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 Sujet du message: Le grand bois
MessagePosté: Dim 6 Nov 2016 00:20 
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Le grand bois


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En réalité cette modeste forêt n’a pas de nom officiel, « le grand bois » est celui qui lui a été donné par les Sinaris et, si à leur échelle le terme est justifié, il s’agit en fait de la plus petite étendue boisée de Nirtim. Située sur le bord de l’unique route qui part de Shory, à quelques kilomètres à peine de la zone d’embarcation, elle recouvre un peu moins de cinq mille hectares. Sur la route on la dépasse en quatre heures de marche. L'endroit est ordinaire mais tout ce qu’il y a de plus accueillant, cependant la plupart des gens passent devant sans même y prêter attention, préférant l’efficacité des chemins pavés à la beauté de la nature.

Le fait qu’il attire si peu l’attention du grand public en fait un repère de choix pour les connaisseurs. Si l’endroit est trop petit pour du gros gibier, lapins et renards y pullulent mais c’est surtout sa flore qui est intéressante. Le grand bois regorge de plantes et de champignons qui ne sont presque jamais cueillis. Hélas on peut également y croiser des personnes moins fréquentables. En effet son caractère isolé et sa proximité avec la zone d’embarcation en font un lieu de rencontre idéal pour des affaires douteuses. Mais cela reste très occasionnel. On a plus de chance de tomber sur un mycologue en train de se livrer à sa passion que sur quelqu’un de dangereux.


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 Sujet du message: Re: Le grand bois
MessagePosté: Dim 6 Nov 2016 09:56 
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La bête ne m’avait pas repéré, trop occupée à dévorer sa proie encore tiède. J'avançais le plus silencieusement possible pour me trouver une ligne de tir dégagée. Précaution inutile, ma cible semblait prise d’une sorte de frénésie alimentaire et ne faisait pas du tout attention à ce qui l’entourait. Les bruits de chairs déchirées, d’os et de cartilages craquants auraient de toute façon couvert mon approche. Arrivé à une dizaine de mètres je me figeai, celui-ci était encore plus maigre que les deux que j’avais eus ce matin. Son pelage originellement blanc était maculé de sang. Il arrachait compulsivement des morceaux de viande impressionnants pour sa taille et les engloutissait en quelques secondes. Son repas serait vite fini, je devais agir vite sinon la chasse serait bien plus dure.

Tout en restant accroupi, j’encochai une flèche en ralentissant ma respiration. Au moment où je me redressais pour pouvoir bander mon arc et viser, la créature mue par je ne sais quel instinct interrompit son festin pour fixer son regard sur moi. Dressée sur ses pattes arrières, un morceau de viande pendant encore à sa gueule elle poussa un cri de défi. Ce fut son dernier.

La flèche fusa parfaitement droit et alla se figer dans sa cage thoracique, la clouant au sol. Je déposai mon arc et saisis mon couteau à ma ceinture, m’approchant je vis que le ratissa respirait encore. Je mis vite fin à ses souffrances puis récupérai ma flèche. Le lapin qu’il avait réussi à attraper avant moi était méconnaissable. Je devrais me contenter de manger encore sur mes réserves pour le moment.

Cela faisait maintenant trois jours que j’avais quitté le campement des miens, je comptais me rendre vers Kendra-kâr, chercher des informations sur ma mère. Elle était forcément passée par la capitale tôt ou tard, c’était la seule piste que j’avais pour le moment. Avec mon grand-père mort et ma grand-mère perdant la mémoire, elle ne se rappelait même plus de moi, il n’y avait pas retour en arrière possible. J’aurais pu retourner chez mon père mais la vie qui m’attendait là-bas n’était pas celle à laquelle j’aspirais.

J’avais donc pris la route, à la poursuite d’une mère m’ayant abandonné il y a maintenant dix-sept ans, se souvenant certainement même plus de moi et de laquelle je n’avais qu’une vague description et un prénom, Elwinrë.

Je m’étais arrêté sur le petit bois à côté de la zone d’embarcation, j’aime bien cet endroit, j’y ai passé une bonne partie de mon enfance. Le lieu est inconnu de la plupart des gens, il n’a même pas de nom sur la carte. A l’époque les lapins y pullulaient, sa discrétion en faisait un terrain de chasse presque exclusif mais en six ans les choses avaient bien changé. L’endroit était maintenant infesté de ratissas. Il y en avait toujours eu quelques uns qui venaient depuis Kendra-kâr mais là c’était différent. En trois jours c’était le huitième que je tuais et je venais tout juste de pénétrer dans le bois. Les autres je les avais eus dans les collines qui n’étaient pas du tout leur habitat. Ca avait été ridiculement simple, ils se promenaient à découvert visiblement déboussolés.

Je n’avais jamais porté ces bestioles dans mon cœur. Je ne prenais aucun plaisir à les tuer mais je faisais ça comme un travail de régulation. Ces gros rats étaient un vrai fléau. Ils se reproduisaient comme des lapins mais étaient exclusivement carnivores. Si individuellement ils n’étaient pas une très grande menace, il n’était pas rare de voire une portée qui était resté soudée et alors ils pouvaient alors abattre des proies bien plus grande qu’eux. Un groupe de cinq ratissas pouvaient facilement venir à bout d’un mouton adulte.

Ils n’avaient aucun intérêt particulier pour être la cible des chasseurs. Leur viande avait un très fort goût comme celle de la plupart des carnivores et personnellement je l’avais en horreur. Leur peau bien que d’un beau blanc immaculé de la tête au pied, n’était pas très recherchée. Pour cause, même si elle était plus épaisse que celle de leurs cousins omnivores elle restait fine et donc fragile, dur à travailler et à dépecer. Pour ces raisons, contrairement aux autres prédateurs, ils jouissaient d'une certaine tranquillité. C’était d’une stupidité crasse car sur le long terme ils se multipliaient rapidement, se nourrissant au dépend des autres carnivores, provoquant leurs diminutions.

Donc non je n’aimais pas ces bêtes mais en dehors de ça, il y avait quelque chose d’anormal derrière cette propagation. J’étais venu chercher de quoi compléter mes réserves en nourriture avant mon voyage mais la situation me préoccupait trop pour que je puisse passer outre. Je me penchai sur ma victime à la recherche d'un quelconque indice. Celui-ci était encore pire que les précédents. Un mâle, comme les sept premiers, qui venait tout juste d’atteindre l’âge adulte et comme les autres il n’avait littéralement que la peau sur les os. C’est la faim qui devait les pousser à quitter leur habitat naturel. Mais pour qu’un endroit autrefois si abondant en gibier puisse les mener à de telles extrémités… La situation devait être plus critique que je ne l’imaginais.

