La terre tremblait, pendant que les héros réalisaient leur exploit. Non seulement sous le fait du sortilège lancé par Sirat, mais aussi parce que la destruction ultime de l’île avait commencé. Dans le sablier, les derniers grains s’écoulaient lentement. Au dernier, tout autour de vous serait détruit.
Mais ce n’était pas le souci premier des vaillants aventuriers. Le Gardien était là, et menaçait bien plus directement leur vie, de son énorme sabre. Les flashs d’Aenaria, au lieu de l’éblouir, attirèrent son attention, et il tourna vivement la tête vers la paladine… Il était prêt à frapper lorsque… Lorsque des petits traits de bois vinrent frapper ses yeux de roc rouge. Ça ne lui occasionna pas le moindre dégât, mais il tourna la tête vers le guerrier volant, monture de la petite lutine. Il tenta de les chasser d’un revers de sa lourde main à trois doigts. Ezak eut vraiment du mal à l’éviter, et le vent occasionné déséquilibra sa course. Tellement, d’ailleurs, que la lutine chuta, propulsée du maître d’arme par la vitesse. Elle allait s’écraser lourdement sur le sol, et ce choc lui aurait été fatal, si Margh n’était pas intervenu. Beuglant et galopant, il bondit avec une agilité surprenante pour un bestiau de son envergure, et rattrapa la lutine entre ses grosses pattes de minotaure, en amortissant très nettement le choc de la chute. Elle était vive, et elle le lui devait.
Ezak, lui, ne dut sa sauvegarde qu’à un courant ascendant qui le fit monter plus haut dans les airs, à l’instant où la main du Gardien allait l’écrabouiller sur un des murs… Un vent impromptu qui lui avait également sauvé la mise. Un vent magique, dont la source ne faisait aucun doute…
Le Géant était trop préoccupé à chasser le vert-luisant qui lui tournoyait autour pour prévoir la secousse qui défit le sol sous lui. Des lézardes et fissures incandescentes se firent plus larges, plus présentes, alors que le sol cédait littéralement. Le sortilège du Batardé fonctionnait à merveille, augmenté tant par la destruction de l’île que par la friabilité déjà existante du sol.
L’arrivée du monstrueux Karz, dans cet imbroglio chaotique, mit un point final au combat. La puissance de la créature fut suffisante pour finir de déstabiliser le Gardien, qui s’effondra sur lui-même, droit dans la lave… Il coula lentement, sans rien pouvoir faire pour s’en sortir, laissant un trou béant et brûlant dans le sol. Il avait complètement disparu dans la masse de lave, qui paraissait, du coup, plutôt profonde. Et menaçante. Des bulles de lave explosaient à la surface, manquant d’immoler quiconque s’en approcherait de trop près…
Les derniers grains du sablier étaient en train de tomber, et les secousses étaient de plus en plus fortes. La salle était devenue un véritable enfer de flammes et de roches ardentes. La lave coulait des murs, et rongeait le sol. Tout était-il trop tard ? Dans leur coin, le lutin et l’aldryde se serraient fort l’un contre l’autre. Peut-être sentaient-ils leur dernière heure arriver.
Et puis, une lumière vive fut projetée de la porte triplement scellée. Mâk, que tous avaient oublié, s’y était rendu en emportant avec lui les trois artefacts. Ceux-ci venaient de s’ouvrir, et les habits s’emparaient de lui, l’entouraient de toutes parts. À chacun d’entre eux finalement posé sur son corps, l’une des barrières s’ouvrait. Lorsqu’il fut totalement habillé, la porte fut accessible, et il l’ouvrit sans plus tarder. C’était de là qu’était venue la lumière. Derrière la porte, une pièce lumineuse, semblant totalement protégée des flammes de la salle du Sablier.
Et ce fut à cet instant que le plafond céda. Les décombres défoncèrent, dans leur chute, encore un peu plus le sol déjà bien abimé par la lave. Et avec ces décombres, c’est une cascade de pièces d’or qui dévalèrent dans la lave, remplaçant le sol de la salle. Des pièces d’or qui n’étaient pas sans rappeler quelques souvenirs à Karz… Tout cet or à portée de main… Et qui allait être détruit.
Mâk hurla :
« Vite, venez par ici ! »Il ne semblait plus rieur, ni fou. Sa mine était sérieuse et effrayée. Il pressait les étrangers à son île de le rejoindre… Si bien que ceux-ci ne purent récolter qu’une petite partie du trésor… Qui s’avéra déjà énorme. Margh, le lutin et l’aldryde, Fiki le bouc, tous ceux-là filèrent par les escaliers, comme s’ils ne voyaient pas la salle et Donald.
Une fois que tous furent à l’abri, Eliss, Ezak, Karz, (qui avaient tous les deux repris leur apparence normale entre temps), Guasina, Sirat et Aenaria, dans cette salle immaculée et lumineuse, au centre de laquelle une représentation illusoire de l’île était suspendue dans le vide, la porte se ferma, laissant le déluge se faire à l’extérieur. Sur la maquette, chacun put voir la destruction entamée de l’île. Des pans rocheux tombaient dans les cieux, les dragons fuyaient à tire d’aile, la forêt brulait, les rivières de lave avaient débordé. La Cité était parcourue de lézardes profondes, et certains toits s’effondraient…
Et puis, Donald Mâk intervint. Les bras tendus vers la maquette onirique, il se concentra. Tous purent sentir une nette affluence de magie intervenir. Une force immense, indescriptible… Et tout sembla se calmer. La terre cessa de trembler, la Mâkette (car c’était le nom de la machine magique…) se stabilisa, et tous perdirent connaissance, alors que même la lumière de la pièce s’éteignait.
