L'Univers de Yuimen déménage !


Nouvelle adresse : https://univers.yuimen.net/




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 26 messages ]  Aller à la page Précédente  1, 2
Auteur Message
 Sujet du message: Re: La Taverne du Dragonnet d'Or
MessagePosté: Lun 11 Avr 2011 20:19 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Mar 5 Avr 2011 21:52
Messages: 16
Ma tête tangue de tous les côtés et ma vue est trouble.

"Allez, on se réveille."

Je me reçois un seau d'eau glacée à la figure. J'arrive mieux à percevoir ce qui m'entoure maintenant. Je suis dans une pièce, attachée fermement à une chaise. Le sol est directement taillé dans la roche et le plafond en latte de bois, il s'en dégage une légère odeur de vin.

"Je suis où, bordel ?"

Je me prends une claque sur la joue assez puissante pour l'engourdir. Et on m'hurle :

"Ce n'est pas toi qui pose les questions ici, compris ?"

Je tourne la tête vers mon agresseur et je m'aperçois avec surprise que c'est Irsigno qui se trouve devant moi. Dans le coin gauche, j'aperçois le tavernier déposer un seau d'eau au sol.

"C'est bon Korst tu peux nous lancer, envoie Béjine dans dix minutes pour nettoyer."

Comment ça pour nettoyer ? Korst hocha la tête, passa à côté de moi sans me regarder et il sort par la porte se trouvant sûrement derrière moi. Je reporte mon attention sur Irsigno puis mes souvenirs éclatent. Les raclures, ils m'ont drogué et livré à la garde. Cette trahison me rend furieux. Je me débats sur ma chaise, les lanières qui me retenaient, me lacéraient les poignets jusqu'au sang. Je me fiche de ne pas pouvoir utiliser mes mains, je lui arracherai la gorge avec mes dents.

"Sale enfant de chien, dis-moi où..."

Cette fois il m'envoie un coup de poing dans la mâchoire et la chaise et moi tombons à terre. Irsigno me releva et me lança un grand sourire

"Je te les déjà dit, ici ce n'est pas toi qui pose les questions. Mais si ça peut te rassurer, on ne t'a pas dénoncé. On n'a dit aux gardes que tu avais trop bu et Korst t'a amené ici."

Je me calme, cela devient intéressant.

"Comme je te les dis dans la ruelle hier, j'ai un petit boulot pour toi et j'aime bien savoir avec qui je travaille."

Le sourire s'effaça de son visage et me mit un autre coup de poing, mais cette fois dans l'arcade sourcilière.

"Pourquoi tu as tué ces trois personnes, Nakune ?"

Surpris par sa question, je reste impassible. Comment il sait que je suis recherché et que j'ai tué trois personnes ? J'avais fait attention de ne pas trop dévoiler mon visage et... Je lui avais dit mon nom, mais quel abruti. Je ne sais plus quoi faire, je me doutais bien que ce type était dangereux.

"Bon, je n'ai plus beaucoup de temps, tu vas me répondre ?"

Il sort un couteau et me le place sous gorge. Un filet de sang coula le long de la lame. Je n'ai trop le choix, faire le malin et mourir ou avouer et avoir une chance de vivre.

"Ok c'est bon, je les ai tués : le premier parce qu'il me gonflait, le second, une envie et la troisième... c'est elle qui a attaqué la première."

"Ce n'était pas difficile."

Il dirigea son couteau vers mes liens et les tranchât. Mon premier réflexe fut de lui mettre un coup de boule sous le menton. Je me tiens face à lui, les yeux et le visage de rouge colère.

"Je vais te buter le vieux."

"Tout doux gamin, si je ne ressors pas de la pièce dès que la petite sera rentrée, Krost enverra cinq soldats ici."

Il avait tout prévu l'enflure. Je me rassois sur ma chaise et prend une grande inspiration pour me calmer.

"Bon c'est quoi ton boulot ?"

"Oh, ce n'est pas grand-chose. Tu te rappelles le géant dans la rue."

J'acquisse.

"Ben c'est le garde du corps d'un noble et ce noble, je voudrais lui poser quelques questions."

"J'ai pigé, tu veux que je te le ramène ici pour une partie de jeux."

"C'est ça, mais je ne sais pas où il habite, donc tu dois trouver un moyen de lui mettre le grappin dessus".

Je prends un peu plus de temps pour réfléchir. Il me suffit de prendre le géant en filature, le suivre jusqu'au repère du noble, faire sa fête au géant et ramener l'autre ici.

"J'accepte, mais j'y gagne quoi moi ?"

"Hum ! Je pourrais t'apprendre deux trois trucs pour faire parler certaines personnes."

Je souris. Je sens que je vais bien m'amuser.

"C'est bon, je prends."

À ce moment-là, une jeune fille entre dans la pièce. Elle portait une robe de velours verte et possédait de longs cheveux blonds cachant son visage. Elle tenait entre ses mains une bassine d'eau chaude, une paire de ciseau, un peigne et une lame de rasoir.

"Je te présente Béjine. Elle va t'arranger un peu. Quand tu sortiras, n'oublie pas de prendre ce qu'il y a dans le coffre derrière toi. Je pense qu'il y a de quoi te changer et peut-être un peu de matos pour ce que tu as à faire."

Et il s'en va quasiment immédiatement.

_________________


Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience.


Haut
 

 Sujet du message: Re: La Taverne du Dragonnet d'Or
MessagePosté: Mer 1 Juin 2011 15:22 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Lun 30 Mai 2011 18:43
Messages: 7
Localisation: Eniod
S'il y a une chose qui caractérise bien la vie du mercenaire, c'est l'inconstance. La chance est une amante capricieuse ; on l'aime, on lui fait les yeux doux, on la provoque parfois, mais surtout, on la redoute. La fortune commence d'abord dans le choix du contrat. Fut un temps où j'avais pour règle d'or de ne m'engager que dans les contrats fiables et dépourvus d'entourloupes. Il s'est avéré très tôt que ceux qui paraissaient les plus calmes pouvaient se révéler des fumoirs à jambon infernaux, tandis que ceux qui se présentaient, à première vue, comme une escarmouche extrêmement hasardeuse se soldaient par une prise de risque minimale et un succès rapide. Au final, il ne reste au capitaine de compagnie que son instinct de fauve pour déceler les pièges et les embrouilles, afin de mettre au point une juste évaluation des dangers et des récompenses possibles.

Ces derniers temps, mon fameux instinct m'avait bien planté. En beauté, même. Ma troupe avait été décimée, littéralement. Et ça faisait un moment que je me baladais tout seul, fauché comme les blés, presque revenu à mes débuts mercantiles ! L'inexpérience et la douleur en moins, évidemment.

Eniod. Qu'est-ce que cette ville pouvait recéler, hormis ses coupe-jarrets et ses truands qui étaient l'unique point commun à toutes les cités de cette foutue région ? Un conflit. Et les conflits sont mon gagne-pain, les marches de la richesse éphémère et de la gloire imaginaire. Les tensions et les carnages sont l'opium du mercenaire, ce qui lui permet de s'abimer au fond de sa propre inhumanité. Je sais que je suis quelqu'un de mauvais, mais ce n'est que parce que les circonstances m'y obligent.
Et puis, il faut bien avouer qu'entendre parler d'affrontements entre elfes noirs et hommes ne fait rien pour forcer la compassion. J'avais personnellement un démêlé avec ces faces de charbon qui m'avait donné assez de coeur au bide pour que je file ventre à terre jusqu'ici. A présent, je parcourrais les venelles d'Eniod, en goûtant l'humeur de mon regard acéré.

Une humeur morne, qui n'était pas sans rappelé celle d'une cité assiégée. Elle ne l'était pas pourtant, mais chaque habitant ou presque clamait sur son visage qu'il s'y attendait dans les mois à venir. Cette question au fond des yeux des femmes, lorsqu'elles fixent leur mari, ce "Doit-on partir ?" inquiet et frémissant de courage et d'appréhension mêlés, je ne le surprenais que trop bien à la lumière de l'habitude. Les gardes n'ouvrent jamais tant les portes que lorsque l'horizon s'auréole de possibles feux guerriers.
Pourtant, il ne s'agissait pas du désespoir de ceux qui s'attendent au pire. Ils se préparaient à la difficulté, à la pénible vie de ceux qui savent tous les jours que leurs ennemis les attendent au-dehors, mais ils n'y rechignaient pas. Ce passant affairé, sous son chapeau à large bord, exprimait plus de détermination que de contrariété au travers du pli soucieux de son front. Quant au milicien à l'uniforme usé que je croisais, il se caressait la moustache non pas avec anxiété, mais bien ce curieux mélange d'anticipation excitée et abrutissante que l'on peut ressentir quelques instants avant une bagarre.

Non, Eniod paraissait se raidir face à la menace des elfes noirs, pas se courber. Et, en fait, il s'agissait là de la seule raison qu'il me fallait pour reprendre du service.

Il y a une part de violence en chaque être humain. Il ne me suffisait que de leur donner un prétexte pour qu'elle se révèle au grand jour. Et avec la tension du coin, ça n'allait pas être très difficile... Engagez-vous, faites confiance au loup au regard gris, suivez ses promesses de renommée et ses mots voilés de pillages, devenez les bêtes sauvages que vous rêvez d'être. C'est ainsi que naissent les troupes de mercenaires, dans la colère aveugle et le mensonge.
Je finis par arriver sur la grand-place, honteusement bondée. En ce début d'après-midi, la voix légèrement éraillée d'une sorte de prédicateur portait haut dans les airs. Je ne prêtais guère attention à son discours ; il parlait de fer et de mines, d'approvisionnement...

Mais je l'aimais bien, ce type. Il avait rassemblé la foule pour moi.

Je me frayais un chemin dans la masse humaine en jouant adroitement de l'épaule et de la paume, jusqu'à atteindre la structure en bois qui permettait à l'énervé de surplomber son auditoire. En deux secondes, j'en gravis les marches, pour abattre avec plus de brutalité qu'il n'en fallait ma main sur sa nuque.


- Bien joué, mon vieux ! m'exclamai-je. C'était brillant ! Tu m'ôtes d'un poids ! Par contre, excuse-moi, mais il faut absolument que j'adresse quelques mots à tous ces braves gens. Ne m'en veux pas si je profite de l'attention que tu as su capter, il faut bien s'entre-aider, après tout. On est du même bord.

Je le décalais jusqu'au palier de l'estrade en le poussant fermement, avant de l'inviter d'une tape sur les reins à remettre les pieds sur terre. Je me raclais fugitivement la gorge en me retournant vers la foule, lui jetant au visage mes mots d'une voix forte et claire.

- Braves gens, maintenant que ce problème est résolu, il faut que je m'entretienne d'un sujet un rien plus préoccupant. Je ne vous le cache pas, j'arrive en ville. Mais pourquoi suis-je venu ici ? Pour faire une blague, mes amis, lâchai-je sarcastiquement. Faire une grande belle blague à mes potes, là-bas, dans la forêt. Je crois que vous les connaissez, ce sont ceux qui pensent qu'ils ont le droit de dresser partout des temples à leur foutue déesse...

J'imprégnais mes paroles de tout le mépris mordant dont j'étais capable, enrobant le bon mot de son cocon cinglant de violence et de fausse colère contenue. Donner à son discours la tonalité qu'il méritait était la premier pas de la manipulation.

- Les elfes noirs sont des raclures, des parasites aux dieux détestables ! Ils ne sont pas seulement les envahisseurs de votre domaine, citoyens, ce sont des bouffeurs de civilisation ! Non content de pourrir la terre, les arbres, en bref la nature qui nous nourrit et nous protège, ils se permettent de fouler des pieds notre honneur et nos valeurs ! J'ai déjà combattu ceux qu'on appelle les maudits dans certaines régions, et croyez-moi...