Je commençai à dépecer la bête, c’était certes délicat mais je n’en étais pas à mon coup d’essai et avec un peu de patience ça se faisait très bien. Bientôt mon sac serait plein de peaux blanches relativement bien découpées. J’espérais pouvoir les vendre en ville pour financer en partie la suite de mon voyage dont j’ignorais où il allait me mener. L’idée de partir à l’aventure à la recherche d’une ombre que je ne retrouverai sans doute jamais m’était étrangement agréable, je me mis même à fredonner un sourire aux lèvres.

Alors que j’étais à la moitié de mon travail un bruit m’interrompit. Je levai les yeux et là, à seulement un mètre de moi deux ratissas avançaient au ralenti ,en posture de chasse. Dès qu’ils se sentirent repérés ils ralentirent encore plus et dévoilèrent leurs dents pointues. En temps normal ils ne se seraient pas attaqués à un homme mais ces deux là, comme les précédents, semblaient affamés.

Je maudis intérieurement mon insouciance, ils n’auraient jamais pu s’approcher aussi près sans que je m’en aperçoive si j'avais été sur mes gardes. Instinctivement je portai la main à mon dos en évitant tout geste brusque espérant y trouver la présence rassurante de mon arc, mais ne la refermai que sur du vide. Mon arme était restée dix mètres en arrière. Jurant intérieurement, je récupérai doucement la flèche que j’avais retirée du corps du ratissa quelques instants auparavant mon couteau toujours à la main droite. Je redoutais ce qui allait suivre car le corps-à-corps n’avait jamais été mon point fort. Avec mon arc je me débrouillais à peu près mais là, j’allais devoir faire sans.

Alors que j’allais me redresser pour me mettre en position de combat, les deux bêtes me sautèrent dessus simultanément. J’étais encore à genou au moment de l’impact qui fut ridiculement faible vu leurs tailles, ils étaient clairement bien trop maigres, mais ce fut suffisant pour me faire tomber à la renverse. Je me retrouvai sur le dos avec deux furies de poils, crocs et griffes fermement décidées à me dévorer.

L’un était arrivé au niveau de ma tête et j’avais miraculeusement réussi à le tenir éloigné grâce au fût de ma flèche. La bête à quelques centimètres de mon visage mordait le vide haineusement les yeux emplis de colère. L’autre était sur mon ventre, il avait commencé à déchirer ma tenue et je sentais déjà par moment des pointes pénétrer ma chaire.

De ma main gauche je tenais tant bien que mal le premier en échec mais la bête était vive. Dès que j’essayais de forcer pour l’éjecter elle se tordait et ma force ne rencontrait que du vide. Il m'aurait fallu ma main droite mais avec elle je tentais de tuer mon autre assaillant, donnant des coups de couteau à l’aveugle, mais même si j'avais l'impression de toucher par moment mes assauts manquaient de précision et de force. La bête continuait de déchirer mon habit malgré mes efforts. Je ne voyais rien du tout et je commençais à paniquer. La douleur sur mon abdomen ne faisait qu’empirer .Je sentais un liquide chaud et poisseux commencer à couler de mes plaies…

Puis soudainement une douleur plus forte sembla me transpercer, la bête avait réussi à se frayer un passage assez large pour passer sa tête et avait mordu dans mes chairs. Ce fut une erreur qui lui fut fatale, je savais où j’étais mordu et donc précisément où elle était. Je plantai rageusement mon couteau dans ce que je pensais être son cou et le laissais là. De ma main droite maintenant libre je saisis la deuxième bête et l’envoyai voler. A peine arrivée au sol, elle détala dans les fourrés en poussant des cris plaintifs.

L’autre ratissa était encore vivant, ses crocs plantés en moi, mais je sentais sa force faiblir. Mon couteau n’était pas resté en place mais il avait l’épaule droite presque entièrement sectionnée. Utilisant ma flèche comme un poignard je lui transperçai le crâne d’un coup sec. La flèche se brisa et la pointe resta à l’intérieur de sa tête. La bête mourut instantanément et roula sur le côté de mon corps. C’était fini.

Tout le sang qui avait coulé ici allait en attirer d’autres, il fallait que je reste en mouvement et que je soigne mes blessures. Mon estomac me paraissait être en lambeaux et ma main gauche était couverte de griffures, heureusement rien de sérieux à ce niveau là, je pourrais encore utiliser mon arc si besoin. Je savais qu’un cours d’eau passait non loin. Faute de mieux c’est là où j’allais me rendre. Je récupérais mon arc et mes flèches appuyant sur mon ventre pour en ralentir le saignement. Je laissais les cadavres des ratissas et les restes du lapin derrière moi, espérant qu’ils occupent des potentiels poursuivants.

Je me mis à courir à grand-peine, chaque foulée faisait remonter des aiguilles de feu dans mon estomac mais je ne pouvais pas m’arrêter. J’avais pris la bonne décision. A peine m’étais-je éloigné de l’endroit que j’entendis les cris excités de plusieurs petits carnivores venus manger les restes du combat.

J’avais été négligeant et j’avais eu beaucoup de chance. Si la lutte avait duré quelques minutes de plus, j’aurai juste succombé sous la force du nombre. Cette pensée alluma une flamme de colère en moi. Il était hors de questions que je me fasse bouffer par ces saletés de bestioles! Dès que je serai rétabli ils allaient comprendre qui était au sommet de la chaîne alimentaire!



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 Sujet du message: Re: Le grand bois
MessagePosté: Dim 6 Nov 2016 12:28 
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Au bout de quinze minutes de course dans les bois, je finis par arriver en sueur et exténué à la rivière que je cherchais. Je m’écroulais plus que je ne m’asseyais au bord de l’eau. Je fis une courte pause pour reprendre mon souffle et faire une inspection plus approfondie de mon état. Le sang avait collé mon haut tout autour de mes plaies, je dus le découper pour pouvoir m’en débarrasser. En dehors de la morsure mes blessures étaient superficielles, je m’étais peut être un peu inquiété pour rien mais j’allais quand même devoir recoudre la morsure et nettoyer ça sérieusement.

J’entrepris de traverser le cours d’eau, j’avais laissé une piste évidente derrière moi et ce ne serait pas long avant qu’une bande de rongeurs affamés se lance à ma poursuite, la rivière les ralentirait peut-être un peu. Le courant était fort et l’eau froide, heureusement elle ne dépassait pas le niveau de ma taille. Je parvins à traverser sans trop de problèmes et me hissai sur l’autre berge en étouffant un juron de douleur.

