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 Sujet du message: Domaine Lothandre
MessagePosté: Dim 27 Sep 2009 09:36 
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Domaine Lothandre


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Implantée depuis des générations en Kendra-Kâr, la famille Lothandre jouit d'un emplacement idéal: non loin de la Bise d'Ynorie, à quelques rues du Château et du quartier du commerce, le domaine est au centre des intérêts qui ont toujours menés ce fier lignage.

L'accession est tout ce qu'il y a de plus simple: ni mur, ni portail, ni barrière quelle qu'elle soit. Une grande étendue herbeuse commence au niveau de la rue, parsemée ça et là d'arbres séculaires et de représentations diverses de Gaïa, protectrice de la dynastie, et mène au manoir d'une blancheur marmoréenne. L'architecture de l'édifice est d'une élégante sobriété; le bâtiment, aux fenêtres étroites surmontés de frontons de formes géométriques, est composé de manière classique: un corps commun autour duquel s'organisent deux ailes. Chaque partie est surmontée d'une petite terrasse presque austère, les seules extravagances se trouvant dans les circonvolutions au niveau des balustrades, surmontées de statues des aïeules de la famille, leurs esprits maternels étant censés veiller sur les lieux.

La sévérité apparente de la demeure est compensée dès que l'on en fait le tour.

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La petite parcelle de terrain a été rentabilisée autant que possible, donnant une impression de jardin luxuriant: un seul chemin de terre battue sinue entre une pelouse comme taillée à la serpe d'où émergent des plantes, fleurs et arbres venus de tout Yuimen, délicats spécimens aux couleurs éclatantes aux parfums entêtants. Cette profusion végétale dissimule une petite folie: un kiosque de bois blanchi, bâti sur un petit tertre depuis lequel on peut admirer un petit bassin, cis sous la protection d'un marbre endommagé de Moura. L'orientation de ce jardinet est idéale: la lumière semble y baigner toute la journée, illuminant la petite étendue d'eau et faisant ressortir la taille soigneuse des arbustes.

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 Sujet du message: Re: Domaine Lothandre
MessagePosté: Sam 25 Déc 2010 03:47 
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De légers fils d’or, aériens, mutins, forçaient le passage au-travers des lourdes étoffes pourpres mal jointes et se ruaient, déterminés enfants de l’astre du jour, jusqu’à la pièce maîtresse de la chambre. Certains hésitaient, s’arrêtaient à mi-chemin, paressant langoureusement sur les lattes soigneusement cirées du plancher de chêne. D’autres, plus curieux, préféraient embrasser les délicates sculptures laissées par les mains d’un artisan talentueux ayant ouvragé le lit à baldaquins. D’autres encore, chats voluptueux, s’étiraient de tout leur long sur les délicats draps de lin. Et enfin, les plus persévérants, cajoleurs, moulaient leurs formes aux courbes du corps reposant sous les légers tissus en une douce et tiède étreinte avant de se mêler, doigts mordorés, à la chevelure ébouriffée parsemée de rais argentés.

« MELISSAAAAAAANDRE ! »

La voix rocailleuse, les yeux encore bouffis et collés par le sommeil, Laérale, noble et digne dame, luttait pour se réveiller. Maudite soit cette fichue servante ! Que n’avait-elle pas soigneusement fermé les rideaux ? Ce ne pouvait être qu’une dernière pique, une mesquine revanche avant son départ ! Enfin, c’en était fini, la renvoyer avait été un nouveau souffle pour la maîtresse de maison. Maintenant, elle allait prendre en main la petite nouvelle. Qui n’allait pas tarder à essuyer ses foudres si elle ne se hâtait pas.
Le Domaine était grand, certes. Mais des années à y vivre avaient appris à Laérale à avoir une perception exacte du temps et des distances. Et, là, elle secoua vigoureusement un petit anneau, qui devait faire sonner à la volée une clochette dans la chambre de sa domestique. A partir de ce moment, il devait rester une centaine de pas à faire avant que la domestique n’atteigne sa chambre. Quatre-vingt dix maintenant. Juste le temps que s’exécute le rituel matinal. S’asseoir et se caler confortablement dans les moelleux coussins de plumes. Soixante-dix. D’une main leste, rassembler et relever sa douce crinière en un chignon approximatif. Soixante. Se frotter vigoureusement le visage, se pincer les lèvres et les joues pour y ramener de la couleur et ainsi ne pas offrir un masque blafard à la vue d’une fille du peuple. Quarante-cinq. Le trottinement de la petite se faisait audible. (Déjà ? Ah, oui, mais j’ai crié avant de sonner… Fichu rêve.) Traquer les marques de plis qu’une bonne nuit entre des draps froissés pouvait avoir imprimés dans la peau et les frictionner jusqu’à leur complète disparition. Vingt. Les pas résonnaient distinctement, à présent. Réarranger lesdits draps, les maintenir sur sa poitrine et lisser du plat de la main toute bosse disgracieuse qu’ils provoqueraient. Cinq. Dégager les dernières mèches folles qui lui tombaient toujours devant les yeux, raidir sa position, durcir son regard. Loquet.

Loquet.

Loquet ?

Interloquée, Laérale tendit l’oreille. Les pas ne claquaient plus. Sa servante s’était-elle fait détourner par un laquais de son mari ? Mais non, il n’y avait plus aucun bruit, et rien d’inhabituel n’était survenu.

Clac clac clac clac…

Sourire. Bien sûr. C’était son premier travail, à cette enfant, sa première incursion dans un monde différent du sien. Cette fracture devait la bouleverser, d’où le claquement de ses genoux qui s’entrechoquaient, audible au-travers de la porte.

« Entrez donc, enfin ! Croyez-vous que j’ai le temps d’attendre que vous vous décidiez!? »

La choquer, la secouer, tel était le seul moyen qu’elle se reprenne, sans quoi elle resterait une gourde effarouchée qui ne lui serait d’aucune utilité.
Pivotant lentement sur ses gonds, le lourd battant laissa paraître un visage poupin cramoisi, en accord avec la chevelure filasse de l’anguleuse jeune fille.

« Ex… Excusez-moi… Bonjour… Je… »
« Ma robe de velours pourpre. Ensuite vous m’aiderez à me coiffer. Après quoi vous pourrez disposer. »

C’était gagné. Enfoncés dans ses orbites creusées de fatigue, ses étranges yeux vairons brillaient d’admiration. La Dame avait assis son pouvoir en accentuant le fossé les séparant. Laérale suivit du regard la chétive créature qui s’affairait du mieux qu’elle pouvait, et force était de reconnaître que cette carcasse pointue était dotée d’une énergie et d’une efficacité appréciable. En un tournemain, elle ouvrit les rideaux, tisonna l’âtre agonisant jusqu’à obtenir de hautes flammes réconfortantes, prépara le nécessaire de toilette avant de sortir avec déférence le vêtement exigé. Puis, voyant que sa maîtresse ne semblait pas décidée à quitter son lit, elle se remit à s’affairer en époussetant de son tablier quelques babioles de ci de là, sur le manteau de la cheminée, sur la commode, sur le secrétaire…

« Stop ! »

A l’approche du meuble, la scène de la veille était revenue en mémoire à Laérale avec une intensité peu commune. Il ne fallait en aucun cas que qui que ce soit approche de son secret, et c’était cette pensée qui l’avait catapultée hors de ses couvertures.

« Ce n’est pas la peine de trop en faire… Venez plutôt m’aider à passer cette robe. »

L’exercice était effectivement périlleux, et sa difficulté majeure consistait à superposer toutes les couches, du jupon au bustier, en un alignement parfait, afin qu’aucune couture n’irrite la peau, ce qui conduirait à des gênes pouvant entraîner des gestes disgracieux absolument proscrits. Pour corser la chose, il fallait que les longs cheveux de la noble dame, dont elle était si fière, ne se prennent dans aucune fermeture, qu’il s’agisse de ces boutons ou de ces agrafes qui abondaient sur le moindre vêtement.
Pour un premier essai, Mélissandre se débrouilla plutôt bien. Certes, il y eut quelques mèches entortillées, un bouton qui écorcha la blanche peau et un jupon qui ne voulait pas suivre les généreuses courbes de Madame de Lothandre, mais dans l’ensemble, elle fut habillée dans les temps qu’elle avait pour habitude de s’impartir. Satisfaite de son élève, elle voulut la tester. Elle alla se mirer dans son psyché, approcha du pied un petit tabouret et le désigna à la jeune fille.

« Montez et coiffez-moi. Je veux un chignon serré, mais qu’il ne me tire pas les tempes, surtout ! »

Le visage de l’aide se décomposa et devint plus blanchâtre, si cela était encore possible. Mais elle serra ses fines lèvres, prit un peigne en nacre et monta résolument sur le marchepied. Pendant qu’elle œuvrait avec douceur et fermeté, la dame laissa son esprit vagabonder.

(Elle me paraît douée… Je pourrais peut-être en faire quelque chose. Pourvu qu’elle garde cette qualité qu’elle a de garder le silence ! Je ne supportais plus le discours incessant de l’autre pie. Et je pense qu’elle était aussi attirée par ce qui brillait, même si je ne l’ai jamais vue… D’ailleurs, tiens ! Est-ce que je n’avais pas décidé de me mettre à l’œuvre, moi aussi ? Oui mais… Par où commencer ? Je ne vais tout de même pas fréquenter les bas quartiers, ce serait indigne de moi ! Non, il faudrait que je commence par m’exercer. Voyons, qu’est-ce que…)

« Madame ? Ça vous va ? J’peux y refaire, sinon, c’est comme vous voulez ! »
« Je peux le refaire, Mélissandre, essayez de parler correctement sous mon toit, un minimum… », reprit distraitement Laérale tout en s’observant.
« Oh ! J’suis désolée Madame, j’y… Je le referai plus, promis ! »

La coiffure n’était pas parfaite, mais cependant très convenable ; plus fonctionnelle que belle, aucune mèche ne semblait pouvoir s’en échapper, malgré le côté bosselé de l’ensemble. Mais aucune réception n’était prévue aujourd’hui, et mieux valait privilégier la praticité pour les activités possiblement délictueuses en projet.

« Cela ira pour aujourd’hui. Mais vous feriez mieux de vous entraîner encore un peu ; allez voir Rosanna, elle vous sera de bon conseil. Demandez-lui de vous parler du protocole et de tout ce qui s’ensuit. Allez maintenant, mais restez dans le domaine. »
« Bien Madame. Bonne journée Madame. Au revoir Madame. »

Laérale ne put retenir un sourire devant cette profusion de « Madame » alors que disparaissait la gauche créature. Puis son regard tomba sur le secrétaire, et son sourire s’évanouit. Avant de réapparaître, plus épanoui encore.

(Aujourd’hui, je commence à voler. Et toi, petit déclencheur, tu vas venir avec moi.)

Elle ouvrit rapidement la cassette, jeta un œil derrière elle, de crainte d’être surprise, puis se saisit de l’éventail. Un frisson l’étreignit. Son cœur battait la chamade, le rouge lui monta aux joues.

(Mais qu’est-ce que je fais…)

Elle observa l’objet sous toutes ses coutures. Il était certes joli, mais aussi banal ; aucune marque distinctive sur le manche ivoire, aucun monogramme sur le petit fermoir, pas le moindre éclat où que ce soit. Elle le déplia soigneusement. Il était fait d’une toile couleur crème, sans motif apparent, sur des lames reprenant la couleur du manche. Elle ne put retenir un gloussement. Après examen attentif, ce larcin était ridicule, et était l’exact reflet de sa propriétaire légitime : d’apparence trompeuse, absolument interchangeable et cherchant à se faire passer pour quelque chose qu’il n’était pas. Combien pouvait-il valoir, réellement ?

(Par les Dieux ! Voilà que je me mets à penser à le revendre ! Ne serais-je finalement qu’une roturière ?)

En le caressant vaguement, elle songea que c’était également un défi que de trouver quelqu’un qui puisse la débarrasser de ce poids sans poser de question… Et sans la citer au cas où les choses tourneraient mal. Il était hors de question de conserver cette chose sous son toit, car enfin, elle détonnerait au milieu de toutes ces vraies œuvres d’art, ce bon goût que des générations de Chantevent et de Lothandre s’étaient échinées à atteindre ne pourrait souffrir un si piteux voisinage. Il fallait le sortir d’ici, car il serait repéré, tôt ou tard ! Mais enfin, comment faire ? L’idée l’effleura, l’espace d’un instant, de demander conseil à son ancienne servante. Mais quoi ! Elle n’allait pas s’abaisser à avouer à cette moins que rien qu’elle avait besoin d’elle ! Et ensuite, quoi ? Se retrouver à caresser la tête pouilleuse du dernier-né de sa grouillante marmaille ?

(Donc non, tout va bien, je ne suis point roturière, puisque cette idée me révolte. Me voilà rassurée.)

Elle commença à faire les cent pas dans sa chambre. Comment, comment, comment… Cette idée tournait dans sa tête comme Laérale tournait dans la pièce. Et soudain, l’illumination. Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ? Son époux traitait avec nombre de marchands. Il suffisait simplement d’entrer en contact avec l’un d’eux, le moins fréquentable, si possible, et de tenter de redescendre jusqu’à moins recommandable… D’un certain point de vue. Laérale sentit la frénésie la gagner. Elle sonna. Il fallait que cela fonctionne, il le fallait ! Et pour rester discrète, il était nécessaire d’agir au plus vite. Elle sonna encore, alors que la porte était en train de s’ouvrir. Paniquée, elle fit volte-face et fourra l’éventail en un endroit où personne n’irait le chercher.

« Madame ? »
Un masque d’impassibilité sur le visage, elle se retourna.
« Ah, vous voilà, jeune fille ! Filez prévenir Rosanna que nous sortons, et allez nous chercher ma capeline ! »
« … Nous ? »
« Mais oui, nous ! Prenez une cape pour vous aussi. »

Le visage de Mélissandre s’empourpra, et elle sourit. Cette petite avait décidément une propension certaine à la rougeur…

« Et… Et j’dis quoi à Madame Rosanna ? On va où ? »
Les yeux de Laérale s’agrandirent. (Maudite soit mon inconscience ! Je veux de la discrétion, et je veux prévenir toute la maisonnée que je m’en vais, et leur dire où je vais ! Heureusement que le bon sens de cette fille m’a remise sur le droit chemin ! Enfin, droit…)
« Laissez tomber. Nous allons déambuler toutes les deux, à pieds, finalement. »
« D’accord ! J’vais chercher de quoi nous couvrir ! »

Elle entendit la servante s’en aller en sautillant et répétant gaiement, à mi-voix : « Nous couvrir… Nous couvrir… Nous… ». Ce n’était encore qu’une enfant, finalement. Laérale haussa les épaules et s’assura, d’une main sûre, que le semi-précieux objet ne pourrait s’échapper de son corsage. Elle allait bientôt pouvoir s’en défaire. Bientôt. Du moins l’espérait-elle.