Je marquais une pause aussi dramatique que possible. La colère, puis le doute, et ce doute mène à une nouvelle colère, plus flamboyante et immunisée, qui fait tomber l'être humain dans l'excès, puisqu'il n'y a plus rien pour la réfréner.

- Les hommes ont toujours fait face ! Il n'est pas seulement question de les empêcher de jeter vos gamins à leurs loups ou de violer vos filles. Il n'est pas seulement question de défendre vos terres et celles de vos pères. Il n'est pas seulement question d'assurer l'héritage que vous laisserez en mourant, dans votre lit, accueilli par la mort de qui a eu une vie longue et juste ! Non ! martelai-je en frappant du pied sur l'estrade.

Je m'attachais à les dévisager autant que possible, à river mes prunelles aux leurs comme un clou dans l'âme.


- Il s'agit de montrer que nous autres, humains, avons le droit et le devoir d'exterminer cette engeance, car c'est là la volonté de nos dieux et c'est là que réside la véritable justice ! Il nous incombe, à nous les plus droits de tous, à nous les plus lucides de tous, à nous, les plus justes de tous, de rétablir la paix et l'harmonie, celle qui nous revient, nous appartient, rugis-je, et que ces ordures essaient pitoyablement de vous arracher au nom de leur idole !

Eveille leur xénophobie, leur racisme, légitime-le par le danger et l'agressivité d'autrui, et tu auras tes volontaires.

Je posai la main sur la poignée de mon épée, presque ultime possession que j'avais pu récupérer de mon dernier sinistre. En la soulevant légèrement, je laissais se découvrir au clair quelques pouces d'acier.


- Je me nomme Tynian, et je suis un mercenaire. Que vous me voyiez comme un chien avide de gains, ou comme un guerrier errant, je m'en contrefous ! Ceux qui ont assez de ventre et assez de confiance en leur humanité pour savoir prendre une épée s'en foutent royalement aussi ! Vous n'avez qu'à me rejoindre, et je me chargerai de vous donner ce que vous méritez amplement ! Conjointement avec la milice de votre ville, nous iront renvoyer les faces de charbon d'où elles n'auraient jamais dû sortir... Droit dans leurs trous puants !


Je renfonçai brusquement l'arme dans son fourreau, qui cliqueta bruyamment. Faisant mine de ne pas m'intéresser à la réaction de la foule, je descendis vivement de l'estrade en avisant l'établissement le plus proche, qui portait le nom innocent de Dragonnet d'or. Toute tenancier voit d'un oeil bienveillant l'afflux de personnes au milieu de ses tables.
Evidemment, lorsqu'il s'agit de futurs mercenaires et qu'il s'en rend compte, il ne prend peut-être plus les choses aussi bien.
Après cette étape où je pourrai enregistrer les volontaires et clarifier les choses, il ne me restera plus qu'à aller voir la milice pour arranger quelques petites affaires...

J'entrai avec un sourire féroce. Ca faisait du bien de se reprendre en main...

_________________

"Trouvez-moi mille hommes assez fous pour vouloir me suivre aux Enfers, et je volerai les bottes de Phaitos."
Attribué à Tynian des Bévier, un soir de beuverie


"Regarde-les. Tous ne sont pas des loups, mais tous le croient. Et demain, lorsqu'il faudra le prouver, ils auront besoin d'un véritable fauve pour essayer de l'imiter. C'est le rôle d'un chef, que de donner le change."


Haut
 

 Sujet du message: Re: La Taverne du Dragonnet d'Or
MessagePosté: Jeu 2 Juin 2011 14:37 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Lun 30 Mai 2011 18:43
Messages: 7
Localisation: Eniod
- Nom et prénom, âge ? marmonnai-je d'un ton morne en me massant le poignet.

L'avantage d'avoir reçu l'éducation d'un noble, c'était d'avoir appris assez tôt à lire et écrire. D'un point de vue administratif, c'était très utile à une compagnie, quelle que soit son importance ; la logistique passait avant tout par l'écrit, et même une quinzaine d'hommes devaient savoir exactement pendant combien de jours encore ils pouvaient tenir sur leurs réserves. En revanche, lorsqu'on était le seul lettré de la troupe, ça devenait rapidement une plaie. Il me suffisait de repenser aux beaux jours, où je menais plusieurs centaines de têtes brûlées dans les cols escarpés du Comté de Wiehl... a ces moments-là, j'avais cru me noyer sous les vélins grossiers que je couvrais de lignes toute la nuit.


- Mardel Errik, et je dois avoir vingt-six, ou vingt-sept ans, dans ces eaux-là...

J'arquais un sourcil en levant le nez vers mon interlocuteur, ce qui m'agaça. Ca faisait plus de deux heures que je planchais à recueillir les enrôlements, et non seulement mon cul commençait à protester plutôt violemment du traitement que lui infligeait ma chaise, mais encore ma nuque en avait marre de décrire des va-et-viens lorsqu'il me fallait dévisager le volontaire, du fait qu'ils me surplombaient tous.
Evidemment, si j'avais été debout tout ce temps, mon humeur aurait été proprement massacrante. Cette étape de la constitution d'une troupe était toujours un intense moment de bonheur...


- Déjà manié une lame ? poursuivi-je.
- Oui, quand j'étais dans la milice.
- Un bon point pour vous. Pourquoi vous n'y êtes plus ?

J'annotais déjà une petite croix à côté de son nom. Même si je me doutais de la réponse, je le prenais d'office.

- Bagarre.
- Deux bons points. Allez donc me chercher une bière et après, rentrez chez vous. Rendez-vous sur la grand'place demain, vers dix heures.

Je me renversais dans mon dossier, tentant vainement de soulager la crispation de mes vertèbres et l'endolorissement de mon derrière. La file qui liait ma table à la sortie de la taverne ne donnait pas l'impression de vouloir se réduire. Eniod avait manifestement accumulé un véritable abcès de rancoeur et de ressentiment, et je n'avais eu qu'à le percer pour réveiller les ardeurs meurtrières de ces gars-là. Après tout, la peur est le terreau de la colère.
Le fameux volontaire qui ne savait pas son âge et dont j'avais déjà oublié le nom déposa une chope à côté de ma main, si violemment que j'en sursautais. Je le remerciai d'un regard méfiant, le surveillant tandis qu'il gagnait la sortie. Il y avait de ces phénomènes...


- Alors ! On se presse un peu oui, j'ai pas que ça à faire ! gueulai-je à l'attention du chef de file, qui bredouilla et s'avança.

Je carrai les épaules. C'était reparti...


[...]

- Nom, prénom, âge...
- Vous êtes bien Tynian ?

Je lâchai un gros soupir en levant les yeux. Le ton que le type avait adopté n'augurait rien, mais alors vraiment rien de bon. C'était la voix dure et intransigeante de tous les hommes de guet, d'autorité... Ici, à Eniod, il devait s'agir d'un milicien.


- Et vous, je suis sûr que vous êtes celui qui me veut des ennuis. J'ai raison, hein ?

Il me fixa sans broncher. Apparemment, je n'étais pas le premier malin auquel il avait affaire.

- Vous allez me suivre vite fait, et bien sûr sans faire d'histoire. Vous n'êtes pas ici pour provoquer des problèmes, n'est-ce pas ?
- Je l'aurai fait avec plaisir, je vous assure, mais je suis en plein travail. Vous voyez tous ces gars derrière vous ? Il faut que je récupère leur nom, pour ceux qui en ont un, et que je les inscrive dans mon registre...
- Ces gars ? Quels gars ? lâcha-t-il froidement.

Il se retourna, se redressant de toute sa taille. De fait, il était réellement grand, et épais avec ça, arborant son uniforme comme s'il essayait de le faire craquer rien qu'en respirant. Ses longs cheveux bruns se nouaient derrière la tête en un chignon qui n'avait aucun lien, de près ou de loin, avec la mode de cette ville. En gros, un mec qui n'avait pas peur de ce qu'on pouvait penser de lui, et qui semblait à même de défendre ses points de vue divergents, si j'en croyais le nez cassé mal remis et l'arcade sourcilière déformée...


- Ecoutez tous ! beugla-t-il. Cette histoire de mercenaires à la mord-moi-le-noeud est finie ! Il n'y a plus d'inscriptions, plus de mercenaire, plus rien ! Allez voir ailleurs si j'y suis ou je vous fous tous à fond de cale !

Et merde. Un ancien marin, en plus de ça. Ce sont toujours les plus bagarreurs.


- Allez, et que ça saute ! mugit-il en plus pour faire bonne mesure, agitant la main comme s'il écartait une nuée de moustiques.

C'est d'ailleurs ce qui se passa : mes futurs hommes de troupe se dispersèrent assez vite, connaissant peut-être l'animal. La taverne parut se vider en un éclair.


- Vous voyez, il n'y a plus personne. Maintenant, levez-vous et suivez-moi.

J'exhalai profondément un autre soupir, commençant à rassembler mes feuilles. Il posa son poing fermé sur le tas que j'ordonnais, avec une lenteur délibérée. Le message était on ne peut plus clair.

- Vous n'auriez pas cet uniforme,
lâchai-je doucement, vous seriez en train de repeindre le plancher.
- Je n'aurai pas des ordres, vous remettriez en question sa régularité, rétorqua-t-il. Les fouteurs de merde dans votre genre, je les connais, je les bouffe au petit-déjeuner. Ne me cassez pas le cul, vous le regretteriez. Maintenant, avancez.

Je ne comptais pas faire preuve de mauvaise volonté dans un autre domaine que celui de la parole. Non pas que je craignais de me faire démolir... même si l'idée n'avait au fond rien de réjouissant. C'était surtout que, de toute manière, il aurait fallut que je compose avec la milice, et vu que c'était elle qui venait me chercher, je n'avais pas intérêt à me la foutre plus à dos que nécessaire. D'autant plus qu'elle ne me voyait apparemment pas d'un très bon oeil...

Le meuble qui me servait de chaperon m'emmena de ruelle en ruelle, empruntant plutôt des chemins détournés que les larges avenues de la ville. J'en déduisis qu'il ne souhaitait pas qu'on me voie, ou en tous cas le moins possible. Bonne nouvelle, ça voulait dire qu'il estimait que le sentiment général était plutôt bienveillant à mon égard. Mauvaise nouvelle, ça signifiait également que la milice bossait contre moi. Je m'y étais un peu attendu, de toutes façons : les autorités locales n'aiment pas souvent que des recruteurs passent sous leur nez pour emmener au feu leurs concitoyens.

Nous arrivâmes finalement juste devant le poste de la milice. Nous traversâmes à grandes enjambées une artère pour en franchir la porte, qu'il referma avec un claquement sec.
Ils étaient une quinzaine là-dedans, à jouer par trois ou quatre aux dés et aux cartes. On passait pas mal le temps, hein ?


- Sergent, je vous l'ai amené, grogna ma nourrice.
- Parfait.

Celui qui avait répondu s'était levé, et je le détaillais soigneusement, non sans un certain frisson. Ce genre d'homme ne trompait pas, pour la simple et bonne raison qu'il me ressemblait beaucoup trop. Pas forcément physiquement ; il était plutôt petit, très fin, avec des gestes nerveux. Mais sa voix légèrement éraillée, l'éclat de ses yeux et leur vivacité, l'imperceptible frémissement des lèvres... Ce gars-là était un serpent qui se délectait du spectacle de la souris amenée devant lui. Et il me tendait un piège, avec triple-mâchoire crantée, ou je ne m'y connaissais pas.

- Ecoutez, sergent, je crois qu'il y a une erreur, et que...

- Fermez-la et suivez-moi.