Mon bas était trempé maintenant et le temps commençait à se couvrir. L’été était bel est bien fini et avec son départ la fraicheur était revenue. Premièrement il me fallait faire un feu sinon je ne passerais pas la nuit, que ce soit les prédateurs ou le froid, avec mes blessures ça aurait été un suicide. Je déposai donc mes affaires, à l’exception de mon arc, mes flèches et mon couteau, près de la rivière pour rassembler le nécessaire. Dix minutes plus tard j’avais une bonne flambée à quelques mètres de la berge et intérieurement je remerciais Herald, dont les enseignements venaient probablement de me sauver la vie.

La douce chaleur du feu me fit le plus grand bien, je pus me poser pour respirer un peu. Je senti le contrecoup des derniers événements s’abattre sur moi, j’avais perdu un peu de sang et j’étais fatigué mais je ne pouvais pas me détendre, pas encore. Maintenant que le feu était fait, il fallait que je m’occupe de mes blessures. Ma main gauche ne saignait même pas. Je me contentai donc de la nettoyer sommairement en même temps que mon ventre. Je remarquai avec surprise qu’un petit croc blanc était encore fiché dans ma chair. Je ne pus m’empêcher de sourire en mettant dans mon sac ce trophée bien ridicule par rapport à ce que je venais de vivre.

Je commençai alors à me recoudre, heureusement j’avais toujours un nécessaire de couture sur moi. Si la chair humaine n’était pas ma spécialité j’avais pas mal d’expérience sur les peaux de bêtes, cela devrait faire l’affaire, cela devait faire l’affaire. La tâche était plus laborieuse et douloureuse que ce que j’imaginais. Je dus m’y reprendre à trois fois avant de réussir à obtenir un résultat correct là où la mâchoire supérieure s’était plantée.

C’est à ce moment-là que je les entendis. Sur la rive d’en face, une dizaine de ratissas montraient les crocs et poussaient des cris en ma direction. Mon calcul avait été le bon, ils trépignaient devant la rivière et n’osaient pas la franchir. Je rapprochai quand même mon arc et comptais nerveusement mes flèches, douze. L’envie d’éliminer ces nuisibles depuis ma positon sûr était forte mais je ne pouvais pas me permettre de gâcher mes munitions.

Tout en jetant régulièrement un regard sur la menace qui me guettait je reprenais mon travail. La seconde blessure était moins large, ce fut l’affaire d’un essai et de moins d’une minute. Je pris un instant pour contempler mon œuvre, c’était vraiment laid mais les dommages étaient superficiels et je ne saignais plus. Tant que je ne forcerais pas, ça devrait tenir.

Mon haut en revanche était dans un piteux état, affublé maintenant d'un gros trou au niveau du ventre. Ce n’était rien de bien grave, je l’avais depuis des années et je l’avais rafistolé tellement de fois que c’est à peine si il restait des morceaux des peaux originelles. Mais le voir ainsi m’énerva, c’était mon compagnon de route à part entière. Furieux je me relevai et allai au bord la rivière. Ces stupides rats étaient encore de l’autre côté à pousser des cris de menaces et de colères. Je ramassai des pierres sur le bord de la rive et commençai à les viser. Si c’était complétement inefficace ça avait le mérite de me défouler et voir la rage de ces animaux grimper face à leur impuissance ma satisfaisait au plus haut point.

C’est à ce moment qu’un des ratissas, plus affamé que les autres, se jeta dans l’eau. Cousin du rat, c’était un bon nageur par instinct mais le courant était trop fort et il fut balayé vers le bas de la rivière en poussant des gémissements de détresse. Les autres ayant assistés à la scène se dispersèrent en poussant des plaintes affolées. De mon côté je poussai un cri de triomphe alors qu’ils s’enfuyaient vers la forêt. C’était une bien piètre victoire mais je la savourai quand même.

La menace la plus immédiate venait d’être écartée. Je me détendis un peu mais si certains avaient pu atteindre les collines, c’est qu’ils avaient déjà pu traverser. De plus, je m’étais enfoncé dans la forêt et ce n’était qu’une question de temps avant qu’un autre groupe me trouve. Il fallait que je rassemble de quoi alimenter mon feu pour toute la nuit avant que m’en éloigner ne devienne trop dangereux.

Je mangeai mes dernières provisions pour compenser le sang que j’avais perdu, je n’avais plus rien mais la nourriture était loin d’être mon principal souci. J’étais épuisé mais je me levai quand même pour un ultime effort avant de m’autoriser à me reposer. Le combustible ramené à mon campement provisoire, je m’écroulai de nouveau près de mon feu pour ce que je prévoyais comme une courte sieste.

Le froid plus que l’eau me tira brutalement de mon sommeil, la nuit commençait à tomber et mon feu s’était éteint. Et pour cause, il s’était mis à pleuvoir, si la proximité de la rivière m’offrait une fuite facile en cas de besoin, j’étais complétement à la merci de la pluie. Je m’étais endormi beaucoup plus longtemps que prévu. En jurant contre mon infortune je rassemblais en précipitation mes affaires, décidément je faisais erreur sur erreur. Je n’avais pas encore réparé mon haut et ma cape elfique sur mon torse déjà trempé était ma seule protection contre l’eau. Mon arc à la main je n’avais pas le choix que de me chercher un refuge. Ce n’était qu’une question de temps avant que je me retrouve dans l’obscurité. Soit je m’enfonçais encore d’avantage dans la forêt soit je retraversais la rivière et tentais de regagner les collines.

La pluie avait rapidement gagné en intensité et en quelques secondes je me retrouvai sous une averse, tout cet apport soudain d’eau avait augmenté la force du courant. Avec mes blessures au ventre pas encore guéries c’était un pari trop risquer à prendre, surtout qu’une fois la rivière traversée je serais vite de retour dans les collines et alors il mes serait impossible de trouver un abri. Je choisis un compromis, j’allais rester près de la rivière le temps de trouver un guet ou de reconnaître un élément qui me conduirait à un refuge. Le sol devint vite extrêmement boueux, le vent et la pluie ralentissaient également ma progression, autre problème tirer une flèche dans ces conditions serait compliqué. Les éléments semblaient se lier contre moi, je pestais contre ma malchance en continuant tant bien que mal à suivre la rivière. Je ne trouvais ni repères ni guets.

Le temps passait lentement. J’étais frigorifié, j’avais tant bien que mal réussi à me faire une protection de mon haut troué mais ça n’empêchait pas le froid de me pénétrer jusqu’à la moelle. L’avantage, c’est que je avais peu de chances de me faire attaquer dans ces conditions. Les ratissas, aussi affamés soient ils, n’étaient surement pas assez stupides pour sortir sous une pluie pareille. Alors que moi apparemment si, cette pensée força un rictus amère sur mes lèvres alors que je continuais de guetter le moindre signe d’un potentiel abri.

