J'ai horreur de servir d'appât, mais je dois reconnaitre que cela reste efficace. Ma manoeuvre a permis au shaakt d'agir, si j'en crois l'air affreusement mécontent naissant sur le faciès translucide proche. Il cherche à atteindre son dos une nouvelle fois sans y parvenir. Ceci déclenche une réaction de l'autre dont la main se tend, mais pas vers moi. Derrière sa table, Hekell disparait, et je suis certain qu'il a subit le même assaut sombre que moi. Pas le temps de m'attarder sur ces détails, le duo de faux humains semble m'avoir repris pour cible. Sauf que cette fois, le blessé à la patte semble faire preuve d'une once d'intelligence.
Tendant la main dans le dos de l'autre, il en extirpe violemment la lame, la laissant cette fois tomber au sol. Elle est de l'autre côté du meuble, pas très loin du bord, mais assez pour ne pas être reprise aisément. Le shaakt ne pourra pas s'en saisir sans devoir se rapprocher dangereusement d'eux. Si c'est là l'une de ses seules armes, il me sera parfaitement inutile sans.
(
Pas le choix.)
Je change de tactique. Plutôt que de me mettre hors de portée d'eux en volant haut, je décide de faire l'inverse. Battant deux fois des ailes, je plonge, me ruant à belle vitesse au niveau de leurs chevilles. Je dévie ma course sur ma droite, provoquant l'effet désiré. La monture blessée au dos tourne sur elle-même, cherchant à voir ma trajectoire. Je la perturbe en passant entre ses chevilles, et contournant l'autre d'un battement d'ailes. Je jette un coup d'oeil rapide à l'arme de jet. La lame est reliée à son manche par une légère excroissance. Il serait donc possible... Mais je vais avoir besoin d'élan.
Je continue de perturber les deux résidus d'arachnide et frôle leurs chevilles. Comme je m'y attendais, je suis trop haut pour me faire marcher dessus, trop bas pour prendre un coup de poignard, et trop rapide pour me laisser viser par leur énergie noire. Si elles avaient la moindre cervelle, mon manège leur donnerait le tournis. L'adrénaline et l'excitation du danger imminent me donnent une énergie incroyable. J'ai la sensation de pouvoir voler encore plus vite, et avec plus de précision.
(
Encore un peu...)
Tout en prenant de la vitesse, je lance à la main une de mes fléchettes pour les maintenir dans l'illusion d'une attaque prochaine de ma part. J'amène vivement ma sarbacane entre mes dents, anticipant une future douleur dans ma paume non directrice. Des grognements agacés me font savoir que les géants tentent toujours de m'intercepter, en vain. D'un coup, lorsque l'un d'eux change son pied de place, m'offrant une voie directe jusqu'à la dague, je saute, ou plutôt fais un piqué, sur l'occasion.
(
Maintenant !)
Bloquant ma respiration, je profite de la confusion que j'ai semé pour voler à tire-d'aile droit sur la lame. Tendant mes bras au maximum, paumes vers l'avant et doigts étendus, je sens la petite garde cogner rudement contre ma peau, piquant la pointe de ma fléchette dans ma chair. Une vibration douloureuse remonte dans mes bras, m'arrachant une grimace. Dans un sursaut d'orgueil, et un grondement animal bridé par mon arme, je tiens bon. Ma vitesse aidant, je soulève légèrement l'objet, l'amenant à prendre de l'élan avec moi. Lui donnant toute l'impulsion possible dans un mouvement de bras, je la lâche soudain. Je crois l'entendre râcler contre le parquet, glissant de l'autre côté du meuble. Au shaakt de trouver les ressources de s'en emparer, j'ai fait largement plus que ma part.
Sitôt mon action effectuée, je remonte aussi vite que mes ailes me le permettent, prenant un virage rapide au-dessus de l'elfe sombre. Reprenant ma sarbacane en main, je me rue en ligne droite vers le visage de l'assaillant atteint au genou, comme décidé à le percuter de plein fouet. Le côté inattendu de mon attitude le fait réagir au quart de tour. Il lève les bras, protégeant son visage et reculant d'un pas, sans me quitter des yeux.
Feinte réussie.
Alors que lui se protège, l'autre ouvre sa garde, armant son bras. Je fais de même. Tentant de le viser, j'envoie droit sur son oeil gauche, et à la main, ma fléchette restante. Le léger engourdissement de mes bras et le non-usage de ma sarbacane me font rater ma cible, mais pas totalement. La pointe percute sa paupière inférieure, l'empêchant de me viser correctement. Tandis qu'il se frotte la zone atteinte, j'ai tout le loisir de rejoindre l'autre table et de me poser sur la tranche. Je prends une vive inspiration, sentant mon coeur cogner si rudement dans ma poitrine que j'ai du mal à entendre.
Pourtant, je prépare ma sarbacane. Je me sens presque aussi vivant que lorsque j'ai affronté cette saleté d'oiseau à crête. Mes ailes m'insultent, mes bras me font savoir qu'ils ne sont pas contents non plus, mais je n'en ai cure. Je veux voir ces choses disparaitre, point final. Je garde les commentaires amers et les plaintes pour plus tard.