L'aniathy sembla soudain un peu triste, avant de répondre avec véhémence :

« Ce qu'il m'est arrivé ? À ton avis ? Si je suis transparente c'est que je suis morte, sur un bûcher pour être précise. Et maintenant, je te souhaite bien du plaisir, tu as passé suffisamment de temps entre mes mains. »

Choqué, Faëlis la regarda s'évanouir dans les airs en criant :

« Non ! Attends ! Pourquoi ? Qui t'a fait ça ? »

Mais tout avait été dit, elle avait répondu à une question et elle était partie.
Le jeune elfe se voûta et regarda autour de lui, misérable. La pièce blanche avait quatre portes. Il n'y avait aucune source de lumière. Tout portait à croire qu'il avait quitté une illusion pour en trouver une autre, plus neutre. Sortirait-il jamais de ces lieux ? Que pouvait-il faire ? Un monstre avait brûlé cette mignonne petite poupée et, aussi capricieuse soit-elle, elle ne le méritait pas. Mais que pouvait-il y faire ?
Rien à part aller de l'avant. Aussi, il avança droit devant lui et prit la porte en face.

D'une main qu'il aurait voulu plus ferme, le jeune elfe poussa la porte et entra dans une nouvelle pièce. Coup de chance, il n'y avait pas ici de chaos monstrueux et dévasté, mais plutôt une bibliothèque, petite mais cossue. D'une certaine manière, il se serait presque senti dans son élément, après les heures qu'il avait passées dans la bibliothèque familiale. Mais dans celle-ci, l'attendait une étrange tête fantomatique, semblable à celle d'un clown sinistre, en lévitation au-dessus d'un trône. Un frisson agita les épaules du garçon. Il préférait de loin la présence de la fillette à cette triste créature.

« Il t'en aura fallu du temps pour te dépêtrer du subterfuge de Dolly ! »

Ce devait être le nom de l'aniathy. Le clown, malgré son air inquiétant, semblait moins capricieux et plus aimable de Dolly, aussi, Faëlis se détendit un peu. Ce personnage était peut-être sympathique, finalement. Il semblait aimer les livres lui aussi, et voulait poser une question sur le sujet.

« Pourquoi ne peut-on pas glisser un morceau de parchemin entre les pages 103 et 104 d'un livre ? »

L'elfe fronça les sourcils. Quelle étrange question... Les livres avaient-ils les pages collées, ici ? Non, il semblait peu probable que l'énigme porte sur un lieu particulier. Le clown semblait parler des livres en général...
Faëlis se prit à rêver du temps de l'innocence, pas si lointain, lorsque le monde extérieur se résumait aux livres qu'il pouvait consulter bien à l'abri, dans le cocon familial. Puis, il avait assisté à l'enlèvement de la belle Célimène... et depuis... disons que sa vie était devenue plus palpitante.
Il se secoua et ramena son esprit à la question. Les pages 103 et 104 ? 103 et 104... même chose que 3 et 4... ou 1 et 2 !
Il éclata de rire :

« J'ai lu beaucoup de livres dans ma vie, un seul permettait d'insérer un parchemin entre la pages 103 et 104... à cause d'une erreur du copiste ! Car il s'agit là en principe du recto et du verso d'une même feuille, et on ne peut glisser une page à l'intérieur d'une page ! »

C'était la bonne réponse, bien sûr. D'aussi beaux cheveux ne pouvaient cacher d'un cerveau parfait. Le clown le félicita et disparut en disant qu'il lui accordait une faveur.
Mais en fait de faveur, une bibliothèque coulissa révélant... un squelette ! Décidément, cet endroit était de plus en plus glauque...
Cependant, aussi sinistre et bien plus menaçant, apparut ensuite un jeune shaakt. L'elfe avait beaucoup entendu parler des maléfiques elfes noirs. D'après la légende, ils avaient pu être alliés des hinion à une époque, mais ils étaient maintenant contraints à servir Oaxaca. Celui-ci portait une armure sombre et complexe, quoique très élégante. Il n'était pas dépourvu de grâce, mais cela ne suffit pas à empêcher Faëlis de porte la main au pommeau de son épée.
Néanmoins, il ne fit aucun mouvement agressif, se contentant de tourner un regard triste vers le squelette. Faëlis resta figé, tendu, prêt à dégainer au moindre mouvement brusque. Il craignait hélas de n'avoir que peu de chances à l'épée contre un tel personnage. Son épée était impressionnante et il savait sûrement mieux la manier que lui.
Mais au bout de quelques secondes, l'elfe blanc compris qu'il était le seul à se tenir prêt au combat. Allons, s'agissait-il de quelqu'un d'autre prisonnier ici ? Dans ce cas, peut-être pourraient-ils apprendre quelque chose de lui...
Sur la défensive, il déclara :