Au bout d’un moment la pluie s’en alla aussi soudainement qu’elle était venue, mais il faisait totalement nuit maintenant. J’étais trempé, gelé et je n’avais aucun moyen de faire un feu, tout le bois qui m’entourait était gorgé d’eau. Je continuais à avancer, juste pour rester en mouvement, me frictionnant les bras pour garder un minimum de chaleur. J’avais perdu espoir de retrouver un lieu que je connaissais, cela avait été illusoire de ma part. En six ans les bois avaient bien trop changé. J’allais devoir me fabriquer un camp de fortune pour la nuit. Je cherchais juste un endroit qui me semblerait légèrement plus accueillant qu’un tas de boue pour m’installer.

C’est alors que je vis un ratissa surgir de derrière les fourrées, lorsqu’il me remarqua à son tour il se planta en position de défi devant moi. Il semblait vouloir en découdre, ça tombait bien j’avais besoin de me défouler. Il allait payer pour les autres, il allait payer pour la pluie, il allait payer pour le froid, il allait payer pour ma fatigue et il allait payer pour tout le reste! Je portais vivement la main à mon carquois et dans le même mouvement commençai à bander mon arc, la bête me regardait semblant hésiter entre la fuite et l’attaque. Tant pis pour lui!

Je parvins tout juste à dévier mon tir d’une torsion du poignet et la flèche fila à quelques centimètres au dessus de la bête. Ce fut ce qui la décida à fuir, elle avait beau être affamée, l’instinct de survie avait finalement pris le dessus et j’étais un bien trop gros gibier pour elle. Aussitôt je me lançai à sa poursuite priant que mon intuition soit la bonne. Au dernier moment j’avais remarqué un détail qui m’avait fait changer d’avis, elle était entièrement sèche! Ca voulait dire qu’elle avait trouvé un abri efficace non loin et était sortie juste après la fin de la pluie. Vu comme son pelage était immaculé, ça devait être quelque chose d’assez spacieux, de toute façon je n’avais pas tellement d’autres pistes.

Je perdis vite le ratissa de vue mais suivre sa trace n’était pas un problème, le sol était bien humide et les empreintes dans la boue nettes. Malgré la nuit qui se faisait de plus en plus sombre je parvins à remonter sa piste. Les marques de son trajet à l’allé étaient également encore présentes, au fur et à mesure que je progressais d’autres marques se mêlaient aux siennes, je visualisai deux bêtes passant par ici, puis trois, puis une dizaine. Tout ces passages avaient été faits entre la fin de la pluie et maintenant. J’allais probablement arriver à un lieu de forte concentration, une sorte de repère. Si je risquais de devoir me battre pour ma place, j’étais pratiquement sûr de trouver un abri de taille confortable. De toute façon c’était soit ça soit la boue, j’étais prêt à prendre le risque.

J’en étais là de mes pensées lorsque la forêt s’arrêta brusquement sur une clairière. Un cercle d’une centaine de mètres de diamètre avait été taillé dans les bois. En son centre, il y avait un bâtiment que je n’avais encore jamais vu. La nuit était avancée et aucune lumière n’en émanait. C’était peut être une cabane de bûcherons mais elle était beaucoup plus élaborée qui les abris provisoires qu’ils se construisaient habituellement. La bâtisse possédait deux étages en plus du rez-de-chaussée. De nombreuses fenêtres ornaient les murs de pierres, celles à portées de mains et du premier étage étaient brisées. Une inquiétante tâche sombre s’étendait de l’une d’elle. Comme si la maison avait pleuré des larmes de sang. La porte d’entrée avait disparu, donnant une inquiétante bouche noire à l’édifice.

Je me félicitai de mon intuition, certes l’endroit n’était pas très accueillant mais cette nuit je pourrais dormir dans du dur! J’avais perdu ma tente aux cartes quelques jours avant mon départ et n’avais pas encore trouvé de quoi m’en faire une nouvelle, là, enfin, la chance me souriait. J’avançai tout fier de ma décision lorsqu’un son attira mon attention. A l’autre bout de la clairière derrière la bâtisse, il y avait un petit cabanon que je n’avais pas encore remarqué. Sans doute réservé pour le stockage d’outils, il était loin et dans l’obscurité. J’avais du mal à discerner mais il semblait y avoir du mouvement derrière la porte ouverte et le bruit provenait de sa direction.

"Hey! Est ce qu’il y a quelqu’un?"

A partir de ce moment tout s’enchaîna très vite.



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 Sujet du message: Re: Le grand bois
MessagePosté: Jeu 10 Nov 2016 23:53 
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Mon appel fut l’élément déclencheur d’une série d’événements. Un vent glacial vint me frapper, il semblait sortir de la grande bâtisse et je cru entendre un rire plus froid encore. Un fourmillement se répercuta jusqu’au plus profond de mes tripes. Je sentis mon sang bouillonner et une boule de rage commencer à grandir en moi. Au même moment une dizaine de ratissas sortirent du cabanon et se mirent à courir à toute vitesse sur moi.

Je fus pris d’une haine terrible contre ces animaux, je me voyais les réduisant en charpies et cette image me procurait un plaisir malsain. Le rire que j’avais entendu dans le vent revint, plus distinctement cette fois. Il alimenta davantage ma colère j’étais près à charger les ratissas dans un geste dément. Mais pourtant quelque part enfouie sous cette brume de rage se terrait une peur, je sentais que ma vie était en danger: non à dix contre un j’étais quasiment sûr de mourir. Je compris que les sentiments que je ressentais n’étaient pas uniquement les miens. Quelque chose était en train de m’influencer. Le simple fais d'en prendre conscience me fit reprendre mes esprits. Il fallait impérativement que je fuie.

S'ils parvenaient à me rattraper dans la forêt j’étais mort et je ne pourrais jamais gagner la rivière à temps. Je n’avais plus le choix, je me mis à courir de toutes mes forces vers la bouche béante de la maison. Les ratissas étaient rapides mais plus loin de l’entrée, je pouvais y arriver avant qu’ils ne me barrent la route!

A chaque foulée qui me rapprochait, le froid s’intensifiait et le temps semblait comme suspendu. J’entendis encore ce rire qui me sembla atroce, directement à l’intérieur de mon crâne. Cette fois il était chargé de menaces et j’entrevoyais des horreurs insupportables. Sans la promesse d’une mort certaine j’aurais fui. J’ignorais ce qui m’attendait dans cette maison mais ça me terrifiait.

Arrivé à quelques mètres j’avais totalement cédé à la panique. Ce rire ne cessait de prendre en ampleur et j’avais de plus en plus froid. A tel point que je dû m’arrêter de courir pour me boucher les oreilles dans l’espoir de le faire cesser. Mais il continuait de résonner au fond de moi. Je me pliai en deux dans une agonie inexplicable. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Le monde autour de moi se brouillait, il n’y avait plus que le froid et la peur. Je sentais que ma raison commençait à vaciller.

