaine Maerhin. Cette fille est pour le moins exceptionnelle dans l'armée, et d'autant plus à un poste aussi important. Son histoire est pour le moins étrange et lui a forgé un caractère plus froid et puissant que sa paire de dagues dont elle ne se sépare jamais d'ailleurs :
Fruit de l'union de deux Sindeldi exilés à Raynna, elle y est née et y a vécu ses premières années. Mais, contrairement à la tavernière de la ville qui est restée sur place, elle s'est enfuie très vite, avant ses trente ans paraît-il.
Perdue dans le désert, elle a été recueillie par des Shaakts, ce qui explique sa connaissance de leur langue, de leurs coutumes et de leurs méthodes de survie dans le désert.

Puis suite à l'éboulement d'une partie de son village, les habitants ont voulu la sacrifier pour apaiser les Dieux. Devant ce destin horrible, elle s'est révélée dans toute sa puissance et s'est enfuie à nouveau, jusqu'à parvenir à Raynna. Elle était jeune, belle, nue, sans famille. Elle a été soignée, nourrie, et élevée ensuite parmi les autres jeunes élites, qu'elle dépassait bien qu'elle ait plusieurs années de moins, son parcours l'ayant formée à la discrétion autant qu'au combat. Elle n'est repartie de la ville que pour parcourir le désert dans tous les sens, seule ou avec une petite troupe...

Nous approchons de la grande structure de pierre aperçue au loin. La garde chargée de m'interpeller me laisse pour conduire mon cheval à l'écurie, me laissant seule avec leur chef. Il me mène auprès de son chef, dans un bureau à l'écart de la porte d'entrée, au frais de surcroît.

"Chef, je vous ai ramené la personne aperçue au loin. Elle a un laisser-passer."
"Bien, laissez-nous."
"Chef, oui, Chef."

Le garde sort de la pièce et ferme la porte, me laissant donc seule avec son capitaine. C'est un bel elfe, d'un âge indéterminé, mais bien plus élevé que le mien ou celui du Prince. A vue de nez, il doit avoir passer son millénaire depuis un ou deux siècles au minimum. Ses yeux verts me scrutent en silence, comme s'il cherchait une information dans ma tenue ou mon apparence physique.

"Une demi-oudio, j'ignorais que cela était chose possible. D'autant plus avec des armures de confection ermansi, une cape de prêtre et des vêtements de facture sindels. Mais ce qui m'étonne le plus chez vous, c'est sans doute vos bijoux... Un bracelet antique, une boucle de nombril qui respire la magie, un collier qui parait sortir de légendes des mondes anciens, un diadème qui semble vivant et un anneau de matriarche de la tribu des Insstar. Tout cela sans compter un cheval bien plus racé encore que tout ce que le Naora peut produire. Asseyez-vous et expliquez-moi ce que vous venez faire en ces terres, étrangère."

(Perspicace le vieux, y a pas à dire...)

N'ayant rien de mieux à faire, je suis son ordre et m'installe dans un de ses sièges confortables et rustiques à la fois. Le genre de mobiliers typique des bureaux de capitaines de l'armée, du côté "invité" de la table, bien sûr.

"Quoique mon apparence vous dit, je ne suis pas étrangère. Et je me rends à Raynna pour affaire personnelle."
"Cessez de rire, voulez-vous. Personne de sensée ne se rend à Raynna pour "affaire personnelle". Rares sont déjà les Sindels libres qui y vont par obligation."
"Et pourtant... Il faut croire qu'il en existe ou alors que je suis folle, comme vous préférez."

(Mais tu fais des progrès en diplomatie, tu sais...)

"Comme vous voulez. En même temps, je vois pas ce que vous pourriez faire de mal en vous rendant là-bas. C'est votre vie, et elle n'est pas sous ma protection."
"Je peux y aller ? Je suis pressée."
"Signez juste cette décharge. Idée que le noble qui vous a pris sous sa protection ne se retourne pas contre moi si vous veniez à mourir... Il me faudrait d'ailleurs le nom de cet individu, pour les registres."
"Naémin, Naémin de Tahelta."

(Euh, t'as oublié l'avertissement du garde à la sortie de Nessima ?)
(J'ai pas le choix, le laisser-passer est au nom de Naémin. Celui d'Aldric s'arrêtait aux portes.)

Le regard du capitaine change soudain tandis qu'il redresse la tête et hausse un sourcil.

"Je le croyais mort, ce prince-là..."

(Tiens, je note, celle-là, on nous l'avait pas encore faite.)

