Précédemment => Quitter le nidCes êtres à la peau bleue
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Les indications ne l'avait pas trompé, il arrivait bien au pont délimitant la ville en deux quartiers. Kalas était passé devant l'hôtel de ville, avait emprunté nombres de rues commerçantes et perdu le sens de l'orientation plusieurs fois avant de se retrouver ici.
(D'après le livre que j'ai lu, le quartier Humain se trouve de l'autre côté de ce pont. Et bien, allons-y)En marchant sur la passerelle, le jeune homme remarqua la très nette différence d'architecture entre les deux parties de la ville, comprenant bien la distinction entre Humains et Sinaris. Lors de sa promenade dans les rues, Kalas découvrit un Dehant totalement distinct de son homologue, arborant cette fois-ci nombre de bâtisse en bois verni. Les rares édifices en pierre taillé qui se distinguaient étaient plutôt officiels, du moins à vue d’œil.
Le jeune homme, après plusieurs heures de recherche, parvint à trouver une auberge, ressemblant davantage à un bar qu'un endroit où dormir. Toutefois, une belle enseigne indiquait l'endroit comme étant « l'Auberge du Pied Chaussé », dans des airs de calligraphie très soignée. Indifférent à l'endroit où il allait passer la nuit qui commencait déjà à pointer le bout de son nez, Kalas poussa la porte, préférant affronter un dragon que de dormir sur la paille.
A l'intérieur, le jeune homme ne compris pas tout de suite où il se trouvait. La salle était assez pauvre en espace, bien que meublée avec beaucoup de goût. L'éclairage était très correcte grâce à de belles torches voilés, et on pouvait discerner à quelques endroits de larges fioles de verres contenant plusieurs lucioles. Une agréable odeur de viande se dégageait d'une porte recelant très certainement les cuisines de l'endroit.
Vide de monde, l'auberge n'émettait aucun des bruits qu'il avait eu l'habitude d'entendre lors des années passés avec son père.
(Où sont les rires ? Les braillements ? Et les bruits de festoiements?)Comprenant que l'endroit n'était pas l'un des plus joyeux de Yuimen, Kalas se dirigea vers ce qui semblait être le comptoir, compte tenu des chaises hautes qui le longeait. Là, il interpella l'attention d'une silhouette caché dans un coin d'une pièce adjacente.
« Excusez-moi ? Monsieur, excusez-moi ! »L'homme, à la peau étrange, se retourna le visage interrogateur. Il ferma ce qui semblait être un genre de coffret, puis s'activa jusqu'au comptoir pour rejoindre son client.
« Bonsoir, monsieur ! Vous désirez ? »Le coeur du jeune mage ne fit qu'un bond, quand il comprit qu'il ne faisait pas face à un humain. L'homme avait la peau d'un bleu azur éclatant, reflétant chaque rayon de lumière de la pièce. Sa chevelure ressemblait davantage à l'écume de la mer et la main qu'il posa sur le bois figurait comme palmée. Son visage, fin et gracieux, était pourvus d'une paire d'yeux bleu et profond comme le ciel, et de traits très affinés.
Incapable de comprendre à quoi il faisait face, Kalas s'exprima dans un bégaiement incompréhensible.
« Je...heu...Que... »Les oreilles pointues de l'être bleuté se dressèrent, et une pointe de fureur se dessina sur son visage pourtant si calme.
« Ha non ! C'est la troisième fois cette semaine que ces sales petits cons indiquent mon auberge aux poivrots rencontrés dans la rue ! Sortez-d'ici, ivrogne ! »« Quoi ? Mais pas du tout ! Je ne suis pas ivre ! »« Comment ? Vous voulez dire que... »« Oui...Heu, je viens juste pour savoir si vous auriez une chambre pour la nuit...Monsieur... »Consterné par son erreur, l'homme s'excusa hâtivement, dans un langage qui lui rappelait étrangement celui de son père quand il avait mal rendu la monnaie à un client.
« Moura me punisse ! Je suis vraiment navré, Monsieur ! Je vous ai pris pour… enfin les Sinaris, ils… Bref, oubliez cela ! »Agacé de ne pas savoir quelle type de personne il avait en face de lui, le jeune homme craqua et posa la question, quitte à vexer son interlocuteur.
« Je suis vraiment navré de vous poser cette question, Monsieur… ? »« Laïténia. Aïronis Laïténia. Mais appelez-moi « aubergiste », il y aura moins de confusion. »« Monsieur Laït… Monsieur l'aubergiste, mais vous êtes un… elfe, c'est ça ? »Amusé, le tenancier tapa le comptoir du plat de la main en rigolant quelques secondes, puis reprit le cours de la conversation.
« Oui, tout à fait. Enfin j'espère ! HAhaHA ! Pourquoi cette question, jeune homme ? »« Et bien, à vrai dire, c'est la première fois que j'en rencontre un... »Après un gloussement sourd, l'elfe bleu attrapa une choppe et le déposa sur le comptoir, puis posa le doigt sur un bouteille à proximité.
« Vous buvez quelque chose ? Je vous l'offre. Après la petite journée que j'ai eu, je ne vais pas pinailler pour un verre. »« Heu, un jus de fruit, merci. »« Tsssss… Un jus de fruit... »Après avoir débouché une belle bouteille contenant un liquide de couleur orange, il en versa quelques mesures dans la choppe et posa le coude sur la table.