C’est la douleur qui me rendit mes esprits, le premier ratissa était arrivé à mon niveau et avait planté ses crocs dans mon tibia. Je repris contact avec la réalité, le rire et le froid s’atténuèrent sans disparaître totalement. L’entrée était juste devant moi et le reste des ratissas arrivaient à toute vitesse, poussant des cris excités. Je restai un moment immobile sans comprendre où j’étais ni ce qui se passait. J’étais encore sous le choc et la situation me semblait totalement irréelle.

Ce n’est que lorsque le ratissa enfonça d’avantage ses crocs dans ma chair que, dans un cri de douleur, je repris totalement conscience de ce qui se passait autour de moi. L’adrénaline aidant, je repris le contrôle totale de mon corps. Aussitôt je me jetai en avant, esquivant de justesse les crocs d’un ratissa qui se refermèrent dans un claquement là où était ma jambe l’instant d’avant.

Dans une roulade improvisée je finis par dépasser le seuil de la maison, aussitôt l’obscurité m’engloutit, je ne voyais pratiquement plus rien. Le ratissa accroché à ma jambe fut soudain prit de panique, se démêla et s'enfuit vers la sortie. J’aurais fait de même si j’avais pu mais mon corps refusait totalement de m’obéir. Dehors la dizaine de ratissas était restée à quelques mètres de l’entrée de la maison, ils n’osaient pas aller plus loin, poussant des cris de colère à mon attention.

Je ne ressentais que trop bien ce qui les effrayait, j’étais haletant, trempé de sueur et complétement paralysé. L’atmosphère de l’endroit était glacial, il faisait encore plus froid qu’à l’extérieur. Le vent s’engouffrait par l'entrée à jamais ouverte à intervalles réguliers donnant l’impression que la maison respirait. Il y avait une forte odeur animale en ces lieux et plus insidieusement, une aura de mort. Quelque chose de profondément mauvais émanait de toute la bâtisse. Je me sentais terriblement mal et je n’arrivais pas à reprendre mon souffle. Je commençai à paniquer et fus pris de vertiges. J'étais encore allongé au sol quand le monde se mit à tournoyer autour de moi, de plus en plus vite. L’air me manqua et je me sentis comme aspiré vers le néant. Puis d’un coup je sombrai dans l’inconscience.

L’endroit était joyeux et animé, le barman distribuait des pintes à n’en plus finir. Un homme jouait joyeusement du piano dans un coin de la pièce, mais on l’entendait à peine à cause du brouhaha et des rires qui emplissaient la salle. On buvait, parlait fort et s’esclaffait encore plus fort. Deux hommes, visiblement plus alcoolisés que les autres, dansaient sur une table en beuglant une chanson paillarde au milieu des claquements de mains rythmant la musique. La plupart avaient des allures de mercenaires, qui venaient visiblement ici dépenser leurs paies.

Un homme cependant faisait tâche dans l’ambiance générale. Il était debout contre un mur, parfaitement immobile, habillé d’une longue toge noir. Il me mettait terriblement mal à l’aise sans que je n’arrive à savoir exactement pourquoi. Personne ne le voyait à part moi. Il leva lentement son visage pour me regarder. Seuls ses yeux étaient apparents, le reste était dissimulé dans l’ombre de sa capuche, ils étaient entièrement noirs. Tout le reste disparut, je ne voyais plus que lui et bientôt même son corps échappa à ma vision, il ne resta plus que son regard. Il était chargé de haine.

Je reçus un coup dans les côtes, la douleur me coupa instantanément la respiration. Instinctivement je me pliai en deux tentant de porter mes mains à l’endroit du choc mais elles étaient attachées par des chaînes, mes pieds aussi, je pouvais à peine bouger. La scène provoqua l’hilarité générale et celui qui m’avait donné le coup me regarda avec un sourire mauvais. Je me sentais oppressé et tout petit au milieu de tous ses visages hilares. J’éprouvais un profond sentiment d’injustice, je voulais partir très loin mais mes liens m’en empêchaient.

Le visage de mon tortionnaire se brouilla et le regard de l’homme à la toge le remplaça, j’étais pétrifié. Ses yeux remplis de ténèbres étaient à quelques centimètres de mon visage, je voulais crier mais j’étais incapable d’émettre le moindre son, mon corps entier était paralysé. Lentement, très lentement, il se rapprocha de moi et sans que je ne contrôle rien, ma bouche s’ouvrit doucement. Je ne pouvais même pas trembler mais je sentais que quelque chose de terrible allait de produire. Sans que je puisse les retenir des larmes se mirent à couler sur mes joues.

L'homme à la toge poussa alors un rire dément et, se transformant en une fumée noire, se précipita dans ma gorge. Je sentis comme du métal en fusion qui emplissait mes poumons, je ne pouvais plus respirer, j’allais mourir asphyxié. Je me retrouvai à quatre pattes, tentant de cracher mais rien à faire, le monde commençait à se brouiller autour de moi. Je finis par m’écrouler au sol les yeux révulsés. J’entendais des rires venant de tout autour de moi et le sien plus fort que les autres résonnait directement à l’intérieur de mon crâne.


Je me réveillai d’un coup en me tenant la gorge. Tout avait été si réaliste, je sentais encore la peur et la douleur dans chacune de mes cellules. Je venais de vivre une mort. Je restai un moment sous le choc, essayant de mettre un sens à l’expérience que je venais de ressentir. Ce n'était certes qu'un rêve ou une vision mais cela avait été tellement réaliste! Je me rendis compte qu’en revenant à moi j’avais retrouvé le contrôle de mon corps. Le mouvement réflexe de mes mains ainsi que les tremblements qui me parcouraient étaient autant de preuves.

Mais quelque chose me secouait encore plus que l’expérience que je venais de vivre, c’était la certitude qu’elle ne venait pas de moi. Quelque chose d'étranger à moi m'avait imposé cette vision, tout comme les sentiments que j'avais éprouvé à l'extérieur. J’avais toujours été facilement impressionné par les histoires de démons et de diables, mais au fond de moi je savais qu’elles ne restaient que des fables pour effrayer les enfants. Là c’était différent, ce que je venais de vivre était la preuve qu’une entité maléfique intangible était à l’œuvre dans cette bâtisse.

Cette pensée provoqua un frisson le long de ma colonne et je déglutis péniblement. J'étais encore allongé sur le dos et le contact du bois contre mon corps trempé était glacial. Dehors j'entendais les cris des ratissas en colère, en pensant à la vision que je venais d'avoir je me dis que tenter ma chance dehors avec eux serait la meilleure des solutions. Non: avec mes blessures ce serait clairement suicidaire pour le moment, il ne devait même pas me rester assez de flèches...