[Mise en forme à effectuer... dès connexion viable. Merci!]

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Laérale De Lothandre ~ Kendrane ~ Voleuse


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 Sujet du message: Re: Domaine Lothandre
MessagePosté: Mar 27 Mar 2012 21:54 
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Nous atteignîmes les abords du domaine Lothandre comme indiqué sur le bout de papier récupéré sur le corps d'un des suspects.

Les propriétaires de ce domaine avaient sans nul doute une conception de la vie privée qui dépassait l'entendement. Il n'y avait ni portail, ni murs d'enceinte même naturel, ni gardes ou chiens. Il n'y avait pas de limite entre la ville et leur domaine privé. Et cela, pour une famille de bourgeois ayant la main sur le commerce, terre de tous les secrets avec la politique, était tout à fait inconcevable de mon point de vue, à moins que le voyeurisme à outrance soit un des loisirs des gens de cette famille et une pratique courante dans cette ville.

Le seul avantage était que nous n'avions pas besoin de nous approcher de trop près pour observer ce qui s'y passait. L'inconvénient étant qu'il nous fut difficile de trouver un endroit discret sans trop nous éloigner. Je pus m'avancer assez pour me mettre à l'abri derrière un bouquet d'arbrisseaux à la limite du domaine, recroquevillée sous ma cape.
Morlet était invisible mais je le savais tout proche, à épier tout comme moi le moindre mouvement autour de nous.

La nuit s'était presque entièrement installée, les dernières lueurs du jour fanaient doucement à travers l'horizon et les zébrures orangées des nuages bas. Il était l'heure, et si les deux hommes que j'avais dû tuer pour rester anonyme n'étaient pas les seuls invités nous ne devrions plus tarder à voir quelqu'un arriver.

Et pour arriver, ils le firent sans discrétion. Ils étaient cinq en tout, tous vêtus d'habits sombres mais leurs bottes résonnaient plus que le fer d'un cheval, ils parlaient entre eux comme s'ils étaient seuls au monde et intouchables. Ce qui était sans doute le cas s'ils étaient ceux que nous soupçonnions, si j'avais découvert que les malades restaient contagieux peu de temps, ceux qui les empoisonnaient aussi …
Trois d'entre eux marchaient quelques pas devant les deux derniers, qui regardaient dans leur dos par intermittence. Je surpris quelques brides de conversation dont le sujet principal était l'absence de certains des leurs mais je ne discernais aucune inquiétude dans leur voix, bien au contraire. Ils discutaient simplement des faits, lançaient des paris sur la vitesse de réussite de leur agents mais finirent par quelques puérilités sur le devenir des cibles qui me plurent nettement moins.
Notre théorie selon laquelle Morlet, sous son nom d'emprunt et rôle de négociant, était suivi parce qu'il devenait trop curieux était loin de la vérité … Ptahotem le négociant étranger était l'un des commerçants destinés à mourir de l'épidémie en toute discrétion.
Ils assassinaient leurs ennemis sous couvert d'une épidémie mystérieusement naturelle … et les prochains étaient les membres de cette famille bourgeoise qui malgré la terrible situation en ville n'avait pas jugé prudent de louer les services de gardes.

Je devais retrouver Morlet et lui faire part de cette découvert mais malgré ma cape et son drôle d'effet sur mes capacités oculaires il demeura invisible. Je décidai alors d'y aller seule, et advienne que pourra pour la suite.
Je sortis de mon abri en silence et les suivis à bonne distance en me cachant derrière les arbres et les statues disséminées sur toute la pelouse devançant la bâtisse. Arrivé à quelques mètres de l'entrée, le groupe se sépara en deux. Trois d'entre eux se faufilèrent par l'aile droite et entrèrent par une porte secondaire. Je ne parvins pas à voir comment ils purent l'ouvrir mais ce fut vite fait et ils s'engouffrèrent à l'intérieur avant que les deux autres n'atteignent une petite porte vitrée au milieu du double escalier en façade.

Je pris la direction de la petite porte centrale en quittant l'abri des arbres et statues au dernier moment. Ils étaient passés à travers la surveillance des habitants mais il n'était pas dit qu'ils ne contrôlaient pas leurs arrières.
La serrure ne semblait pas avoir été forcée. J'inspectais rapidement l'intérieur à travers les carreaux du bas avant d'entrer à mon tour dans le couloir plongé dans le noir.

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Dernière édition par Madoka le Dim 26 Aoû 2012 18:34, édité 3 fois.

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 Sujet du message: Re: Domaine Lothandre
MessagePosté: Mar 3 Avr 2012 18:33 
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Les deux suspects avaient déjà une petite avance sur moi et les tapis au sol atténuaient le bruit de leurs pas, mais leurs bottes cliquetaient. Faut-il être les derniers des abrutis pour entrer en douce dans une maison en portant ce genre d'attirail pour bouffon du roi ?
Il n'y avait aucune source de lumière dans ce couloir, ni lampes à pétrole, ni bougies, pas même par-dessous les deux portes que je sentis du bout des doigts. Je m'orientai grâce au bruit qu'ils faisaient … mais eux, comment arrivaient-ils à s'y retrouver ?
On devait se trouver proche des cuisines ou des celliers car le couloir embaumait le sel et la viande fumée, mais il n'y avait aucune activité. Sur le moment, je ne trouvais pas cela assez étrange pour me questionner à ce sujet, trop concentrée à les suivre à la trace, d'autant que le son avait changé de direction.
Mon pied cogna contre un mur, sonnant la fin du premier couloir qui donnait sur une intersection, deux autres couloirs s’engouffraient dans un silence de plomb … il en fut ainsi pour celui de droite en tout cas. J’entendis à ma gauche un bruit de pas que je suivis jusqu'à l'entrée d'un escalier construit dans la pierre. Je m'y glissais avec précaution tant les marches étaient lisses et glissantes. Une torche fut allumée en bas car une faible lueur glissa sur les murs en colimaçon qui m'entouraient.
En bas, le passage repartait directement sur la droite.
Ici, il n’y avait plus aucunes odeurs de produits comestibles, c’était même plutôt l’inverse. Il régnait une forte odeur de moisi dans une atmosphère humide où ne pouvait pousser que des champignons et de la mousse. Les deux murs latéraux étaient en pierre brute, tout comme le sol qui n’avait même pas été nivelé, je marchais sur un sol caillouteux inégal et dus ralentir pour ne pas chuter, me prendre les pieds dans un caillou saillant ou me tordre la cheville dans un trou. Mais les deux hommes s’éloignaient toujours un peu plus, marchant et parlant en même temps sans donner l’impression qu’ils cherchaient leur chemin ou devaient faire attention à ce qu’ils faisaient … on aurait dit qu’ils étaient comme chez eux. C’est là que je commençai à m’interroger … mas je n’eus pas l’occasion de pousser très loin mes doutes car derrière moi, du haut de l’escalier, parvint une autre voix, masculine et forte dont le possesseur lui non plus ne semblait pas vouloir se cacher énormément.
Les trois hommes hurlaient afin de se retrouver, et j’étais au beau milieu, dans un couloir sombre qui formait un coude vers la droite au bout duquel les deux hommes arrivaient, la lueur de leur torche provenait d’un autre virage à droite. Pour l’instant je jugeais que ce long corridor longeait les contours de la maison, il devait forcément y avoir quelque part des portes menant à des salles, pourquoi sinon longer un mur tout autour d'un escalier pour rejoindre le coté opposé.
Je m’activai en oubliant toute idée de discrétion car leurs voix qui fusaient de tous cotés servaient largement à dissimuler ma course à la recherche d’une porte ou d’une cavité. Dès l’entrée du couloir suivant justement, celui d’où arriveraient bientôt les deux hommes que j’avais suivi, je remarquai plusieurs niches creusées dans les murs, le genre d’alcôves que l’on s’attendrait à voir dans un château, avec des statues de pierre ou des armures symbolisant … mais pas dans le sous-sol d’une grande maison bourgeoise. Il n’y avait de toute manière rien derrière quoi je pouvais me cacher. Je rebroussai chemin, mon cœur battait la chamade et j’avais déjà perdu le contrôle de ma respiration, mais ce n’était pas le moment de s’avouer vaincue. L'homme en haut des marches n’était toujours pas descendu, en dernier recours, je pourrais tenter de le surprendre dans les marches et m’enfuir à l’étage avant que les deux autres ne viennent à son secours, mais après ça, plus question de pouvoir fureter en paix.

Je continuais à tâter chaque centimètre des murs lorsque je sentis du bois. Je l’agrippai littéralement des ongles, grattai à la recherche d’une poignée, n’osant pas imaginer l’effrayante alternative d’une porte verrouillée. Quand le froid du fer de la poignée entra en contact avec la paume de ma main, je remerciai je ne sais qui pour cette trouvaille. Elle se baissa et lorsque j’entendis le léger cliquetis d’une porte qui s’ouvre je fus au bord du fou-rire nerveux. Je n’avais cependant pas le luxe de la prudence, je devais entrer au plus vite. Je serrai les dents, crispai mon visage et poussa la porte. Je n’ai pas la prétention de me croire l’élue d’un Dieu, mais je jurai un remerciement qu’aucun n’aurait trouvé seyant.

Après mon « Oh putain merci !! », je m’engouffrai dans la pièce plongée elle aussi dans le noir et refermai la porte le plus doucement possible.
Je me laissai tomber à terre en soufflant comme si tout l’air du monde était emprisonné dans mes poumons. J’avais les mains tremblantes, les battements de mon cœur étaient frénétiques et malgré le besoin de respirer à fond pour retrouver mon calme, je dus le contenir au maximum pour ne plus émettre un seul bruit audible.
Je réalisai seulement à cet instant, que tout c’était passé en quelques secondes. Que malgré l’impression d‘avoir été paralysée par la peur de me faire prendre avant d’avoir commencé, j’avais instinctivement réussi à agir sans que la panique me gagne, avec des gestes efficaces et méthodiques, ainsi qu'une bonne dose de chance.

J’étais assise contre la porte et attendis. Les deux hommes vinrent à la rencontre du troisième qui s’était apparemment contenté de descendre l’escalier. Ils le rejoignirent et je réussis à comprendre quelques fragments de conversation.

- Vous les avez trouvé ? Demanda l’un d’entre eux.
La suite fut plus difficile à entendre, mais ce qu’ils cherchaient, ils l’avaient visiblement trouvé. Je ne compris pas les mots suivants et ne pus savoir de qui ou de quoi et où cela se trouvait, mais l’un d’eux compléta l’ensemble d’un ton sec :
- ça s'ra vit' finit
A cela, le premier répondit d’abord en marmonnant puis retrouva un timbre plus haut et une diction plus audible lorsqu’il leur ordonna de tout laisser en plan et de venir avec lui, en raison de complications ailleurs.

Je les entendis remonter par l’escalier et tout devint silencieux.
Pendant un instant ce fut le silence total comme il n’existe que dans nos esprits. Trop occupée à revivre les derniers moments et les revoir sous d’autres angles afin de les assimiler pleinement, j’en avais occulté mon univers proche, qui pourtant ne manquait pas de sons discrets et répétitifs, le bruit d’un goutte à goutte, des craquements lointains, des bruissements légers et mêmes les petits pas et les couinements d’un rongeur qui traversait la pièce. Je n’étais à ce moment là consciente que des battements de mon cœur, de ma respiration haletante … et du sourire sur mon visage, j’étais satisfaite, presque euphorique à l’idée de m’en être sortie pour pouvoir continuer à fureter, à déjouer les prochains pièges ou surprises.

Je sortis de cette pièce et continuai la recherche dans ce sous-sol, ils étaient venus ici directement et sans détours … à la recherche de quelque chose ou quelqu'un. Je n'étais pas à même de dénicher une réponse du peu de mots que j'aie entendu, mais ça avait un lien avec ce qui m'échappait depuis le début. Leur comportement désinvolte.

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 Sujet du message: Re: Domaine Lothandre
MessagePosté: Mar 3 Avr 2012 18:37 
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Il y avait une faible lumière dans le couloir, provenant d'une torche abandonnée en bas de l'escalier.
J'en aperçus d'autres à intervalles réguliers, suspendues à des socles trop hauts pour que je puisse les détecter à mon premier passage. J’en pris une et l’alluma avant de reprendre mon chemin. Guidée maintenant par autre chose que mon sens du toucher qui, il faut bien se l’avouer, n’avait pas fait des étincelles ces dernières minutes.

La vue n’arrangea pas mon opinion sur les lieux. Tout y était moisi, pourri et l’odeur me sembla plus forte. Le couloir suivant était bordé de niches creusées dans la pierre, dans certaines y étaient déposé du bric-à-brac poussiéreux, des vieilleries jadis de valeurs qui n’en avaient plus après une vie passée dans cet égout privé.
Il y avait une porte verrouillée et dans un très bon état compte tenu des lieux, à l'angle d'un nouveau couloir sur la droite où étaient allés les deux hommes. Deux autres se trouvaient un peu plus loin, la première était fermée mais de la seconde, entrouverte, j’entendis un bruit métallique très léger et répétitif.

La lueur de ma torche avait surement déjà était détectée, je n’avais plus aucune raisons de rester en retrait. S’il y avait du monde dans la pièce suivante, autant y aller.
Je m’approchais en longeant le mur et en tendant l’oreille, mais il n’y avait que le son métallique qui se répétait de manière irrégulière et qui donnait parfois l’impression qu’un objet était trainé contre le sol. Plus qu’un pas me séparait de la pièce quand je sentis une odeur putride, à peine plus forte que l’environnement âcre dans lequel je baignais depuis la descente d’escalier mais il n’y avait aucun doute sur l’origine de cette nouvelle ambiance fleurie.
Ce fut en revanche en entrant que je pus répondre à la dernière question qui subsistait : animal ou humain ?

Il était assis au sol, dans une flaque aux relents d’ammoniaque, les poignets retenus par des fers eux-mêmes rattachés à des chaines fermement rivées au mur. De ces vêtements, il ne restait plus grand-chose. Sa peau était zébrée de blessures infectées et de petites morsures faites par des rongeurs, son visage était tellement tuméfié que je ne pouvais imaginer à quoi il ressemblait de son vivant, sa bouche était complètement tordue, une grimace à jamais gravée par la mort et délimitée par une mousse blanchâtre qui lui remplissait encore la bouche.
Le deuxième en revanche n’était pas encore mort, il ouvrit lentement les yeux lorsque je rentrais, une lueur à la fois de crainte et de défi brillait à l’intérieur, il les braqua sur l’arme que j’avais en main et cracha dans ma direction. Il tirait sur ses chaines à s’en arracher les poignets et les chevilles, il vociférait des insultes et des menaces malgré l’évidente fracture de sa mâchoire et la perte de plusieurs dents. Oh bien sur, il ne menaçait pas très fort et perdit vite les forces nécessaires à continuer à m’assurer que je "n’obtiendrais rien de lui".

