‘La crème de l’arrogance elfique’ était le surnom du club tenu par le richissime Tholien, l’ô combien mandarinal elfe blanc qui avait fait que l’endroit possédât une réputation des plus exécrables aux yeux de la gent mortelle. Car rares furent les humains s’introduisant dans la ville et rares furent ceux ayant l’envie de pénétrer dans ce club, préférant l’auberge du Cœur de la Nuit ; L’IluQuendi était et restait le lieu que tout bon philistin elfe se devait fréquenter. Amaryliel s’y rendait tous les jours pour des raisons bien différentes de celles des consommateurs elfiques de l’élitiste club : il y était apprenti vocaliste.
Chaque elfe bénéficie de l’apprentissage de son choix et la musique semblait être la plus agréable des décisions au vu des faibles capacités vocales d'Amaryliel. Loin d’être une tâche facile, chanter devant un public aussi délicat et aussi enclin au mépris que les riches elfes du club s’avérait être un exercice malaisé, mais là était le travail du jeune elfe. Travail consistant à s’améliorer de jour en jour et écouter les conseils des musiciens quasiment toujours présents dans le bâtiment. L’idéal pour l’instruction d’Amaryliel était l’écoute de Lüntime à ses heures de représentation ; dans sa voix, tout néophyte dans l’art du chant trouve satisfaction et enseignement. Amaryliel n’échappait pas à la règle. Mais bref, retrouvons notre elfe là où nous l'avions laissé. Après avoir marché pendant cinq longues minutes d’un pas tranquille, Amaryliel avait enfin atteint le club. Succulent détail que voici : Amaryliel se trouvait à deux minutes à peine du club quand Rose l'avait laissé pour sa petite partie de trempette en pleine mer ; alors comment avait-il fait pour en prendre cinq ? La réponse est simple, ou non d'ailleurs mais notre elfe marche très lentement ! Très, trop, il aime à déambuler et à traîner le pied de manière à savourer l'environnement magnifique qu'est sa cité ; y admirer les arbres, les autres elfes passant, les actions quotidiennes et ennuyeuses pour tant de gens, Amaryliel s'en délectait par le biais de ses yeux verrons. Soudain, en ouvrant la porte du club, il entendit une sorte de bruit d’ouragan, même les passants derrière lui s’arrêtèrent pour s’étonner du ‘ coup de vent’ qui s’abattait sur le club. En entrant dans le domaine, Amaryliel vit la place envahie par une foule toute renversée – et, pour certains, au sens propre du terme-, réunie autour d’un mage elfe vert d’un âge tout à fait incertain mais ayant très largement passé la trois-centième année. L’effet de la bourrasque avait juste renversé quelques chaises et membres de l’IluQuendi et le bruit sourd qu'elle avait provoqué était dû à l’effet d’écho dans le club-même, qui améliorait les prouesses musicales des artistes de l’assemblée. Pour en revenir à la foule autour du mage, elle était furieuse contre ce dernier qui, lui, semblait tout à fait mal à l’aise. Tous le réprimandèrent sévèrement :
« Lo Yuimen*, ce n’est pas possible d’être aussi maladroit ! Vous auriez pu nous tuer tous, taurion ! »
L’elfe vert en question, gêné, se replia dans une rhétorique bizarre, réplique d’un elfe au comportement assez suspect :
« De grâce, laissez-moi vous expliquer que même l’alcool le plus doux a des effets des plus remarquables et hallucinants sur ma personne! Voyez, les éléments sont contre moi quand je bois et se déchaînent en ma personne. Je ne suis même pas mage ! »
« Et votre robe ? » avança un présomptueux hinion aux allures de jeune bourgeois. Le frêle elfe blanc aux autours de satin richement brodé certainement par l’un des plus grand couturier de la cité leva un doigt en direction du magicien tout en le dédaignant du visage, il avait plutôt l’air de juger sa robe quant à sa qualité esthétique qu’à sa fonction… du moins, c’était là ce qu’on entendait dans son intonation. Le taurion lui répondit en qualité d’esthète d’ailleurs. « Oh, elle me va bien, elle est jolie n’est-ce pas ? Cela ne fait pas de moi un mage, non ? »
« Et votre bâton ?» demanda plus agressivement encore un autre elfe.
