Daewlin a écrit:
D'un rapide coup d'oeil, je vis que le soleil était caché par une série de gros nuages bien blanc. L'astre du jour ne dardait pas ses cruels rayons mais la lumière n'en était pas moins toujours insupportable, mais dans une moindre mesure. Je suivis donc Risskar, la tête baissée, les yeux rivés sur les pas du Drow qui ouvrait la marche.
A ma plus grande surprise, je compris rapidement que le départ se ferait en ville et non à l'extérieur, comme je m'y attendais. J'avais lu dans un des livres de ma bibliothèque ce qu'était un cynore, ces moyens de transport créés par les Elfes Gris, mais n'en avais jamais vu de près - j'en n'avais vu que quelques-uns dans ma jeunesse lorsqu'il traversait le ciel.
Après avoir passé les portes - non sans la même difficulté que la veille avec Alix - puis parcouru quelques rues, nous finîmes par accéder à une place, au centre de la cité d'Eniod. Au milieu de celle-ci, se trouvait un cynore, rattaché au sol par de nombreuses cordes. Le spectacle de cet engin avait ameuté pas mal de monde sur la place. Il y avait beaucoup de curieux et d'enfants qui, de loin, admiraient l'appareil et venaient quelque peu rêver quelques instants d'un voyage dans les airs.
A proximité directe du cynore, il y avait un milicien près de la passerelle et quelques personnes qui attendaient pour monter. En silence, Risskar et moi nous mîmes dans la file, patientant pour que notre tour de monter dans ce vaisseau des airs vienne. Evidemment, à notre approche, il y eut quelques réactions silencieuses, des têtes se tournant avec des regards surpris, suspicieux.
Quelques minutes plus tard après notre arrivée, ce fut enfin notre tour. Entretemps, d'autres hommes et rares femmes étaient venus à notre suite dans la file. En nous découvrant, le milicien eut une grimace silencieuse mais se contenta de noter notre nom sur une tablette où était fixée une feuille noircie d'une liste de patronymes. Sans doute prenait-il nos noms pour éviter tout abus, des fois qu'une personne souhaite voyager gratuitement en prétextant une - fausse - participation à la mission qui nous mènerait au final à Mertar, sur l'autre continent !
Ce fut alors notre tour de monter dans le cynore. Il y avait là une vaste nacelle en osier épais, suffisant pour supporter notre poids. A l'intérieur, il y avait une série de quelques bancs de bois, presque entièrement occupés. Nous allâmes nous asseoir en silence, la tête toujours légèrement baissée pour éviter la cruelle lumière du jour. Aussitôt, les quelques personnes à côté desquelles nous étions assis se serrèrent un peu plus et s'écartèrent de nous. Je n'avais point besoin de regarder dans leur direction pour deviner l'expression qu'il devait y avoir sur leur visage ...
Nous attendîmes encore quelques minutes que les derniers voyageurs s'installent puis, une fois le milicien à l'intérieur de la nacelle, les cordes furent détachées et le cynore se mit à s'élever doucement dans les airs. Pendant quelques minutes, notre présence fut totalement oubliée. Pour la plupart des personnes ici, c'était leur premier voyage dans le ciel et beaucoup eurent le réflexe de se précipiter vers le bord pour voir le vaisseau quitter le sol et s'éloigner de la terre ferme. Le milicien dut faire appel à leur prudence et ne manqua pas de donner les règles en vigueur pour voyager en toute sécurité dans un tel appareil. Docilement, et à regret, les personnes regagnèrent alors leur siège, mais tous les regards, ou presque, restèrent porté sur le ciel et le paysage d'en dessous.
Pour ma part, je n'avais pas bougé et ne regardai pas à l'extérieur. Bien que ce fut mon premier voyage, mes pensées étaient plus retenues par mon inquiétude vis-à-vis du soleil que par l'appareil en lui-même et cette nouvelle expérience. Effectivement, m'élever ainsi dans les airs, me rapprochant de plus en plus du soleil et de ces nuages qui filtrait faiblement sa lumière ne me rassurait pas. Le ciel n'était plus au-dessus de moi mais tout autour et je n'avais que le ballon au-dessus pour m'offrir un faible ombrage. Risskar, lui, ne semblait pas être trop gêné par la lumière du jour, du moins, beaucoup moins que moi. Ignorant les conseils ressassés par mon père, j'avais trop souvent levé les yeux vers le ciel clair, essayant de regarder l'astre diurne et depuis, j'avais une sensibilité bien plus importante à la lumière que les autres Drows.
C'est donc dans le silence et les yeux baissés que se passa tout le voyage. Trois heures à mirer mes bottes de cuir fin sur un plancher fait d'osier. Le Drow ne parla pas plus. Sans doute valait-il mieux que ce soit ainsi, faisant oublier un peu notre présence assez peu appréciée.
L'ensemble du voyage se passa donc dans le calme, le silence de temps à autre coupé par quelques bavardages admiratifs de la part des autres voyageurs. Par moment, il y eut bien quelques coups de vent brusques qui mirent notre calme à rude épreuve mais le cynore, petite merveille 'technologique', encaissa sans problème, presque imperceptiblement, les assauts du vent. Il nous fallut bien passer dans une zone plus perturbée, au-dessus des montagnes, un orage semblant se former, mais nous n'eumes pas de mauvaises surprises ni de grandes frayeurs.
Quelques heures plus tard, imperceptiblement, le ciel changea, prenant une saveur plus saline. L'air embaumait les embruns et notre arrivée prochaine à Tulorim était saluée par les cris de quelques grands oiseaux des mers. Je reconnus entre autres quelques mouettes mettant à mal mes oreilles avec leurs cris si peu plaisant à entendre.
De nouveau, il fallut au milicien rappeler à l'ordre quelques voyageurs qui voulaient observer l'aterrissage. Moi, je ne pensais qu'à ces prochains instants où enfin, je pourrai gagner un lieu ombragé. Et soudainement, il y eut un moment d'instabilité de la nacelle à l'instant où elle toucha le sol. L'osier émit un léger craquement et le milicien défit les quelques cordes pour que les personnes à terre, attendant à notre arrivée puissent fixer l'appareil elfique.
Nous étions enfin arrivés ! Risskar et moi fûmes parmi les premiers à descendre et enfin je pus retrouver la terre ferme. Je lançai alors à mon compagnon :
"Maintenant, je peux te dire que je n'ai pas le vertige ... Où allons-nous à présent ?"