La scène devenait presque familière. La porte qui s'ouvrait, transformant l'ombre en clarté éblouissante. Puis, le sable apparaissait... mais tout cela n'était rien à côté des hurlements de la foule. L'arène des milles lances étaient encore plus bruyante que d'ordinaire. Le spectacle s'annonçait bien plus grand que le premier auquel avait participé Azra. Y avait-il une raison particulière à cette folie ? Impossible à dire. Le groupe entra. Un autre pénétrait dans l'arène par la porte opposé, composé en grande partie de morts-vivants. Azra fit la grimace. Pas à dire, il avait un don pour se fourrer dans les ennuis ! Il reconnut Rendrak dans le groupe, il ne dépareillait pas au milieu des guerriers squelettes et autres goules et zombies. Quelqu'un criait des commentaires qui étaient à moitié couverts par les cris des spectateurs, mais le jeune homme discerna l'annonce d'un être que tout le monde attendait, une création de Gadory encore invaincue. Il eut à peine le temps de penser que ça n'annonçait rien de bon qu'une forme imposante émergeait de l'ombre. Accompagné de son escorte de morts-vivants, un squelette énorme se présentait.
« Accueillez tous, Bony ! Le golem d'ossements ! »
Azra ignorait ce qui l'effrayait le plus. Les clameurs de la foule qui faisaient trembler le sol pour acclamer la chose ? Le fait que la chose soit un squelette de proportions colossales avec d'énormes lames à la place des mains ? Ou le fait que cette chose ait reçu un nom aussi ridicule que Bony ? D'après le commentateur, Bony avait remporté un nombre incalculable de victoires et tout le monde attendait de voir qui réussirait enfin à abattre cette brute décérébré de cinq mètres de haut. En même temps, Azra ne pouvait s'empêcher d'admirer la chose, d'une blancheur élégante, d'une puissance rayonnante. C'était une création extraordinaire.
(Il a bien dû falloir quatre ou cinq âmes pour animer cette créature. Ce Gadory doit être tout à fait compétent.) murmura Chandakar d'un air appréciateur.
Le groupe des vivants était supérieur en nombre au groupe des morts, mais l'équilibre risquait de vite s'inverser... Azra n'eut cependant guère plus de temps pour y réfléchir car la mêlé éclata. Les armes s'entrechoquaient tandis que les deux groupes s'étripaient joyeusement. Histoire de ne pas être en reste, le nécromancien s'y précipita à son tour. Le golem, particulièrement lent, n'était pas encore arrivé au contacte, il valait mieux en profiter... Autour de lui, plusieurs hommes d'Oranan se battaient férocement, poussant des cris aiguës pour ponctuer des coups de poings si bien ajustés qu'ils arrivaient à briser les vertèbres des squelettes. Azra avisa un osseux en armure et se précipita dessus en criant :
« Hayaaa... »
Curieusement, il lui sembla qu'il trouvait de la force dans ce cri, et le renversement envoya le squelette par terre. Dans la foulé, le pied s'éleva...
« … HAAAA ! »
… et écrasa la boite crânienne de son adversaire. Trop facile ! Mais voilà qu'une goule arriva à son tour, une infâme créature humanoïde blanchâtre qui bondissait ça et là en sifflant. Azra se précipita dessus, sa dague à la main. Aussitôt, la créature entreprit de tenter de la lui arracher avec ses longs bras. La lame les entaillait à chaque assauts, mais elle ne semblait pas s'en soucier. Si elle parvenait à désarmer le garçon, il ne pourrait plus rien contre elle. Il tentait donc de tourner autour, mais elle suivait son mouvement sans lui laisser d'ouverture et, fatalement, il finit par être attaqué par un squelette à proximité. Une épée lui entailla légèrement le bras et il riposta avec un cri furieux. Un revers de sa main ganté main suffit à faire lâcher son arme à son adversaire et la dague lui perfora le crâne, l'envoyant tomber en morceau par terre. Hélas, la goule profita de ces quelques secondes d’inattention pour bondir et jeter Azra par terre. Le jeune homme se trouva sur le dos, a essayer d'une main de tenir le monstre à distance. Tandis que des griffes lui déchiraient la chaire, il la lardait de coups de poignards. Des dents aiguës claquaient à quelques centimètres de sa gorge.
(Hors de question que je meure aussi stupidement !)
Il remonta la dague et la planta dans les yeux de la goule. En deux coups il l'avait aveuglée, mais comme elle était contre lui elle n'avait besoin que du touché pour le situer, et persistait à se révéler insensible à la douleur. Il planta donc l'arme aussi profondément que possible pour atteindre le cerveau. Cette fois, ça fonctionna. La goule lâcha prise et roula sur le côté, agitée de derniers spasmes.