Il n'avait pas tord, tout ce que j'essayais en vain d'obtenir de lui … c'était du silence et du temps pour me faire à la réalité de ce qui se trouvait dans la pièce. Je n’étais pas du genre à m’émouvoir des morts, de quelques prisonniers ou de l’état dans lequel ils pouvaient être laissés entre deux visites de leur gardiens trop zélés … mais nous n’étions ni dans les geôles de la prison d’une ville d’attardés, ni dans un donjon de château fort. C’était censé être le domaine d’une famille de bourgeois, à deux pas du domaine du Roi. Ces gens étaient aussi fous que les malades dehors.

Je n’arrivais à rien avec lui, il devenait dingue dès que je m’approchais, il secouait nerveusement la tête dès que j’essayais de lui expliquer que je ne faisais pas parti des gens qui lui voulaient du mal, il ne parvenait pas à former une seule phrase compréhensible. Je n’arrivais à rien et c’était apparemment la seule chose dont il était capable dans son état, ne rien donner, ne rien dire qui répondrait aux nombreuses questions qu’on lui avait déjà posées, ne rien avouer sinon qu’il attendait la mort et qu’ils n’avaient qu’à se regarder en face pour trouver les coupables. Rien n’avait de sens, ou s’il en existait un je n’avais pas les clés pour décoder ses dires. Il était tenace et résigné malgré son état de faiblesse.
Je décidai finalement de laissé tomber les questions, j’attrapai une pierre sur le sol et défonça ce qui restait de l’attache de la chaine au mur déjà bien entamée par ses tentatives désespérées ainsi que de ses prédécesseurs.
Il se calma très vite dès que je levai mon bras mais se mit à se basculer d'avant en arrière et couinait comme un forcené en écho dès que la pierre touchait le fer.
Lorsque le dernier morceau lâcha et le libéra, il ne se releva pas et cessa de geindre. Il se recroquevilla sur lui-même, fouilla frénétiquement à l’intérieur de sa bouche et croqua quelque chose. L’instant d’après, il se tordit de douleur, les doigts crispés, la gorge gonflée au point d’exploser et une mousse blanchâtre envahit sa bouche tandis que son dernier cri s’évanouissait dans les bulles de cette écume mortelle.

Je pouvais parfaitement concevoir la nécessité du sacrifice, du renoncement pour une cause plus grande, pour la sauvegarde d’un tout plus important qu’une seule vie. Il avait fait son choix bien avant ma venue et rien au monde ne l’aurait empêché d’accomplir ce dernier acte.
En revanche, son choix de rester muet, lui, n’était pas immuable dans la mort. Nous étions parvenu jusqu’ici grâce à des cadavres qui ne nous auraient guère plus parlé que ce dernier … celui-ci m’apprendra peut être comment et pourquoi il était séquestré ici. A cela prêt que les deux corps avaient déjà été fouillés et ne possédaient plus grand-chose … à part leurs bijoux. Ce qui je trouvai étrange. La famille était déjà riche à million, pourquoi s'embarrasser de l'or des fripouilles !

L'un des bijoux attira cependant mon attention, une chaine autour du cou du cadavre encore prisonnier et surtout le pendentif qui était à moitié caché par un pan de chemise déchirée, moitié suffisante pour que je le reconnaisse et ne tombe un peu plus profondément dans l'incompréhension la plus totale. C’était la copie conforme de celui en possession de l'homme qui m'avait filé avant qu'il ne finisse dans ma poche … sur lequel j’avais accessoirement aussi trouvé le mot qui nous avait menés ici, un homme qui de toute évidence aurait dû être ici ce soir étant donné que ces alliés s'étaient questionnés sur son absence … un allié de ceux-ci donc …
Je n'y comprenais plus rien. Pourquoi, si tous ces types appartenaient au même groupe, deux d'entre eux seraient repartis les mains dans les poches après avoir trouvés ces deux là ? Je n'ai jamais eu la réputation d'être très solidaire envers mes partenaires, mais jamais je n'aurais laissé mes alliés dans cet état sous prétexte de "complications ailleurs" comme les trois autres l'avait fait il y a quelques minutes.
Tout devenait bien trop compliqué, il fallait que je me calme au lieu d'émettre des hypothèses trompeuses …

Tout cela bien sur, si j’avais eu le temps d’émettre quoi que ce soit …

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Dernière édition par Madoka le Dim 26 Aoû 2012 18:47, édité 4 fois.

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 Sujet du message: Re: Domaine Lothandre
MessagePosté: Mar 3 Avr 2012 18:38 
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Je ne perçus pas l'ombre d'un mouvement, n’entendis même pas le bruit de pas dans les couloirs et à en juger par les premiers mots prononcés par l’homme qui venait d’arriver, il n’avait pas non plus prévu d’avoir un visiteur.
Il me prit pour un voleur, un voyou venu piller la maison qu'il ne fallait pas. La menace n’avait rien de disproportionnée par rapport à ce qu’aurait effectivement risqué un voleur en ces lieux, mais mes réflexes n’avaient rien à voir avec ce pour quoi il me prenait.
Je piochai cependant la carte de la fuite me sachant assez rapide pour le semer avant qu’il ne puisse m’identifier ou me reconnaître par la suite. Du coin de l’œil je vis son bras armé d’un maillet s’abattre vers moi, je me glissai sur le coté et l’esquivai facilement, passai derrière lui et courus en direction de la porte. Je passai le pas de la porte avant qu’il ne se soit retourné. Bien qu'il n’en avait finalement nul besoin car quelqu’un d’autre était dans le couloir, caché. Je ne vis de lui qu’un bras, tendu de part en part de la porte.
Je n’eus même pas le temps de réaliser ce qui se trouvait en travers de mon chemin et encore moins de ralentir ou me glisser dessous. Je le pris de plein fouet. Le choc me vida les poumons, me souleva de terre et je valsai pied par-dessus tête autour du bras. Je me retrouvai je ne sais comment face contre terre. Ma tête rebondit sur le sol et je sentis quelqu’un m’attraper par les cheveux et me soulever à nouveau. J’étais prête à riposter lorsque je sentis le froid glacial et le contact aiguisé d’une lame contre ma gorge. Je levai les mains en signe de reddition mais il n’en desserra pas pour autant son emprise, bien au contraire.
Mon visage était une marionnette guidée par les mouvements de la lame. Il se relevait, se baissait ou reculait sous la tension et l’orientation de la lame et je me gardais bien de conserver cet état de fait.
L’homme au maillet m'apprit qu'il était le frère cadet de l’héritier du domaine Lothandre, Xavier de Lothandre. C’était un homme grand et fin, à l’allure altière dans ses habits clinquants faits sur mesure, aux cheveux châtains mi-long parfaitement coiffés et brillants, une peau pâle et sans défaut, des joues creuses et un menton en galoche qui remuait sans cesse à cause d'un tic, une beauté relative détrônée par des yeux agités d'un bleu presque aussi glacial que sa bouche, qui à elle seule me fit comprendre qu'il était dérangé. Il n’était pas seulement fou de rage d’être la victime d’un énième voleur, il l’était parce que quelqu’un avait vu leur univers, l’envers du décor d’une famille publiquement bien sous tous rapports.

- Il y en a un deuxième, la salle du trésor a été ouverte. Avertit celui qui me tenait captive. Un homme grand et large d'épaules, de bras, de cou, de jambes … enfin de toutes les parties d'un corps humain possédant des muscles, il avait un visage tout en longueur, une mâchoire large, un nez camus, des petits yeux rapprochés sous des sourcils tombants, le tout était surmonté par un chapeau melon usé et difforme.
Je gardai le silence et me débattais sans grande vigueur, juste assez pour qu’il continue à y croire.
- Pareille à celle-là ? demanda l’autre avec aigreur et une grimace qui a elle seule était insultante. Il s’approcha et me détailla à la lueur de la torche qu’il tenait suffisamment proche de mon visage pour sentir mes cheveux roussir.
Un peu vieille pour chaparder non ?
- J’rien fait d’mal moi, lâchais-je d’une voix grave et vulgaire mais sur la défensive. C’deux là étaient d’ja comme c’qu’ils sont.
Comme toute réponse je me pris un revers de main et la bague qu’il portait à l’index m’entailla l’oreille.
- Et ça hein ? grogna-t-il en se jetant sur moi. Il fouilla l’intégralité de mes vêtements, jetant sans précautions au fur et à mesure de ses trouvailles tout ce qui m’appartenait.
Et ça ?
Et ça ?
Et celui là, un souvenir de famille ?
… et cela continua jusqu’à ce qu’il ne me laisse que mes pics à chignon sur la tête. Il me frappa à chaque arme ou objet de valeur déniché et j’encaissai tant bien que mal, en utilisant au maximum le peu de marge de manœuvre que le second homme me laissait car il ne daigna pas ôter son couteau de ma gorge une seule fois.
Le riche et raffiné héritier Lothandre prit visiblement un malin plaisir à toute cette mascarade et il y avait peu de chemin à parcourir pour imaginer qu’il était l’auteur du carnage derrière lui. Il me reposa plusieurs fois les mêmes questions en des termes toujours plus haineux, moins pour nos activités qu'en raison de notre lieu de naissance. Combien étions-nous ?, où était celui qui avait mit la main sur le trésor ? … et je répondais à coté, réfutai les accusations, prônai mon innocence et lui jurai mon silence s’il me laissait partir. J’espérais qu’il allait perdre patience, tourner les yeux d’agacement pour que je puisse agir et retourner la situation à mon avantage, mais rien n’y faisait. Il devint plus hystérique que moi et lorsqu’il fut à bout, il ordonna à l’homme de me mener dans la pièce à coté … laissant sur place mes armes et mon salut.

A cet instant précis de ma vie, lorsque je fus trimballée dans le couloir en titubant au risque de finir égorgée, je ne simulai plus du tout la panique. Je me sentais prise au piège, sans espoir, sans alternative, sans issue de secours. J’essayais en vain de changer de discours, de les prévenir du groupe d'homme suspectés d'être les empoisonneurs, mais c'était trop tard. Ils prenaient maintenant la moindre de mes paroles pour un mensonge, quand ils n'écoutaient tout simplement plus du tout. J’aurais du les prévenir de suite, leur dire qui j’étais ou du moins pourquoi j’étais ici, passer outre ce que j’avais vu et rester ferme … mais c’était les pensées d’une femme qui entrevoyait un détestable et bref futur, bien avant que je ne me ressaisisse.
C’était la vie que j’avais recherchée … je devais m’en montrer digne.

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Dernière édition par Madoka le Jeu 12 Fév 2015 10:14, édité 4 fois.

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 Sujet du message: Re: Domaine Lothandre
MessagePosté: Sam 21 Avr 2012 18:05 
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Il ouvrit la porte et nous entrâmes dans une pièce presque identique à la précédente, à ceci près qu’il y avait plusieurs lampes à huile suspendues sur deux des murs, qu’il n’y avait aucun corps hormis quelques traces résiduelles et odorantes, et qu'elle était meublée … même si une vieille armoire à double porte et un large tonneau de bois peuvent difficilement suffire à faire d'une pièce un endroit vivable. Les murs, le sol, les odeurs et l'atmosphère qui y régnait étaient en revanche les mêmes.

Les circonstances en revanche tournèrent à mon avantage et je me glissai dans la brèche comme un serpent vers sa proie. Messire de Lothandre s'éloigna de nous pour se diriger vers les lampes laissant son homme de main seul avec son couteau. Une contorsion rapide et parfaitement synchronisée me permit de passer mon avant bras dans le pli que formait son bras armé et d'agripper son poignet avant qu'il ne puisse m'ouvrir la gorge et, en même temps, je lui enfonçai mon coude dans les côtes pour me garantir quelques secondes de plus afin de m'emparer de l'arme.
L'effet de surprise m'aida énormément mais l'homme de main de Xavier de Lothandre n'avait rien à voir avec les deux amateurs que j'avais croisé la veille, il bascula en arrière de manière à esquiver n'importe quelle nouvelle attaque par le bas et résista un instant de trop au désarmement. L'instant qui permit au Sieur chauvin de parcourir les quatre pas qui nous séparaient.
Toujours accrochés à la seule arme disponible, l'homme de main et moi-même tirions tour à tour sur cette dernière lorsque j'eus une idée. Je pris fermement appui sur mon pied droit et pivotai autour pour arrêter la course de Xavier d'un coup de pied retourné qui le fit tomber en arrière et tandis qu'il se cognait violemment la tête contre le sol, je donnai une impulsion supplémentaire au niveau des hanches pour continuer le mouvement de jambe, me retrouvai dos à l'homme de main, son bras tenant le couteau se retrouva au dessus de mon épaule et je le fis basculer par-dessus moi en me servant de son propre poids et de mon élan.
Les deux hommes se retrouvèrent à terre mais je perdis l'équilibre et lâcha l'arme qui s'envola un peu plus loin. Je me jetai dessus et m'aperçus trop tard que Xavier de Lothandre s'était relevé et se jetai non pas vers l'arme mais sur moi. Il me faucha à mi-parcours en grognant de douleur en raison du coup de je réussis à lui assener au menton mais je ne parvins pas à m'échapper pour autant car il m'attrapa le pied et me fit tomber tête la première au sol, mes mains ripèrent méchamment sur le sol rocailleux mais j'évitai le même sort à la peau de mon visage.
Je me relevai à peine et sautai vers l'arme comme un vulgaire chien que l'homme de main revint à la charge et m'atteignit au ventre en plein bond. La force du coup me propulsa contre le tonneau de bois qui à mon grand regret ne fut pas vide et ce nouveau choc rouvrit ma blessure à la tête de la veille et m'assomma. Je me souvins vaguement avoir été arrachée du sol, de la douleur à l'épaule lorsque l'un d'eux me tordit le bras dans le dos, mais surtout de l'horrible sensation de brûlure lorsque je tentai de reprendre ma respiration par pur réflexe alors qu'ils m'avaient plongée la tête sous l'eau se trouvant dans ce foutu tonneau.
Ce fut la plus effroyable sensation que je connus. Tous les hématomes, les ecchymoses, les foulures, les entailles et autres fractures ne furent que des douleurs vives et grandement encaissées par l'effervescence du combat et restèrent des blessures que l'on soigne, mais jamais je n'avais été aussi démunie dans la douleur. L'instinct de survie me commanda de rejeter l'eau de ma gorge mais ce ne fut que plus douloureux encore. Je remuais et me débattais de toutes mes forces pour me redresser et retrouver l'air libre mais ils me maintenaient sous l'eau. Tout l'air de mon corps avait été expulsé et tout mon être me commandait d'inspirer, j'avais les poumons en feu, la gorge tétanisée par l'effort pour la garder scellée … et ce ne fut rien à coté de ce qui suivit. L'un d'eux me tordit le poignet déjà entravé dans mon dos et je hurlai de douleur dans mon linceul d'eau. Mon cri morcelé par le liquide m'atteignit comme un glas d'outre tombe, j'eus l'impression de me consumer de l'intérieur tandis que les bulles de mes dernières traces de vie remontaient le long de mon visage.
Je ne parvenais plus à contrôler mon corps qui me dictait d'inspirer, j'étais prise de violents hoquets en combattant un instinct de survie qui ne ferait qu'augmenter ma souffrance.
Et soudain, lorsque mes poumons s'ouvrirent malgré moi et que le liquide envahit ma gorge, je sentis une traction en arrière. Je tombai à genoux sans même avoir conscience de où j'étais et en quelle genre de compagnie, j'essayai de reprendre ma respiration et recrachai l'eau par à coup, ayant chaque fois l'impression de ne jamais réussir à inspirer suffisamment pour tout expulser et encore moins le faire sans sentir cette atroce brûlure.
Ils ne me laissèrent pas vraiment le temps de me reprendre, ce que j'aurais fait aussi si les rôles avaient été inversés, ils me relevèrent et la tension dans mon bras m'interdisait tout bonnement le moindre geste au risque de le perdre définitivement. J'inspirai comme je pus avant de me retrouver la tête sous l'eau et que tout recommence … et qu'ils me relèvent avant que cela devienne véritablement fatal.
Ils recommencèrent deux autres fois et me bombardaient de questions auxquelles je répondais de moins en moins adroitement, n'arrivant plus à réfléchir sur le vrai du faux, sur ce qui devait être caché, je finis par perdre le sens même de la réalité et risquais tôt ou tard par leur donner satisfaction.
Deux autres séries d'horreur reprirent avant que je ne réussisse à me libérer. J'étais trempée des pieds à la tête, je m'étais démenée comme une furie si bien que tout avait fini détrempé … je sentais l'eau ruisseler sur ma peau, de mes épaules jusqu'au poignet et surtout la main me retenant qui glissait de plus en plus et qui parfois semblait perdre toute prise. Ils m'agrippèrent les épaules comme ils le faisaient chaque fois pour me redresser mais cette fois je poussai sur mes pieds. Pendant une seconde, alors que toute ma concentration aurait du être tournée vers la pression autour de mon bras, je fermai les yeux et priai comme jamais. Si la main de mon tortionnaire ne lâchait pas prise comme je l'escomptai j'allais au devant d'un méchant supplice … mais mon poignet coulissa hors de son étreinte et je retrouvai ma liberté au seul prix d'un bras endolori mais entier.

