Amarante fut conduite à l'extérieur, sans même que Selen ne se soit retourné pour observer l'assemblée malade. Trà Thù, lui avait été interpelé par la remarque de Warren. Il passait sa tête par la porte, toujours un grand sourire au visage.

« Allez allez ! Je suis de bonne humeur oui, on va peut être mourir, je voudrais pas que la dernière image de moi soit celle d'un homme trop triste et froid. J'vois que vous êtes un peu malades, nous aussi on l'était cette nuit comme je vous le disais. Mais c'est vite passé, on est de nouveau d'aplomb ! Levez vous et sortez, prendre l'air pur du dehors vous fera du bien. »

Un temps passa, il regardait l'assemblée avec un rictus grandissant, voyant que vous étiez un peu trop fatigués pour comprendre immédiatement sa blague, il éclata de rire et quitta la maison.

Depheline, qui était déjà sortie hors de la maison pour vomir, n'entendit que distraitement la blague que venait de lancer Tra Thù. Par ailleurs, le voir rire à gorge déployée de cette façon la laissa une fois encore pleine d'incompréhension. Aller droit vers la mort le réjouissait donc à ce point ? Il était vrai qu'elle était parfois une solution de facilité et dans le fond, Depheline regrettait presque de ne pas l'avoir expérimentée sur Amarante. La nature humaine conduisait souvent les êtres à se comporter de manière égoïstes. Pourtant, la magicienne regrettait de ne pas l'avoir était sur ce coup-là.

« Plus personne n'a... de... potion de soin ? », demanda-t-elle d'une voix mal assurée. Elle avait donné sa dernière dose à Aztai. Puis, songeant au fait que Selen avait fait usage de fluide blanc devant eux, elle se tourna vers lui, avec néanmoins, très peu d'espoir de le voir donner suite à sa requête.

« Soigne-nous... avec ta magie... S'il te plait... On est si mal... Tu auras besoin de toute l'équipe, pour finir... notre mission...»

Elle toussa et cracha du sang tandis que ses yeux se voilaient à nouveau. Elle espérait que les autres malades l'appuieraient, même si elle n'ignorait pas la nature individualiste du manipulateur de lumière. Il semblait de moins mauvaise humeur aujourd'hui, alors peut-être, l'espoir était-il permis...

Le temps passe et rien est fait. On devrait déjà être dehors en train de s'occuper de cette créature qui fait tant de 'bruits', mais non, on reste bien au chaud dans nos cases. Je suis si pressé de sortir d'ici, de cette cité maudite que à mes yeux le temps passe trop lentement. J'ai encore du mal à me tenir debout tellement la douleurs est intense, mais un homme ça ne faiblit pas, quelque sois la situation. Pour qui je vais passer si je commence à gémir et à vouloir me reposer ? Un faible, voilà je vais passer pour un faible. Sur ce Trà Thù nous invite à prendre l'air, prétextant que ça irai mieux pour nous. Apparemment lui et le reste de la troupe ont eu la même chose que nous, ce qui peut confirmer la suggestion sur le fait que c'est probablement la fumée d'hier qui nous a tout simplement rendu malade. Bref, si Trà pense que sortir dehors nous ferai le plus grand bien, je suis largement preneur !

-"Ouais, j'y vais ça serai mieux effectivement ..."-

Au moment où j'allais franchir la porte une nouvelle fois, j'entends la magicienne rouge demander si quelqu'un n'a pas des potions pour nous aider à nous rétablir. Je voudrais bien l'aider mais d'une part je n'ai pas ce genre de préparations sur moi et d'un autre côté je suis moi aussi dans le même état qu'elle. À chaque instant je manque de m’effondrer au sol ou de rendre par terre, je fais tout pour me retenir sur mes deux pieds. La mage demande alors à l'elfe sombre de faire usage de sa magie pour nous aider, en ajoutant qu'il aura besoin de nous pour vaincre la créature plus tard. Je n'aime pas cet elfe, je n'aime pas son attitude ni sa manière d'agir, mais je dois bien l'avouer que ce coup-ci … On a effectivement besoin de lui, enfin eux, pas moi. Je préférerai marcher à quatre pattes que d'accepter son aide, sa suffisance m'exaspère et j'aurai l'impression de quémander une 'grâce' à quelqu'un qui à l'air de se considérer comme supérieur à nous tous. Je ne me rabaisserai pas à accepter son aide, ils appelleront ça comme ils le veulent après tout.