Je savais bien que c'était inutile.

J'obtempérais en lui emboîtant le pas. Il m'emmena dans un minuscule couloir pourvu de seulement deux portes, dont il poussa un battant en m'invitant mielleusement à entrer, ce que je fis en me raidissant.
Je découvris un bureau vieilli, au sol qui craquait sous mes bottes usées. Une armoire se tenait dans un coin, éventrée sur un côté et laissant apercevoir des habits froissés. Les restes d'un repas grignoté du bout des lèvres trônaient fièrement entre les papiers déchirés de sa table de travail.

Un seul siège, évidemment. Dans lequel il prit place avec nonchalance, allongeant les jambes sur son bureau.


- Tynian, je vous connais, commença-t-il.
- Quelle chance, maugréai-je en retour.
- Je ne veux pas dire, personnellement, détrompez-vous. Je vous connais parce que je sais quel genre d'homme vous êtes.
- En fait, vous le savez tous, c'est ça ? Y a un dossier sur ma gueule qui circule, et vous y marquez vos blagues aussi ?

Je repensais aux mots du milicien qui était venu me chercher.

- C'est bien, vous restez combattif. C'est ce qu'il me faut.
- Tiens, je sens que l'explication arrive. Ca tombe bien, c'est la partie que je préfère.

Il me décocha un sourire carnassier. Oui, ce gars-là était bien un prédateur. Politique plus que guerrier, ce qui ne l'en rendait que plus dangereux encore. Il pouvait tuer des dizaines, voire des centaines d'âmes, par ses coups tordus.

- Alors écoutez bien. Je sais que vous voulez monter une troupe avec les citoyens d'Eniod, pour aller combattre les elfes noirs aux côtés de la milice.
- Ah, vous voyez, on bosse ensemble. Et si on parlait de mes subventions, maintenant ?
- Le seul problème, c'est que ce sont des citoyens, justement. Aux yeux de beaucoup, vous apparaissez comme un manipulateur qui va envoyer à la mort un grand nombre d'innocents.
- C'est-à-dire qu'on vous a dit de me foutre au trou, avant que j'arrive à convaincre vos crédules de prendre les armes ? Vous me prenez pour un révolutionnaire ou quoi ?
- Non, lâcha-t-il d'un ton polaire. Comme un indépendantiste.

Je ne répondis pas. Je ne pouvais pas le contredire, d'une parce qu'il avait raison, et de deux parce que nous le savions pertinemment aussi bien l'un que l'autre. Et le coeur du problème semblait être ailleurs.

- En tant qu'indépendantiste, vous n'êtes pas contrôlable. Certes, vos intentions peuvent donner le change, donner l'impression d'être louables, et honnêtement, qu'elles le soient, je n'en ai rien à foutre. Oui, vous allez peut-être nous aider et foutre un coup de pied au cul des elfes noirs, pendant quelques jours, ou même une semaine. Mais ce ne sont pas des soldats, Tynian. Ils vont vouloir revenir. Et lorsque nos "renforts" du dimanche seront partis embrasser leur femme en pensant avoir gagné la guerre, que croyez-vous que ces loups dehors vont faire ? Ils vont hurler à la mort et se jeter sur nous. Ils vont nous déchiqueter, parce que ce n'est plus qu'avec du plaisir qu'ils se battront, Tynian...
- C'est avec de la haine et des pulsions de vengeance, complétai-je.
- Exactement.

Il se renversa en arrière.

- Ceci dit, vous êtes un mercenaire retors, si j'ai bien compris ce qu'on m'a dit de vous. D'ingénieux. Je crois en vous.

J'eus un rire aussi cruel qu'il l'était lui-même, un rire qui ressemblait à un couteau raclant un os.

- Non, c'est vrai, renchérit-il avec un rictus sardonique. Je suis certain que vous pouvez emmener ces imbéciles heureux faire un carnage, et ça m'arrangerait bien que ces elfes noirs saignent comme des porcs, pour une fois. Je vais donc vous laisser terminer vos... affaires. Mais je veux une chose que vous ne me refuserez pas.
- Comment pouvez-vous être si sûr que je ne vous la refuserai pas ? relevai-je ironiquement.

Il s'appuya sur les coudes, joignant les mains sous son menton.


- Je sais reconnaître la haine ailleurs que chez eux, Tynian. Je sais la voir chez les hommes. Vous haïssez ces pourritures, et je me doute que vous êtes prêt à sacrifier une centaine de citoyens d'Eniod si ça vous permet de faire un charnier avec leurs têtes noires.

Il avait raison. Complètement raison.

- C'est pourquoi, lorsque vous aurez monté votre troupe, je vous ménagerai un assaut surprise sur les positions supposées d'un de leur campement, autour d'un temple. Vous vous lâcherez là-bas, vous lâcherez également vos chiens tout neufs. Mais que ça apparaisse comme un assaut suicide, est-ce clair ? Que vos citoyens se fassent décimer avant de rentrer à Eniod. Ainsi, il n'y aura pas de vengeance à assouvir, et les elfes comprendront que nous sommes prêts à mourir pour tuer. Ca devrait refroidir leurs ardeurs...

Je le dévisageais. Oui, lui et moi étions bien de la même race, du même moule.

- Ca me va comme ça.

Il me tendit la main, et je l'observais un instant avant de la prendre. Nous venions, en toute lucidité, de sceller le sort de centaines d'âmes qui croyaient en nous. Au nom de l'idéal de vengeance et de survie ; au nom de notre nature humaine. Au nom de notre égoïsme. Au nom de notre individualité...
Au nom de notre indépendantisme.


-> Vers la milice

_________________

"Trouvez-moi mille hommes assez fous pour vouloir me suivre aux Enfers, et je volerai les bottes de Phaitos."
Attribué à Tynian des Bévier, un soir de beuverie


"Regarde-les. Tous ne sont pas des loups, mais tous le croient. Et demain, lorsqu'il faudra le prouver, ils auront besoin d'un véritable fauve pour essayer de l'imiter. C'est le rôle d'un chef, que de donner le change."


Haut
 

 Sujet du message: Re: La Taverne du Dragonnet d'Or
MessagePosté: Lun 30 Avr 2012 17:33 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Jeu 11 Aoû 2011 18:11
Messages: 82
La destination de notre « héros » se trouvait être un bâtiment typique d'Eniod, avec son mur en chaux blanche et aux colonnes encastrées ocre. Les chapiteaux de ces dernières, retravaillées semblait-il peu de temps auparavant, traçaient simplement des courbes gracieuses et sans prétention. Une enseigne stylisée représentait un petit dragon jaune moutarde. Ailes déployées, le corps de trois quarts, il regardait le passant avec un petit air espiègle. Sans vouloir faire d'anthropomorphisme – n'ayant jamais rencontré de dragon, Théodore le Jeune ne pouvait savoir s'ils le pouvaient ou non, il semblait sourire malgré sa gueule ouverte sur trois rangées de minuscules dents pointues. Ses yeux orangés scintillaient sous les derniers rayons du soleil. En terrasse, quatre vieillards papotaient en tapant le carton, indifférent à l'entrée de l'étranger dans la taverne. Seul le bronzage les différenciait de ceux que l'on pouvait trouver aux mêmes heures dans les établissements semblables de sa ville natale. De la porte entrouverte se dégageait pourtant un brouhaha habituel qui aurait pu distraire le rituel sacré des cartes claquant le tapis. Il glissa un œil sur leur table. Dans leurs verres se trouvait un alcool qui englobait l'atmosphère d'une forte odeur d'anis malgré le mélange avec l'eau que contenait un lourd pichet tanné. Théodore le Jeune n'en avait jamais senti de pareil et savait donc ce fut avec plaisir qu'il pénétra à l'intérieur afin de commander la même boisson.

La taverne ne semblait pas bondée mais pourtant, au moins une trentaine de personnes buvaient et applaudissaient un jeune blanc-bec au luth et une jolie jeune fille au chant. Mince et le visage fin doré par les heures en plein air dans une région ensoleillée, il portait finement le bouc et la moustache à crocs, presque en traits dessinés. Son instrument, de bonne facture sans être exceptionnel, reposait flasquement sur ses genoux tant les partitions que les histoires sentaient le resucée. Aucune originalité dans la composition, aucune virtuosité dans la prose ni dans la rime. Un spectacle sans doute joué et rejoué depuis plusieurs années. Cependant, notre ménestrel ne pouvait lui-même dénier la qualité musicale du duo, bien qu'une jalousie empruntait déjà les voies sanguines pour rougir ses joues. En effet, la chanteuse, en plus d'une très belle voix et d'un coffre impressionnant, portait joyeusement de larges et sublimes courbes tout le long de son corps. Ses seins imposants se mariaient fort bien avec un torse rebondi. De longues jambes galbées à peine cachées par la robe noire délicate portaient finalement les espoirs érotiques d'une vue arrière. Il essaya en se dirigeant vers le bar de ne pas fixer ostensiblement la beauté.

Imposant, le tavernier – Théodore le Jeune apprendra plus tard qu'il s'appelait Korst – l'était sans douter. Mais, il n'était pas la caricature du tenancier, jouant au dur et montrant les muscles pour dissuader le bagarreur. Il portait simplement une chemise marron ouverte sur un collier de fausses perles blanches et de petits chaînons. Il souriait sur des dents peu droites et d'une couleur douteuse – sans doute plus proches de la chemise que des perles. Ses oreilles décollées lui donnaient un air chaleureux, accueillant, même si elles l'enlaidissaient. Il reposait son menton entre ses mains velues, accoudé sur le bar en pin qui n'était pas d'une première jeunesse ni verni depuis un bout de temps, à regarder celui qui, Théodore le Jeune l'apprendra plus tard, l'enorgueillissait d'être son neveu. Les piliers à la jointure toilée d'une araignée nommée habitude fixaient tout autant le duo en vidant machinalement leur verre. Notre baladin se garda bien de montrer son instrument, le penchant au niveau de ses jambes sous l'air de vision du patron avant de commander un verre. Son « bonsoir » sort péniblement le tavernier du spectacle. Celui-ci se retourna difficilement mais avec le sourire pour prendre la commande.


« J'ai vu sur votre terrasse quatre anciens jouant aux cartes autour d'une liqueur que je ne connaissais pas. Pourriez-vous m'en servir un verre ?
- Ah, on voit que vous n'êtes pas du coin, hein ! Vous nous venez d'où ?
- Je suis de Tulorim. J'arrive tout juste à Eniod après un terrible voyage. Peut-être aurais-je l'occasion de vous le raconter.
- Avec plaisir. Et pourquoi descendre si bas ?
- Pour le moteur de tous les hommes en ce bas monde.
- L'argent ? C'est vrai qu'on en brasse un petit paquet par ici. Même mon humble commerce fonctionne du feu des dieux.
- Je parlais de la gloire. La gloire pousse les hommes à combattre, à s'enrichir, à rentrer dans les ordres, à faire le bien ou le mal. L'unique but des hommes est d'être chanté.
- Ça se tient. Comme autre chose, mais j'aime bien votre façon de voir. Vous n'êtes pas un de ces rapiats qui pensent pouvoir venir décrocher un ticket d'or en passant par notre ville. Ce que vous vouliez, c'est une anisette. Spécialité locale. Tenez, la première est pour la maison, je vous mets un pichet d'eau avec mais je vous sers le premier, pour vous montrer. Les premières fois, certains ont tendance à noyer la leur avec trop d'eau. D'autres se voient emplis de courage et limitent l'eau dans leur godet. Ces derniers n'en recommandent plus après. Tenez ! »


Sa voix était chaude comme le climat de son pays. Il alla s'installer à une table vide au milieu des autres badauds. L'anisette portait effectivement un succulent goût pimpinelle. Sucré et relevé, l'alcool coulait comme une douceur, une confiserie chère à son enfance, l'une de celle des riches et des bourgeois qu'il parvenait à piquer sur les étals des marchés du centre de Tulorim. Les bonbons de ceux qui ne sont pas nés bâtards. La fraîcheur de l'eau provoquait une réaction directe du palais et laissait s'infiltrer, suave et agréable sensation, la boisson jusqu'à l'estomac. Il comprit parfaitement cette histoire de dosage. Trop d'eau et seul un arrière-goût d'anis eut été senti. Pas assez et sa gorge aurait brûlé. En effet, l'alcool se faisait présent et fort tout le long de son passage. Cependant, le parfait ratio servi par le tavernier évitait tout désagrément. L'anisette se buvait comme du petit lait et pourtant, à la fin de son premier verre, le rouge lui montait aux joues comme l'envie à la tête. Le spectacle se finissait sur scène malgré le début de la soirée. Théodore le Jeune prit son instrument et son courage à deux mains, se dirigea vers la scène.