Je me redressai brusquement, poings en avant, bien décidée à ne plus leur laisser un moment de répit … ou plutôt lui laisser un moment de répit car à travers ma vue encore un peu brouillée je ne voyais plus que le Sieur de Lothandre. Croyant sans doute que j'étais devenue une poupée de chiffon sans vigueur il avait donné congés à son homme de main.
J'étais survoltée, contrariée et submergée d'un amer ressentiment, mais j'avais surtout pour la première fois une entrevue très intime avec un sentiment refoulé depuis l'enfance. La vengeance.
Son visage se tendit, les muscles de sa mâchoire remuèrent, ses yeux se plissèrent tandis que sa confiance naturelle lui fit défaut l'espace d'une seconde, le temps pour lui de se rendre compte que l'animal devant lui ne lui faciliterait pas la tâche.
Je donnai le coup d'envoi et nous passâmes les minutes suivantes à nous rendre coup sur coup, aussi brouillon et chaotique qu'un combat de coq. Il bougeait de manière désordonnée, faisait trop de gestes entre ses coups pour que je puisse m'en servir pour placer une attaque, il semblait se fatiguer à tenter n'importe quoi mais si je continuais à patauger je finirais moi aussi par me fatiguer pour rien. Sa propre fureur provenait d'une sorte d'humiliation à s'être laissé berner et cette déduction ne fut pas le fruit de mon intuition, mais de ses cris et ses grognements chaque fois que j'esquivai son attaque.

Je compris peu à peu qu'il faisait allusion à ce que les miens avaient longtemps voulu m'expliquer.

Mes parents, pendant le peu d'années que nous avions partagées puis Keyoke, mon mentor qui avait cette faculté de comprendre les autres mieux qu'eux-mêmes, et Morlet tout récemment qui avait tenté de m'ouvrir les yeux sur mon héritage, du comportement immuable aux individus de même sang. Je stoppai alors toute contre attaque inutile en raison du chaos grandissant des mouvements de mon adversaire, je pris sciemment le risque de laisser mon instinct faire le reste car la réflexion et la logique ne me mèneraient nulle-part.
C'était un pari hasardeux mais j'avais la conviction que j'en étais capable. Mes proches avaient tenté de m'inculquer cette notion d'instinct, de cette conscience intrinsèque de mon environnement proche, ils m'avaient poussé à l'appréhender maintes fois par le passé et j'avais campé sur mes positions, aussi têtue qu'aveugle. Mes yeux étaient maintenant ouverts et mes sens encore plus.
Les premières secondes furent cependant plus que délicates et mes parades si incertaines que je me demandais si ce n'était pas une erreur de plus. Mais je persévérai, je l'observai sans rentrer dans son jeu et à un moment, j'eus la sensation de mieux comprendre ses mouvements, de déceler ceux sans risque pour moi qui le fatiguaient inutilement et les autres plus efficaces et dangereux qu'il fallait dévier. Je l'esquivai un peu plus facilement et surtout je pus me focaliser sur une brèche dans laquelle me jeter.
Je mis à profit le récent enseignement de Morlet et profita d'une baisse de sa garde pour dévier son bras par un mouvement circulaire de mon avant-bras et enchainer avec le Kata du tigre, cet enchainement rapide et offensif qui ne laissait guère de possibilité de riposte à mon adversaire. Il n'était pas un débutant, loin de là, mais il ne pu que subir. Sieur de Lothandre perdit de sa superbe. Il était à bout de souffle et remuait mollement ses bras dans le vide en m'invectivant avec l'énergie d'un vieillard édenté.
Nous n'en avions pas fini, et son homme de main hurlant qui se rapprochait n'y changeraient rien. Il était trop loin pour comprendre ce qui se passait ici. Il hurlait tout en courant à travers les couloirs, il se passait quelque chose là haut, de suffisamment terrible pour qu'il revienne gâcher le plaisir de son maître.

Xavier tenta de le prévenir mais j'étais déjà dans son dos, le bras autour de sa gorge et je serrai de toutes mes forces. Son homme de main arriva une seconde trop tôt, comme si le sort s'acharnait sur moi et prenait plaisir à me compliquer la tâche. Et cette fois, il était revenu avec le maillet avec lequel Xavier m'avait attaqué dès le début … et au jeu de qui étrangle l'autre le plus habilement ce fut lui le gagnant. Le manche du maillet m'écrasa la gorge à m'en faire lâcher prise mais ma proie était mal en point et je pus me retourner contre son homme de main au nom inconnu. Je lui arrachai le maillet des mains et reculai de deux pas en le brandissant en signe d'avertissement.

- Je la veux vivante !! Articula un Xavier de Lothandre dont la voix n'était plus qu'un souffle rauque.
- C'est pas d'moi qu'vous d'vez vous méfier espèce de dégénérés. J'vous l'répète depuis l'début. Y sont venus s'en prendre à vot' famille, ils sont déjà ici, pour vous empoisonner.
Mais ils ne bougeaient pas, ils me regardaient d'un air ahuri que je pris pour de l'incompréhension.
Alors ? vous vous bougez l'cul oui !!
- De qui vous parlez ? Me demanda alors la brute, le seul à pouvoir parler sans souffrir.
- Des cinq types qui sont rentrés ici !! Continuais-je en hurlant. Bon sang mais réveillez-vous merde ! Vous voyez pas qu'vous vous trompez d'ennemis !
- Des ennemis ? Eux ?
- …
Dire que je restai sans voix fut un euphémisme. J'en aurais perdu ma petite culotte !! Il m'avait dit ces mots avec un tel calme que je perdis pied, les derniers événements tournèrent dans ma tête et le sourire plus sadique et conquérant que jamais de Sieur la torture me fit froid dans le dos. Morlet et moi avions raté un épisode c'était certain, il nous avait manqué un élément clé … et cette famille l'était probablement. Ceux qu'on était venu sauver trempaient dans l'affaire.
Ils firent chacun un pas en avant, je relevai le maillet pour me défendre mais ne fit pas long feu. J'étais en bout de course et dès l'instant où je perdis l'un d'eux de vue je sentis ma tête partir en avant, un éclair blanc me passa devant les yeux et tout devint noir.


((hrp : tentative d'apprentissage CCSA instinct sauvage))

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 Sujet du message: Re: Domaine Lothandre
MessagePosté: Sam 21 Avr 2012 18:21 
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Je me réveillai en sursaut à cause d'une vilaine odeur dans le nez et juste après je fus agressée par toute sorte d'informations concernant mon état physique général qui m'arrivaient par vague pour mieux malmener la première d'entre elle ; l'intérieur de ma tête avait été remplacé par du coton et une ruche s'y était installée. Mon corps tout entier n'était que courbatures et déchirures, l'air que j'inspirais était assaisonné de copeaux de métal et je ne sus qui de mon cœur ou de mon estomac se souleva le plus lorsque j'essayai de relever la tête et bouger les yeux.
J'étais assise sur de la pierre froide et il y avait une sorte de mousse humide sous mes genoux, j'avais les mains menottées dans le dos et sentis du bout des pieds la chaine qui me reliait au mur.
La marée montante de mes souvenirs me submergeait peu à peu et au moment fatidique de reprise de conscience, je croisais ses yeux déments.
Je ne sais pas ce que vit Xavier dans mon regard mais cela le fit sourire de la manière la plus effrayante qui soit. Il rangea dans une poche le flacon qu'il venait de me mettre sous le nez, il approcha son visage de mon cou mais au lieu de me parler ou me menacer il me mordit à m'en arracher un bout de peau. Mon hurlement résonna jusqu'au tréfonds de mon âme. Ce tordu sadique et aliéné ne me laissait aucun répit, même ma voix rendit l'âme et je couinais littéralement sous ses assauts. Le peu de lucidité qu'il me restait prit la forme d'une prière à Zewen afin de me donner une seconde pour lui faire ravaler sa langue et lui ôter cet air conquérant. Plus je me tordais sous la douleur et plus ses dents déchiquetaient ma peau, et lorsqu'il lâcha enfin prise ce fut pour embrasser les marques et aspirer mon sang.

- Veux-tu connaître mon moment préféré ?
Il s'était mit face à moi et me parla comme si j'étais la complice de ses actes odieux. Pour toute réponse et pour que mes vœux ne restent pas vains je lui défonçai le nez avec mon front, et la douleur de son coup de poing dans la mâchoire fut un faible prix à payer.
- Les pleurs, continua-t-il comme si je ne l'avais pas interrompu, tout le monde finit par pleurer, quand ils savent qu'ils sont perdu. Il s'arrêta et toucha son nez du bout des doigts en grimaçant. Par contre je n'aime pas, mais alors pas du tout les p'tits insolents dans ton genre.
Je grommelais quelque chose de particulièrement fleuri niveau vocabulaire et il recommença de plus bel.

- J'exige du silence ! Prononça-t-il ensuite avec cette voix soufflante qui le rendait plus monstrueux et cette fois je ne bougeai plus un cil et avais clos mes lèvres. Il s'enhardit de ma soudaine obéissance mais n'en testa pas moins ses limites jusqu'au moment où, n'ayant pas fait le moindre geste agressif il décida de changer de ton et de discours.

- Je vais t'expliquer ce qui va se passer. Toi … tu vas sagement rester ici, en silence. Et nous … on va aller s'occuper de tes compatriotes, et mêmes des incompétents que tu as vu entrer ici. Ça sera vite fait ne t'en fais pas. Ensuite, je reviendrais te voir et entre nous, ça ne sera pas vite finit.

Il fit des pauses entre chaque phrase, comme s'il voulait me laisser le temps d'enregistrer les implications et les retombées pour mon futur. Mais sa dernière fut celle de trop. Je lui crachai au visage par reflexe pour lui retirer du visage ce sourire si satisfait. Il se recula en grimaçant de dégoût mais sa réponse n'en fut pas moins fulgurante. Il me frappa au ventre avec le manche du maillet, si fort que j'eus l'impression qu'il me transperçait la peau et que je vomis du sang à ses pieds. Il fit pivoter son arme et me frappa droit dans le thorax avec l'autre coté et je failli m'évanouir sous le choc. Mon corps était en feu, l'extérieur en charpies et l'intérieur en morceau.

Il me laissa sur place, à moitié morte. Je le regardais passer la porte et la refermer derrière lui. Mes dernières véritables forces, je les utilisais à écouter ce qu'ils firent ensuite. J'arrêtai même de respirer. Je les entendis entrer dans la première pièce à ma droite, mais c'était incohérent car nous nous trouvions contre le mur d'enceinte, il n'y avait pas de sortie. De l'autre coté du mur j'entendis quelques mots, le bruit d'un meuble qu'on déplace … puis plus rien, le silence absolu.

Je me retrouvais en boule sur le sol à tousser du sang à chaque respiration.
- Grosse maligne va ! Ces trois mots entrainèrent une nouvelle quinte de toux qui me tordit de douleur. Je me blâmai intérieurement de mon dernier accès de colère qui m'avait seulement valu plus de souffrance, de blessures et l'impossibilité dans l'immédiat de me sortir de là. Au lieu de rester calme et d'attendre, j'en avais rajouté, comme à mon habitude et je me jurais, encore une fois, de ne plus finir dans un tel état.

