Kogan a écrit:
Caabon a écrit:
Je partage ton avis sur certains points Kogan, pas sur tous, notamment sur le constat "pas le choix" ; ni sur celui du métier : au même titre que des patrons de PME, ce n'est pas un métier en effet, c'est plus ; quant au circuit court, pour avoir pu observer de près certaines transformations d'un autre secteur, je crois que les efforts sont franchement à nuancer, et ne sont pas si colossaux que ça. Ca me conforte dans mon idée que les agriculteurs se sont englués dans une situation confortable à une époque, qui s'est dégradée et... bim.
Mon propos sur la fermeture n'est cependant pas de la désinvolture, mais une terrible réalité, que je pense qu'il faut exprimer en ces termes. Le capital qui reste sur les bras est lourd, difficile à recaser, hélas.
Je connais pas assez le monde de l'entreprise (PME ou pas) pour être sûr de moi mais j'ai du mal à imaginer que ça puisse être comparable au statut d'éleveur.
J'ai passé pas mal de temps avec un éleveur. Procéder en circuit court lui demande, chaque semaine, d'apporter ses animaux à l'abattoir (qlq heures), de récupérer les carcasses à l'atelier de découpe, de les trier et de les répartir (une demi-journée), puis de livrer les magasins qu'il approvisionne (une demi-journée aussi).
Pendant tout ce temps, il n'est pas sur l'exploitation et c'est une autre personne qui doit s'occuper de toutes les tâches quotidiennes. Et toute la journée, il a encore une autre personne qui s'occupe de tenir la boutique où ils vendent leurs produits.
C'est quand même pas rien.
Et surtout que le problème principal n'est pas tant les efforts et couts supplémentaires que ça peut apporter ... Mais c'est qu'on parle de nourriture. Tout le monde a toujours eu (grosse généralisation : /off) l'habitude d'aller l'acheter en grande surface. C'est vraiment une minorité qui va se déplacer dans sa boutique pour acheter ses produits.
Et enfin, concernant le choix ... Je peux difficilement argumenter plus que ça. Effectivement, ils ont techniquement le choix de ne pas suivre la tendance et de couler. Mais ils ont envie de vivre donc ils continuent.
On peut vivre sans être agriculteur, je peux vivre sans être agriculteur. Mes cousins, fils d'agriculteurs, peuvent vivre sans être agriculteurs, même s'ils ont pour ambition de reprendre l'exploitation familiale, parce que leur père, comme leur grand-père avant lui, les a incité à aller apprendre un autre métier que celui d'agriculteur, parce qu'ils sentaient, il y a plus de quarante ans, que ce n'était pas forcément un métier d'avenir.
C'est cette dramatisation qui me gave. La plupart des gens ne font pas ce qu'ils pensaient faire au départ de leur vie, certains, pour vivre, changent de branche, de filière, se forment tout au long de la vie, évoluent, etc. Et les agriculteurs, ils devraient rester fixés à leur exploitation, et le monde devrait leur donner les moyens de "vivre".
Je ne suis pas pour la standardisation des études, formations, parcours de vie, suivant les besoins supposés de l'économie, bien au contraire ; que chacun soit libre de faire ce qui lui plait dans la vie, ce qu'il veut. Mais la contrepartie de cette liberté me paraît être la responsabilité de son choix.
Ton exemple est symptomatique du problème que peuvent rencontrer les agriculteurs laitiers, et autres d'ailleurs, qui ne sont pas intégrés dans un circuit de production/transformation, commercialisation. C'est intenable pour un seul agriculteur, ton exemple l'illustre, parce que les coûts ne peuvent pas être assumés individuellement (en temps, en argent, en matériel). Parce qu'il y a des démarches, des investissements (matériels ou non) qui ne peuvent pas se faire individuellement. Or, leurs problèmes sont collectifs, les solutions viennent aussi du collectif.
Le fromage est un bon exemple : peu ou pas d'agriculteurs pourraient assumer seuls la production de comté - pour l'exemple que je connais le mieux - ce n'est pas pour rien que le modèle
coopératif de frutières s'est mis en place dès le Moyen-Âge.
Le circuit court ne suffit pas, bien souvent parce qu'un agriculteur ne peut pas fournir une boutique à lui tout seul de produits qui justifieraient qu'un consommateur fasse le déplacement. D'ailleurs, le coût de la location pour lui seul serait prohibitif, sans compter la personne pour tenir la boutique, etc. Un agriculteur, ça ne passe pas, parce qu'un salarié dédié uniquement à la commercialisation, ça plomberait son activité.
Aussi les solutions peuvent et doivent être collectives. Les seuls exemples de réussite auxquels j'ai assisté, chez qui je me fournis, sont des réussites collectives et coopératives.
Huit producteurs (lait, fromages, viande bovine, volaille, fruits et légumes, miel et autres produits de la ferme) peuvent se partager les frais d'une boutique, d'une personne pour le transport, pour la vente, et en même temps proposer une offre assez riche et large pour que les gens s'arrêtent à leur boutique qui, dans le milieu rural dans lequel je suis, est aussi proche et accessible que le super-marché du coin, avec des produits en assez grande quantité pour satisfaire la demande (oui, parce que si tu t'arrêtes à la boutique plutôt qu'au supermarché, et que tu prévois d'y faire tes courses, et qu'il n'y a plus rien en rayon, c'est... chiant ?)
Mais j'insiste - lourdement, j'en conviens - sur le fait que prendre en charge la seule production (monter en qualité, produire plus, produire moins, de la viande, du lait, des oeufs, etc.) ne suffit pas : produire/transformer/commercialiser, maîtriser les trois, à plusieurs de préférence, me semble être la clef. Sur un modèle coopératif de surcroît.