« Pour marcher ! Pour marcher, par la grâce de votre reine, chers amis hinions. Je ne peux marcher sans elle ! »
L’aspect arrogant et désolante de ces réponses mirent un petit nombre d’elfes dans un état assez furieux. On se moquait d'eux mais on faisait pis en réalité pour ces hères: on les humiliait dans leur "sanctuaire" de grâce et de volupté. Amaryliel assista, de façon discrète, à cette excentrique scène. Il avança lentement vers la sorte de loge sans sembler prendre véritablement garde à cet événement, rien de bien grave à son avis. Mais à peine dix minutes plus tard, une autre bourrasque se fit entendre, plus forte, plus imposante encore. Il cessa d’entraîner sa voix pour jeter un timide œil vers la salle. (Eh bien, ma journée est riche, mon destin s’embellira de la joie d’avoir assisté à ce genre de scène. Gardons un souvenir précieux de ce qui ne se produit pas tous les jours.) La salle était encore plus renversée et le taurion, souriant, enjambait de nombreuses chaises et tables pour foncer vers la sortie. Une sortie en fanfare assez périlleuse et vraiment d’un manque de finesse certain ; tout détruire pour finir par fuir ! Même si cela n’était ‘pas volontaire’, c’en était déjà fort extraordinaire. Tellement extraordinaire qu’un reste de vent chaud planait encore dans la salle principale du salon élitiste.
(Un client tout à fait ‘insatisfait’, ou qui ne veut pas payer. Peu importe, cela ne mérite pas une course contre lui, la honte sur cet elfe. Honte à nous de ne pas l’avoir traité comme nous le devrions.)
Un autre personnage, assez âgé et de bonne constitution, toucha l’épaule d’Amaryliel pour attirer son attention.
(Velendiel, que me veux-tu ?)
À peine pensé, à peine dit ; le prénommé Velendiel se courba avec une vivacité dans un air tacite de « je n’ai pas le temps » puis serra son poing doucement et débuta son récit d’une voix au timbre plaintif et négligé. Dans le sentiment de dire qu’il fut soigneusement outragé par ce qui se passait à l’instant sans pour autant perdre son sang-froid. Le flegme elfique… peut-être ?
« Amaryliel, ce maudit taurion a consommé sans même payer, il a hautement prétendu être dans un établissement de classe inférieure à ceux des humains et a même osé dire que nos spécialités sont terriblement mauvaises ! Amaryliel, toi qui apprends auprès de ton père l'art de l’épée, viens donc le poursuivre.»
Quoiqu’il en fut, il perdait son calme au fur et à mesure qu’il débitait ce qu’il avait à dire. Que faire ? et que dire surtout ? Il tentait d’y trouver une réponse, Amaryliel n’avait pas la même vocation que les autres, mais bon, trop tard maintenant. Le récit de l’elfe n’impliquait pas une question mais une sorte de « rejoins-nous » cousu à la va-vite sous fond de quête et d’encensement rapide. Le ( J'accepte mais pas pour les mêmes raisons que vous tous, pauvres elfes arrogants qui n'ont pas même le discernement de mépriser les provocations flagrantes. Jouons leur jeu.) était juste là pour dire qu’il avait soi-disant son mot à dire. Après, que le presque sindel se soit fait avoir ou non… on ne savait pas trop ; car on le savait de nature gentille, le petit Malina, trop, tant d’ailleurs que beaucoup en abusaient dans le club. Un jour, alors qu’un serveur avait une commande à prendre à l’autre bout de la cité, on envoya Amaryliel qui ne broncha point du service, il en redemanda même ! S’il ne s’était pas fait avoir, il était contre le fait de martyriser une personne. Quoique celle-ci ait pu faire, son ‘devoir’ était donc de la retrouver avant les autres, le piment dans la journée qui avait commencé de manière assez chaude du fanatique désavoué. Pour revenir concrètement à la scène, il lui répondit en ces mots :
« Je comprends votre peine et votre rancœur envers un vil étranger. Mais, peu importe, rendons-lui ce qu’il cherche. J’irai et j’espère retrouver ce personnage avant vous tous.»
Satisfait, peut-être un peu trop même, Velendiel témoigna d’un compliment fort douteux avant de filer à la course à l’elfe vert.
« De belles paroles de la part d’un bel elfe, allons-y. »
Ce ne pouvait que déplaire à notre Amaryliel, un peu sage, un peu ‘coincé’ comme le diraient les humains à la mode de Tulorim. Icelui répliqua par la fumeuse pensée :
( Bel elfe?! Si Rose entendait cela... Il n’a rien compris et ce, à mon avantage. Sauvons l'idiot en fuite du lynchage public.)
Ainsi, il partit ou plutôt sortit du club en direction de… Excellente question, n’est-ce pas ?
_________________ Valla-Meär Amaryliel Il Alamitz
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