Ma gourde était dans l'autre pièce, à peine à quelques mètres, et j'avais de quoi tenter de me délivrer. Ça m'aurait prit du temps mais j'étais sûre d'y arriver … sauf que du temps, j'en avais beaucoup moins maintenant.
- Putain de grosse maligne ! Furent les derniers mots que je prononçai avant de sentir quelque chose bouger sur ma peau. Dès lors, je pensais aux rats venus profiter d'un bon repas et hurlais comme une damnée en sentant leurs petites dents picorer mes chaires. Mais il n'y avait nuls rats sur moi, pas plus que de nouvelles morsures douloureuses alors que la sensation elle en revanche avançait. J'avais le plus grand mal du monde à calmer et je me retrouvais collée au mur à scruter la pièce comme une bête acculée, incapable de comprendre ce qui m'arrivait.
Lorsque la sensation arriva au niveau de ma poitrine j'osais baisser le regard, affolée à l'idée de ce que j'allais voir puis terrifiée de voir une substance visqueuse bouger de manière complètement contraire à la normalité physique du monde. Elle ne dégoulinait pas le long de mon buste … elle l'entourait et s'étalait pour passer dans mon dos. Mes yeux sortirent de leurs orbites et j'avais la bouche entrouverte en prévision d'un cri complètement hystérique mais la chose évolua encore et enfin, je compris.
Je ne l'avais pas remarqué mais Xavier de Lothandre n'avait de nouveau pas prit la peine d'ôter tous les bijoux de sa victime.

Tout était parti de mon collier. Du rubis s'échappait un flot de sang rouge vif et chaud, si chaud. Il s'était répandu sur tout mon corps, avait infiltré les plaies et les avait refermées devant mes yeux médusés, ce sang venu de nulle part avait soigné la plupart de mes blessures externes et réchauffé mon corps tout entier. Une nouvelle force m'envahissait peu à peu, en provenance directe d'un joyau qui n'aurait du n'être plus qu'un bijou souvenir depuis la perte du Rubis Sanglant en mer … une force aussi providentielle que surnaturelle et tout ce qui touchait à ce domaine avait tendance à me rendre nerveuse.
Cette magie, il fallait bien lui donner un nom sur le moment, m'avait sauvé la vie. Je pouvais bien faire l'effort d'accepter ce fait et de mettre sur pause mes aprioris sur la question. D'autant que je n'étais pas encore sorti de cette pièce.
Je réussis à me remettre debout mais j'avais toujours les mains attachées dans le dos. La solution acrobatique était tout à fait hors de propos même après mes récents soins. Je me savais assez souple pour remonter mes bras par derrière mais j'appréhendais le moment car ce n'était déjà pas complètement indolore en temps normal. Le premier mouvement me donna l’impression d'être une petite vieille au supplice avec de la pierre à la place des articulations qui elles-mêmes crissaient à me faire grincer des dents. J'entendis mes vertèbres jusque dans ma cage thoracique et lorsque mes bras furent enfin au dessus de ma tête je relâchais tout en soufflant bruyamment. Mes bras retombèrent comme un poids mort et je tairai la description du son qui sortit de ma bouche à cet instant.
Après quelques secondes délicates où je bataillais à guider ma concentration sur mon évasion et non vers les relents aigres du contenu de mon estomac au fond de ma gorge, j'attrapai les aiguilles dans ce qui fut jadis un chignon parfait.

Ma vue était encore un peu brouillée et me concentrer sur un point fixe, la serrure des menottes dans ce cas précis, faisait ondoyer les murs. J’utilisai mes faux pics à chignon pour les crocheter et me rendis compte à mes dépends que l’empressement n’était pas le compagnon idéal lorsqu’on use d’outils imprégner de poison.
La première aiguille se brisa nette dès le début, une moitié atterrit je ne sais où sur le sol et l’autre se planta dans ma main. A mon état déjà passable s’ajouta un effet particulièrement étrange. L’impression que mon corps devenait plus lourd, plus mou et mon monde plus lent … autant dire que m’occuper des menottes ne fut pas aussi simple et rapide que je l’escomptais. Mes dernières aiguilles y passèrent, ainsi que mon sang-froid que j’estimai avoir pourtant stoïquement préservé.
A ma délivrance se succéda un juron interminable qui me suivit jusqu'à l'autre pièce où se trouvaient mes affaires et les deux cadavres.

L'évacuation nerveuse par les mots ne prit fin que lorsque je vis au sol le pendentif que j'avais décroché d'un des cadavres.

J’avais tout juste eu le temps de le remarquer avant que les événements ne se gâtent pour moi, et maintenant que j’avais entendu le riche héritier parler du groupe d’hommes que nous avions suivis jusqu’à cette maison de fous, je sentais que quelque chose clochait. Plus rien n’était vraiment évident … les deux pendentifs représentaient la même fontaine sur pied, ils étaient fait du même métal et de même calibre. Le premier que j’avais trouvé appartenait à un allié des suspects dans cette affaire d’épidémie … hors d’eux d’entre eux étaient venus jusqu’ici, avaient trouvé les corps et étaient repartis en discutant de leur état sans émotions ou agitation, bien au contraire.
Et Xavier de Lothandre n’avait pas paru étonné ou contrarié de voir cet objet en ma possession … alors que le ton de sa voix s’était indiscutablement modifié lorsqu’il les avait traités d’incompétents. J’avais cru sentir une note punitive dans sa façon de prédire leur décès, bien au-delà de la froide exécution prévue pour les autres nuisibles intrus dans sa demeure.
Quelque chose clochait, il fallait que je retrouve Morlet au plus vite.

Je fouillai le sol pour retrouver mes effets et ne me sentis enfin complète que lorsque je ressentis la présence de mes armes contre moi, enfin à leur place. Je mis du temps à tout retrouver dans cette pénombre à peine troublée par l'unique torche restante mais je finis par en trouver plus que prévu. Sous les deux cadavres, je découvris deux petites fioles de verre fermées à la cire, l’une avec un contenu liquide d’un bleu clair qui rappelait un ciel d’été et l’autre une sorte de substance plus compacte proche de la boue par l’aspect mais de la neige par sa couleur. Les deux morts n’en feraient plus rien de bon alors je les fourrai dans mon sac et pris la direction du couloir, torche en main.

Il n’était plus question d’y aller doucement, ni avec pour seul but l’observation. J’avais depuis longtemps appris que personne n’était honnête et qu’il ne fallait pas se fier aux apparences, que tout le monde jouait sans forcément le savoir ou avec un but malveillant à fausser les impressions pour dissimuler leur nature … certains pour se protéger, et d’autres comme tous ceux présents ici, y compris Morlet je n’en doutais point, afin de tromper son monde et agir en toute discrétion.
C’était bien la première fois de ma vie que je me retrouvais à être la plus honnête du groupe, du moins dans mes motivations … et cela me fit un drôle d’effet !!

Mais mes qualités en tant qu’être humain s’arrêteraient à cette honnêteté car j’avais bien l’intention de terminer ce que Xavier de Lothandre avait commencé, il ne serait dès lors plus question de discussion, de négociation ou de jeux malsains.

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 Sujet du message: Re: Domaine Lothandre
MessagePosté: Mar 17 Juil 2012 22:28 
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J’entrais dans la pièce voisine de celle où je fus enchainée.
Les quelques débris de bois provenant de la porte fracassée étaient les seuls éléments de désordre. Tout était d’une propreté improbable dans cette cave qui jusqu’ici n’avait été que moisissure et délabrement. Luxe et minutie qualifiaient parfaitement l'endroit, des tomettes au sol qui rendraient jaloux le meilleur des carreleurs de la ville, aux meubles raffinés et somptueux qui rivaliseraient avec les trésors royaux en passant par les tapisseries que milles mains expertes avaient fabriquées. En résumé, tout ici était aux antipodes de la personnalité réelle de son propriétaire.
De même que le temps nécessaire à la découverte du passage secret était totalement incompatible avec l’urgence de la situation dans laquelle nous nous trouvions Morlet et moi.
Chaque tentative ratée, chaque nouvelle minute de recherche infructueuse accentuait un peu plus l'état de nervosité dans lequel je me noyais. Mon précédent exutoire n'avait fait que remédier au plus pressé et me remettre debout, mais ce n'était là que la surface. Tout mon être bouillait, toutes mes pensées étaient dirigées vers cet homme qui m'avait laissée pour morte dans une cave sordide, qui m'avait par deux fois eue en traitre.
Tous mes principes si chers à mon cœur volaient en éclat, tous les enseignements de Rana et toute sa sagesse s'évaporaient comme neige au soleil face au seul désir qui guidait mes pas dans cette salle. Le désir de vengeance.
Toutes ces années de travail mises à mal par un seul être humain, un misérable cafard.
Je savais que des mois ne suffiraient pas à me faire changer d'avis, j'allais faire la peau à Xavier de Lothandre malgré toutes les raisons les plus sages du monde de ne pas le faire. Il n'était ni le premier, ni le pire des monstres que j'eusse rencontrés et pourtant lui et lui seul allait payer pour ce qu'il avait fait … m'avait fait. Et cela seulement parce que personne n'était là pour me l'interdire ou me faire promettre de ne rien faire de stupide.

Ce fut seulement au moment où je réussis à réduire le débit de rancœur et de critique à mon égard que je trouvais le fameux passage. Il n'était pourtant pas très difficile de deviner que les traces au sol au pied de la lourde horloge dans son cercueil de bois n'étaient pas étrangères à l'affaire. Ce fut tellement évident que n'importe qui un tant soit peu observateur l'aurait trouvé … ou un tant soit peu concentré, ce qui n'était pas mon cas.
Il me fallut plusieurs autres minutes pour trouver le mécanisme d'ouverture, une saloperie de casse-tête provenant tout droit du cerveau le plus tordu de Yuimen. Lorsque le meuble pivota sur son axe, je le noyai sous un déluge d'insultes mettant en scènes diverses parties de l'anatomie que je ne citerais pas … déluge tout à fait inutile compte tenu de mon interlocuteur mais tellement libérateur.
Je m'engouffrai dans un tunnel étroit plongé dans le noir, emportant cette fois une source de lumière. J'en avais soupé des pertes de temps et des vains efforts de discrétion. Le tunnel n'avait ni intersections, ni ramifications, il filait droit devant jusqu'à une échelle en bois plantée à même le mur dont on ne voyait pas le sommet. Je montais quatre à quatre jusqu'à une trappe, une sorte de grille en fer comme on en voit au dessus de puits que je refermais derrière moi au cas où les deux autres repasseraient par là. L'endroit où je me trouvais était entièrement vide et la porte aussi banale qu'une porte de débarras pour les serviteurs de la maison. J'écoutai à travers et sortis en ne percevant que le silence le plus complet.


Je me retrouvais alors dans une immense galerie qui faisait le tour de l'escalier principal. La balustrade d'escalier était faite de grés et de marbre, chaque balustre était sculptée avec minutie et des feuilles d'or habillaient le haut des colonnes et des arcs de voûtes, c'était plus que mes yeux pouvaient le supporter. Toute cette profusion de luxe batifolait avec le mauvais goût. Tout cet étage, avec ce toit haut, ces larges couloirs de pierre sans tapisseries était comme une énorme caisse de résonnance. J'entendais ça et là les échos de plusieurs conversations, des portes claquer, des bruit de pas ou de courses, mais je ne voyais personne.
J'avançais à l'aveuglette d'abris en abris, essayant de retrouver la trace de Xavier et son chien de garde mais ces deux là étaient chez eux et savaient exactement où aller.

Je montais à l'étage supérieur qui à l'inverse du précédent paraissait moins ostentatoire et plus familiale. L'escalier qui y menait était plus petit et sans tapis rouge vif au milieu. Les premières pièces étaient des chambres, certes luxueuses, et les plus grandes avaient leur propre cabinet de travail.

Ce fut dans l'une d'elle que je retrouvais la majorité des cinq hommes qu'on avait suivis au crépuscule. Ils étaient tous morts, un véritable massacre. Un bain de sang dans lequel baignaient trois corps dont l'un qui avait vu sa tête rouler sous le lit, le quatrième était assit dans un fauteuil, une flèche fichée dans le front et un visage surpris à jamais figé dans la mort. Deux d'entre eux portaient encore leurs armes à la ceinture et étaient morts avant d'avoir pu s'en servir.
Les incompétents dont parlait Xavier. Ce salopard ne faisait pas les choses à moitié.
Ils étaient venus ici en terrain conquis et avaient été trahis par un homme qui ne se souciait même plus des conséquences de ses actes.
Je fouillais rapidement les corps à la recherche d'éléments utiles car à ce stade, l'idée n'était plus d'empêcher une famille d'être contaminée, mais de sortir d'ici avant d'être véritablement impliquée. J'y trouvais un parchemin gaufré des armoiries de la famille et le fourra dans mon sac sans le lire ainsi une pierre étrange marquée d'un symbole inconnu que je gardais aussi au cas où. Les autres ne portaient rien de plus que leurs armes.
Aucun d'eux en revanche ne portait le médaillon de fontaine sur pied alors que j'étais persuadée qu'il s'agissait d'un signe distinctif du groupe soupçonné d'empoisonner la ville.

Soudain, un bruit m'alarma dans la pièce voisine, quelqu'un était en train d'ouvrir et refermer des tiroirs. Je m'approchai lentement, Menimienai dans la main. L'autre m'entendit, sortit en trombe du cabinet voisin et tenta de me filer entre les jambes. J'étais loin de m'attendre à un enfant et il profita de l'effet de surprise pour littéralement glisser sous moi. Il était plus fuyant qu'une anguille, je l'attrapais plusieurs fois par les vêtements mais il se tortillait encore et encore pour s'enfuir. Je lui bloquai la sortie et il repartit en sens inverse sans même un regard. Je l'attrapai finalement par les cheveux, lui arrachant un cri strident lorsqu'il se tortilla à nouveau, et le collai au mur.
Il tenta de se débattre mais lorsqu'il m'aperçut il leva les mains.

- Morlet ! Morlet ! Morlet ! Tonna-t-il comme un signal d'alarme dans notre langue natale. Je suis avec Morlet m'dame !
J'enlevai ma lame de sa gorge, l'attrapai par le col et le trainai derrière moi jusqu'à la porte afin de m'assurer que son cri, malgré la retenue dont il avait fait merveilleusement fait preuve, n'avait attiré personne. Je refermai la porte de la chambre, le fit asseoir sur le lit et voulu lui poser une question mais il me regardait avec un drôle d'air.
Qu'est-ce qu'elle a vot' tête ?

Je me tournais alors vers un grand miroir sur pied dans un coin de la chambre et compris. Je restai moi-même quelques secondes à me demander si j'étais vraiment là-dessous. Mon visage, bien que guérit des plus graves blessures portait encore plusieurs marques, mais était surtout littéralement rouge sang. Je ressemblai à un monstre de foire, mon œil gauche était encore noir et ma peau était recouverte de sang séché qui commençait à craqueler par endroit, mes cheveux longs et agglutinés en masse informe retombaient autour comme des tentacules. Je résistai difficilement à l'envie de me jeter dans une bassine d'eau chaude. J'avais une tête à faire peur, et ce fut peu dire, mais il y avait encore ici un homme qui pourrait pendant une seconde s'imaginer que je revenais d'entre les morts … une seconde suffisante pour lui faire la peau.
- Rien de grave.
- C'pas vot' sang c'est ça ? demanda-t-il en souriant à pleine dent.
- Si. T'es qui ?
- Toshi, neveux de M'sieur Morlet. Porteur et messager. … Morlet a trouvé ceux là, il a dit d'vous attendre.
- Comment tu sais que je suis vraiment celle que tu attends ?
- Y vous a bien décrit, enfin … sauf le sang un peu partout.
- C'est tout nouveau. Et son message ?