Je me relevais péniblement réveillant la douleur de ma morsure au tibia, je m'en rendis à peine compte. J'étais terrifié mais résigné à affronter les maléfices de la demeure et pour l'instant mon esprit était entièrement focalisé là-dessus. Je jetais quand même un coup d'oeil vers l’entrée, je vis que les bêtes étaient encore la, à quelques mètres, furieuses mais n’osant pas avancer. Je n’avais pas dû rester inconscient plus de quelques minutes. J’analysai la situation le plus calmement possible tentant au maximum de trouver des éléments qui pourraient m’aider.

Je remarquai alors que l’atmosphère était moins oppressante et l’air légèrement plus chaud qu’à mon arrivée. Comme si le mal à l’intérieur de la maison s’était affaibli. J’ignorais quelle force était à l'oeuvre ici mais la vision cauchemardesque était de son fait et apparemment générer ces horreurs en moi l'avait fatiguée. Cette pensée alluma une étincelle d'espoir, si ça pouvait faiblir, ça pouvait surement être vaincu. Mais pour le moment je devais savoir où et sur quoi j'étais tombé exactement. La fuite n’était hélas pas une option dans l’immédiat avec les ratissas à la porte.

En tâtonnant dans le noir je finis par trouver une chaise, puis une table et enfin sur cette dernière, une bougie. Je l’allumai à l’aide de mon silex et de mon amadou. La flamme tremblotante donna un air surréaliste à l’endroit. Au fur et à mesure que je scrutai les alentours mon coeur se serrait d'avantage. Ce fut lorsque je vis le piano que les images de ma vision et de ce qui m'entourait se superposèrent totalement. J'étais exactement au même endroit que dans mon cauchemar. Mais sans doute des années plus tard et après qu'un drame s’y soit produit.

Le plupart des tables étaient renversées, des chaises étaient en morceaux sur le sol et même le piano portait plusieurs marques d’armes. Derrière le comptoir il y avait des étagères détruites et un grand miroir ayant reçu un impact duquel une tâche sombre coulait jusqu’au sol. Du sang, il y en avait partout, sur les murs et sur le sol, sur les tables et les touches du piano. La lumière instable de la bougie donnait l’impression qu’il s’agissait d’ombres animées.

Le premier choc passé je pris conscience de mon état, mes points de sutures avaient lâché sous l’effort et une des deux morsures saignait de nouveau. Mon bas était déchiré, rien d’irréparable mais j’avais une nouvelle blessure dont j’allais devoir m’occuper. Je commençai à me recoudre à la lumière de la bougie, je ne pus m’empêcher de sourire en remarquant que je commençais à être tristement habile à la manoeuvre. Malgré la pénombre et ma fatigue de plus en plus grande ce fut relativement vite fait.

Je me frayais ensuite un chemin parmi les divers débris jusque la cheminée. Avec des morceaux de chaises et de tables je lançai une bonne flambée. La chaleur me fit le plus grand bien. Je restais un moment près du feu savourant la sensation de mon corps qui séchait, un sentiment profond de bien être s’empara de moi alors que mes membres endoloris se réchauffaient enfin. Je me permis de rester à savourer la chaleur le temps que mes habits sèches.

De toute façon je pensais que j’aurais bien du mal à m’endormir après l’expérience que je venais de vivre. Si la force qui régnait ici semblait inactive pour le moment, rien ne me disait qu’elle ne pourrait pas intervenir directement dans mes songes. Cette idée bien présente à mon esprit, je restai sur mes gardes en contemplant les flammes qui ronronnaient doucement dans l’âtre.

Sans me rendre compte je me mis à cligner des yeux de plus en plus longuement. La chaleur qui m’entourait maintenant créait un cocon dans l’atmosphère glaciale qui régnait dans la pièce. J’étais comme dans un oasis dans le désert, je me sentais protégé. Lentement, je fermai les yeux et laissai la fatigue m’emporter doucement dans le monde des songes sans même m’en rendre compte.


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 Sujet du message: Re: Le grand bois
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Je revins à moi dans un sursaut et je mis un instant à réaliser où j’étais. Une fois que je compris ce qui venait de se passer, je secouai vivement la tête pour récupérer la totalité de mes esprits. Que je puisse m'endormir aussi facilement indiquait que ces dernières nuits passées à la belle étoile et les évènements récents m'avaient épuisés plus profondément que je ne le pensais. Malgré ça j'avais encore à faire avant de pouvoir me reposer. Je ne connaissais pas l'endroit et avec les ratissas qui trainaient dehors c'était trop dangereux de baisser ma garde. J’entrepris donc de bloquer l’ouverture à l’aide d’une table que je renversai à la verticale. Les bêtes avaient renoncés pour cette fois et étaient parties, mais je devais être prêt si jamais elles revenaient plus décidées. Je finis de caler ma défense avec des chaises pour être sûr qu'ils ne puissent pas la renverser.

Ma tâche achevée mon crâne commençait à me faire souffrir, il fallait absolument que je dorme. Mais l'heure n'était pas encore au repos. M’armant d’un tison enflammé, je pris d’abord la peine de faire une brève inspection de l'endroit pour m’assurer qu’aucun danger ne me menaçait de l’intérieur. Il était hors de question que je me fasse surprendre par quoique ce soit durant mon sommeil. J’avais déjà assez à craindre de la force mystérieuse qui hantait ces lieux.

L’escalier menant au premier étage était impraticable, on en avait défoncé les premières marches. Il faudrait un support pour pouvoir attraper directement celles du haut. Je jugeai qu’il n’y avait aucun risque de ce côté là. Derrière le bar il y’avait une trappe ouverte, le tapis que je vis à côté devait sûrement la recouvrir quand elle était fermée. En m’en approchant je reconnu des bruits que je n’avais que trop entendu ces derniers temps, la cave devait être infestée de ratissas. Je ne pu m’empêcher de jeter un coup d’œil à l’intérieur et ce que je vis me pétrifia.

Eclairé par ma torche, je distinguai des marches qui s’enfonçaient dans les ténèbres et dessus le plus grand ratissa que je n’avais jamais vu. Il avait des crocs démesurés qui dépassaient de sa gueule. Ses yeux étaient d’une noirceur terrifiante et l’espace d’une seconde j’aperçu le visage de l’homme à la toge noir se superposant au sien. Sa face entière était recouverte de sang et je sentais une odeur abjecte émaner de lui. Devant lui des petits, peut être les siens, tentaient de fuir mais les marches étaient des obstacles presque insurmontables pour eux. Il en tenait un entre les pattes, je devinai aux tâches sombres qui le précédaient que ce n'était pas le premier qu'il attrapait. Sa proie poussait des gémissements de souffrance, impuissant alors que l'immonde bête la dévorait vivante. La scène était abominable.

