La plage se rapprochait à grande vitesse depuis que la Garzok avait enfin pris sa rame et de sa force propulsait le petit esquif alourdi par son chargement.
La quille de leur bateau s'enfonça dans le sable avec violence, jetant ses occupants un peu en avant.
La guerrière ne tarda pas pour sauter sur le sable chaud qui, à son expression, ne sembla pas à son goût.
N'Kpa jeta un œil en arrière, la barque de Créan et Khynt filait bon train. Elles n'avaient que quelques minutes d'avance. Elle farfouilla dans la barque se saisit de son bâton, de son sac, du pourpoint de cuir et des deux sabres.
De sa besace dépassaient les chausses noires. Elle croisa le regard scrutateur de sa compagne et son air louche. Un frison parcourut l'échine de l'Humoran quand elle comprit que les rouages basiques de l'intellect de la guerrière s'intéressait à ses bottines. (Nan n'y penses pas trop Garzok, elles sont trop petites pour toi et je ne te laisserai pas y toucher …) Le grognement confirma ce qu'elle avait compris des intentions de la vieille orque et ne lui plut guère. Elle se tint sur ses gardes.
Le temps pressait et la seule chose qui sortit de la bouche de la Garzok était un sont rauque qui avait un rapport avec son estomac. La géante avait faim et N'Kpa n'aimait franchement pas ces coups d’œils vers elle. Enfin la guerrière se décida de s'éloigner vers la forêt au dessus. La jeune souffla...
(Je te déteste vieille guerrière et j'espère que cette aventure nous séparera, en bien ou en mal, va, coure au devant de ton destin... )
Ce genre de pensées n'était pas d'elle. L'influence du collier y était pour quelque chose.
N'Kpa jeta un regard derrière elle, leurs ennemis approchaient. Elle ne voyait pas la barque des autres condamnés et ne vit pas le coup d’œil cannibale de la guerrière.

La jeune femme les bras chargés, courut sur le sable chaud pour atteindre les rochers et s'y dissimuler. Elle écouta les bruits alentours. La Garzok c'était éloignée et plus rien d'autre ne semblait troubler la quiétude du lieu. Alors, elle s'enquit de vite revêtir le pourpoint de cuir, les chausses et les gants. En quelques minutes les deux sabres avaient retrouvés leur place dans son dos… Le temps pressait trop pour qu'elle puisse refaire son maquillage tribal et tresser la mèche orangée de Sirat.

Sirat où es-tu?...

Son amant, Lillith et les deux autres devaient s'être réfugiés dans les bois. Maintenant prête, elle emboita le pas de la guerrière, ses sens en alertes en suivant les traces laissées par le groupe. Son cœur chavirait de joie à retrouver son amant.

Quand la barge frappa le sable, Sirat éprouva un profond soulagement. A l’ombre grandissante des arbres, il observait le retour de son amante. Les deux apôtres, cause de leur problème suivaient, mais l’enchanteur, plein de confiance fruit de l’artéfact, n’avait plus peur. Son esprit s’affairait plus à trouver un stratagème pour les combattre. Lillith donna le signe de la retraite et s’enfonça dans les fourrées, là où le bourdonnement de ses insectes résonnait encore. Sirat cracha par terre, il répugnait à fuir, mais en lui tintait une voix plus raisonnable. Le collier accentuait son caractère belliqueux, il en était conscient. Une bataille entre sagesse et impulsivité se déroulait dans son crâne à chaque instant, mais il était une chose ou il ne tergiversait pas : il ne partirait pas sans elle. Il avança sur la plage, se découvrant, indiquant sa position à la shamane.
Pourtant décidé, un murmure s’immisça lentement, devenant un chuchotement il s’imposa peu à peu à lui. Cette idée devint un ordre et balaya toute logique et toute fougue. Il tenta d’y résister, mais un violent maux de tête brisa sa résistance. Il jeta un regard plein de haine aux deux sbires d’ Oxacoa. Briser, il contempla une dernière fois la belle humorane avancer vers lui, il repensa à leur étreinte et à sa chaleur.
Elle s'était approché de lui, N'kpa posa sa main sur son avant bras. Leur regard se croisa, un bref instant, un moment éphémère, gorgé de souvenir de leur passé, puis rongé par la peine il se détourna de ses yeux ambres et s'échappa de l'étreinte de son amante et s'en alla.
Il ne prit pas le chemin tracé par l’homme des montagnes, il se pressa de traverser la plage dans la longueur, vers l’est, vers l’obscurité naissante, obéissant à cet ordre étrange et oppressant. Il laissait derrière lui le soleil couchant et la semence de ses futurs regrets.

Sirat descendit avec le reste de la troupe, peu à peu la forêt s'estompa pour laisser place à une garrigue pastelle et éparse et bientôt s'ouvrir sur la plage. Les vagues berçaient tendrement le rivage, seul leur bruit troublait la quiétude du petit matin. Les trois corps des gardes étaient toujours là, gisant dans le sable, trônant sur la mer les mats noircie et encore fumant relevait des vestiges de ce qui était jadis le bateau qui avait emmené l'enchanteur et N'kpa sur cette île.

Et bien, Egrilmar tu n'y vas pas de main morte.

Il esquissa un sourire et se dirigea vivement vers les trois corps. Il se mit à les fouiller minutieusement à la recherche d'un indice ou d'un objet qui pour l'aider.

Les trois corps étaient figés, à moitié ensevelit et mangé par le sable. L'un d'eux avait la cage thoracique ouverte d'où s'égrainait lentement les granules, tel un erg porté par la brise matinale. Sirat ne trouva rien, simplement l'empreinte des collier arraché à leur mort. Il soupira et se releva, jaugeant le groupe. La suspicion s'était installé dans celui-ci, mais ils avaient prit la même direction. Drizton inspectait de loin la carcasse et Egilmar bombait le torse à côté de lui.

Alors, ils sont morts

La voix féminine teinté d'ironie était celle de Nellia. La jeune femme s'était approché de l'enchanteur sans qu'il ne s'en aperçoive. Elle le contemplait un sourire en coin, dissimulé par ses habits noirs et la pénombre du petit matin dans laquelle elle se fondait.

Apparemment une fois mort on peut enlever le collier.

Envie de t'en débarrasser maintenant, je peux t'aider.


Sirat esquissa un rictus.

Et qui te l'enlèvera

Qui a dit que je voulais l'enlever.

L'enchanteur étouffa un rire. Elle regarda la route qui démarrait sur le versant nord.

On y va ! Drizton, Egilmar vous venez ?

Katsu s'interposa devant Sirat et la jeune femme qui prenaient la direction du chemin.

Nous ne vaincrons pas les treize, pas avec les huit guerriers que nous sommes.

Sirat haussa les épaules.

Ce qui compte ce n'est pas de les battre, mais de les combattre et de trouver des réponses.

Il s'écarta du jeune éphèbe et prit la direction du nord, suivi de Nellia et des nains.