Il aurait pu être le neveu de n'importe qui chez nous, mais surement pas de Morlet. Je connaissais suffisamment son histoire pour savoir que feu son père était fils unique, et sa mère était loin d'être Ynorienne. Mais je le lui laissais, après tout, chacun sa famille surtout si on la choisit sciemment.
C'était un jeune Ynorien qui ne devait pas avoir plus de dix ans. Il était plus petit que la moyenne, tout en nerf et en muscle. Il avait des yeux noirs en amande, un regard déjà très caustique qui promettait pour le futur, des cheveux noirs mi-long et crasseux mais pas naturellement, il avait mit un soin tout particulier à avoir l'air crasseux. Son visage était fin lui aussi, un nez aquilin qu'il remuait comme un rongeur et une bouche aux lèvres si fines qu'on les voyait à peine.

- Morlet a trouvé toute la famille dans le grenier, tous vivants mais drogués et endormis. Il a dit pas s'approcher d'eux trop longtemps si eux tous malades. Il a trouvé eux et a dit de vous attendre pendant qu'il cherchait le cinquième homme qui avait tué tous ceux là
- C'est pas lui. Annonçais-je pour moi-même en sachant qui était passé par là mais il releva le regard, surpris.
- Comment vous savez M'dame ?
- Et toi ?
- Ben, vous z'arriviez pas alors j'ai visité discrètement les aut' chambres et j'ai croisé deux hommes. Eux m'ont pas vu, y m'cherchaient pas faut dire.
- Un grand, habits de riche et nez cassé et un autre plus grand encore avec un chapeau ?
- C'est ça ! répondit-il en me lançant un regard incrédule. Ils ont attrapé un homme, ont beaucoup parlé dans la langue d'ici, et y ont parlé d'ceux ici par terre. Ils l'ont battu après s'être énervés à propos d'un morceau de papier, j'ai pas tout compris mais l'homme leur a craché dessus en disant qu'il y en avait d'autres, un peu partout.
- Le plus petit des deux est le fils cadet de la maison. Lui expliquais-je en sortant le parchemin trouvé sous un corps. Et je crois que ça c'est un des exemplaires qu'ils cherchent.
Je n'étais pas très familière avec la langue, mais il était clair que Xavier de Lothandre avait engagé cette bande voyou pour assassiner des concurrents. Plusieurs noms étaient inscrits, dont le faux nom de Morlet et je reconnus les noms de certaines des victimes évoquées dans la rue comme étant des gens importants.
- Autre chose de la part de Morlet ?
- Il a dit de vous emmener à la planque et de l'attendre.
- Depuis combien de temps il est partit ?
- Pas mal de temps en fait.
- On change de plan Toshi. Si c'est pas déjà fait, Morlet a du rencontré les deux types et peut être comprit ce qui se passait ici.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- Tu vas aller chercher la milice.
Pas besoin de leur donner ton nom
, ajoutais-je devant sa mine effrayée, ils s'en ficheront une fois que t'auras délivré le message. Ils oublieront même ton visage avant la fin de la conversation. Morlet a été obligé de les prévenir qu'il enquêtait sur l'épidémie, mais je sais pas sous qu'elle identité, t'as qu'à le décrire. Tu nous les amènes ici au triple galop.
- Qu'est-ce que je leur dit : les méchants sont morts ?
- Les méchants sont presque tous morts. Xavier de Lothandre a payé une bande de voyou pour assassiner leur concurrents et ça a mal tourné. Prend ça avec toi, même s'ils y croient pas, ils viendront vérifier. Tu parles pas de moi, juste qu'un type qui t'a embauché comme messager a des problèmes dans son enquête.

Je lui donnais le parchemin et lui fit répéter les consignes. Il avait beau être jeune, il était déjà compétent, il avait une bonne mémoire et ne perdait pas de temps en paroles inutiles. J'espérais simplement qu'il courrait aussi vite qu'il le prétendit en s'en allant.
Je refermai la porte derrière lui et me laissai glisser à terre. Toute cette série de révélations avait eu raison de ma concentration jusque là fixée sur ma petite vengeance puérile, et m'avait retourné le cerveau.
Je sentais que quelque chose ici clochait depuis un moment, mais pas à ce point là. Jamais je n'aurais soupçonné qu'un riche citoyen, Kendran jusqu'aux orteils puisse en arriver là.
Commanditer un ou plusieurs meurtres était compréhensible, surtout pour gravir l'échelle sociale et j'en savais quelque chose, ma patrie en a longtemps fait un sport national, mais de là à orchestrer une attaque aussi vaste juste pour cacher quelques assassinats discrets … ça frisait la folie. Perdre le quart de la ville pour quelques uns … où était la logique ? Il avait même était jusqu'à droguer toute sa famille pour vaquer tranquillement à ses occupations cette nuit.

Je n'avais jamais été confrontée d'aussi prêt à une telle situation et surtout à devoir me compromettre personnellement.
J'avais maintes fois été impliquée dans des affaires similaires où complot, faux-semblant et trahison jouaient les premiers rôles mais ma fonction a toujours été cantonnée à écouter et transmettre. Peu m'importait le sens ou les conséquences de ce que je rapportai. Je n'étais pas payé pour m'impliquer, me faire du souci, résoudre les failles ou même y réfléchir.

Disons le franchement, mon souci immédiat était d'ordre moral … a priori.
Morlet était ce que j'avais de plus ressemblant à un ami bien que ni lui ni moi ne nous faisions véritablement confiance sur à peu près tous les sujets. S'il n'avait pas été quelque part ici, j'aurais laissé la milice se débrouiller avec le parchemin et les victimes disséminées un peu partout, mais d'un autre coté, je n'aurais pas parié ma fortune sur le fait qu'il n'avait pas déguerpi en sentant l'embrouille.

Je finis par prendre une décision … dont le raisonnement n'avait finalement rien à voir avec ce qui me turlupinait une seconde avant.
Pour ma défense, je n'étais pas détective et me fichais cordialement des actes et de la vie de ces gens … mais j'étais passée à coté de preuves qui étaient pourtant évidentes … maintenant. L'éternel "bon sang mais c'est bien sur" d'après coup cognait à ma porte et cherchait à me discréditer.
Partir maintenant, c'était accepter de s'être fait rouler par une bande de ploucs et de tarés … ma fierté ne le supporterait pas.

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Dernière édition par Madoka le Sam 28 Juil 2012 23:40, édité 2 fois.

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 Sujet du message: Re: Domaine Lothandre
MessagePosté: Lun 23 Juil 2012 22:00 
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J'espérais voir dans ce regain de motivation le tracé de la dernière ligne droite car la droiture, l'honneur ou n'importe quelle attitude aussi honnête que d'aller chercher la milice pour punir les méchants avait tendance à m'ennuyer plus rapidement qu'un sonnet pompeux.

Je n'avais aucune intention en revanche d'être sur le devant de la scène au dernier moment, il fallait pour cela que je retrouve le dernier homme du groupe de brigands embauchés par Xavier de Lothandre, et il était plus qu'urgent que je parle à Morlet. Il était dans le métier depuis plus longtemps que moi et avait probablement, voir très surement toutes les cartes en main et comprit ce qui se tramait réellement ici, mais il fallait que je le retrouve … et enfin faire part à quelqu'un de ma frustration, en grande partie causée par cette subite et étrange idée de laisser la justice faire notre travail.
Putain d'idée en effet !!

Le plus simple dans l'immédiat était de commencer par le dernier brigand qui, selon Toshi, avait été laissé pour mort dans l'une des galeries du second étage. Je dus à nouveau traverser la maison en me faufilant parmi les ombres avec la plus grande précaution car je n'étais définitivement plus seule à fureter, et il n'y avait qu'une chance sur trois pour que la rencontre soir amicale.
Je devais me hâter, car la subtilité avec laquelle la milice allait faire son entrée ne me laisserait plus aucune marge de manœuvre.

J'arrivais trop tard à l'endroit indiqué mais il me restait encore une piste à suivre. Celle toute fraîche d'un corps blessé qu'on avait trainé que je suivis sans perdre plus de temps. J'arrivais tout près d'une petite pièce excentrée lorsque j'entendis et reconnus la voix du chien de garde de Xavier. Un rapide coup d'œil dans la pièce me permis de constater qu'il était seul et a priori ne perdait pas espoir de faire parler son otage avec la manière forte.
Et pour une fois depuis le début de cette histoire, j'arrivais enfin au bon moment, au bon endroit. Je restai dans l'ombre d'un pilier et espionnai leur conversation qui, bien que prise au débottée, en était à la meilleure partie. Le brigand survivant en était au stade où tout devenait comique, où ses propres actes, ses erreurs lui arrachait douloureusement des quintes de rires nerveux et incontrôlables. J'appris grâce à cette conversation que Xavier cherchait non moins un moyen de s'en sortir blanc comme neige que de devenir celui qui sauvera la ville. L'autre ne répondait même plus aux questions, il ne faisait que glousser, tousser et cracher. Il ne connaissait pas le remède et trouvait très ironique que Xavier ait torturé à mort deux des traîtres responsables alors qu'ils avaient eu le plus grand mal à les débusquer.
La discussion devint de plus en plus embrouillée et je décidai d'entrer discrètement. Je ne savais pas encore comment intervenir mais je savais que le futur de l'un d'eux était à courte échelle et les deux mots qui furent prononcés par ce même homme sonnèrent comme des coups de bâtons avant une pièce de théâtre.

- Plutôt crever !
- Requête acceptée, Chuchotais-je derrière lui.
Il se retourna brusquement mais je vis tout au ralenti et appréciai chaque phase de transformation de son visage lorsqu'il se rendit compte qui était devant lui.
Il ne resta immobile qu'une seconde … pendant laquelle j'ouvris mon Tessen d'un geste nonchalamment et lui transperçai la gorge de part en part.
Ce meurtre, aussi rapide et puérilement théâtral puisse-t-il paraître fut en réalité une profonde libération. Il ne s'agissait pas vraiment d'un sentiment de vengeance accompli, non, c'était bien plus puissant. Pendant quelques secondes, tout ce qui noircissait mon univers disparu. La frustration, la tension, la douleur, la contrariété, tout s'évapora comme par magie … ce fut littéralement un orgasme de lui enfoncer les lames dans la gorge et de regarder ses grands yeux verts s'éteindre lentement.
Pour la première fois depuis le début de cette soirée de démence rien n'était venu entraver mes envies et intentions.

- Aaaaaah, bon sang que ça fait du bien !!
Allez ! à nous deux.

Le brigand était pétrifié d'horreur. Et pourtant, s'il s'était vu dans un miroir il n'aurait pas fait tant de manière devant mon apparence. Sans ses blessures il devait ressembler à monsieur tout le monde, un atout dans sa profession. Il était ligoté à une chaise et me défiait du regard sans se départir de cette rengaine : "je parlerais pas". C'était la deuxième fois aujourd'hui mais malheureusement pour lui j'en avais suffisamment entendu pour le faire changer d'attitude.

- La milice va arriver d'ici quelques minutes, annonçais-je l'air de rien, mais son visage se décomposa. Il avait plus qu'insisté précédemment qu'il préfèrerait se donner la mort plutôt que de subir un procès et finir en prison, c'était tout à son honneur bien sur, et incroyablement pratique pour moi.
- Rien à foutre, m'reste pas beaucoup d'temps, parvint-il y grogner.
- Faut pas dire ça voyons, je vais vous soigner, vous inquiétez pas !
- J'vous laisserais pas me toucher !!
- Oh, pas besoin, affirmais-je sur un ton charitable à souhait malgré son ton menaçant, je suis guérisseuse, je peux faire ça d'ici.
- Putain mais qui vous êtes ?
- Moi ?…. personne. Alors on y va ?
- Où ça ? Je fis alors mine de me préparer, je me frottais les mains pour les réchauffer … non, me touchez pas !!

Et nous continuâmes ainsi ce drôle de jeu pendant plusieurs minutes. Je mentais ouvertement, ce qu'il finit par comprendre à demi, pas suffisamment pour l'affirmer haut et fort au risque de me contraindre à lui prouver le contraire.

- Bon, fis-je soudainement d'un air embêtée.
On va faire un marché … enfin …
- Si si, dites-moi !
- Vous me dites tout ce qu'il voulait savoir, et je vous tue proprement, rapidement, là maintenant !
- C'est pas un marché ça !
- Comme vous voulez, on passe à la contreproposition de suite alors, je vous soigne et vous emmène aux miliciens. J'en ai marre, et en plus, je suis fatiguée.
- Non, attendez !
- Attendez quoi ! On tourne en rond là, c'est plus drôle ! Et puis quoi, vous empoisonnez toute la ville et vous avez peur d'une petite prison !!
- C'est pas nous !
Il lâcha ces mots avec une espèce de soulagement dans la voix que je ne m'expliquai pas mais je continuai sans lui donner l'occasion de penser.
- Ouéé c'est ça ! A d'autre !
Et ce fut le déluge, il débita toute son histoire d'une voix mécanique, il était fatigué de combattre et avait jeté l'éponge. Je me demande encore pourquoi il avait mit tant de temps à me parler.
- On nous a embauchés pour assassiner que'ques commerçants et négociants étrangers, la sale race comme les appelait l'autre richard. Sauf que certains d'entre eux étaient intouchables. Nous on voulait toucher notre prime alors des gars à nous ont proposé de demander l'aide d'un nouveau groupe en ville, des gens discrets à ce qu'ils disaient, un peu spéciaux mais efficaces. C'est là que tout à dérapé.
Ce putain de groupe en question, c'est une bande de sorciers de seconde zone complètement siphonnés du bocal ! Ils ont lâché leur poison à la con dans les maisons de certaines cibles et très vite les voisins tombaient comme des mouches. On a pas eu le temps de dire ouf que la moitié du quartier était devenu fou. On s'est fait baiser par une bande de fanatiques qui veulent voir Kendra Kar tomber toute entière. On a découvert que certains des nôtres en étaient et on a commencé à faire le ménage … c'est là que cette enflure de Lothandre nous a demandé de venir le voir chez lui,
qu'il avait soit disant fait parler nos prisonniers et qu'il avait une solution. Ce fils de putain vérolée nous a fait venir pour nous buter et nous faire porter le chapeau et se faire passer pour le sauveur de la ville par la même occasion.
- Et cette histoire de parchemins ?
Il ricana avant de répondre.
- Il avait oublié qu'on avait fait des contrats, vous imaginez ça !!
- Ces fanatiques ont un rapport avec ce médaillon ? Demandais-je doucement sous le coup d'une intuition.
- Où vous avez trouvé ça ? Et l'espace d'un instant je vis dans ses traits le vrai visage de la peur.
- Il n'est pas à moi, j'en ai trouvé deux sur les gars en bas, et un troisième la veille. Qu'est-ce que c'est pour eux ?
- Une clé à ce qui parait. Mais j'en sais pas plus. Ils en ont tous une, pour entrer je ne sais où, mais ils l'ont pas toujours sur eux.
- Les traîtres que vous avez attrapés, ça faisait longtemps qu'ils étaient des vôtres ?
- Des mois, des années. Ils les ont enrôlés après à ce que j'ai compris.
- Le troisième que j'ai récupéré … c'était sur un des hommes censé tuer un certain Ptahotem.
- Comment … ?
- Je travaille pour lui, j'ai tué vos hommes alors qu'ils me suivaient. Mais il est aussi et surtout un enquêteur au service de la milice pour élucider l'affaire de l'épidémie, mit à disposition par un pays allié …
- Putain de bazar hein !! Le métier était plus simple, à une époque.
- Chez nous … ce n'est pas un métier, c'est un jeu.
- Et c'est plus facile en quoi ?
- J'ai résumé ça en "rien ne dure". Les hommes, les positions sociales, les enjeux, les rapports de force, les alliances, les ennemis, les amis … rien. Ici, on croit en la stabilité, alors ils ont choisi le chaos pour vous défaire.
Il se mit à rire et je m'arrêtai de parler. Nous en étions arrivés à discuter comme des femmes devant une tasse de thé. Sans son rire soudain, on parlerait surement de nos buts et espoirs en début de carrières.
J'ai dit quelque chose ?
- Leur nom … c'est l'Ordre du Chaos !
- L'ordre … du … chaos. Vous plaisantez ?