Il releva de façon théâtrale, alors qu'il s'approchait lentement de l'estrade, son chapeau à plumes.

« Je ne peux que reconnaître que vous êtes aussi bons musiciens que l'on m'avait dit en arrivant. Cependant, je vais me permettre, si cela ne dérange personne, je vous conter une histoire que tous les habitants d'Eniod devraient entendre. Car il est bel et bien beau d'écouter les rengaines sublimes de nos prédécesseurs, mais il ne faut jamais perdre de vue qu'un ménestrel n'est pas là que pour divertir, il est surtout là pour nous informer. »

Cette fois-ci, le rouge monta à la tête du neveu de Korst et Théodore le Jeune sur la scène. Il prit d'autorité mais gracieusement le tabouret où le précédent musicien joua. Grisé par la boisson et les regards surpris et attentifs du public, il se lança sur son instrument, luth à deux manches et à base en forme de cœur. Les accords formaient une musique douce, comme une ballade, une introduction pour prendre dans le sens du poil le spectateur. Pourtant, en arrière-plan, un crescendo que seul une bonne oreille aurait pu reconnaître ajoutait une dose d'inquiétude, de suspens.

« Je suis Théodore le Jeune, ménestrel itinérant, venu de Tulorim. J'ai parcouru de nord en sud notre continent pour chanter auprès de votre sublime cité. J'ai été ébloui par les splendeurs architecturales de votre ville, par la richesse de vos étals et par les senteurs de votre port. J'ai traversé pour venir le bois aux murmures où il m'a fallu faire preuve de raison plutôt que de témérité ainsi que le territoire de la Sororité où je me suis humilié pour ne pas périr. Je ne vous dis pas cela pour rien. Je ne me rabaisse pas en disant tout cela, je pense toujours avoir fait les bons choix. J'insiste juste sur le fait que j'ai vu des horreurs et je pourrais vous en conter toute la nuit durant. Mais ce que j'ai vu à l'approche de votre cité, rien n'est comparable. »

Le prélude se terminait et le crescendo se finissait, avec un trémolo dans la voix. Le thème principal, un triton inquiétant – que certains pourraient juger blasphématoire, s'invitait enfin. Il avait déjà acquis le public.

« Perdu dans la forêt au nord de votre territoire, je cherchais le fleuve qui me mènerait vers vous. Mais hélas, je n'ai pas le sens de l'orientation parfait et me retrouvais entièrement perdu. Je tentais de me repérer, à chaque clairière, vis-à-vis du soleil ou des étoiles mais je ne suis pas un fier marin féru d'astronomie. J'errais des jours et des jours. Des rumeurs de combats persistaient peu à peu à mes oreilles. Je m'orientais au mieux vers eux : il est toujours possible de négocier avec des guerriers, surtout lorsque l'on n'a rien. Essayez avec une forêt et prévenez-moi si vous réussissez. Je n'ai pas encore ce talent, hélas. Je ne saurais dire combien de jours il me fallut pour parvenir à revoir quelqu'un. J'en étais ravi sur le coup, mais ce que je vis me fait à jamais regretter la rencontre. Laissez-moi vous raconter. »

Le thème se répétait et se répétait encore, baissant d'intensité à chaque fois jusqu'à parvenir à se stabiliser en une lente répétition mécanique à la fin de cette dernière phrase pour une large partie de l'histoire.

« Le soleil n'en était qu'à la moitié de sa course mais la lumière passait peu entre les feuilles des immenses arbres ; voilà pourquoi je remarquais en premier le brasier que la compagnie que j'allais rejoindre avait allumé. Seul cela me permit de les trouver d'ailleurs, car ils ne faisaient aucun bruit. Je suis alors tombé sur une troupe accablée, mangeant à la main du lapin dans des écuelles en bois. Vifs, ils dégainèrent comme un seul homme leur épée en m'entendant arriver avant de retourner, me voyant, à leur repas. Ils ne décochèrent pas un mot et se rassasièrent. Seul un gros gens d'armes avec une armure de cuir bouilli me fit un signe de la main pour m'inviter à m'asseoir. La mine fatiguée, les chausses pleines de boue et de sang, il tenta un sourire. Il ne réussit pas. Je pris place et attendis qu'ils m'accordent plus d'attention qu'à leur viande.

« "Perdu, l'ami ? Ce n'est pas le meilleur endroit" m'assura le porte-parole. "Tu ne vas pas tarder à t'en rendre compte..." furent ses seuls avertissements. Il refusa – tout comme les autres – de m'en dire davantage au prétexte que, d'après eux, je n'y croirais pas. Ils me donnèrent et m'assurèrent qu'ils me montreraient un chemin vers le fleuve afin de parvenir à Eniod. Nous marchâmes de jour comme de nuit, faisant de courtes pauses d'une heure lorsque nous ne pouvions plus tenir. Ce fut au bout de deux jours environ que se produisit l'attaque. L'oreille fine grâce à mon métier, je les assurais que quelque chose nous pistait depuis quelques dizaines de minutes. Mais cela s'intensifia, de nombreux pas se faisaient, de loin en proche, entendre. Ils firent halte et se mirent en position. En un quinconce parfait, épaule contre épaule, ils attendaient. Ils me placèrent en haut d'un arbre afin que je les prévienne, les aide et tire plus efficacement. C'est ce qui me sauva la vie. »

La musique changea brutalement de rythme pour maintenir une cadence plus militaire tout en gardant le ton inquiétant.

« Les ténèbres approchaient en même temps que les ennemis sans que nous sachions lesquels apportaient les autres. Vifs, ils s'avancèrent de tous les côtés. Nous étions encerclés. Enfin, ils l'étaient, moi je pouvais m'en sortir s'ils ne me remarquaient pas. Du rouge sombre, craquelé partout. Leurs armures, leurs armes, leurs habits, leurs bottes, leurs cheveux. Tout était recouvert d'une épaisse couche de sang séché. Le noir recouvrait leur peau et le voile de la folie leurs yeux. « Des shaakts » compris-je. Ce fut une vraie boucherie. Les guerriers furent héroïques mais le nombre les surclassa. Les cadavres s'empilaient autour du quinconce mais l'agilité des elfes noirs leur permettait de sauter par dessus leurs frères et sœurs sans difficulté. Je compris que c'était terminé lorsqu'une épaisse flamberge sortit du dos du gros qui m'avait accueilli pour déverser des flots d'entrailles sur le sol. Celui qui n'a pas vu de mort ne peut savoir cela. Je fus étonné de voir combien de mètres et de mètres dégoulinaient de la fente. La puanteur montait jusqu'à mon perchoir.

« Un grand vaticinateur tout vêtu d'une épaisse robe rouge vif arriva alors balançant un encensoir doré d'où s'élevaient les effluves harmonieux des senteurs du temple. Une colonne de trois rangées le suivait. Les deux rangées extérieures se composaient de shaakt, guerriers, prêtres ou civils. Tous portaient la même folie dans les yeux. Ils psalmodiaient le même nom, encore et encore. "Valshebarath, Valshebarath, Valshebarath !" Un rythme ternaire s'emparait encore et encore de l'air. "Valshebarath, Valshebarath, Valshebarath !" Enivrant, comme la foule blasphématrice et dérangeante acclame le tyran et le bourreau après l'exécution. "Valshebarath, Valshebarath, Valshebarath !" Profond, le sacrilège faisait frémir jusqu'aux feuilles des arbres. "Valshebarath, Valshebarath, Valshebarath !" Étrange, il me prit à la gorge et à l'estomac. Je réfrénais une envie de vomir. Au centre de la colonne, des humains – principalement, du moins – déambulaient le regard vide, enchaînés. Hommes, femmes, enfants, tous pointaient les yeux vers le sol, abattus et conscients de leur peine. Celui qui se sait être emmené en esclavage a toujours de l'espoir : celui de pouvoir se libérer, s'enfuir, de tomber sur un travail ou sur un maître finalement pas si différent d'un patron ou d'un adjudant. Eux n'avaient plus d'espoir. Je ne compris que par ce qui suivit pourquoi.

« De larges piques furent sorties de la foule. Neuf pour être précis. On prit les neuf premiers esclaves et le divinateur dégaina une superbe lame. Dans les neuf, il y avait un petit garçon aux cheveux blonds, comme moi. Il pleurait de toutes ses forces. Ceux qui devaient être ses parents, juste à côté, ne lui accordèrent aucune attention. Pas besoin de le rassurer. Pas besoin de l'éduquer. Pas besoin de le protéger. Il était perdu et ils étaient résignés. Ce fut dans leurs prunelles que je compris que la mort avait déjà frappé leur esprit, seul le corps subsistait. La lame décapita les désignés, les têtes furent montées sur les piques que l'on disposa alors en un ennéagone régulier autour de l'empilement des cadavres. Des chants sombres comme la peur s'élevaient, encore plus fort. Incompréhensibles. Et la boucherie commença. Le faux prophète démembra, estropia, brisa, amputa, tronqua, crucifia, écorcha, brûla, tenailla, poignarda jusqu'à ce qu'un amoncellement de chair trôna au centre de leur rituel et que plus un seul esclave ne puisse s'y ajouter. Ils chantèrent de nouveau et partirent pour une autre célébration.

« Je fuyais alors. Le plus vite possible, courant à en perdre haleine. J'ai été abimé par ce que j'ai vu, je ne le cache pas. L'odeur hante chacun de mes repas. Mais je ne pouvais pas ne pas vous prévenir. Pendant que nous sommes tranquillement ici, un réel massacre à lieu ! Nous ne sommes pas tous des combattants mais nous pouvons tous faire quelque chose. Nous sommes tous à même de mobiliser des gens pour y aller, de montrer à d'autres la nécessité de lever des fonds pour combattre les elfes noirs. Nous sommes tous un rouage de cette tragédie. Nous pouvons décider qu'elle finira autrement et nous devons tous le faire, à notre niveau. Parlez-en. Beaucoup, partout autour de vous. Que partout dans la ville, nous n'entendions plus qu'un bourdonnement courageux qui se lève contre les ténèbres ! »

Les applaudissements furent nombreux mais peu bruyants, les hommes et femmes de la salle semblaient moroses, venaient de prendre une gifle. Ils fuyaient les regards de Théodore le Jeune qui rangeait son matériel et partait s'attabler et commander un verre. La soirée mit une vingtaine de minutes à se remettre des accusations du barde. On pouvait lire dans les yeux de chacun qu'ils pensaient aux horreurs commises si près : « Si la moitié de ce qu'il raconte est vraie... » Après une ou deux tournées, les choses allaient mieux et sourires et discussions renaissaient. Mais cet instant silencieux, presque solennel, rendit grâce au musicien car tel fut le but de sa chanson. Et il but à cela non aux morts pour la protection d'Eniod, comme il le fit croire lorsqu'il offrit une tournée. La soirée se finissait et la nuit se profilait. Beaucoup s'en allaient dormir, certains les remplaçaient veiller. Les heures s'alcoolisaient de plus en plus. Théodore le Jeune apprit ainsi le nom du premier luthiste, Lucas et qu'il servait de neveu et d'appoint au tavernier lorsqu'il l'appela pour l'aider à l'arrière-boutique. Notre héros en profita pour aller draguer la chanteuse ; les inhibitions de l'un comme de l'autre avaient disparu depuis maintenant de nombreux verres. Il lui mentit sur les voyages qu'il avait faits aux quatre coins de la planète – en fait, il réchauffait des récits de marins de Tulorim –, elle racontait le quotidien énioden. Jusqu'à que le tout ne dégénéra. Il se trouvait que Béjine, la chanteuse, était engagée à Lucas, le luthiste-plongeur.

