Retourner vers Beauclair sembla ne pas plaire à Lydia, qui désigna la grange un peu plus haut. Sans doute les orques étaient-ils rapides et elles n'auraient pas eu le temps de les semer, surtout avec la cheville de Victoire. Cette dernière obéit, se courbant comme ordonné, se déplaçant le plus silencieusement et le plus rapidement possible. Chaque pas lui faisait un mal de chien, mais elle n'émit aucune plainte, concentrée sur le refuge qui en cet instant paraissait très éloigné.
Victoire atteignit finalement la première les lieux, Lydia ayant couvert sa retraite, prenant ainsi un risque supplémentaire juste pour l'adolescente. Elle ne tarda pas cependant, rejoignant la jeune fille et la dirigeant à l'intérieur, lui indiquant la vieille échelle de bois. Sans hésiter Victoire se hissa, prenant une fois sur deux appui sur son pied meurtri, sentant le bois craquer dangereusement à chaque pas qu'elle faisait.
Elle aurait pu à ce moment là abandonner Lydia. Il lui aurait suffit de casser quelques marches et l'archère n'aurait pas pu la suivre là haut. Elle aurait pu la condamner, l'idée lui traversa même l'esprit un moment. Mais elle ne pouvait agir ainsi, elle n'avait pas envie de la voir mourir, de l'entendre crier alors que les hommes-porcs la torturaient. Tout ce qu'elle fit fut de regarder où se dissimuler, où se cacher. Elle ne pensa même pas à simplement retirer l'échelle une fois Lydia en haut, ce qui leur aurait épargné bien des tracas.
La première idée qui lui vint fut de se glisser dans un tonneau, suffisamment grand pour elle mais pas assez pour sa compagne de mésaventure. Si elles ne se cachaient pas ensemble, il y avait deux fois plus de chances que l'on les trouve. La seconde idée fut de se fondre dans la paille, peu abondante. Ce fut encore une fois Lydia qui eut la meilleure idée, entrainant la jeune fille dans un tas de vieux chiffons en cuir, lourds et sales.
Victoire s'y glissa tant bien que mal, son sac tout contre elle, accompagnée de la jeune femme. Un rongeur fut délogé, partant en couinant. L'idée était en effet bonne car bien que par endroit on pouvait voir sa cape ou les vêtements de Lydia, cela ne détonnait pas avec l'ensemble.
A travers un orifice, l'adolescente avait une vue sur l'orée de la forêt, que les orques avaient déjà franchie. Elle fut glacée d'effroi devant le spectacle qu'offraient les monstres de chair, avançant en conquérants sur les terres souillées du duché. Si les meurtriers avaient paru effrayants, il avaient l'air d'enfants de Gaïa en comparaison.
Lentement, les orques s'approchèrent de la grange, telle une meute abyssal venue les dévorer. Lydia posa un instant sa main sur celle de Victoire, lui faisant comprendre qu'elle devait garder le silence le plus absolu, avant de doucement tendre son arc, une flèche prête à partir si les monstres les trouvaient.
Les orques pénétrèrent dans la grange, s'échangeant des cris angoissants, rauques et sinistres. Ils fouillèrent les lieux sans discrétion, conscients qu'en ces lieux, ils étaient la menace et que rien ne pourrait les arrêter. Victoire entendit l'échelle crisser douloureusement sous le poids de l'un d'entre eux qui monta, sans douceur et avec peu de précaution. Étonnamment, il parvint en haut, ce dont le second n'eut pas la chance...
Victoire cessa complétement de respirer, tendue à l'extrême en apercevant de près le faciès ignoble de l'orque gigantesque. Sa peau n'était pas verdâtre, mais plutôt d'un marron sale. Des crocs immenses sortaient de sa mâchoire, tels ceux d'un sanglier. Il renifla de son groin infect, comme s'il cherchait où se trouvaient ses proies.
Il tenait à la main un long sabre, le type que Victoire n'avait jamais vu. Celui-ci était en effet dentelé et assez peu recourbé. Vu la masse de muscles de la créature, la jeune fille ne pouvait qu'imaginer à quel point celle-ci était dangereuse et implacable. Le rougi de la lame ne la démentit pas.
Elle savait qu'elle avait raison d'avoir peur...
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