Il ne répondit pas et ce n'était pas la peine, la question était purement rhétorique.
J'en appris plus que je l'espérais et ce fut bien pire que j'imaginais. C'était trop gros pour moi qui ne suis ici que par hasard et trop gros pour Morlet aussi très probablement. Tous ces événements sordides et le risque de perdre une cité à cause d'une histoire de race, d'un homme qui ne concevait pas le partage des profits et des droits de chacun de vivre sur une terre qui appartient aux Dieux. J'aurais fait une monstrueuse erreur en tuant Xavier de Lothandre pour une stupide vengeance. Il méritait pire qu'une mort trop rapide pour être douloureuse.

- Bon petite ! Je pense que j'ai fait ma part, dit-il d'une voix lasse. Il avait prit dix ans en quelques minutes et il avait vraisemblablement perdu l'envie de se confier même si je pense que cela nous fit du bien à tous les deux.
- Un marché est un marché
- Fais ça rapi ….. Il ne termina pas sa phrase. Je le débarrassai de ses liens et lui mis son arme en main pour qu'ils aient tous les deux l'air de s'être entre-tués.

J'avais dit vrai en me confessant à lui. Pour moi, le monde tel que je le voyais à Oranan pouvait se résumer en "rien ne dure" C'était une philosophie réduite au plus simple par mon esprit.
Mais pour être totalement honnête, j'étais aussi lasse et blasée que le brigand. Toute cette histoire se compliquait d'heures en heures et devenait de plus en plus sordide. J'avais hâte d'en finir. Je n'étais pas à ma place … j'avais par principe toujours refusé de me mêler profondément aux complots et j'avais finis ensevelie dans celui-ci au péril de ma vie et ce n'était pourtant ni ma ville, ni mon pays et encore moins mon peuple. Et tout ça pour quoi ?
Les premiers instants d'excitation étaient maintenant retombés comme un soufflet. Il n'y avait plus de réel danger. Le dernier homme à abattre l'était déjà, en tout cas son esprit devait l'être.

Je ressortis de la pièce et courrai au hasard des couloirs à la recherche des autres avant que la milice n'arrive.

Plus je ressassai l'histoire dans ma tête, plus J'envisageais que Xavier de Lothandre n'était peut être pas fou allié de nature. Bien sur, il avait une salle de torture dans le sous-sol de la maison familiale mais des gens aux penchants sadiques il y en avait à tous les coins de rues. Mais dans cette volonté de pureté, d'épuration commerciale aussi impensable soit-elle il devait y avoir quelque part profondément enfoui un attachement extrême, voir excessif, pour sa patrie et sa culture … et à l'heure actuelle, les Kendrans souffraient autant que les autres des ambitions d'un des leur.
Et c'était de sa faute, même s'il n'avait pas directement agit, il était la source, le commencement, l'origine du mal. S'il aimait moitié moins son peuple que j'aimais le mien alors il était dans un état proche de l'autodestruction … et je salivais d'avance de voir le résultat lorsque les autorités Kendrannes accuseraient publiquement Xavier de Lothandre d'être le responsable de cette épidémie.

J'étais aussi cependant consciente que toutes ces pensées étaient proches de divagations en raison de ma profonde fatigue. Les soins prodigués par le collier avaient été d'un grand secours mais mon corps était encore une gigantesque ecchymose en mouvement. Mon épaule déboitée me faisait à nouveau souffrir à cause de l'effort fournit pour transpercer de part en part la gorge de l'homme de main et malheureusement les blessures ne sont pas directement reliées au moral du moment.
Je fus à bout de souffle après quelques mètres de course, pliée en deux à cause d'une douleur sur le coté. Je dus me résoudre à utiliser une dose des potions achetées chez Lilo. J'aurais préféré laisser le temps se charger de mes blessures, quitte à utiliser des simples pour améliorer la cicatrisation mais j'allais finir par m'évanouir au prochain gros effort.
La sensation fut sensiblement la même que dans le sous-sol mais cette fois elle resta interne. Je sentis mes muscles se détendre progressivement, mes os se firent moins lourds et plus souples, ma respiration se régularisa enfin, ma tête cessa d'être un étau de plomb dans lequel mon sang bouillonnait et les battements de mon cœur ne cognaient plus dans mes tympans comme des forcenés. C'en était presque magique sur le moment, mais je me gardais de filer à toute jambe pour tester la fiabilité de ce regain d'énergie.

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 Sujet du message: Re: Domaine Lothandre
MessagePosté: Lun 13 Aoû 2012 22:38 
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Je retrouvais les deux autres rescapés de la soirée ensemble, dans la bibliothèque. L'architecture et l'atmosphère générale de cette pièce étaient différentes du reste de la maison, celui qui en était l'auteur en avait fait un temple. Du sol au plafond, on y découvrait des livres entièrement reliés en cuir et des parchemins par centaines. C'était l'œuvre d'un être patient et passionné, très loin du tempérament de l'échantillon de la famille que j'avais devant les yeux. Le sol était recouvert d'un tapis brun et or, une grande table trônait au centre entourée par des chaises aux assises et dossiers rembourrés, une demi-douzaine de guéridons étaient disposés un peu partout à l'entrée des rangées de bibliothèques. Les grandes fenêtres devaient faire office de source de luminosité principale car le nombre de lampes étaient faibles au vu de l'espace. Deux immenses lustres à bougies étaient suspendus au plafond, avec pour chaque bougeoir un large socle en métal incurvé mais tous deux éteints à cette heure de la nuit, les quelques lampes à pétrole, elles, étaient fixées aux murs et j'aperçus sur les premières une serrure empêchant quiconque de les emporter ou de les ouvrir sans la clé, il n'y avait en dehors de cela aucun bougeoirs ou lampe sur les tables.

Xavier de Lothandre trônait au milieu de l'allée centrale, ligoté à une chaise avec ce qui semblait être les rideaux d'une des fenêtres. Morlet était face à lui et était en train d'ôter sa veste. Je n'avais pas besoin de le voir de face pour comprendre ce qu'il s'apprêtait à faire.

Lorsqu'il m'aperçut dans l'embrasure de la porte, les yeux du Kendran lui sortirent des orbites et il hoqueta un cri tout à fait contre productif vis-à-vis de sa virilité. Morlet dut penser qu'il chiait dans son froc à cause de ce qui l'attendait car il ne daigna même pas se retourner alors que son prisonnier ouvrait et fermait la bouche en me toisant sans réussir à former une phrase.

- Inutile, ce tordu pourrait aimer ça. Dis-je alors sans préambule depuis le pallier de la bibliothèque.
Morlet se retourna lentement et parut rassuré de me voir. Cela ne dura qu'un instant comme chaque fois qu'il exprimait un sentiment réel et je savais que ce n'était pas grâce à mon habileté que j'en saisissais quelque uns, quelques fois … il voulait que je sache qu'il était rassuré.
Lorsque je m'avançai dans la pièce il changea du tout au tout et cela n'aurait pourtant pas dû m'étonner. Si j'avais eu un peu plus de jugeote, j'aurais même pu m'épargner ce qui allait fatalement suivre. Aucun mot au monde n'aurait pu décrire à lui seul l'expression de son visage elfique.

- Par tous les Dieux, …
- Rien, je vais bien …
- … qu'est-ce qui t'es arrivé ?
Mais il ne m'avait pas entendu, il s'était jeté sur moi et me secouait comme une mère son enfant blessé.
Je l'ai toujours haï quand il agissait ainsi et ce soir là bien plus que toutes les autres fois où il m'avait retrouvée errant dans les rues, égratignée de partout parce que j'avais rencontré plus fort que moi et avait perdu le peu de nourriture que j'avais. C'était bien avant d'entrer au service de la Maison Rouge d'Oranan et déjà à l'époque alors que je n'étais qu'une gamine en haillons parfumés au crottin de cheval volant parfois mon déjeuner aux chiens et que je n'avais pour ainsi dire aucune notion de fierté ou de dignité, je me sentais humiliée par son attitude chevaleresque.
Etant donné que par la suite mon estime devint proportionnelle à mon niveau d'indépendance, il était la dernière personne que je souhaitais affronter, d'autant que le simple fait de penser à la réponse à sa question ne fit que mettre en exergue mes erreurs et le coté peu glorieux de cette soirée.

- Ça va je te dis !! Arrête … de … me … toucher. LACHE-MOI !!
Et il le fit, moins à cause du ton enragé employé qu'en raison du geste qui accompagna mon cri. Je m'étais violemment arrachée à lui et avais encore la main levée après qu'il se soit reculé d'un pas. Il hésita une seconde, se demandant probablement s'il se devait d'insister car en cherchant bien on pouvait lui trouver une bonne raison de douter de la véracité de ma précédente affirmation, ou s'il valait mieux pour nous qu'il se fie à ce qu'il voyait à cette seconde. J'étais prête à partir, à l'abandonner sur place malgré tout ce que je me devais de lui dire, convaincue en mon fort intérieur qu'aucuns regrets ne viendraient me hanter par la suite.
Il pinça les lèvres et me regarda sévèrement droit dans les yeux jusqu'au moment où il les baissa en signe de reddition … même si par ce geste, il prenait le rôle du plus sage des deux.
- C'est ?
Il ne fit que bouger la tête en arrière pour désigner son prisonnier qui de son coté se tortillait en vain pour s'échapper.
- Et son homme de main, grognais-je de mauvaise grâce, mort depuis … et celui là va finir sa vie en cellule ou au bout d'une corde alors mets de coté le couplet sur les représailles. Hargneuse et sur la défensive … j'avais vraiment la sensation de redevenir une gamine dès que j'étais confrontée à Morlet.
- Tu veux gâcher mon plaisir c'est ça ? Faisant ainsi référence à un de ses passe temps favoris : le châtiment des persécuteurs de jeunes filles, même s'il fallait chercher loin pour me classer dans cette catégorie.
- En parlant de gâcher … La milice va arriver d'ici peu … L'insolence juvénile avec laquelle je répondis me consterna personnellement, mais il n'en tint pas compte.
Il avait d'autres préoccupations plus pressantes, car même si j'avais eu moi-même du mal à réaliser le bien fondé de cette idée pour lui la chose était très différente. Bien qu'il soit officiellement enquêteur auprès de cette dernière, il n'en restait pas moins un escroc qui cumulait les contrats, et l'arrivée des autorités mettrait sans aucun doute un terme à tout un tas de petits bénéfices annexes.
Ma phrase ne lui était cependant pas entièrement destinée. Il y avait derrière lui un homme qui se décomposa littéralement à l'énonciation de la milice mais il ne me laissa guère le temps de savourer ma petite victoire sur Xavier de Lothandre car débuta très rapidement une discussion à cœur ouverts entre le semi-elfe et moi, très adulte, mature, avec une touche de déférence, une chaleureuse série de points de vue évoqués avec tact et compréhension mutuelle … ou pas.
Pugilat fut en fait le seul terme à même de résumer la réalité. Nous nous grognâmes dessus comme des loups enragés, chacun y allant de sa prose métaphorique et je doute qu'à un moment seulement nos propos s'accordèrent réellement. Je campais sur mon éternelle rengaine de n'être qu'une pièce ajoutée qu'on prend pour une bourrique, et lui m'accusa de n'en faire qu'à ma tête, de vouloir prouver au monde que je n'avais besoin de personne et força un peu trop sur le fait que j'aurais du rester dans le jardin …

J'élevai alors mon index devant ses yeux, puis mon majeur.
- Deux mots Morlet : N'ENTRE …. PAS !!!!!! C'est pourtant pas dur à prononcer !
- Tu m'as entendu te dire d'entrer ? NON, ça t'as pas empêché d'y aller.
- Tu … t'as … t'avais disparu … hé … Morlet, c'est avec plaiiiisir que je serais restée dans le jardin … ouh ! Encore mieux … dans ma chambre d'hôtel ! Mais noooonnn, fallait que tu me viennes m'emmerder jusqu'ici pour on n'sait quelles raisons, et m'embarquer dans tes plans foireux et tes embrouilles tordues. Et v'là que j'me r'trouve dans c'te p'tain d'maison d'dégénérés, au milieu d'un p'tain bordel sans nom … pendant que Môôsieu s'ballade pour fouiner dans un coffre … ouais … ch'uis au courant … pendant qu'je m'f'zait défoncer en plus !!!
Ça fait deux fois que j'me r'trouve au milieu d'abrutis dont le complot vire au n'import'quoi ! Et j'en ai ma claque !!!

J'étais hors d'haleine, la bouche pâteuse, la gorge sèche et je cherchais désespérément à retrouver mon souffle. Je n'étais pas particulièrement fière de moi car j'avais parfois l'arrogance de penser que je m'étais bâti une forteresse derrière laquelle rien ne pouvait m'atteindre et ce genre d'éclat était clairement la preuve du contraire, mais je me sentais aussi bien mieux, comme si la pression s'était tout à coup évaporée.
Lui resta immobile, les yeux exorbités et le cou tendu vers l'arrière pendant que je me déchainais en oubliant le monde autour.