La suite vous vous en doutez. Lucas revint boire une pinte une fois son oncle soulagé et vit sa fiancée discuter avec celui qui l'avait piqué plus tôt. « Tu fais du gringue à ma fiancée ?
- Je discute avec mademoiselle et elle ne porte aucune alliance, ce me semble.
- Tu viens dans la taverne de mon oncle pour faire du rentre-dedans à ma fiancée ? »

Le premier coup vint de Lucas. Une droite assez molle mais pleine de l'odeur puante de la vaisselle encore encastrée dans ses doigts. Elle fit tomber Théodore le Jeune de sa chaise, mais la troupe enivrée qui les avait encerclés le releva promptement en les incitant à se battre. On se toisait, la garde basse pour faire venir l'autre. Les coups suivants s'échangèrent, rencontrèrent tantôt l'épaule, tantôt les poings, tantôt la tête. Ces derniers restaient cependant rares mais pas assez pour que la tempe de Théodore soit égratignée. La sueur collante dégoulinait sur le sol, se mêlant le long de sa joue droite à un épais filament de sang. La tempe, ça ne fait pas mal, mais qu'est-ce que ça saigne. Le combat tournait mal pour notre jeune baroudeur. Lucas plaça un coup de pied aux genoux et Théodore tomba. Un coup de poing au flanc et il se courba. Les yeux du premier brûlaient d'une colère et d'une fierté. Bien sûr, les flammes ne se voyaient pas dans ces prunelles marron mais la chaleur montait sur ses joues au point de les roussir. Quant à son adversaire, l'alcool lui faisait perdre de vue la cible et la bêtise de la bagarre ne l'encourageait pas tellement à se battre vaillamment. Il ne comprenait pas réellement pourquoi. Mais bon, une taverne, des pintes et deux hommes suffisent même aujourd'hui à déclencher la connerie.

Notre blond musicien parvint finalement à mettre un très joli crochet du droit tel que l'on peut en voir dans les combats de boxe sur les quais, la nuit, au port de Tulorim. La jambe droite, placée en arrière, portait tout le corps en appui quelques dixièmes de secondes auparavant. Il l'avança comme pour faire un pas pour un défilé de mode. Le mouvement n'aurait pas rencontré d'obstacle, les cuisses se seraient croisées et le pied droit se serait posé au sol devant et à gauche de son opposé. Sa hanche droite bascula, quant à elle, d'environ quatre-vingt-dix degrés. Elle donna une vitesse et ainsi une force d'impact bien supérieure à un coup normal. Son poing, lui, décrit l'angle classique d'un crochet mais partait de la hanche, rajoutant encore, toujours de la vitesse. Il s'abattit sur la joue de Lucas. Si Théodore le Jeune pouvait voir au ralenti, il vit ses phalanges s'enfoncer dans la chair, formant une vague de peau sur tout le visage de Lucas, la tête de ce dernier dansant dans la direction que son bras influait. Et la bouche de s'ouvrir. Et d'un filet de bave se déverser sur son menton. Et d'un autre, de sang celui-ci, s'écraser sur sa chemise. Et d'une dent de voler rebondir sur le nez d'un voyeur. Et du neveu du patron s'écraser dans les bras, à son tour, du cercle saoul.

D'une poussée, il retournait dans la valse. Les deux danseurs commençaient à souffler et les coups à se raréfier. Lucas réussit à agripper le col de la chemise de Théodore le Jeune des deux mains. La suite fut évidente. Contrairement à ce que celui qui ne s'est jamais battu pense, ce n'est pas la tête qui bouge pour mettre un coup de boule. Le cou est bien trop fragile et trop peu puissant. Non, le mouvement partit du milieu du dos. Il basculait un peu en arrière, comme lorsque l'on s'étire. Puis, ce fut tout le torse qui se rabat en une vive impulsion. Les épaules droites, la nuque serrée et immobile aidèrent à maintenir le coup puissant. Une bosse recouvrirait bientôt le front caché par les mèches blondes. Dans quelques secondes, Théodore le Jeune allait être sonné. Mais, Lucas aussi. En effet, voyant son ennemi sans garde, le premier mit toutes ses forces dans un épais coup de poing vertical. Il ne pouvait profiter d'un basculement de tout son corps, entravé depuis le col, mais l'absence de garde au niveau du menton suffirait à faire basculer l'issue du combat. La mâchoire fit un mauvais bruit, de ceux qui font détourner les yeux tellement nous perdons alors nos repères. Et des deux gamins d'être dans les vapes au même instant.

Lorsqu'ils se réveillèrent, tous les soiffards étaient partis. Ils eurent droit à un sermon de Korst, tant l'un que l'autre. Pour résumer, il les traient « d'idiots incapables de retenir une poussée d'humeur. Allez me ranger le bordel que vous avez foutu, je vais me coucher. » Après un brin de ménage, Lucas et Théodore le Jeune prirent une bière et discutèrent. Comme souvent avec les bagarres de bar, cela se concluait par un début d'amitié. Certes, ils marchaient sur les mêmes plates-bandes, mais leurs personnalités différaient sans être incompatibles. Théodore le Jeune donnait beaucoup une fois qu'on lui passait ses poussées d'orgueil. Lucas semblait vif et drôle, intéressant et humble. Ils parlèrent jusqu'à ce que pointe le Soleil. Ainsi, notre musicien avait trouvé un nouveau repère, où il chanta « son » histoire tous les soirs pendant une semaine, rajoutant des détails glanés pendant la journée, des atrocités imaginées. Son mensonge paraissait servir, car en quelques jours, il n'entendit plus que parler des horreurs qui se passaient à l'Ouest. Il se sentait presque fier de faire quelque chose de bien. Bien sûr, il avait souvent aidé des amis mais là, il débarquait dans une ville inconnue et son art motivait des gens à la protéger, à faire quelque chose de grand. Bien sûr, tout cela ne lui coûtait pas grand chose et il fallait ajouter le mensonge. Mais quand bien même, sa chanson prenait et les horreurs qu'il avait entendu aux portes de la ville se répandaient. Tous devaient savoir ce qui se passait au-delà des remparts, il en avait la conviction. Il avait l'impression d'être à sa place, de faire ce que la société attendait de lui.

Et à y faire attention, il pourrait presque y prendre goût.

_________________
Ma fiche


Haut
 

 Sujet du message: Re: La Taverne du Dragonnet d'Or
MessagePosté: Jeu 23 Mai 2013 20:10 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Lun 13 Mai 2013 15:53
Messages: 604
Localisation: Aliaénon
I.2-Les rues de mon enfance

La taverne du Dragonnet d’Or est un établissement assez fréquenté. On y trouvait rarement des bourgeois, mais l’établissement avait la réputation de n’avoir que très rarement des bagarres, ce qui dans le genre, était assez rare. Lorsque Jorus entra, une atmosphère accueillante et chaleureuse y régnait. Il approcha du comptoir et demanda quelque chose à boire. A côté de lui se trouvait le dragonnet d’or, l’enseigne de l’établissement. Il avait entendu parler de rumeurs disant que cette statuette portait chance à quiconque la regardait et apportait bénédiction à celui qui y déposait de l’argent.

(Pourquoi je tenterai pas ma chance, j’suis pas à quelques yus près et puis, qui sait !)

Il déposa quelques yus sous le dragonnet et se retourna, dos au comptoir, pour regarder l’assemblée de la taverne tout en appréciant sa boisson.
Cette taverne méritait sa réputation. De nombreuses personnes s’étaient installées profitant d’un bon repas et d’une bonne ambiance musicale. Les tables étaient placées selon les besoins des clients, provoquant un placement assez chaotique. La taverne était richement décorée, contemplant ici et là diverses têtes d’animaux accrochés aux murs comme des trophées et quelques tableaux de peintres non reconnu. Au plafond, quelques lustres à bougies, attendant la nuit pour faire leurs offices, et au milieu du mur, opposé au comptoir, se trouvait une cheminée contenant les restes du brasier de la veille. Dans un coin, de l’établissement on pouvait apprécier Lucas, le neveu du patron, joué du luth, secondé par sa fiancée Béjine dont la voix douce rendait le sourire aux plus grincheux. Là, assis au comptoir, Jorus se sentais bien. Il était loin le voleur que connut Eniod, arpentant les rues en quête de nourriture, évitant la milice et les divers truands des quartiers malfamés. Ici se tenait un homme qui avait voyagé, travaillé dur, avait rencontré de nombreuses personnes avec des caractères si différents. Il avait tant de choses à partager à Garvesh et Ysolde. Il sourit en repensant aux bagarres dans les tavernes, finissant généralement dans la rue et se dit que dans cette taverne, il serait loin de tous ces échanges à coups de poings.

De retour chez lui, Jorus ne souhaitait que profiter de cet instant de tranquillité et ne voulait en rien chercher les ennuis. Mais quand on ne cherche pas les ennuis, les ennuis finissent eux, par vous trouver. Trois hommes affublés de tenus sombres entrèrent dans la taverne et l’atmosphère devint légèrement plus froide. Marchant jusqu’au comptoir, le plus petit se plaça juste à côté de Jorus. Celui-ci perdu dans sa béatitude, n’avait ni remarqué la présence des hommes, ni le changement d’ambiance et fut des plus surpris quand l’homme assis à sa droite l’interpella.

"Alors l’ami, on prend du bon temps ? Depuis quand les pirates dépensent honnêtement l’argent gagné malhonnêtement ?"

Jorus pris quelques secondes pour examiner l’homme qui lui parlait avant de répondre. Il était habillé essentiellement de couleurs sombres, comme ses deux camarades. Sa cape ramenée sur ses jambes, affichait un symbole rouge sang d’un serpent enroulé autour d’une épée sombre, avec trois perles violettes sur la poignée et la garde de l’épée. Jorus ne put identifier le visage de l’homme, ce dernier regardait toujours devant lui et entre ses cheveux détachés voletant sur son visage et son gant de cuir ramenant son verre à sa bouche, il ne vit qu’une longue cicatrice de la tempe droite jusqu’en bas de la joue. Assez musclé, l’homme semblait tout faire pour paraître menaçant et visiblement, ça marchait.

Image


"Ta cicatrice a dû toucher ton œil pour que tu vois en moi un pirate, le balafré !"

Ce coup-ci, Jorus sentis le changement d’atmosphère de la taverne. Les discussions n’étaient désormais plus que des murmures, personnes ne regardait dans la direction du comptoir, certains clients avaient vite désertés les lieux et l’ambiance musicale s’était arrêté pour un entracte précipité. Même un aveugle aurais sentis que la situation allait tourner au vinaigre et Jorus avait autre chose à faire que de participer à un échange de phalanges.

"Tu m’excuseras, l’ami, mais j’ai de vielles connaissances à retrouver. T’as qu’à boire à ma santé !"