« Mon nom est Faëlis Nyris'Kassilian. Qui êtes-vous ? Que faites-vous ici ? Pouvez-vous m'expliquer ce qui se passe ici ? »

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Le jeune shaakt à l'air un peu triste lui raconta son histoire. Il se nommais Alfy et affirmait être l'un des anciens propriétaires des lieux, moins puissant, que les trois esprits qu'avaient déjà entendu Faëlis. Il s'approcha du squelette et Faëlis, paralysé de stupeur, ne réagit pas à temps pour l'éviter. Mais il vit alors le bras du jeune homme qui passait à travers son corps et sentit son sang se glacer.
Encore un fantôme.
Cependant, celui là semblait en effet plus doux, plus triste... le jeune hinion sentit son cœur de soulever de pitié en le voyant s'agenouiller devant le squelette.

« J'étais quelqu'un qui avait tout pour lui, la beauté, le succès et face à cela, j'ai acquis ce manoir pensant faire une belle affaire. Mais le manoir a commencé à me rendre dingue, à me résister. Un escalier non loin de cette pièce fut un vrai problème causant la mort de certaines de mes maîtresses. La disgrâce s'abattit sur moi et finit par avoir raison de moi. »

Touché, Faëlis vint s’agenouiller à côté de lui. Sur une impulsion qui le surpris lui-même, il tendit la main pour effleurer le beau visage du shaakt, bien qu'il ne sentit rien que du vent sous ses doigts.

« J'aimerais te rendre tout l'amour que tu as perdu... » murmura-t-il.

Car après tout, l'autre était réellement beau garçon.

« Les trois autres esprits disent vouloir se libérer de ces lieux... Et ils nous ont fait venir pour ça. Cela pourra peut-être vous apaiser, à tout le moins. »

Il sourit doucement :

« J'aurais besoin de votre aide. Que pouvez-vous me dire du manoir ? Qu'est-ce que cet escalier dont vous parlez ? Et... je tremble de vous faire du mal mais je dois savoir... ce squelette, qui est-il ? »

Touché, le fantôme se mit à raconter son étrange histoire :

« Ce manoir est une demeure pour les fous ! Alors que je pensais tout espoir perdu parce que je perdais toutes les femmes que j'aimais, je me suis rendu à l'étage en passant par un des nombreux escaliers de la demeure. Ce que j'y trouvais me changea à jamais car je compris que je n'aspirais qu'à une chose le bonheur, le vrai bonheur. Je voulus annoncer la nouvelle à ma famille mais l'escalier traître céda mon poids, ma chute fut mortelle. »

Mort pour avoir cherché le bonheur ? Faëlis était un peu confus car cette histoire était lacunaire, mais il sentit son cœur se soulever. Qui aurait pu croire qu'il puisse se sentir aussi proche d'un shaakt ?

« Si tu regardes bien derrière ce corps sans vie, tu trouveras un album rempli de dessins et de lettres d'un jeune garçon dont l'innocence n'avait pas d'égal. Un jeune garçon qui a fait cet album alors qu'il n'avait que 10 ans, ce jeune garçon c'était moi. Je pense maintenant que tu as la réponse à ta dernière question. C'est bien mon corps devant lequel nous sommes agenouillés. »

Là, une larme se mit à couler sur sa joue, et une larme coula aussi sur celle de Faëlis tant il était touché. Il ne savait pas quoi dire. Il était partagé entre la révolte contre les responsables de tout ça, car il devait bien y en avoir, et la tristesse devant l'idée d'une vie brisée ainsi. Cela n'avait pourtant pas dû être facile pour un shaakt de se tailler une position si près de Kendra Kâr.
Se détournant, Elfy déclara que l'elfe blanc pouvait prendre ce qu'il voulait sur son cadavre.