Pas le temps de flemmarder ! Le golem d'os était arrivé à porté et avait empalé un homme sur ses piques avant de le jeter au loin. Sans réfléchir, Azra suivit la trajectoire du corps... et c'est ce qui lui permis de voir in-extremis la lance qui fondait sur lui. Un zombie monté sur le plus énorme loup qu'ai jamais vu Azra le chargeait ! Il plongea de côté et évita de justesse la lance. Puis il pesta. Un cavalier -louvetier ? - zombie était passé en trombe avant de continuer plus loin sur sa lancé. Sans doute le compagnon d'un nécromancien qui participait au combat comme Rendrak. D'ailleurs, Rendrak était un peu plus loin. Le bâton trois-crâne toujours attaché dans le dos, il faisait tournoyer son terrible crochet, balayant toute opposition, et parfois quelques squelettes de façon 'accidentelle'. En fait, Azra le soupçonnait d'infliger volontairement des pertes de son côté pour éviter que son camps l'emporte, ce qui signerait la mort de son maître.
Problème : il finit par tomber sur Kiyoheiki qui se battait à côté de l'assassin de la cellule. Ils n'avaient pas tardé à nouer des liens ces deux là... Mais il ne fallait surtout pas que Rendrak les tue ! Hélas, maintenant qu'il était devant eux, il n'avait d'autre choix que de se battre. Le jeune homme se précipita, esquivant une épée qui tenta de le transpercer au passage, renversant un squelette d'un coup de coude dans le dos, permettant à son adversaire de l'achever avec une masse d'arme, puis se jeta devant Rendrak. Le liykor martelait le sol de sa chaîne dans ses tentatives pour écharper le semi-shaakt et son compagnon. Priant pour qu'ils ne sachent pas reconnaître une simple désinvocation de nécromancien, Azra joua la comédie :
« Au nom de Phaïtos, retourne dans les limbes, créatures de l'enfer ! »
Il appela ses fluides pour que ceux-ci dessines les ombres de la magie sur son corps, puis désinvoqua son compagnon. Le liykor tomba en poussière.
« Dette payée ! » s'exclama-t-il avec un clin d’œil à l'intention des deux hommes.
Il faudrait penser à donner sa raclé à Rendrak pour avoir faillit tout faire raté. Mais avant de pouvoir parler d'avantage, son attention fut attiré par le golem qui semait la mort parmi les mortels.
« Je vais tenter quelque chose... »
Il chercha des yeux le louvetier zombie et le trouva sans peine, en train d'embrocher un adversaire dans une énième charge. Aussitôt il se précipita das sa direction. Anticipant le prochain passage, il tenta tant bien que mal, au milieu de la cohue, de déterminer une trajectoire d'interception. Puis, il s'élança ! Alors que le zombie chargeait, lance en avant, il arriva juste à temps pour saisir la selle. Il fut traîné derrière le loup sur quelques mètres, heureusement ses bottes tinrent bon et il parvint à monter en croupe. Le zombie poussa un hululement de stupeur.
« Tu aurais dû prendre un cheval, mon vieux, j'aurais eu plus de mal à grimper dessus ! »
Il tenta de lui planter son poignard dans la tête, mais le zombie lâcha sa lance et se débattit, envoyant des coups de coudes derrière lui et cherchant à saisir sa propre dague pour se débarrasser de son passager indésirable. Sa puanteur agressait les narines à un point qu'elle en devenait presque un ennemi consistant. Un bras autour du torse de son adversaire, encaissant des coups de son coude osseux et bataillant de l'autre main pour atteindre son œil, Azra commençait à se demander si sa manœuvre était si bien pensée. La situation menaça de devenir critique quand le zombie sortit sa dague pour tenter de le larder de coups. Heureusement, il n'était pas facile de viser quelqu'un dans son dos !
(Quelqu'un a une idée pour m'en sortir ?)
(Tu es un nécromancien, oui ou non ?) grinça Arek.
Se maudissant intérieurement, Azra chercha un sortilège capable de l'aider, puis canalisa ses fluides et appela :
(Kadhân, guerrier des temps anciens ! Répond à mon appel !)
Il n'avait pas fait revenir ce spectre depuis son combat contre lord Kaïn, mais le moment semblait bien choisi. Contraint par la magie, le spectre renâcla mais finit par prendre possession des bras du jeune homme et attaquer par sa main. Les attaques d'Azra se firent alors plus vivent que tout ce qu'aurait pu accomplir un humain normal. Le zombie, dépassé, reçut la dague dans l’œil et poussa un nouveau cri guttural. Pourtant, il ne tomba pas en poussière. Toujours hurlant, la lame planté dans le crâne, il fit faire une embardé à sa monture, autant pour désarçonner Azra que pour éviter le mur de l'arène qui approchait à grande vitesse. Le jeune homme manqua de basculer de côté et ne resta en selle que parce qu'il se tenait au cavalier. Cela déséquilibra aussi son adversaire qui tenta de lui entailler les bras de sa dague pour le faire lâcher. Les dents serrées pour ne pas hurler tandis que la lame mordait sa chaire, Azra canalisa ses pouvoirs en une main de ténèbres qui frappa le zombie. Pris par surprise, il bascula de l'autre côté dans un mouvement qui remit Azra en selle. Le zombie, en revanche, vida les étrillés et s'écrasa par terre, hors de combat. Azra chassa l'âme de Kadhân qui retourna dans les limbes en grondant des menaces, puis saisit les rênes du loup. Celui-ci, sentant qu'il n'était plus commandé par son maître, se mit à ruer en grognant férocement. S'accrochant de toutes ses forces, Azra serra ses bras autour de son cou. Le but était avant tout de se tenir, mais il remarqua bien vite que cela semblait incommoder énormément la bête.