Toujours accompagnée de son coéquipier, Amarante sortit à l’extérieur des habitations, habitée encore de sa léthargie. Aussi molle qu’une branche de céleri fané, elle avançait perdue, retenue par un bras salvateur qui l’empêchait de s’écrouler. Au loin, elle entendit des suppliques qui ne lui inspirèrent aucune sensation, aucune émotion. Ce n’étaient que de simples paroles sans intérêt qui ne la concernaient pas.

Devant lui, car Ziresh s'était retrouvé bon dernier, le groupe avançait à un cadence lente, mais néanmoins suffisamment élevée pour l'interpeler. Il aurait voulu s'affirmer et crier qu'il avait besoin d'aide, mais quelque chose l'en empêcha. Il ne sut déterminer s'il s'agissait d'une pseudo fierté, d'une gêne, ou bien tout simplement le fait qu'il se sente incapable de d'user suffisamment de force pour porter sa voix plus loin.
Il ne put que se contenter de gémir en avançant derrière Depheline. Sa peine était si grande qu'il en devenait presque pathétique...

"Aaah! J'y arriverais jamais... J'ai... J'ai envie de pleurer!"

Pris d'une étrange mélancolie, de grosses larmes perlèrent sur ses joues velues, alors qu'il avançait, le museau pointé vers le sol. Levant un peu son regard, il suivait la chevelure de la rousse (la plus gentille, évidemment) qui semblait zig-zaguer devant lui. Aussi, il commença à tituber de droite à gauche, tout en essayant de comprendre ce qu'elle disait. Car elle parlait à l'attention de tous.
Des potions de soins, c'était une idée... Mais Aztai devait avoir tout utilisé, vu ce qu'il avait enduré... Alors la magie de Selen, c'était sans doute quelque chose à exploiter d'avantage...

"C'est vrai qu'un soin magique, ça ne peut faire de mal à personne..." marmonna-t-il pour appuyer Depheline.

Puis il avança encore, pas vraiment certain de pouvoir arriver jusqu'au bout... Mais au moins, il avait cessé de cracher du sang, même s'il en avait encore un goût écœurant dans la gueule.

Amarante qui fut la première sortie pourra constater que la ville semble être désertée, pas la moindre personne mis à par ses compagnons qui attendaient dehors. Selen lui retenant avec douceur mais fermeté le bras, l'empêchant de choir. Aztai était assis à même le sol, en tailleur. Il jouait aux osselets, l'air absent en se pourléchant sans arrêt les babines, faisant jouer la langue râpeuse sur son museau en lançant en l'air les os blancs.

Serpent venait de s'adosser au mur, les bras croisés, observant l'équipe quitter maladroitement la maisonnée. Selen, interpelé par une supplique maladive se tourna doucement et haussa les épaules en pinçant sa bouche.

« Je l'aurais fait avec plaisir... Mais je n'ai plus de fluides, et encore moins de fiole de soin. Rassurez vous, nous étions malades également. Mais le malaise est vite passé, marcher fait du bien. Les Prêtres sont passés nous voir, ils ont ouvert l'Antre des Exilés. Nous allons donc tuer la bête. La détruire afin que plus jamais elle ne soit une menace pour ces êtres ou pour d'autres. » Avait-il annoncé d'une traite, sans même prendre un repos pour retenir sa respiration. La nouvelle était tombée. Les aventuriers malades et ceux qui semblaient bien portants se toisaient maintenant dans un silence presque embarrassant, de temps en temps interrompu par les bruits d'os qu'Aztai n'arrivait pas à retenir entre ses paluches.

Serpent fut le premier à parler, invitant le groupe à se diriger vers la porte sinistre de l'Antre.