La lumière de ma torche attira l’attention de l'hideuse créature, elle me fixa et la silhouette de la flamme se refléta dans ses yeux noirs, lui donnant des allures de démon. Elle avait le museau et les crocs dégoulinants de bave sanguinolente. La situation s'immobilisa alors que je retenais mon souffle incapable d’esquisser le moindre geste. C'est à ce moment que le plus proche des petits chuta de la troisième marche en émettant un couinement de détresse. Cela sonna comme un appel pour son poursuivant qui s'élança vers lui. Ce fut un déclic pour moi, je ne pouvais rester plus longtemps spectateur de ce qui se passait. D'un geste, je me penchai en avant récupérai le petit et refermai le passage. Je le verrouillai juste à temps. L’instant d’après j’entendais des cris et des grattements furieux contre la trappe. Le bruit était impressionnant mais la plaque était en pierre, maintenu par un verrou en acier. Peu importe sa taille, il ne pourrait jamais passer.

Je restai un moment immobile tenant le petit encore tremblant contre mon cœur, fixant avec horreur la trappe devant moi. Ce que je venais de voir n’avait pas de sens, même affamés les ratissas de dehors n’avaient pas eu recours au cannibalisme. Pourquoi un animal si gros le ferait? Des petits en plus, ayant à peine quitté leurs mères et la façon dont il le faisait…j’aurai juré qu’il prenait du plaisir dans leurs souffrances. J’étais sous le choc et horrifié.

Je ne saurai dire combien de temps je restai ainsi. C’est bien après que l’énorme ratissa ait renoncé à forcer la trappe que je me relevai, essayant tant que possible de ne pas penser aux sorts qui attendait les petits restés en bas. Le survivant, toujours blotti contre mon corps, avait arrêté de trembler et s’était endormi.

Je continuai mon tour, je ne pouvais pas me permettre qu’une bête comme ça me surprenne pendant mon sommeil. Il y avait une porte à côté du comptoir, elle menait sur une réserve. J'y vis plusieurs tonneaux et une sortie sur le dehors dont la porte était défoncée. Je refermai ce passage également. Je finis rapidement mon inspection de la salle mais si je pu prendre pleinement conscience de la violence qui avait eu lieu ici, je ne vis aucun autre danger potentiel. Epuisé mentalement et physiquement, je m’arrangeai un lit de fortune près de la cheminée.

Malgré ma grande fatigue je ne parvins pas à dormir tout de suite. Des images atroces se bousculaient dans mon esprit. Par moment c’était l’image de l’homme à la toge noir et à d’autres je pensais à l’ignoble bête dont je n'étais séparé que par une épaisseur de plancher. Le seul réconfort que je parvins à trouver fut dans la petite boule de poil qui dormait à mes côtés. La serrant fort contre moi je tentais d'oublier le monde qui m'entourait. Je n’aurais pas pu affirmer qui de lui ou de moi avait eu le plus besoin de l’autre. Le temps passa et la fatigue l’emporta sur la peur qui me rongeait. Finalement je rejoignis mon petit compagnon dans le monde des songes.

J’ai peur, j’ai si peur, s’il vous plait aidez moi! Non pas lui, qu’il s’en aille, plus jamais, plus jamais! Je suis désolé, je ne voulais pas, je ne contrôle pas, je ne le contrôle pas, il me fait si peur... J’ai mal, je veux juste que ça s’arrête, aidez moi! Je vous en supplie aidez moi!

Je me réveillai un peu après le levé du soleil, des images confuses dans ma tête. J'avais l'impression d'avoir rêvé de quelque chose mais c'était flou et dès que j'essayais de me concentrer mes pensées se troublaient. La réalité se rappela d'un coup à moi lorsque je senti le petit ratissa blottit en boule contre mon corps. Aussitôt tous les événements de la veille se bousculèrent dans mon esprit. J'avais du mal à réaliser qu'hier matin encore je me baladais sans soucis sur les collines herbeuses de Shory. Maintenant, j'étais bloqué sans nourriture au milieu de la forêt encerclé par une horde de bêtes affamées. J'ignorais comment j'allais me sortir de là.

Chaque chose en son temps, il fallait d'abord que je vois ce que j'allais faire de la boule de poils blanche qui ronflait tranquillement à côté de moi. Instinctivement je m’éloignais un peu d’elle, hier soir mes émotions avaient pris le dessus mais maintenant j’étais totalement conscient. C’était un mâle et il venait vraisemblablement tout juste d’être sevré de sa mère. Il pesait dans les cent grammes et devait tenir dans mes deux mains réunies. Comme tout ceux de son espèce, son pelage était uniformément blanc.

Je l'avais sauvé la veille uniquement sous le coup de l'impulsion mais vu la précarité de ma situation je pouvais difficilement me permettre de m'encombrer de ça en plus. Puis c'était quand même un ratissa, certes pour le moment il n’avait que quelques semaines, mais dans moins d’un an il serait devenu adulte et serait une menace comme tout ses congénères. D'un autre côté, je ne pouvais m’empêcher d’être attendri par la petite créature qui dormait paisiblement devant moi et quand je pensais au sort auquel elle venait d’échapper... je me sentais le besoin de la protéger.

Au fond de moi une bataille faisait rage entre d’une part ma répulsion, qui avec les derniers événements tournait à la haine, à l'encontre de ceux de son espèce et l’incarnation même de l’innocence que j’avais sous les yeux. Alors que j'étais encore indécis il se réveilla doucement, cligna des yeux, s’étira et dès qu'il me vit, vint se frotter contre moi. Ce n’était rien mais c'est ce qui fit gagner la tendresse sur la colère. Je décidai de le garder à mes côtés pour le moment.

L'affaire entendue, je me redressai et observai la pièce qui m'entourait à la lumière du jour. Il était évident que l'endroit était le même, le sang, les meubles brisés, le comptoir et l'horreur qui se dissimulait dans la cave, tout ça était encore là. Pourtant il y avait quelque chose de fondamentalement différent, je regardais autour de moi essayant de comprendre d'où me venait cette impression de changement lorsque la réponse m'apparu soudain évidente. Physiquement l'endroit était le même, c'était l'aura malfaisante d'hier soir qui avait totalement disparu. Ce n'était certainement toujours pas accueillant mais l'ambiance n'était plus si oppressante.

Ce qui avait été à l'oeuvre la veille semblait être parti pour le moment. Je tentais de me rappeler quand exactement j'avais senti sa présence faiblir peut être cela me donnerait un indice sur la nature de la chose. Dans mon effort de mémoire la vision de mort qui m'avait été imposée s'immisça dans mon esprit, me faisant perdre la fil de ma réflexion. Par association d'idées c'est le gros ratissa qui occupa mes pensées. Je ne pouvais m'empêcher de l'associer à la puissance maléfique de la maison et à la prolifération de dehors. Je n'arrivais juste pas encore à faire le lien entre les différents éléments, les réponses devaient être quelque part dans cette bâtisse. J'étais bien décidé à trouver ce qui se passait exactement.