« Hé ben mon vieux, fait ce que je te dis et je te laisserais partir ! »
Le loup, évidemment, ne se laissa pas faire pour autant, se cabrant et ruant, il finit même par rouler par terre. Azra, toujours sur son dos, eut l'impression de recevoir une énorme masse dans l'estomac, mais il tint bon. Le loup se redressa en hurlant et se mit à tourner sur lui-même pour tenter de le mordre.
« Tu vas te calmer, sale bête ? »
Le jeune nécromancien peinait à maintenir ses mollets hors de porté des crocs furieux. Il devait bien y avoir un moyen... un point faible... Toujours accroché au coup de la bête, il continuait à tenter de l'étrangler, mais n'avait pas assez de force pour la dompter ainsi. En revanche, il avait quasiment le nez dans les oreilles pointues de l'animal et cela lui donna une idée. Ramenant tant bien que mal une main, il pinça l'oreille en se disant que de toute façon, il ne pourrait pas déclencher une situation pire que celle où il était.
Erreur.
Le loup bondit littéralement en hurlant. Azra faillit être éjecté, ce qui serait signer son arrêt de mort car il se ferait aussitôt dépecer par le monstre. Une nouvelle roulade lui coupa le souffle et une vive douleur lui signala que certaines de ses côtes menaçaient de lâcher. Des étoiles devant les yeux, secoué comme un pantin, à demi-inconscient, Azra ne tenait que par sa volonté, serrant toujours l'oreille de l'animal. Finalement, après ce qui sembla des années de souffrance, mais en réalité n'était sans doute qu'une trentaine de secondes, le loup se calma. Soufflant, la langue pendante, il fit encore quelques embardés, puis se calma, épuisé. Cela surpris tellement le jeune homme qu'il resta un moment immobile, se demandant ce qu'il était sensé faire, maintenant. Où était-il ? Pourquoi s'être attaqué à ce loup ? Sa main flatta le pelage noir luisant de la bête, il était chaud et animé des soubresauts de sa respiration haletante.
« Brave gars... T'es un battant, hein ? Comme moi... on est fait pour s'entendre... »
Pourquoi avait-il dit ça ? Bon sang, son esprit était complètement vidé ! Heureusement, des hurlements lui remirent les idées en place : le monstre d'ossements, gardé par les derniers survivants du camps des morts-vivants, faisait un massacre. Son plan lui revint à l'esprit. Un plan hasardeux par rapport aux risques qu'il avait pris, mais il n'avait pas le choix.
« Aller, on va retrouver la lance de ton propriétaire... »
Il fit un rapide tour de l'arène, saluant la foule au passage. Le loup renâclait encore un peu, faisant des écarts et tentant de mordre dès qu'Azra tirait un peu trop sur les rênes. À sa décharge, le jeune homme n'avait jamais eu de monture, et il trouvait que finalement, il s'en sortait plutôt bien. Finalement, il trouva la lance et parvint à la ramasser au passage. Encore une manœuvre compliqué, mais il n'avait pas assez confiance pour démonter. Le loups s'en irait sûrement bien vite et le laisserait planté là. Bon sang que cette lance était lourde ! Il avait les bras en feu et l'épuisement guettait... Mais il orienta tant bien que mal le loup vers le golem. Il allait approcher par l'arrière, espérant que la chose, occupée à charcuter tout ce qui passait devant elle ne le verrait que trop tard.
Et il chargea. Le vent dans les cheveux, une exaltation nouvelle courant dans les veines, il fondait vers sa cible. Les gladiateurs encerclaient le golem et tentaient de le blesser mais ses os solides encaissaient bien et ses énormes lames rendaient toute approche difficile. Le problème était qu'à cause de ses ennemis, elle tournait sans cesse sur elle-même, Azra n'avait plus qu'a prier pour qu'elle ne soit pas face à lui quand il arriverait. Plus que quinze mètres... Des ynoriens se battaient en poussant leurs étranges cris de guerre. Plus que cinq mètres. Transporté, Azra se joignit aux voix des combattants :
« Surprise, Bony ! Hayyyaaaaa... HÉÉÉÉ !!!!!!!!!!! »
Au dernier moment, le guerrier d'ossement commença à se retourner, mais trop lentement. La lance le percuta de plein fouet et se brisa, l'omoplate colossale se fendit et les os se dessoudèrent. Un des énormes bras garnis de lames se détacha... mais l'autre frappa. Gravement touché, le monstre riposta furieusement et Azra, trop épuisé et ne maîtrisant pas assez sa monture, prit le coup en pleine face. Il se sentit décoller, puis heurta le sol, et ce fut l'obscurité.
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David le nerd
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