Noir. Un voyage dans l’inconscience morbide d’une irréalité intangible. Plus rien n’était matériel, pas même la chair, pas même les os.
Et puis, chacun s’éveilla. Tout le monde était dans la même pièce qu’auparavant, sauf que celle-ci avait changé. Elle était moins irréelle, moins magique… Les murs étaient de pierres, et parcourus de runes sculptées. La maquette n’était plus en suspension, mais bien posée sur une large base de bronze. Elle était toutefois en couleur, et les détails étaient flagrants. Vous pouviez y voir le moindre habitant de l’île. Mais tout était tellement changé. La forêt était brulée en partie, et la tour des Cieux avait disparu. La Mine de Crayon s’était effondrée, et les dégâts étaient bien visibles, en ville. Pourtant, les habitants bougeaient librement, et se rencontraient joyeusement, comme s’ils sortaient d’un sommeil long et profond. Ces elfes identiques ne l’étaient plus. Et ils n’étaient plus prisonniers de leur armure mauve. Sur les prairies en face de la Citadelle à moitié effondrée, un lutin joyeux et une aldryde noble, vêtue comme une puissante mage veillaient, main dans la main, sur un gros bœuf qui broutait l’herbe verte.
Près de l’auberge, tout en bas de l’île, trois personnes pleuraient et se soutenaient mutuellement. Un vieillard au teint rose, et aux cheveux épars. Un vaillant jeune homme, tenant en main une cognée de bucheron, et une ravissante jeune femme élégamment habillée. Les Autres étaient redevenus eux-mêmes. Sur le seuil de l’établissement, un vieux gobelin bleu était appuyé, l’air hagard et lointain. Un simple d’esprit. Un nain jovial cueillait des fleurs en sifflotant joyeusement. Oui, car même Karak, qui ne s’était pas mis à l’abri, avait changé.
Mais de tous, Mâk semblait le plus touché. Il avait certes gardé son apparence, mais sa mine était désormais emprunte de tristesse et de regrets. Il commença à parler, sans que personne ne sache s’il s’adressait au groupe, ou à lui-même…
« Et voilà comment tout ça finit, ou commence. Une éternité d’insouciance qui m’a été libératrice, pour finalement retomber dans les jours mornes du reste de ma vie. Ô comme cette période de joies innocentes me manquera, quand l’ennui du quotidien aura repris ses droits sur moi. Au moins de tout ça, ai-je tiré une leçon : la réalité est comme elle est, et il faut l’accepter. Tenter de la changer, c’est s’enfermer dans l’inconscience, dans le rêve et l’imaginaire. Et la chute n’en est que plus rude. Chassez le naturel, il revient au galop… »Ses yeux tristes se tournèrent vers chaque aventurier présent, alors que son maquillage à moitié effacé révélait un âge sans doute plus avancé qu’il ne l’aurait paru.
« Je ne sais si je dois vous remercier ou vous haïr… Je vous dois de la reconnaissance, je pense. Car sans vous cette île ne serait plus. Et pour qu’elle subsiste, il vous faut désormais la quitter. Emportez cet or, il n’a aucune valeur ici. Au moins, cet idéal reste en place. Un monde où l’argent ne compte pas. Acceptez-le comme une récompense autant que comme une malédiction, car il ronge le cœur de tout ce qui vit, et n’apporte pas le bonheur. Le bonheur, lui, se cueille à la main, dans un champ de fleurs. Il grandit dans le sourire d’un enfant. Il s’épanouit sur les lèvres d’une femme, et persiste dans le rire d’un ami. Allez, étrangers. Et n’ayez aucun regret. »Un passage s’ouvrit dans le sol, et un escalier se déplia vers la zone d’embarcation de Kendra Kâr, là où tout avait commencé. La capsule dans laquelle vous étiez semblait être un aynore. L’île, si vous la voyiez en image, était déjà loin. Et Mâk y retournerait bien vite…
Avec un sourire mi-figue, mi-raisin, Donald Mâk vous faisait ses adieux. Il n’était plus l’aubergiste guilleret. Il était un inconnu, un mage puissant.
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[La dernière page du livre de la quête, de votre livre, se tourne. Ça a été un plaisir immense pour moi de vous mener d’aventure en aventure tout au long de cette presque année complète. Une quête qui a pris sept mois de retard… on peut dire que c’est un record ! (Ben oui, d’habitude, c’est bien plus ! ^^). Bref merci pour m’avoir fait rire, m’avoir ému, m’avoir fait suer pour les corrections, m’avoir comblé d’écrits de qualité, de personnages attachants, et de joueurs tous sympathiques. Si vous voulez bien, je vais arracher à votre plume désormais experte un dernier texte, qui formulera tous les événements décrits ci-dessus, et votre conclusion de la quête. Votre retour à la réalité, l’épilogue de cette aventure, et le prologue de vos prochaines péripéties.
Ah, et j’ai failli oublier : Vous parvenez à emporter chacun l’équivalant de 9 000 yus. Et vous serez gentil de me préciser deux équipements de votre fiche que je vais « améliorer » comme ultime récompense de quête. Un dernier geste de ce puissant enchanteur qui n’osera jamais admettre qu’il vous a tant récompensé.
Si vous avez encore la moindre question sur le contenu de la quête, ou une incompréhension quelconque, je serais ravi d’y répondre sur le sujet des questions. J’espère que tout ceci vous aura plu.
C'est un peu symbolique, pour moi de terminer la quête aujourd'hui, puisqu'il y a 5 ans très exactement, je m'inscrivais sur Yuimen, sans trop savoir ce que j'allais y faire, y vivre.
Merci à tous !]