Jorus laissa sur le comptoir assez de yus pour payer à boire aux trois hommes. Il fallait qu’il mette les voiles. Alors qu’il commença à partir, l’homme à la cicatrice s’adressa à lui de nouveau quand Jorus le dépassa dans le dos.

"Pourquoi allez chercher tes amis dans l’enclos des cochons, quand ceux-ci sont si près de toi ?"

Un souvenir refit surface dans l’esprit de Jorus ; il y a des années Jorus et son ami Garvesh, se battant dans l’enclos des cochons pour attirer l’attention d’Ysolde, la troisième et dernière du groupe.
Il prit quelques temps pour regarder l’homme de nouveau. Certes son ami était petit, mais il était également aussi fin que lui, loin du stéréotype du videur de taverne devant lui.

" Impossible…c’est toi ? C’est toi Garvesh ?"

L’homme se retourna laissant apparaître le reste de son visage.

"Et comment que c’est moi, voleur de poulet !"

Le sourire revenu, Jorus lui sauta au coup et l’enlaça dans une étreinte, pas vraiment virile. Il reprit sa place et commença à interroger son ami face à face, accoudé au comptoir. L’euphorie des retrouvailles lui embua l’esprit, l’empêchant de remarquer que Garvesh arborait une mine grave.

"Ca fait si longtemps qu’on s’est pas vu, j’suis vraiment content de te revoir ! J’vois que t’as pris du poil de la bête !"

"Eh bien ouais comme tu le vois j’me porte bien ! Mais apparemment pas autant que toi regarde moi ces fringues, t’as fini par voler autre chose que des légumes ?"

"Haha non, ça je le vaux à des pirates qui tentaient de voler la cargaison de la Perle Brune, le bateau où j’ai passé tout mon temps. Et Ysolde comment va-t-elle ? Elle n’est pas venue avec toi ?"

D’un simple geste discret de Garvesh, les deux autres hommes se levèrent. Ils n’eurent pas à parler pour chasser les derniers clients, leur charisme dont ils faisaient preuves y jouaient pour beaucoup même le tavernier fit un tour dans sa réserve. Le Dragonnet d’Or une fois vide, les deux hommes se postèrent devant la porte à l’extérieur. Garvesh eu une légère grimace en lui faisant face et posa son verre lentement, faisant durer le suspens de la réponse. Jorus quant à lui ne regardait que son ami, trop content de ses retrouvailles.

"Dis-moi, tu sais que ta tête a été mise à prix depuis ton départ. On offre une coquette somme pour toi. Mort ou vif peu importe Durza semble vouloir ta mort. Tu as fait quoi pour avoir un tel homme sur le dos ?"

"Une mise à prix ? Non je l’ignorais. Hormis l’affaire du carrosse il y a trois ans, je crois plus qu’il faille rechercher dans le passé de mes parents. Pour quel motif Durza me pourchasse-t-il ?"

Le poing de Garvesh se serra si fort qu’il brisa son verre, faisant sursauter Jorus.

"Pour sorcellerie, tout comme tes parents. C’est également cette histoire de sorcellerie qui m’a valu de nombreux problèmes. D’ailleurs c’est l’occasion rêvée pour te remercier de tout ça !"

Tandis qu’il cherchait des réponses dans l’expression de Garvesh, il reçu le poing de son ami en pleine figure et vola à deux mètres de là où il était. L’agresseur se mit debout, dans une posture de défis.

"Après tous ces coups reçu à ta place et tout ce temps que j’ai ruminé dans les geôles. Je ne pensais qu’à me venger de toi et maintenant que tu es revenu, je vais enfin satisfaire ce plaisir. Maintenant relève-toi !"

Jorus se releva submergé par l’incompréhension. Pourquoi son ami s’en prenait à lui. Eux qui avaient connu tant d’épreuves ensembles, avaient connus la faim, les hivers rugueux et les coups de bâton de la milice, pourquoi se trouvaient-ils désormais, face à face ? En massant sa mâchoire, Jorus s’aperçut du sang qu’il avait perdu. Au milieu de toutes ces questions il y trouvait une certitude : la personne en face de lui n’était pas son ami, mais un homme qu’il allait devoir affronter.

"Je suis désolé de ce qui t’es arrivé, mais je n’y suis pour rien dans le traitement que tu as subi, je n’étais pas là ! Je vous pensais en sécurité toi et Ysolde, avec Farène. Si vraiment tu veux régler tes comptes avec moi alors viens, je t’attends !"

"Pauvre naïf ! Les choses ont beaucoup changé depuis que tu es parti, tout comme moi."

Garvesh s’élança à son encontre déclenchant un directe du droit. Jorus se baissa pour l’éviter, passa sous le bras de son ami, pour remonter, l’attrapa au col et lui asséna un coup de genou dans le ventre. Il arma son droit le temps que son adversaire se relève et l’envoya valser à quelques mètres de là.

(Maintenant nous sommes à égalité)

Garvesh prit le temps de se relever, comme s’il appréciait la rage de combattre de son ancien ami. Le sang lui coulait du nez sur un sourire malsain. Jorus pris ce laps de temps pour observer ses failles. Garvesh portait une armure de cuir des épaulettes jusqu’aux bottes. Hormis les aisselles, les lanières sur les flans et une légère faiblesse sur les côtés des genoux, seule la tête était directement vulnérable et rien d’autre ne permettais pas de porter de réels dommages. Jorus l’avais sentis en portant ce coup de genoux, le cuir était robuste et il n’avait pas la force d’impacte suffisante pour lui faire mal et aucune arme tranchante pour défaire les liens. A la différence de son vieil ami, il ne portait que des vêtements souples et ses mouvements n’étaient aucunement entravés. S’il voulait le battre il devait être plus rapide et plus précis, ça n’allait pas être facile.

"Je vois que tu t’es également amélioré. Serais-ce ces pirates que tu as affrontés ? Ne me prends pour ces rigolos. J’ai reçu un entrainement spécial et je suis bien plus fort que toi désormais."

"Ca on va vite le savoir."

Les deux hommes se ruèrent l’un sur l’autre. Jorus esquivait tant bien que mal les attaques de son adversaire jouant avec ses mouvements amoindris par l’armure, cependant le peu de coups qu’il recevait l’épuisait et bientôt il ne pourrait plus esquiver la moindre attaque. La taverne commençait à perdre de son charme avec les tables et les chaises qui se cassaient. Petit à petit de Jorus devinrent moins précis, acculé contre le mur, il commença à perdre le combat.

(Quand on ne peut vaincre son adversaire, il faut battre en retraite. C’est bien beau de m’avoir dit ça capt’aine, mais je me débarrasse comment de lui et je fais quoi des deux malabars ?)

Il fallait gagner encore un peu de temps pour trouver une solution. En prenant appuis contre le mur, il propulsa au niveau de la ceinture Garvesh qui recula un peu plus loin en arrière. Celui-ci surpris par ce mouvement, trébucha contre un morceau de pied de chaise qui traînait au sol.

(Voilà la réponse !)

Ne laissant que le temps à son vieil ami de se relever, Jorus s’élança sur lui, sauta et marqua le cuir de son torse par la semelle de ses deux bottes d’un coup puissant. Alors qu’il tomba lourdement sur le sol, Garvesh lui, fut éjecté contre les tables dans un fracas colossal. C’était le moment de foutre le camp. La porte de dehors ne permettait pas de fuir. En regardant autour de lui, Jorus tomba sur l’estrade des musiciens.

(Le joueur et la chanteuse ne sont pas sortis par la porte principale, il y a donc une autre issue !)

Ne prenant pas le temps de contourner les tables, il sauta dessus et arriva là où le neveu du patron se trouvait il y a moins dix minutes. Du comptoir on ne pouvait rien distinguer, mais de l’autre côté de la taverne on pouvait facilement voir la porte utilisée par les artistes. Jorus jeta un dernier regard sur Garvesh, son ami commençait à se relever. Tandis qu’il s’apprêtait à ouvrir la porte son sourire revint : une fois de plus il avait gagné, si on peut appeler cela une victoire. Il s’avança, la main sur le verrou et se cogna le visage contre la porte ; elle était verrouillée. Alors qu’il s’acharnait contre la poignée espérant une simple rouille, derrière lui il sentit son ancien ami chargeant, tel un rhinocéros, éjectant tables et chaises d’un revers de la main. Il se retourna pour lui faire face et Garvesh l’utilisa pour ouvrir la porte de façon non conventionnelle.

Jorus repris conscience quelques instants après. Il était étendu dans une petite pièce, au milieu des débris de la porte et son bras gauche coincé par la chute d’une étagère. Son adversaire, se tenait assis sur lui, affichant le sourire du vainqueur. Haletant, Garvesh maintint l’autre bras valide avec sa main gauche, de son autre main il sortit une dague de son dos.

"Maintenant, tu vas payer pour tout ce que j’ai subis."

A la merci de son bourreau, il attendit la mort. Les dernières pensées de Jorus allèrent à l’équipage de la Perle Brune, Farène et Ysolde qu’il ne reverra jamais. Et la dague s’abattit.


(Ca y est ? Je suis mort ? Je n’ai pourtant rien sentit et je ressens encore la douleur des coups que j’ai reçus)

Jorus ouvrit les yeux. Il était toujours couché au milieu des débris et son adversaire toujours assis sur lui, la main tenant encore la dague plantée dans le sol.

"Je peux pas ! Je peux pas te tuer. En la mémoire d’Ysolde, je le ferai pas."

Toujours étendu au sol, Jorus n’en revenais pas, il était en vie alors qu’il avait accepté son sort. Alors qu’il commença à prier les Dieux pour être encore en vie, l’allusion à Ysolde pris forme.

"Je comprends pas, tu parles d’elle comme si elle était…"

...morte. Oui, c’est le cas."

En cet instant, il aurait préféré que la dague lui transperce le cœur. Tandis que les larmes perlaient son visage, Garvesh se releva pour se laisser tomber contre le mur de l’arrière boutique, ou de ce qu’il en restait.

"Il a pas fallu beaucoup de temps avant que Durza ne nous trouvent. Il nous a laissé le choix, soit on travaillait à son service et on te ramenait à lui, soit il s’occupait de nous. Comme tu t’en doutes Ysolde a refusé d’être sa boniche. Elle a été égorgée sous mes yeux. J’étais anéanti, non parce qu’elle avait été tuée, mais parce que même aux portes de la mort, ses derniers mots étaient pour toi, toi qui nous as mis dans cette situation. J’ai juré de me venger de toi ce jour-là. Durza m’as pris sous son aile et depuis je travaille pour lui dans le groupe des serpents rouges. Durza est très riches, il lui est facile d’obtenir les services de certains membres de la milice pour qu’elle ferme les yeux. Et comme tu as pu le voir nous sommes assez craints."

Jorus ne pouvait plus bouger. Entre la révélation de la mort de celle qu’il aime et son meilleur ami devenu son ennemi, tout l’univers de Jorus s’écroulait, il ne lui restait plus rien. Plus rien, hormis la mort. Garvesh se releva lentement. Il semblait lui aussi avoir souffert de ce combat, autant sur le plan physique que psychologique. Le retour de Jorus lui avait ramené tous ces souvenirs, ces douleurs endurées.

"Tu ferais mieux de partir. Si je t’ai laissé en vie, d’autres n’auront pas autant de gentillesse à ton égard. Si je croise ton chemin de nouveau ici, je n’aurais d’autres choix que de te tuer. Prends cette dague, tu en auras probablement plus besoins que tu l’ignores. Pars et ne reviens jamais !"

Sur ces mots il partit, laissant Jorus seul, se laissant absorber par le chagrin. Ce dernier mit encore quelque temps avant de se relever. Il ne comprenait toujours pas comment cette belle journée avait pu tourner ainsi, comment ses rêves de retrouvailles s’étaient transformés en un tel malheur. Il avait tout perdu, tout.