Faëlis resta silencieux un moment, tentant de se remettre de tout cela. Il fallait... il fallait mettre fin à cette folie ! S'il devait démolir ce manoir pierre par pierre pour y parvenir, il le ferait !
Il s'efforça de se calmer pour fouiller le squelette aussi respectueusement que possible. Il comptait bien récupérer ledit album, ainsi que tout autre objet ou équipement qu'il pourrait trouver.
Ce faisant, il demanda :

« Pourriez-vous m'accompagner dans le manoir ? Pour m'aider et me guider ? Vos conseils pourraient m'être très utile. Je compte bien libérer tous ceux qui sont prisonniers de ce lieu maléfique... »

Réfléchissant, il en vint à poser une autre question, autant à lui-même qu'à l'elfe noir :

« Jusque-là, tous les maléfices que j'ai vu étaient dû à trois esprits... Serait-ce eux les être maléfiques ? Je ne peux le croire, surtout de la part de l'aniathy... mais elle était si capricieuse... Qui est responsable de tout cela ? »

Faëlis récupéra le journal du shaakt avec le désagréable sentiment d'être un pilleur de tombes, tandis que ce dernier expliquait être prisonnier de cette salle. Plus il parlait, plus son sort semblait ignoble. Pour lui, les trois esprits qui avaient accueilli les visiteurs au manoir étaient maléfiques, mais il ignorait s'ils étaient responsables de tout ça.

L'elfe blanc hocha la tête silencieusement. Puis, il se décida à ramasser l'armure, le casque et les brassards du squelette, les mêmes que portait le fantôme. Ce n'était pas des armes ordinaires pour un hinion, mais il sentait qu'il devait leur retrouver une utilité.

« Avez-vous trouvé votre bonheur ? demanda Alfy. Vous feriez bien de continuer votre route, je ne suis plus utile à grand-chose. »

Faëlis hocha la tête :

« Je sais que ce n'est sans doute pas par le fer que se résoudra le mystère de ces lieux, mais je vais quand même prendre votre armure. Sachez, en vérité, que je ferais tout pour l'utiliser à la bonne cause. »

Puis, après réflexion, il ajouta :

« Accepteriez-vous de me parler de ces maudits escaliers ? Que je sache quels risques j'encours ? »

« Je n’en attendais pas moins d’un fier guerrier comme toi. » répondit-il à propos de l'armure.

Le compliment fit frissonner Faëlis de bonheur.

Puis, le shaakt expliqua qu'un escalier au nord-ouest était piégé, qu'une marche cédait facilement. Faëlis hocha la tête, inquiet. Si seulement il pouvait trouver les autres pour leur expliquer tout ce qu'il savait !
Il prit le temps d'enfiler l'armure. Il aperçut avec surprise que, de ce qu'il en voyait, le métal noir et or devait lui aller bien mieux qu'il ne le pensait.
Néanmoins, le plus précieux était sans doute le carnet. Il entreprit de le feuilleter. Il n'y trouverait pas plus que n'en savait Alfy mais... peut-être certaines informations plus discrètes pourraient en réalité se révéler utiles...
Il releva la tête :

« Crois-tu que je puisse rester encore un peu pour le lire ? À moins que tu ne sois fatigué de ma présence, ce que je comprendrais, nous pourrions le lire ensemble. Tu es de loin la plus agréable compagnie que j'ai trouvée ici. Les autres ne seront sans doute pas aussi conciliants... »

Il réfléchit. Ce n'était pas en restant dans la même salle qu'il découvrirait tous les secrets du lieu, mais il avait peur que les esprits ne lui laissent guère de temps de lecture dans les autres salles...
Bien sûr il y avait aussi autre chose. Il avait peur de ces énigmes. Il n'y avait jamais été très doué. Il n'avait jamais eu à résoudre de mystère dans sa vie protégée, hormis comprendre pourquoi une fleure se flétrissait dans la serre...
Pourtant il devait continuer. Si ce n'était pour lui, ce serait au moins pour mettre fin aux tourments d'Alfy.
Cela ne l'empêchait pas d'être angoissé à l'idée de passer une porte...

Le shaakt insista sur l'importance de continuer l'exploration et de retrouver ses compagnons. Des paroles sages, hélas. Faëlis soupira. Il se leva et fit une révérence.

« Qu'il en soit ainsi. J'espère pouvoir aider ton âme à retrouver librement le repos. Adieu. »

Se tenant bien droit, magnifique dans sa nouvelle armure, il regarda les différentes portes. Laquelle prendre ? Alfy l'avait mis en garde contre les escaliers au nord-ouest. Il fallait qu'il arrête tous ceux qui voudraient prendre cette direction... Il se dirigea donc vers la porte ouest.

(Hauts les cœurs ! Un Nyris'Kassilian n'a pas peur des maléfices !)

Il passa dans la salle suivante.