Ouvrant péniblement les yeux, Silinde observait les alentours. Un environnement inconnu l’entourait; allongé sur un fin matelas à même le sol, lequel composé de revêtement rectangulaires étranges, une sorte de tapis en somme, dans une petite pièce aux murs fait de bois et de papier. Il avait déjà vu ce genre d'habitations dans des livres de la grande bibliothèque familiale étant petit, et comprit rapidement qu'il devait se trouver en Ynorie, probablement proche de la ville de Oranan.
Petit à petit des brides de souvenirs lui revenait, alors qu'il était totalement incapable de bouger la moindre partie de son corps hormis ses yeux, et très légèrement mais non moins péniblement la nuque. La grande guerre de Pohélis. Des combats tout aussi impressionnants qu'horribles. L'armée orque s’étendant à perte de vue. Lui-même combattant aux côtés de ses compagnons pour repousser la vague verte semblant se renouveler de manière infinie. Et finalement... La défaite. Puis plus rien, il ne savait absolument pas comment il avait fini par se retrouver ici, comment il était rentré, ni depuis combien de temps.
Chassant les doutes qui l'envahissait alors, il tenta a nouveau péniblement de bouger ses muscles pour se relever. La douleur était atroce, mais ce n'est pas comme si c'était réellement la première fois qu'il faisait face à des blessures; cependant, une fois le torse relevé, en position assise, il ne chercha pas à se relever plus. Connaissant son corps, il savait que c'était inutile, il ne pourrait pas tenir debout, encore moins marcher dans cet état. Mais au moins, cette position lui apportait un nouveau point de vue, plus complet de l'environnement dans lequel il se trouvait, ainsi qu'une vue sur son propre corps vêtu d'un habit léger en soie, composé d'une veste et d'un pantalon aux larges jambes, surement traditionnel. Ses cheveux ne semblaient pas être plus long que quand il avait participé à la guerre, et donc, avaient été entretenus. Il pouvait aussi apercevoir une large cicatrice au niveau de son torse, qu'il ne possédait pas avant les évènements; signe qu'il avait reçu de bons soins, mais aussi que beaucoup de temps avait du s'écouler pour une guérison totale d'une blessure aussi importante...
Les souvenirs continuaient d'affluer. Les derniers combats effectués, les bruits des armes s'entrechoquant, l'odeur de la chair brûlée et du sang, les visages de ses compagnons.
Ses compagnons ! Il tenta de se relever par réflexe, mais bien évidemment cela se solda par un cuisant et douloureux échec. Il ne pouvait pas bouger, et n'était pas prêt de le faire. L'effort l'ayant partiellement épuisé et essoufflé, il toussa à deux reprise, sèchement et bruyamment. Le bruit s'étant probablement entendu à quelques pièces de là, il ne fallu que quelques secondes pour que le son des pas d'une personne s'approchant se fasse entendre, puis, une ombre se porter en face de l'un des murs de papier, et enfin, une porte coulisser, laissant une jeune femme apparaître dans l’entrebâillement de celle-ci. Ses yeux, trop fatigués pour distinguer les détails ne lui permirent que de voir une silhouette floue de celle-ci.
"Vous êtes finalement réveillé!" s'écria-t-elle, avant de regarder plus attentivement l'elfe, et de reprendre : "Nous ne savions pas si vous vous réveillerez un jour !"
Ce n'est pas sans difficultés que Silinde répliqua, avec une voix faible, et beaucoup de mal à articuler les mots :
"De... Depuis combien de temps...?"
Immédiatement, la réponse de la jeune femme arriva aux oreilles pointues de l'elfe :
"Proche de 7 ans messire..."
Il s'y attendait, mais la réponse le choqua tout de même lui arrachant une nouvelle quinte de toux sèche, nerveuse, et particulièrement douloureuse. La jeune femme s'empressa d'accourir à son chevet alors que Silinde basculait en arrière, perdant ses forces, et l'aida à s'allonger à nouveau en douceur...
"Ne forcez pas messire, votre corps n'a absolument pas bougé en 7 ans, vous n'avez plus de force, il vous faudra du temps pour pouvoir de nouveau apprendre à bouger comme avant..."
C'est partagé entre plusieurs sentiments, tels que la colère d'être dans un tel état, la gratitude envers cette personne pour les soins prodigués, la honte de non seulement avoir perdu le combat ainsi que la guerre, et de ne plus être en état de bouger, la crainte qu'il ne soit arrivé quelque chose à ses compagnons que l'elfe sombra à nouveau dans le sommeil...
Quant il ouvrit à nouveau les yeux, quelques jours plus tard, la jeune femme était toujours là, à genoux, non loin dans la petite pièce, veillant sur lui, et très probablement attendant son réveil.
"Bonjour messire !" s'écria-t-elle avec enthousiasme quelques secondes après qu'il eut ouvert ses yeux.
C'est encore avec difficulté à articuler même un unique mot que Silinde répondit :
"Bonjour..."
Elle continua :
"Je n'ai pas pu me présenter la dernière fois. Je me nomme Misako, je suis la femme du maître de cette maison. Vous rappelez-vous de votre nom, messire...?"
Toujours allongé, mais tournant la nuque pour porter son regard dans sa direction, il put cette fois ci l'observer plus attentivement. Elle avait de longs cheveux noirs, ne semblait pas avoir plus d'une vingtaine d'années, et était d'une grande beauté pour une humaine. Elle portait aussi un habit traditionnel, certainement dans la même matière que celui qu'il portait lui-même à cet instant, mais il arborait un très joli motif dans une couleur rose, qui était bien évidemment bien plus féminine. Finalement, après quelques secondes de réflexion, il entreprit de lui répondre :
"Silinde. Je me nomme Silinde."