- Ça va mieux ?
J'inspirais profondément.
- Mmh mmh ! Fis-je en haussant les épaules en évitant son regard. Je le tenais pour responsable de la situation, non par ses actes, mais par sa simple présence et le fait qu'il me cachait quelque chose d'important, me concernant.

- Pourquoi deux fois ?
- Oh ! euh, une longue histoire de chasse au trésor qui n'en était pas une. Tu aurais surement adoré y être. Si on en revenait au présent ?
- Celui où tu me gâche la vie ?
Il souriait. Il n'était pas ravi loin de là, mais ce sadique préférait s'amuser à tester ma tempérance retrouvée quitte à perdre plus de temps.
- Une soirée tout du moins, et encore …

Je commençais par lui poser une ou deux questions afin de savoir où en étaient ses investigations puis je complétai avec le récit de mes différentes rencontres et découvertes au fil de la nuit. Je passais rapidement quelques passages pouvant facilement nous détourner du but final et nous faire perdre du temps en laissant à Morlet l'opportunité de toucher physiquement à Xavier de Lothandre. Je lui parlais des deux prisonniers en bas, de leur appartenance au groupe de suspects que nous suivions et de leur traîtrise avant lui expliquer à quel genre de secte ils appartenaient réellement et comment tout ce petit monde en était arrivé à travailler les uns pour et contre les autres.
Au final, c'était presque aussi délayé à l'oral que dans ma tête mais l'énorme fracas que j'entendis et ressentis à travers la plancher me força à accélérer le débit, la milice était dans les locaux et Morlet fut obligé de répondre aux hurlements des gradés.
Les mots sortirent plus facilement, soutenus par une nouvelle détermination. Je lui narrai les faits non plus en suivant ma chronologie mais celle du fautif et lorsque j'arrivais à la fin, à l'énumération de la secte au nom douteux et discutable à mon sens, il s'assit sur un siège, la mine sombre et pensive, les yeux perdus sur les pendentifs que je lui présentais.

- Non, répondit-il à ma demande de m'éclipser avant qu'ils ne débarquent. Impossible, j'aurais peut être besoin de toi.
- Tu veux rire ? Pour quoi faire, tu sais tout. T'as qu'à leur répéter et ils se démerdent.
- C'est différent …
- Ça nous concerne pas, depuis quand le sort des autres t'intéresse ?
- Après ton départ d'Oranan, on a eu quelques problèmes avec des forcenés qui ont hurlé le nom de ta secte avant de se jeter du haut des falaises à la sortie de la ville alors qu'on les pourchassait.
- …
- On ne doit rien laisser au hasard ce soir. A ton avis, qui est assez folle pour croire à l'ordre par le chaos, et suffisamment puissante pour réussir à embobiner tant de monde dans sa folie.
((Oaxaca))
- On est sur de rien. On m'a envoyé pour savoir si cette épidémie était leur œuvre, et Keyoke m'a choisi parce qu'il voulait de tes nouvelles …
((Mensonges …)) Il ne me disait pas tout, encore et toujours, mais les implications de ses aveux étaient trop graves pour que je puisse me permettre d'être égoïste.
- J'ai besoin de toi ce soir … mais une fois que tu auras passé la porte de cette maison, je veux que tu restes en dehors. Les consignes sont claires, si la secte est liée à l'affaire, Keyoke ne te veut plus dans les environs.
- Pourquoi ?
- Parce que le chef présumé de la secte est peut être le même homme qui dirigeait ceux qui ont tué tes parents … et tu n'es pas en mesure de tenir ta promesse.
- … ma promesse. Plus le temps passait et plus cette dernière s'effritait, comme un vieux parchemin sur lequel on ne pouvait plus lire que la moitié des mots.
- C'est important.
- Pour qui ?
- Pour toi …

Les miliciens arrivèrent à l'étage et nous dûmes interrompre la discussion, encore une fois. J'avais la sensation que ces deux là, Morlet et Keyoke mon vieux mentor, faisaient exprès d'entamer le sujet à des moments inopportuns afin d'être sûr de pouvoir s'échapper.

- Cache-toi grâce à ton serre-tête, me soufflât-il à l'oreille en me tendant une gourde d'eau, et nettoies-toi le visage avant.

Je m'exécutais comme un pantin. Je ne me souvins pas avoir utilisé l'eau mais par contre le souvenir du frisson de ma première utilisation de ce maudit serre-tête me hante encore. Devenir invisible n'était plus un problème pour moi depuis l'acquisition de Menimienai dont le pouvoir était directement lié au nom que je lui choisis … mais ça !! Je compris ce que Morlet voulut dire en parlant de fluides. Ce fut épouvantable. Je me sentis complètement étrangère de mon corps, envahie par un froid qui n'en était pas vraiment un, touchée par une substance qui n'existait pas pour me sentir finalement emmurée par le vide. C'était détestable mais pas autant que les pensées et souvenirs qui remontèrent une fois que je fus pour ainsi dire seule au monde.
Je n'ai aucuns souvenirs de ce qui se passa entre Morlet, Xavier et les miliciens. Je repensais à ce qu'il me dit, à ma promesse faite il y a des années par une petite fille bien loin de ce que j'étais devenue, aux hommes qui avaient saccageaient des vies en une journée, à mes parents morts comment tant d'autres ce jour là. J'ai toujours considéré que la promesse faite à ma mère avant qu'elle ne meure m'avait sauvé la vie pendant les semaines et mois qui suivirent. Je survécus à travers ses premiers derniers mots : Survis ma puce, survis et vis pour nous trois.
Dans mon cœur meurtri et plein de haine, j'y trouvais une détermination simpliste : je ne devais pas faire de la peine à ma mère, je devais lui obéir afin qu'elle soit fière. Je n'avais pas conscience des efforts et des difficultés pour que cela arrive, je savais seulement qu'il fallait le faire. Alors le lendemain du drame, je m'étais levée, avait mangé ce que je trouvais de moins brûlé et avait marché, tout droit, encore et encore jusqu'à ce qu'un jour une patrouille de l'armée me retrouve. Les mots de ma promesse étaient devenus une rengaine qui remplaçait tous les autres mots du monde, jusqu'aux paroles des gens qui m'entouraient.
"Survis ma puce, survis et vis pour nous trois. Et si un jour ton cœur réclame vengeance, là encore, survis" Furent les mots de ma mère ou en tout cas ce qui était inscrit sur le parchemin de ma mémoire. Mais ils m'avaient aussi inculqué que la vengeance ne menait à rien, en aucun cas, si bien qu'avec le temps et en présence de Keyoke j'avais juré à Zewen pour que mes parents sachent que je vivrais sans vengeance.

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 Sujet du message: Re: Domaine Lothandre
MessagePosté: Jeu 16 Aoû 2012 23:04 
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- Madoka !

La voix autoritaire de Morlet me sortit irrémédiablement de mes pensées. Je m'avançai d'un pas et sortis de ma cachette d'ombre. Le seul officier sans casque regarda l'endroit d'où je venais et fit une drôle de moue que je pris pour une preuve d'admiration, après tout, pourquoi pas.
Il avait une chevelure impressionnante, de la couleur des blés et bouclée jusqu'aux pointes. Une masse coupée au niveau des épaules qui caressait les épaulettes de son armure plus brillante qu'un uniforme de cérémonie. Son visage paraissait presque juvénile avec ses sourcils fins, ses tâches de rousseur et la rondeur de ses joues, mais ses yeux étaient d'une tout autre nature. Il était né pour être soldat et ça se lisait dans son regard d'acier.

- Par Yuimen jeune fille, que vous est-il arrivé ? La main sur le pommeau de l'épée et l'œil aux aguets … il ne manquait plus que l'évocation d'un duel contre le malotru pour qu'il donne vie aux descriptions que nos fables faisaient des dignes chevaliers de Kendra Kar dont la propension au drame était aussi évocatrice de leur tempérament que leur puissance.
- Rien qui ne saurait être réparé par du repos et des simples, Messire. Répondis-je en jetant un coup d'œil vers Morlet pour qu'il me vienne en aide. Il s'interposa et discuta à mi-voix avec le jeune capitaine qui se redressa ensuite, visiblement peiné par ce que mon compatriote lui dit.
- Vous m'en voyez rassuré mademoiselle. Il regarda Morlet comme s'il lui dictait son texte mais heureusement pour nous tous un milicien en armure fit irruption dans la bibliothèque.

- Capitaine ! La famille est mal en point mais tous survivront. Je les ai fait conduire en lieux surs où des guérisseurs les attendent. Le patriarche souhaite s'entretenir au plus vite avec vous …
- Nous ne négocierons pas, aucune grâce ne saurait être accordée à ce crime.
- Capitaine … il ne s'agit pas de grâce. Je le crois au contraire capable de vous demander le rôle du bourreau.

Je réalisai alors la présence de Xavier de Lothandre, détaché mais à genoux entre deux miliciens armés de lances. Il n'était plus que l'ombre de lui-même, l'air triomphant qu'il arborait lorsque je me trouvais à sa merci était un lointain souvenir, son visage était trempé de larmes et de sueur, son maintien jadis présomptueux était celui d'un pleutre mais il y avait dans son regard une expression belliqueuse persistante qui vacilla lorsqu'il me vit avec un sourire plus mesquin et conquérant que jamais aux bords des lèvres, lui offrant ensuite un facétieux baiser d'adieu.

- Ça t'amuse ?
- Un peu … un peu beaucoup.

Le capitaine avait envoyé ses soldats fouiller toute la maison, on l'entendait aboyer ses ordres depuis l'autre bout de la maison. Rien ou presque n'échappa à leur expertise et nous dûmes rester dans la bibliothèque jusqu'à son retour, ce n'était qu'une recommandation d'après eux mais nous le prîmes pour ce que c'était. La milice, bien qu'infiniment reconnaissante, reprenait les choses en main ce qui de mon point de vue était tout à fait acceptable et de les savoir loin de moi n'était pas pour me déplaire.
Ils avaient eu beau nous remercier, nous congratuler, promettre à Morlet une récompense au delà de toutes ses espérances, je n'en étais pas moins pressée de m'en aller avant que l'ironie de la situation ne soit abîmée par ma paranoïa. Il y a à peine quelques jours j'aidais un pirate à voler un navire en tendant un piège aux soldats qui montaient la garde et malgré ma discrétion ce soir là et mon apparence physique très différente … je n'étais pas spécialement en paix.

- Qu'est-ce que Keyoke t'as dit à propos de mon départ d'Oranan ? Demandais-je sans préambule avant qu'on ne se sépare.
- Tout, mais pas sans assurance tu t'en doute bien.
- Tu crois que j'aurais du rester là bas ?
- Moi je serais resté, mais vous avez fait le bon choix à l'époque.
- Pfff à l'époque ?!? Ça ne fait même pas deux mois.
- La politique va très vite à Oranan.
- Et l'assassin, qu'est-ce qu'il est devenu ?
- J'n'envie pas sa place. Il est devenu fou quand il a apprit ton départ, selon lui tu aurais du lui être apportée en dédommagement, que son anonymat devrait prévaloir sur ta vie. Il est tombé de son piédestal, n'est engagé que pour des assassinats minables d'hommes déjà publiquement reconnus comme criminels. Je ne serais pas surpris qu'il en fasse parti d'ici quelques semaines. Ceux qui avaient souhaité ta mort au départ ne l'ont fait que pour apaiser le désordre causé par son caprice, et ils lui tournent maintenant le dos.
- Tout ça parce que je l'ai vu assassiner deux gars. Et dire que je l'ai trouvé magnifique. Pas Lui, précisais-je devant le regard perplexe de Morlet, ses mouvements, sa souplesse, sa vitesse, la manière dont sa lame virevoltait.
- Si y'a que ça … je peux faire virevolter ma lame aussi, dit-il avec un sourire sincère.
- Toi t'es une grosse brute. Jamais vu un elfe aussi balourd d'ailleurs.
- Normal, t'as vu ces muscles !!

Malgré la fatigue, malgré la tension accumulée au cours de la nuit nous parvînmes à discuter et rire sans faux semblant. Une manière de revenir doucement à des pensées plus banales, de se préoccuper peu à peu de nous et non des problèmes à venir.
La voix du capitaine nous parvint à l'autre bout du couloir, mon signal de départ. Morlet et eux allaient reprendre la suite de l'enquête et s'occuper des membres de l'ordre du chaos dans Kendra Kar, et moi …

- Tu as des projets ?
- Me reposer !!
- Vous l'avez plus que mérité mademoiselle, si je puis me permettre d'intervenir.
- Faites Capitaine. Qu'avez-vous prévu pour votre prisonnier ?
- Ce n'est plus de mon ressort. Mais je gage qu'il ne reverra la lumière du jour qu'au crépuscule de sa vie.

- Capitaine, dis-je en me penchant en avant pour le saluer, Chef, ajoutais-je pour Morlet.
- Vous nous quittez ?
- Oui, mon messager et elle ne participeront pas à la suite de l'enquête, répondit le semi-elfe.
- C'est préférable. Ne vous méprenez pas, nous vous devons beaucoup ce soir, mais je n'aime pas voir les femmes prendre les coups à ma place.
- C'est tout à votre honneur … Chevalier.
Il eut le mérite de ne pas prendre mes mots au pied de la lettre et se contenta de sourire et de rougir très, très légèrement.
Je les saluai à nouveau et me dirigeai vers la sortie lorsqu'il me héla.

- Mademoiselle … Madoka, c'est cela ? J'acquiesçai en remuant le menton.
Merci.

Que répondre à ça ? Mais je vous en prie ? Tout le plaisir était pour moi ? Je n'ai fait que mon boulot ? Aucune des réponses n'était vraie et je lui devais bien un minimum de sincérité après ce simple mot empli de plus de gratitude qu'une montagne de Yus.
Mais je ne trouvai aucun mot, je lui souris chaleureusement, joins mes mains vers le bas et fis une profonde révérence. Mais lorsque je me redressai ce fut Morlet qui m'apostropha.

- Hé la teigne !
Merci !
Je pouffai de rire et rassura le capitaine d'un clin d'œil afin qu'il cesse de toiser le semi-elfe comme sa prochaine cible d'entrainement. Je me dépêchai de sortir et leurs voix me suivirent quelques temps. Ces deux là n'étaient pas fait pour s'entendre mais pouvait en revanche devenir le parfait duo pour mener à bien n'importe qu'elle mission. J'entendis le capitaine maugréer encore et encore contre les mauvaises manières et le mauvais fond de Morlet qui lui répondit qu'il perdait son temps en voulant faire de ses filles des princesses de château.

J'étais heureusement trop loin pour saisir la suite.

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