(Peut être pas, il ne m’a pas parlé de Farène, m’aurait-il menti ? Si je veux en avoir le cœur net, je dois lui parler.)

Se mettant sur les genoux, il prit encore quelques minutes pour reprendre son souffle. En s’examinant, il trouvait ici et là quelques marques qui allaient devenir de sacrés bleus et du sang mais rien de grave. Il remit en place ce qui restait de ses vêtements et accrocha la dague plantée dans le sol à sa tunique. La lumière du Soleil faisait ressortir une porte de derrière. Seul le besoin de connaître la vérité le poussa à partir.

Dehors Garvesh retrouva le Soleil et ses deux comparses.

"Alors tu t’es occupé de lui, où es son corps ?"

"Pas la peine de le chercher, il a réussi à s’enfuir, il est plus coriace que je ce que je croyais. Ce dont je suis sûr en revanche, c’est qu’il ne risque pas de revenir ici, il est partit comme le bâtard qu’il est."

« Hahahaha ouais je m’en doute, mais la tête de ce gus me disait quelque chose. Bon filon, ta femme t’attends je crois non ? »

« Oublie-le il ne reviendra plus me déranger, on se retrouve tout à l’heure. »


Resté seul au milieu des passants, un sourire sadique sur le visage, Garvesh savourais cette journée. Il y a des jours où tout se passe vraiment bien.


-I.4- Un dédale de souvenirs

_________________


Multi : Relonor et Nhaundar


Dernière édition par Jorus Kayne le Mar 18 Nov 2014 17:59, édité 1 fois.

Haut
 

 Sujet du message: Re: La Taverne du Dragonnet d'Or
MessagePosté: Lun 2 Sep 2013 15:32 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Dim 15 Juil 2012 17:28
Messages: 29
Localisation: Hidirain



En entrant dans l'auberge, je m'approche du comptoir, tout en jetant des regards aux clients encore présents dans la taverne à cette heure-ci. Deux heures environ avant le lever du soleil, quelques habitués trainent encore, mais aucune trace d'une quelconque victime de la chose qui m'a détroussé, ni de lui-même bien sûr.
Je m'approche donc du comptoir et, alors que je m'apprête à appeler l'homme qui essuie les verres, visiblement un homme qui tient l'auberge depuis longtemps, un homme virant sur la quarantaine, humain, à l'air lessivé, avant que je l'appelle, deux femmes en pleine discussion attirent mon attention.
L'une est une grande femme avec une robe bleue et des cheveux noirs tressés et soignés, et l'autre est une femme mystérieuse aux yeux violets, qui me rappelle quelque chose, sans que j'arrive à me souvenir quoi. Couvrant la musique d'un couple qui joue du luth et chante des ballades d'Ys, leur conversation me parvient.

"J'ai encore rêvé de lui..."
"C'est depuis qu'il t'a attaquée que tu fais tous ces rêves?"
"A peu près oui..., il faut croire que c'est une sorte d'indice... Il aime à jouer au chat et à la souris, il paraît."
"Et tu as déjà essayé de le retrouver? Un ork en fauteuil roulant, ce n'est pas si courant, pourtant !"
"Si seulement..."
J’intervins alors :
"Excusez-moi, mais j'ai entendu votre conversation. Vous parlez d'un ork en fauteuil roulant... Il pourrait s'agir d'une personne que je recherche... Je peux m'asseoir?"
La femme aux yeux violets parut surprise une fraction de seconde durant, mais elle se reprit si vite que je me dit que mes yeux avaient dû me jeter des tours. La femme brune se retourna vers moi et elle me fixa de ses yeux bleu océan avant de me dire :

"Bien Sûr.

Je me suis donc assis, me mêlant à la discussion.

_________________
Force et courage soient avec vous, mais qu'ils ne dépassent pas votre pensée et votre esprit.
Image
Alyster Lysenloire, Guérisseur, niveau 2


Dernière édition par Alyster le Sam 28 Sep 2013 08:20, édité 1 fois.

Haut
 

 Sujet du message: Re: La Taverne du Dragonnet d'Or
MessagePosté: Lun 2 Sep 2013 19:21 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Dim 15 Juil 2012 17:28
Messages: 29
Localisation: Hidirain
"Qui est cet ork?"
Demandais-je immédiatement.
"Je ne sais pas. Personne ne le sait. Il se fait appeller Urkherr ; l'homme qui rit, enfin l'ork qui rit. Il est en ville depuis un an maintenant. Souvent, des personnes lui courent après. Il les détrousse les humilie ou que sais-je encore. Il laisse toujours des indices. Il a le goût du jeu. Mais les habitants d'Eniod ne sont pas des guerriers contrairement à lui. On ne les revoit jamais."
"C'est pour ça que vous ne vous lancez pas à sa recherche ?"
"Bien sûr que non ! Je ne demande qu'à le retrouver pour lui faire la peau ! Cependant, je n'arrive pas à le trouver!
réagit-elle un peu fort, car plusieurs clients proches se retournèrent sur leurs chaises. Je ne suis pas d'Eniod. Je suis venue en quête d'aventure et je suis tombée sur lui alors que... J'avais peut-être pris un peu trop de bière.
Je me souvint aussitôt de quand je l'avais vue. Elle faisait partie de la première expédition à laquelle j'avais participé.
L'autre femme intervint alors : "Il l'a laissée pour morte il y a une semaine. C'est moi qui l'ai retrouvé et soignée, mais elle attends de retrouver sa magie pour le poursuivre."

Je me tut un instant, réfléchissant.
"Je peux m'en charger. J'en fais maintenant une affaire personnelle. Mais il me faut une piste. Il n'en a pas laissé, et je doute qu'il ait pu influencer le destin pour que je vous rencontre. Il n'a apparemment pas envie que je le retrouve. Dites-moi... Que voyez-vous dans votre rêve?"

"Une montagne. Du sang dans la neige. Des hommes et des animaux déchiquetés... Des choses horribles. Des gens que je connais qui luttent, mais je ne vois pas contre quoi... Et qui meurent.

Sentant que c'est tout, je remercie la femme.


Après dix minutes de conversation, les deux femmes, généreusement, m'offrent un lit pour la nuit. Au matin, je sors avec toutes mes affaires et me dirige vers les habitations.

_________________
Force et courage soient avec vous, mais qu'ils ne dépassent pas votre pensée et votre esprit.
Image
Alyster Lysenloire, Guérisseur, niveau 2


Haut
 

 Sujet du message: Re: La Taverne du Dragonnet d'Or
MessagePosté: Sam 3 Oct 2015 10:18 
Hors ligne
Admin
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Dim 26 Oct 2008 15:46
Messages: 13910
Après ton long voyage, tu as naturellement entrepris de faire une pause à la taverne pour te reposer... Alors que tu bois un verre, un homme imposant et fort bien habillé se lève d'une table voisine et s'approche de toi, lisse sa moustache délicate et prend la parole :

"Bien le bonjour, jeune homme... Vous m'avez l'air du genre débrouillard. Est-ce qu'un petit boulot, rémunéré, bien sûr, vous intéresserait ?"

Ses vêtements colorés et son port fier, sans parler de sa tenue de couleur vive, semblent indiquer à tes yeux habitués aux voyages un marchand de Tulorim.

_________________
Chibi-Gm, à votre service !


La règle à lire pour bien débuter : c'est ICI !
Pour toutes questions: C'est ici !
Pour vos demandes d'interventions GMiques ponctuelles et jets de dés : Ici !
Pour vos demandes de corrections : C'est là !
Joueurs cherchant joueurs pour RP ensemble : Contactez vous ici !


Haut
 

 Sujet du message: Re: La Taverne du Dragonnet d'Or
MessagePosté: Sam 3 Oct 2015 17:23 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Dim 27 Sep 2015 05:29
Messages: 9
Localisation: Eniod
Selim buvait tranquillement un verre de lait dans la taverne du Dragonnet d'Or. Certains l'avaient dévisagé d'un air moqueur lorsqu'il avait passé sa commande mais l'homme du désert ne consommait jamais d'alcool. Pour le peuple des Dunes la moindre seconde d'inattention pouvait conduire à la mort et dans son clan aucun guerrier digne de ce nom n'en buvait. Un homme ivre était voué à la mort dans le monde sauvage et Selim préférait garder ses capacités à leur maximum quelle que soit la situation.

La traversée du désert et le voyage jusqu'à la ville du sud avaient duré plusieurs jours. Aucun événement particulier n'était à signaler. Selim connaissait parfaitement son environnement et savait se tenir à l'écart des dangers. Il était au fait des plantes avec lesquelles il pouvait se nourrir, des bêtes qu'il pouvait chasser et à l'inverse de celles dont il devait se tenir à l'écart. C'était un nouveau décor, Eniod, qu'il affrontait à présent, et dans un sens peut-être tout aussi dangereux que l'extérieur de ses murs. Les humains pouvaient être capables de tout et la méfiance envers ses semblables était selon Selim une immense qualité pour quiconque souhaite survivre en ce monde.
Et cette qualité allait être mise à l'épreuve lorsqu'une personne s'approcha de lui pour lui proposer un travail.

"Bien le bonjour, jeune homme... Vous m'avez l'air du genre débrouillard. Est-ce qu'un petit boulot, rémunéré, bien sûr, vous intéresserait ?"

Selim resta impassible devant la demande. L'homme semblait être un marchand de la ville. L'homme du désert ne savait pas pour qui ou quoi son interlocuteur le prenait, mais il n'était pas un mercenaire. Il recherchait l'argent, certes, mais il préférait se l'approprier de lui-même et ne pas se mettre à la botte du premier venu. En temps normal Selim aurait rejeté poliment la demande mais cette fois-ci il prit le temps de la réflexion.
Après tout il venait de débarquer en ville et ne connaissait personne. Selim souhaitait également rejoindre Hidirain, la fameuse ville cachée, et se mettre en quête de ses trésors mais il n'avait aucune indication pour la retrouver. Pour le moment il était seul, bien trop seul pour accomplir ses objectifs. Et de cela, il en avait parfaitement conscience.
Selim n'était pas spécialement un intellectuel mais il était tout de même assez satisfait de ses capacités de réflexion. Calculateur, manipulateur, il estimait tout simplement faire preuve de bon sens. Et cette fois ce dernier l'incitait à répondre à la demande du marchand, ou du moins à l'écouter plus en détails. Un marchand ayant normalement un carnet d'adresses fourni, des liens solides avec les personnalités des villes où il s'installe, Selim pourrait peut-être profiter de ces relations et les utiliser à son avantage à terme. Si le commerçant ne pouvait pas le mener de lui-même directement vers Hidirain, qui sait s'il n'avait pas un contact qui lui le permettrait ?

L'homme du désert dissipa le masque de méfiance qui s'affichait sur son visage pour montrer un air plus engageant. Il pouvait bien écouter son interlocuteur sans forcément accepter son offre. Car il n'accepterait pas n'importe quoi. Hors de question de se mettre dans une situation délicate pour le moment. Il ne courrait pas après l'or à tout prix, seules les informations l'intéressaient et elles ne valaient pas la peine de se mettre en danger, principalement en contournant la loi. Néanmoins, ce marchand était sa seule piste pour le moment. Il allait lui falloir déterminer si ce commerçant pourrait ou non l'aider. Qui était-il, que voulait-il et que pouvait-il lui offrir en dehors d'un peu d'or ?
Un sourire neutre s'afficha sur le visage de Selim qui fit basculer une chaise vers le marchand.

"Débrouillard ? Je le suis sans aucun doute. Asseyez-vous donc et parlons de vous et de votre offre."

