SerpentC'était si perturbant, mais tellement... Cette absence, cette quiétude si rare d'habitude. Mais d'où venait-elle, et pourquoi ? Qu'est-ce qui causait se silence sans accroc, qu'est-ce qui entrainait cette absence de bruit ? Elle n'en savait rien, elle ne parvenait pas à le deviner.
Soudain, comme si ses pensées se réveillaient d'un coup, elle se demanda où elle était. Et elle ouvrit les yeux. Elle n'avait même pas remarqué qu'ils étaient fermés, mais l'oublia très vite lorsqu'elle analysa ce qui était devant elle. Tout était bleu. Non, pas bleu. C'était comme comme si toutes les nuances de bleu se mélangeaient de manière aléatoire et mouvante, le tout éclairé d'une lumière sans source, diffuse et éblouissante.
L'Aniathy tourna la tête, mais tout autour d'elle c'était la même chose. Au dessus d'elle aussi, quoique plus clair, et en dessous... Evangelina paniqua soudain, alors que sous elle c'était le vide, bleuté et scintillant, mais vide, et plus sombre. Elle sentit son cœur s'emballer et...
Son cœur ? La poupée de bois écarquilla les yeux en comprenant que son cœur battait. Ce ne pouvait être le sien. Elle n'en avait pas, il ne pouvait battre. Pourtant elle le sentait au fond d'elle même, là où elle ne pourrait jamais aller. Elle le sentait dans les moindres recoins de son être, dans chaque extrémité de ses membres.
Evangelina posa sa main sur sa poitrine et... Sa main ne réagissait pas, elle ne pouvait pas la bouger. Elle ne la sentait même pas. L'Aniathy paniqua complètement, mais ne parvenait pas à reprendre le contrôle de son corps. Elle ressentait des choses inhabituelles, alors que d'autres sensations avaient disparu. Que ce passait-il, où était-elle ?
La poupée de bois voulut inspirer pour retrouver son calme, mais quelque chose d'étrange se passa. Elle sentit du liquide emplir sa bouche. De l'eau ! Elle voulut crier mais ne le put. Elle était dans l'eau, il n'y avait que ça, à perte de vue, et elle ne pouvait pas en sortir. Elle ne savait pas nager, et les matériaux qui la composaient n'étaient pas très résistants à l'eau. Mais que pouvait-elle faire ?
Evangelina se concentra, ferma les yeux et essaya de comprendre ce qu'il se passait. Elle ne contrôlait plus son corps, mais peut être pouvait-elle le retrouver. Elle se scruta de l'intérieur, mais plus elle avançait, et plus son corps lui semblait étranger. Il était clair qu'elle était vivante, tout son être frémissait, bougeait sans arrêt. Elle sentait le liquide qu'elle avalait ressortir au niveau de la gorge, elle sentait ses membres se balancer doucement pour la maintenir en place...
Et soudain, elle comprit, du moins eut-elle une idée, sans pour autant la comprendre. Elle était non plus dans un corps humain, mais dans celui d'un poisson ! Cela expliquait tout, l'eau qui rentrait et sortait sans arrêt, ses articulations manquantes qui la perturbaient temps. Et cette sensation bizarre de ne plus avoir de jambe...
Il fallait qu'elle se concentre, il fallait qu'elle parvienne à reprendre le contrôle de son être. Elle puisa dans toutes ses ressources, refoulant ses pensées négatives et leurs relents de panique. Et peu à peu, elle s'appropria ce corps, ces nouveaux muscles, cette chair si fragile, ces sens si aigus...
Puis elle décida de se lancer. Elle essaya de se synchroniser, de ne pas faire n'importe quoi. Elle sentit ses nageoires, car s'en était, elle en était sûre, pousser sur l'eau et défaire sa résistance. Elle sentit cette eau glisser sur ses écailles sans résistance, et entrer dans sa bouche pour en ressortir par la gorge. Elle sentit son dos commencer à onduler, et sa queue battre doucement pour la diriger.
Quelle sensation étrange, mais quel sentiment de liberté. Evangelina ne comprenait pas ce qu'il se passait, mais profitait du moment présent. L'eau était partout, elle n'était plus limitée à suivre les aléas du sol. Elle n'avait plus à cligner des yeux, et ce qu'elle voyait était magnifique. Les couleurs qui l'entouraient fluctuaient sans arrêt, aucune composition n'était identique aux précédentes.
Mais quelque chose occupait son esprit, quelque chose d'important : le pourquoi. La réponse à cette question devait être là, quelque part...
Mais elle n'eut pas vraiment l'occasion de chercher cette réponse. Elle se sentait soudain lourde, et tout se mit à tournoyer autours d'elle, avant de devenir ténèbres...
Dans ces ténèbres, elle entendit une voix, douce, lointaine, qui l'intimait de venir, qui lui disait l'attendre, et qu'elle la trouverait sans la chercher, au bord de l'eau...
Puis Evangelina ouvrit les yeux.
Etrange
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Les dieux ne sont qu'enfants, inconscients et inaptes. Ils souffriront comme j'ai souffert, perdront à jamais leur pouvoir et erreront, comme jamais personne n'avait encore erré. Ils pleureront, remplissant les mers, et saigneront, car tel est le sort que je leur réserve, car enfin ils vivront ce qu'ils ont fait vivre...
Merci à Itsvara
« Les hommes ne sont pas nés du caprice ou de la volonté des dieux, au contraire, les
dieux doivent leur existence à la croyance des hommes. Que cette foi s'éteigne et les dieux meurent. » Jean Ray