"Messire Silinde? Très bien. Vous rappelez-vous de comment vous êtes arrivé ici...? De ce qui vous est arrivé avant cela...?"
"Je... ne sais pas comment je suis arrivé ici, et je n'ai qu'une vague idée d'où je peux me trouver...", Silinde avait toujours du mal à parler, et devait respirer quelque seconde entre les petits morceaux de phrase, mais déjà, il articulait mieux les mots, comme si ses cordes vocales reprenaient peu à peu l'habitude de faire leur travail.
"Même si certains sont vagues... J'ai bien conservé mes souvenirs d'avant m'être retrouvé dans cet... état..."
Affichant un sourire, et approuvant de la tête, la jeune femme reprit de plus belle :
"C'est une très bonne chose alors, lorsque nous vous avons trouvé non loin du village, vous étiez à peine conscient, le corps couvert de profondes blessures, et marmonnant des mots que nous n'arrivions pas même à comprendre... Puis vous avez dormi. Vous avez dormi pendant toutes ces années comme si rien ne pouvait vous réveiller. Pourtant, nous savions que vous meniez un combat, un combat contre vous même pour vous réveiller un jour, et c'est pourquoi nous vous avons soigné, et que j'ai veillé sur vous, jour après jour, mois après mois, et année après année..."
Regardant son torse et soufflant un grand coup, Silinde lui répondit :
"Je... Je vous suis vraiment reconnaissant de ce que vous avez fait pour moi... J'imagine que c'est normal mais... J'ai vraiment du mal à réaliser qu'il s'est passé tant d'années... J'imagine que j'ai été un fardeau pour vous... Vous n'aviez aucune raison de continuer à me veiller sans même savoir... si j'allais un jour me réveiller..." il finit difficilement de prononcer les dernière mot de cette longue phrase.
"Non messire. Vous n'avez pas été un fardeau. Après vous avoir trouvé, et soigné, nous n'avons rien fait de plus, le reste, c'est vous qui l'avez fait, c'est vous qui vous êtes battu pendant toutes ces années contre la mort, pour finalement vaincre et vous réveiller. Vous avez certainement du perdre une bataille pour vous retrouver dans cet état, mais vous en avez gagné une autre, contre votre propre corps, contre la mort elle même. C'est ce qui fait de vous un grand guerrier, et qui contentera mon époux lorsqu'il rentrera."
"Vous... Vous avez mentionné votre époux plus tôt... comme étant le maître de maison..."
"En effet, nous ne somme qu'un petit village, vous êtes actuellement dans le dojô, qui est tenu par mon époux. C'est un grand guerrier, et un maître d'armes accompli; lorsqu'il vous à vu, même le corps meurtri et couvert de sang, il à immédiatement vu en vous un rival, et savait que vous vaincriez dans ce combat contre vous même."
"Je vois... Il faudra que je le remercie..." soufflant un coup, Silinde reprit: "Vous n'avez pas répondu à l'une de mes questions... Où sommes-nous...? Et... Lorsque vous m'avez trouvé, j'étais... seul?"
Portant la main à sa bouche, la jeune femme lui répondit :
"Oh! Je suis désolé, en effet. Il semblerait que vous avez encore toute votre tête, décidément vous récupérez vite... Nous sommes à Ishikawa, comme je vous le disais, un petit village relativement proche de Oranan. Et... oui, je suis désolée, de vous l'apprendre, mais vous étiez seul lorsqu'on vous a trouvé..."
Puis, se relevant avec grâce, et marchant vers la porte coulissante qu'elle ouvrit, elle se retourna, et adressa une nouvelle fois la parole à l'elfe :
"Vous devez avoir faim, après tout ce temps ! Laissez moi quelques minutes, le temps de vous mijoter quelque chose de simple que vous pourrez manger facilement!"
A peine le dernier mot se fit entendre, qu'il fut suivi par le gargouillement sonore de l'estomac d'un être affamé, lui faisant oublier tout ses autres soucis. La maîtresse de maison se contenta de sourire avant de refermer la porte derrière elle, et s'éloigner dans un couloir menant très certainement à la cuisine de la maison...
(Depuis combien de temps n'ai-je pas mangé...?) pensa-t-il.
Même si lui même n'avait pas oublié le gout des aliments, son corps, lui ne s'en rappelait pas. Déjà un léger fumet se faisait sentir depuis la cuisine, et l'estomac de l'elfe continuait de plus belle à faire part de son impatience quant au repas qu'on lui avait promis... Fermant les yeux, respirant profondément, Silinde se calma en entrant en état de partielle méditation, ne pensant à plus rien l'espace des quelques minutes qui séparèrent le retour de la jeune femme, et du repas qu'elle amena avec elle.
Lorsqu'elle ouvrit la porte coulissante, elle était à genoux, le plateau contenant le dit repas posé à côté d'elle. Elle se releva, en portant le plateau, puis en le reposant au sol à peine la porte passée, s'agenouillant à nouveau, et ferma la porte. Enfin, se releva une nouvelle fois et apporta le repas à portée de l'affamé.
_________________ Silinde, Maître d'Armes de niveau 16 Instructeur de la Milice à Kendra Kâr
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