« Alors, mon jeune ami. Au fait, vous êtes Monsieur… ?« Kalas suffira. »« Très bien, Monsieur Kalas. Il existe plusieurs sortes d'elfes dans ce monde, vous le saviez ? »Tout en sirotant son breuvage, le jeune homme répondit par de petits signe de têtes affirmatifs, laissant l'elfe prendre l'initiative de raconter son histoire.
« Je fais partie de la race des Earions, plus communément appelés « Elfes bleus ». Nous sommes plutôt nombreux, dans cette ville. Vous n'en avez vu aucun ? »« A vrai dire, j'ai vécu quelques semaines dans le quartier Sinari. »« Humpf… Vous avez perdu votre temps, dans ce cas. Les Sinaris ne sont que de sales petits… »L'elfe bleu continua dans un langage qui ne lui était pas commun, certain cependant qu'il s'agissait d'insultes dans sa propre langue.
« Bref, ne nous attardons pas sur eux. Vous vouliez en savoir plus sur mon peuple, si je ne m'abuse. Et bien, sachez que nous sommes les préférés de Moura, alors qu'elle a tentée de nous faire à son image. »« Moura, la Déesse de l'eau ? »« La seule et l'unique. Nous sommes les enfants de l'océan, et nous lui rendons hommage chaque jour. Vous saurez de part la nature de mes mains, et de mes pieds que je préfère ne pas vous montrer, que nous sommes très à l'aise dans l'eau. Il nous est possible d'y rester bien plus longtemps qu'un humain et nous pouvons également nous y déplacer bien plus vite. »« C'est fascinant ! »L'homme, avec un sourire ravi, déposa dans un sceau la choppe vide qu'avait laissé Kalas sur le comptoir. Il attrapa le torchon à sa ceinture et reposa les yeux sur son client, qui se laissa tomber de sa chaise.
« Bon, je vais fermer le bar. A cette heure-ci, personne ne viendra. Vous vouliez une chambre, au fait ? »« Oui, n'importe laquelle, je ne suis pas difficile. »« Vous comptez rester dans le coin combien de temps ? Je veux dire, vous êtes de passage ? »« Hem, je ne sais pas vraiment. Je pense au moins rester jusqu'à la fin de la semaine. »L'aubergiste sortit un papier et une plume qu'il trempa rapidement dans un petit flacon, avant de commencer à gribouiller. Après une petite minute de marmonnements à voix basse et de calcul mental, il reposa le papier et la plume sur le comptoir, en direction de son client.
« Bon alors, Quatre nuits, repas compris, avec le tarif habituel. C'est pas compliqué, j'ai arrondi à l'inférieur. Et puis, vous ne m'avez pas l'air d'un dingue, ils sont mauvais pour les affaires… Donc je me suis permis une petite ristourne supplémentaire. Ce qui nous fait un total de… Vingt Yus. Payable en fin de séjour. Il va par contre me falloir un acompte, au titre du quart de la somme, et une signature juste ici. »Concordant à peu de choses près avec les prix que proposait son père, Kalas n'y flaira aucune entourloupe. Il tendit les cinq Yus, que le tenancier rangea dans une de ses poches, puis signa à l'endroit indiqué. En rangeant son matériel, le tavernier en profita pour attraper la clef correspondante à la chambre et la posa sur le comptoir, avant de dénouer son tablier.
« Vous montez par cet escalier, et c'est sur la droite. Chambre numéro deux. Le premier repas peut être prit aux premières lueurs du jour. Sur ce, je vous souhaite une bonne nuit et un agréable séjour, Monsieur. »Kalas attrapa son sac par une lanière et monta l'escalier, sans prendre la peine de s'inquiéter à cause de l'obscurité. Une fois dans le couloir, peu éclairé, il prit la direction indiqué et se retrouva devant une porte gravé d'un chiffre "deux" verni. Le jeune homme glissa la clef dans la serrure, jusqu'à entendre le clic de déverrouillage de la porte. Il poussa cette dernière et la referma à clef, par prudence.
« C'est pas mal, ici. »La chambre était petite, de quoi subvenir à une seule personne. Un lit à l'apparence douillet était calé dans un coin, alors qu'une fenêtre en diagonale donnait sur la rue. Kalas prit le temps d'allumer la petite bougie qui se trouvait sur le coin de la table de chevet, puis ferma les volets en prenant soin de ne pas se coincer les doigts. Il esquiva au passage la petite caisse en bois lisse qui faisait office de coffre et d'armoire à la fois, avant de contempler un instant le tapis coloré au sol. En déposant son sac, il commença à se déshabiller jusqu'à finir en sous-vêtement, puis s'installa confortablement sous sa couverture.
Avant de s'endormir, Kalas repensa au pourquoi de son départ de chez les Bergallet. Il voulait commencer un réel d'entraînement afin d'être prêt à faire face à toutes les situations. Il lui fallait cependant une préparation adéquate. En sentant ses yeux se plisser de fatigue, il se promît d'y réfléchir demain, et s'envola dans un monde bien plus reposant.
A suivre => L'homme des bois