"Ce prince-là en question est bientôt votre Roi. Vu que la Reine est morte !"
"Attendez. Vous venez de dire quoi là ?"
"Que la Reine est décédée et que Naémin est le dernier fils royal."
"Ca change tout là... Et je peux savoir comment, demi-oudio, vous êtes au courant de tout cela ? Et pourquoi nous ne le sommes pas ? Enfin pour ça, on est habitué, on est les derniers au courant de tout ici..."
"Parce que j'étais avec le Prince quelque part entre Kendra Kâr et Tahelta lors de l'attaque du palais. Et vous n'êtes pas au courant parce que votre hiérarchie a sans doute préféré vous cacher que la capitale avait été prise, comme ils l'ont fait à la noblesse nessimoise."


"Capitaine, un coursier en approche !"
"Voilà sans doute les nouvelles. Je vais pouvoir vous laisser. J'ai autre chose à faire, je pense."

(Je confirme, c'est un messager de la haute-hiérarchie, il porte les armes royales. Naémin est arrivé avant-hier soir en ville. Il va sans doute lancer une convocation à tous les chefs militaires.)

"Deux secondes. Vous allez voir Altea, n'est-ce pas ? Ne mentez pas, vous respirez le fluide de terre, et je m'y connais en fluides. Vous le trouverez au coeur de trois colonnes de pierres, sous terre. Attendez-le dehors, il finira par venir vous chercher. Mais méfiez-vous, c'est un fou, un génie, certes, mais un fou. Il n'aime pas qu'on fasse usage de la force avec lui, mais en revanche, il apprécie les yus, l'alcool, les vêtements... et les bijoux..."

Il gribouille alors un papier, qu'il marque de son sceau avant de me congédier. Ses informations seront précieuses, c'est certain...

Nous marchons depuis moins de cinq minutes vers la caserne quand Earnys se retourne vers moi :

"Maintenant que nous sommes seuls, et même plus que seuls, tu peux me dire pourquoi tu n'as pas voulu que nous nous reposions ?"
"Naémin va lancer l'attaque, si ce n'est déjà fait."
"Et tu sais ça, comment ?"
"Je le sais, c'est tout. Maintenant, dépêchons-nous, je suis épuisée et j'ai hâte de récupérer mon cheval et de pouvoir me reposer un peu."
"C'est pour ça qu'on va à la caserne ?"
"Oui, j'espère qu'on pourra t'en trouver un aussi, d'ailleurs."

Nous continuons à marcher, en regardant les tours lointaines qui n'approchent jamais ou du moins si lentement. Le désert, ce mélange de sable et de rocailles, m'obsède et commence en plus à me brûler les jambes. Heureusement, il nous faut moins d'une demi-heure pour atteindre le fort et pénétrer dans la douceur ombrée du bâtiment militaire.

"Halte-là ! Où allez-vous ?"

Tiens, ça m'étonnait aussi, la dernière fois, on était venue me chercher bien plus tôt. Ce n'est d'ailleurs pas le même garde, celui-ci est plus jeune avec des yeux bleus, tandis que l'autre avait des yeux bruns.

"Nous venons récupérer mon cheval et en trouver un autre !"
"Un cheval ? Voyez-vous ça... Et vous venez d'où ?"
"De Raynna, pourquoi ?"
"Mais bien sûr... Raynna c'est de l'autre côté, et de toute façon, même si vous en veniez, on vous laisserait pas sortir !"

Un second elfe apparaît derrière lui, celui-là en revanche, je l'ai déjà vu, quand je suis passée la première fois.

"Laisse-la passer."
"Mais... Sergent. Elle prétend revenir de Raynna."
"Manifestement, si elle est là, c'est qu'elle revient bien de Raynna..."
"Mais c'est impossible. Raynna, c'est de l'autre côté. Puis, on ne revient pas de Raynna !"

"De Raynna ? La semi-Sindel dont le capitaine du fort me parlait est revenue ?"

Je me retourne sur la voix qui vient de parler. Il s'agit d'une jeune femme, au teint gris très foncé de ceux qui ont vécu la majeure partie de leur vie au soleil. Elle n'est couverte quasiment que de voile, à la mode des Shaakts du désert. Mais elle n'en est pas une, c'est certain.

"Capitaine Maerhin ? Que faites-vous ici ?"
"Je reviens du désert, comme cette jeune personne, si je ne me trompe."

Elle me regarde dans les yeux et semble me sonder, jusqu'à ce que son regard tombe sur mes mains... et la bague des matriarches.

"C'est le sceau Insstar ? Que faites-vous en sa possession ?"

(Elle porte un sceau de matriarche aussi !) me souffle Anouar.

C'est le genre d'information plutôt intéressante au milieu d'une discussion pouvant devenir très embarrassante.

"Nelyslury, la matriarche me l'a remis." réponds-je à haute voix, avant de demander à voix basse à l'oreille de l'autre femme : "Et le vôtre ? Il vient de quelle maison ?"

D'un geste de la main, elle couvre son collier de pierre noire, confirmant ma question et la réflexion de ma faera.

"Venez avec moi !"