_________________
Fiche personnage - Selim Al-Kanuni - Rodeur


Haut
 

 Sujet du message: Re: La Taverne du Dragonnet d'Or
MessagePosté: Sam 3 Oct 2015 18:05 
Hors ligne
Admin
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Dim 26 Oct 2008 15:46
Messages: 13910
L'homme s'assit en souriant, visiblement complaisant, et expliqua :

"Je suis Lucciano, entrepreneur de Tulorim ayant quelques intérêts dans les mines d'or d'Eniod. Je suis à la recherche de quelqu'un qui pourrait m'aider pour une affaire... délicate. Je détiens un filon qui, hélas, semble devoir se poursuivre dans la direction des territoires orgamii..."

En prononçant ce mot, il frémit manifestement de dégout.

"Ces créatures ne veulent pas être dérangées outre mesure et... je ne me sens pas apte à dialoguer avec elles. On dit pourtant qu'elles sont fort savantes. Je me suis donc dit qu'un... aventurier, habitué aux rencontres exotiques, pourrait mieux s'en faire comprendre et les convaincre de me laisser m'approcher de leurs galeries."

Souriant d'un air gêné, il ajoute :

"Bien sûr, vous pourrez profiter d'une partie de l'or déjà extraite, ce ne serait qu'une juste récompense puisque vous me permettrez de poursuivre mon exploitation !"

_________________
Chibi-Gm, à votre service !


La règle à lire pour bien débuter : c'est ICI !
Pour toutes questions: C'est ici !
Pour vos demandes d'interventions GMiques ponctuelles et jets de dés : Ici !
Pour vos demandes de corrections : C'est là !
Joueurs cherchant joueurs pour RP ensemble : Contactez vous ici !


Haut
 

 Sujet du message: Re: La Taverne du Dragonnet d'Or
MessagePosté: Dim 4 Oct 2015 18:30 
Hors ligne
Avatar de l’utilisateur
 Profil

Inscription: Dim 27 Sep 2015 05:29
Messages: 9
Localisation: Eniod
"Les orgamiis ?"

Selim avait déjà entendu parler de ces créatures souterraines mais souhaitait entendre ce que Lucciano en avait à lui dire.

"Vous ne connaissez pas cette race ? Les engeances des Shaakts...
Mais ne vous en faites pas, les orgamiis sont bien plus pacifiques que leurs "parents". D'ailleurs, vous pouvez considérer ces deux peuples comme parfaitement opposés. Les orgamiis se sont réfugiés dans les galeries souterraines en dessous de la Forêt Dense, et comme je vous l'ai expliqué une partie de mon filon débouche sur leur territoire."


"Dans ce cas, si ces créatures sont pacifiques, pourquoi ne vous chargez-vous pas du problème vous-même ?
Vous n'êtes pas un marchand ? Cette mine d'or tient vraiment une place importante dans vos affaires ?"


Lucciano passa ses doigts dans sa moustache, l'homme du désert posait beaucoup de questions.

"Inutile de trop s'attarder sur mon cas, ce n'est pas le sujet. Comme je l'ai dit, je ne me sens pas apte à mener moi-même ces négociations. C'est regrettable, mais je ne me sens pas à mon aise face à ces créatures, c'est aussi simple que cela. Si je ne suis pas en pleine possession de mes moyens, de mon calme, je ne pourrais pas marchander de façon optimale, cela pourrait même tout faire échouer. Et je suis assez pragmatique pour le reconnaître. C'est pourquoi j'estime qu'il me serait plus profitable de confier cette tâche à une personne qui s'en chargera mieux que moi."

Selim ne fit aucun geste particulier, il restait impassible et écoutait. Il engrangeait les informations et cherchait avant tout à en obtenir d'autres.

"Je vois, mais dans ce cas pourquoi me demander à moi de régler ce problème ? Pourquoi ne pas engager un mercenaire d'Eniod ou faire appel à sa milice ?
Au final, vous ne me connaissez même pas, pardonnez-moi mais vous devez comprendre qu'il me paraît étrange que vous demandiez mes services en particulier."


"Si je vous choisis, c'est exactement pour la raison qui vous pousse à me poser toutes ces questions. Mon problème avec les orgamiis est sensible, je ne veux pas que les choses dégénèrent. Il faut régler cette affaire avec de la subtilité et non de la force. Je pense que vous êtes plus indiqué que n'importe quel gros bras pour cette tâche. Je cherche quelqu'un de prudent, de posé et de raisonnable avant toute chose.
Je peux voir que vous êtes originaire du peuple des Dunes, c'est marqué sur votre visage. En tant que tel, je suis persuadé que vous avez officié dans les caravanes marchandes. Ainsi, je me doute que vous êtes familier de l'art du marchandage, de la négociation, et c'est exactement ce que je recherche. Vous voir poser ces questions me conforte dans mon jugement, vous me semblez être réfléchi et donc vous êtes fait pour cette tâche. Voilà, vous savez tout, c'est pour cette raison que je vous considère comme le meilleur choix pour ce travail.
Aurais-je tort ?"


Le marchand toisa attentivement Selim, il semblait le juger. De son côté l'homme du désert ressassait les informations qu'il venait d'obtenir tout en jaugeant lui-même son interlocuteur. Les raisons qui poussaient ce Lucciano à le contacter en particulier lui semblaient compréhensibles, il n'y avait probablement aucun piège derrière cette proposition. Quand à l'accepter...
Selim n'avait pas appris grand chose sur cet homme, son poids dans la ville, et c'était ce qui lui importait le plus pour le moment. Pour autant, au fil de sa réflexion, de nouvelles opportunités à saisir se dessinaient dans son esprit. Non, il n'avait certainement rien à perdre en acceptant ce travail.
Mais il restait à en fixer les conditions.

"Écoutez, je ne suis pas contre votre proposition mais pas à n'importe quel prix, c'est naturel. Comme vous l'avez dit j'ai moi-même un passif de marchand."

Alors que Luccino acquiesçait, Selim dressa la liste de ses demandes.

"Tout d'abord, je veux une carte décrivant le chemin jusqu'à la mine et votre filon. Je ne connais pas parfaitement la région et j'aurais besoin de repères pour y accéder."
Et pour rester sur la mine et votre exploitation, je veux savoir tout ce qu'il y a à savoir à son sujet. Avez-vous des hommes de main, combien de mineurs ? Avez-vous déjà engagé des négociations avec les orgamiis ?"


"En ce qui concerne la carte, vous l'aurez il n'y a aucun souci. Pour ce qui est de la mine, je n'ai pas d'homme de main. La mine est protégée en général par la milice d'Eniod et ainsi je n'ai pas engagé de guerriers supplémentaires. Pour ce qui est des mineurs, ils sont au nombre de quatre, tous engagés dans cette ville. Et quand aux négociations, oui, il y a déjà eu des approches effectuées par d'autres personnes avant vous mais elles n'ont jamais mené à rien. Néanmoins je ne me laisse pas abattre et je suis convaincu que l'obstination finit toujours par payer."

"Très bien, reprit Selim, dans ce cas cela change la donne. Je n'accomplis pas de miracle, si les négociations ont déjà échouées, il y a des chances qu'elles échouent à nouveau. Je ferais tout mon possible pour éviter cela mais il serait stupide de ne pas envisager l'échec. C'est pourquoi je veux une partie de mon salaire, mettons 25%, en avance. Vous me donnerez le reste de la récompense si je parviens à régler votre affaire.
Enfin, vous me rembourserez les frais éventuels que j'aurais à effectuer pour mener les négociations à leur terme."


Lucciano recula légèrement sur sa chaise et prit à son tour le temps de la réflexion avant de reprendre la parole.

"Cela me semble correct. Il faudra bien sûr délimiter une limite en ce qui concerne les frais que je suis disposé à vous accorder mais je suis d'accord sur le principe."

"Parfait, si nous sommes d'accord je vais passer au sujet des formalités et autres papiers. Il me faudra le titre de propriété de votre filon pour faire valoir vos droits. Je veux aussi un papier officiel me donnant le droit de négocier en votre nom, notamment auprès de vos mineurs, et enfin il nous faudra signer un contrat reprenant l'ensemble des conditions que nous avons définies jusqu'ici."

Les discussions continuèrent quelque temps mais le plus important était déjà défini. Les deux hommes restèrent débattre quelques temps, peaufinant les détails de leur accord et Lucciano finit par se lever. L'affaire était réglée, son employé avait eu tout ce qu'il avait demandé, et il prenait désormais congé. Selim leva un dernier regard vers le marchand et lui posa une nouvelle question.

"Dernière chose, une piste pour mener les négociations ? Est-ce qu'il y a un angle d'attaque que je pourrais envisager ?"

"Débrouillez-vous, faites ce que vous voulez mais je veux que les négociations aboutissent. Les orgamiis n'ont aucun intérêt pour l'or, Eniod si. Restez subtils mais n'hésitez pas à leur rappeler ce fait et les conséquences qui pourraient en découler s'ils s'opposent trop à nos activités. Cependant, pas de menaces à découvert, soyons d'accord."

Selim fit un geste de la tête au marchand et celui-ci quitta l'établissement. Avait-il bien fait d'accepter ce contrat ? Après tout l'homme du désert se fichait totalement de cette mine d'or et de la conclusion même de cette affaire. Ce qui l'importait était de découvrir une route vers Hidirain, et cette mission n'avait que pour but de l'y aider. Selim avait plusieurs pistes en tête pour y parvenir, mais pour se décider sur celle qu'il allait suivre il lui fallait plus d'informations. Le jeune home se leva alors à son tour et se dirigea vers l'aubergiste qui essuyait une choppe à l'arrière de son bar.

"Alors buveur de lait, on a encore soif ?"

"Soif de renseignements cette fois. Dites-moi, vous devez en savoir beaucoup sur la ville et ses marchands non ?"

L'aubergiste afficha un sourire.

"Ah, si vous saviez à quel point les marchands adorent parler d'eux-mêmes et de leurs concurrents... J'en sais certainement plus qu'assez sur la plupart des commerçants d'Eniod. En ce qui concerne Lucciano avec qui je vous ai vu discuter, il y a bien des choses à dire, mais vous vous en doutez l'ami, rien..."

"... n'est gratuit je suppose ? Et c'est naturel. J'ai de quoi payer pour ce que je veux savoir, mais je vous demanderai des informations absolument fiables. Je ne me base pas sur les on-dit, j'ai besoin d'éléments solides, pas de rumeurs. Je paie bien, mais pas pour n'importe quoi."

Selim prit la bourse que Lucciano lui avait donné en guise de pré-paiement et déversa une bonne partie des pièces qu'elle contenait dans un bruit métallique. C'était plus que suffisant pour acheter l'aubergiste, mais Selim souhaitait montrer qu'il ne plaisantait pas.
Le tavernier regarda le montant que lui offrait son client et attira le métal précieux vers lui d'un regard comblé.

"À ce prix là, je pourrais vous dresser le journal de sa vie si vous m'en laissiez le temps monseigneur."

L'aubergiste débita alors tout ce qu'il savait sur le marchand de Tulorim, offrant à Selim des éléments et des informations bien différents de ce à quoi il s'attendait. Pour autant, cela ne contrariait pas l'homme du désert, bien au contraire. Il savait exactement ce qui lui restait à faire et il quitta la taverne d'un air satisfait.

_________________
Fiche personnage - Selim Al-Kanuni - Rodeur


Haut
 

Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 26 messages ]  Aller à la page Précédente  1, 2


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 0 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Aller à:  
Powered by phpBB © 2000, 2002, 2005, 2007 phpBB Group  

Traduction par: phpBB-fr.com
phpBB SEO

L'Univers de Yuimen © 2004 - 2016