Elle me prend par l'épaule et m'écarte du groupe, tandis que j'attrape mon compagnon qui ne semble rien avoir compris à l'affaire par la main, le tirant malgré lui vers le bureau de la dénommée Maerhin. Au bout de deux couloirs, nous rentrons dans une pièce meublée d'une manière magnifique, mais avec des éléments de décorations incongrues pour une Sindel.

"Un poste de patrouilleur du désert, ça vous intéresse ?"

Je m'attendais pas à grand-chose, la fatigue commençant à m'embrumer le cerveau, mais à ça sans doute encore moins que tout le reste. Tâtonnant, j'attrape une chaise où je me pose d'un coup, terrassée par cette demande... inédite.

"Euh..."
"Elle est Gardienne de Yuimen, elle a d'autres missions."
"Gardienne de Yuimen ? Je comprends..."
"Par contre, et pardonnez-moi, Gardienne, mais moi ça m'intéresse !"
"Vous êtes qui d'ailleurs ?"
"Un archer, qui connaît Raynna comme sa poche et qui souhaite changer de vie !"
"Un archer ? Vous m'intéressez, j'en ai perdu un récemment. Venez signer, ici."
"Son passé ne vous intéresse pas ?"
"Vous connaîtriez le mien, vous ne poseriez pas la question. Peu m'importe l'histoire, seule la volonté m'intéresse."

Je hausse le sourcil et souris. Voilà mon problème de cheval réglé, à défaut de mieux, même si un compagnon m'aurait été utile, je le crains, pour la suite.

"Vous resterez ici aujourd'hui ?"
"Hein ? Quoi ?"

Je me suis manifestement assoupie pendant la signature du registre et autre paperasse. Dehors, le jour se lève à peine, ça n’a pas dû durer trop longtemps.

"Votre ancien compagnon était en train de me dire que vous vouliez partir."
"Oui, et au plus vite. Je n'ai guère de temps à perdre."
"Si vous vouliez rejoindre Naémin, c'est trop tard. Les ordres précisaient qu'il partait cette nuit, pour prendre la ville par surprise au petit matin."
"J'ai l'intention de le rejoindre. Mais pas à Tahelta."
"Restez ici. Je vais vous faire préparer des rations et sceller votre cheval. Profitez-en pour reprendre un bref temps de méditation."

Je ne me fais pas prier et tombe en transe quasiment instantanément, la fatigue reprenant le pas sur tout le reste. Quand la capitaine Maerhin me réveille, Earnys a disparu, il aurait pu me dire au revoir au moins. Voilà quelqu'un de bien pressé, alors qu'il désirait à tout prix me servir. Maerhin m'explique qu'il a préféré me laisser une lettre, plutôt que de me faire ses adieux. Elle m'accompagne jusqu'à mon cheval, dont les sacs de selle sont pleins de nourriture. Arrivée seule à Raynna, voilà plusieurs jours, je repars seule, pour ne pas changer à mes habitudes de solitaire.

Alors que je marchais, pour aller je ne sais où, je vis quelque chose qui ressemblait à une caserne. Pourquoi ça ressemblait à une caserne ? On aurait dit qu'il y avait des tours de gardes et on entendait des gens crier quand les bruits de métal qui s’entrechoquait s’arrêtait. Une personne m'interpella (un garde je pense). Je ne pouvais que difficilement son visage, car il avait un casque en fer en forme de cône vers le haut et il avait aussi des dessins de dunes de sable.
-Hé ! vous, là bas, qui êtes vous ?
-Un simple voyageur, pourquoi ?
- Mmmh... On dirait que vous êtes un Eruïon...
. Il commençait à en savoir trop, il n'était pas très loin et personne ne regardait vers nous. Je passai mon bras autour de sa gorge et essayer de lui assénai un coup dans la nuque, mais il se défendit, il essayai d’appeler des renforts, mais je l’empêchai en lui disant avec le couteau sous la gorge
-Si tu essaye d’appeler des gens, je t'égorge, si tu ne le fais pas, je te laisse partir. Si jamais tu essaye de m'avoir par derrière, sache que je serais sur mes gardes et que je te tuerai sans aucune hésitation, compris ?
C-c-compris !. Il essaya de me tuer, j'esquivai son coup, mais je n'avais pas remarqué son petit couteau, qui me tailla le bras, et son épée me tailla l'autre. Si ça ne faisait que me taillait, c'est parce que j'esquivai un peu avant qu'il ne tranche. Un autre garde était arrivé derrière moi, mais je ne l'avais pas remarqué, il en profita pour essayer de me trancher et se débarrasser définitivement de moi, mais mon armure amortit un peu le coup, bien que ça n’empêche pas un autre garde de me planter un couteau juste en dessous des côtes. Ils m'attaquèrent tous en même temps par en haut, mais je parai leur coup pour m'enfuir après.

Je m'écartais de la caserne, car il y avait beaucoup trop de gardes pour leur survivre. Je les vis courir derrière moi, jusqu’à ce qu'il fasse trop chaud.