Avant de partir à la chasse aux indices j'avais encore pas mal à faire. Il faisait encore frais et mon feu s’était éteint. Après l’avoir rallumé je passai la matinée à réparer mes habits sous le regard interrogatif de mon nouveau petit compagnon. Je fis même l’effort de fabriquer une bandoulière en peau de ratissa pour pouvoir le transporter sans risque. Le travail manuel me fit le plus grand bien, me permettant de concentrer mon esprit sur une tâche précise. Une fois prêt je lui présentai ses nouveaux quartiers. Il sembla tout de suite totalement conquis et alla se blottir tout au fond, ne laissant même pas sa tête dépasser.

Satisfait, je décidai de commencer ma fouille par les étages. Utilisant une table comme point d’appui je m’élançai vers l’étage. J’accédai dans un long couloir, des deux côtés des portes étaient ouvertes sur des chambres. Là aussi des traces de combat étaient omniprésentes, la plupart des entrées étaient défoncées et il y avait du sang séché partout.

J’avançais avec précaution, fouillant méthodiquement chaque chambre mais il ne semblait n’y avoir ni nourriture, ni objets de valeurs. Je finis par arriver dans celle où la fenêtre pleurait du sang. Le combat ici avait du être terrible, les murs, le sol et même le plafond étaient tachés de rouge. Il y avait de nombreuses marques d’armes sur les meubles et sur les murs.

Je sortais à reculons de cette pièce, quand Junior sentit visiblement quelque chose et en sortant la tête de sa poche se mit à pousser des petits cris excités. Je le saisis et le déposai au sol. Il fila aussitôt sous le lit, pour ressortir quelques secondes plus tard, trainant de toutes ses forces un morceau de saucisson presque aussi gros que lui. Je ne pus m’empêcher de trouver la scène terriblement attendrissante. Je le ramassai ainsi que sa prise. La viande était toute sèche et extrêmement dure, immangeable pour moi. Je lui en découpai un quart, plus pour qu’il se fasse les dents que pour le nourrir et lui réservai le reste pour plus tard. Je fus surpris de l’appétit avec lequel il dévora la viande. En quelques secondes le morceau avait disparu et le goinfre en réclamait encore. Sans céder à ses caprices je continuai ma progression.

Je finis ma visite de l’étage pour arriver au bout du couloir. L’escalier qui menait au second étage était intact contrairement à l’autre. Arrivé à son sommet, passant à travers une autre porte défoncée, j’entrai dans une chambre, beaucoup plus spacieuse et raffinée que les précédentes. L’endroit ne semblait pas avoir été le lieu d’un combat mais d’une fouille intense, tous les tiroirs étaient ouverts, le bureau renversé, le parquet était couvert de papiers et démonté par endroit.

C’est alors que je le vis, assis en boule dans un coin de la pièce, son visage caché dans ses bras. Il était entièrement nu et avait de nombreuses marques de griffures sur tout le corps. Les cicatrices étaient d’autant plus horribles que par ailleurs sa peau était toute lisse et blanche, il devait être jeune. Son corps était parcouru de soubresauts, il était en train de pleurer silencieusement. Il y avait quelque chose d’irréel chez lui mais je n’arrivais pas à trouver quoi exactement. J’étais pris d’un irrésistible besoin de faire quelque chose pour le réconforter, je sentais que moi et moi seul pouvais lui venir en aide. Je commençai à m’approcher doucement.

"Ca va? Je peux vous aider?"

Il leva la tête vers moi et me dévisagea les yeux encore pleins de larmes. C’était l’homme aux traits les plus fins que je n’avais jamais vu. Il devait être un peu moins âgé que moi. Il avait de courts cheveux blonds, était totalement imberbe et avait des yeux d’un bleu extrêmement pâle, plein de peine, de souffrance et d’une tristesse qui semblait presque infinie. Je tombai à genou devant tant de détresse. Une larme coula le long de ma joue.

Me voir sembla apaiser son chagrin. Il prit une expression neutre, se leva doucement, s’approcha de moi et sans un mot posa une main sur mon front. Je ressentis son contact comme un courant d’air frais sur ma peau. Je fermai les yeux, éprouvant au plus profond de mon cœur la plus grande des compassions pour cet homme. J’avais les yeux clos et humides lorsqu’il me transmit toute son histoire.


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 Sujet du message: Re: Le grand bois
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Il s’appelait Hélios, né mi homme mi hinïon. Il fut élevé chez les hommes par son père, il rejoint jeune une confrérie de mercenaires, pour payer les dettes de jeu de son paternel. Mais ce dernier en profita juste pour jouer d’avantage puis disparu du jour au lendemain, laissant son fils avec une somme colossale à rembourser.

C’est alors qu’une hïnionne du nom de Mélana vint à lui en lui faisant une proposition. S'il acceptait de combattre dans une arène clandestine pour elle, elle rembourserait sa dette. Il se laissa envouter par ses doux mots et ses promesses de gloire. Sans s’en rendre compte il vendu son âme au diable et quand il réalisa son erreur il était déjà prisonnier. Il avait passé les trois dernières années de sa vie ici, la cave cachait la fameuse arène. Il avait combattu toute sortes de créatures, toujours nu, armé seulement d’une épée pour le plaisir des spectateurs.

Lors de son dernier combat il tua un ours, mais alors qu’il aurait dû avoir racheté sa dette un homme entra dans l’arène. Son arrivé fut encore plus impressionnante que celle de l’ursidé. La foule qui jusque la se déchainait à tout rompre n’émis plus le moindre son. C’était un colosse de plus de deux mètres à la peau d’ébène. Il ne portait ni habits, ni armes. Puis dans les gradins un cri fusa « champion des arènes! » il fut reprit plusieurs fois puis l’endroit fut de nouveau plonger dans le silence, celui qui précède la mort. Son vrai nom était Théron mais ça Harper ne le sut qu’une fois devenu spectre. Il sentait que cet homme était un véritable danger, même pour lui. Malgré toute sa méfiance il fut vaincu en l’espace de quelques secondes sans même avoir pu toucher son adversaire.

Alors qu’il était maintenu impuissant au sol. Mélana pénétra dans l’arène et sans faire le moindre bruit elle se s’arrêta debout à côté de lui. Elle était vêtue d’une robe rouge finement ouvragée et portait de nombreux bijoux faits d’or, de diamants et de perles. Ses longs cheveux noirs encadraient son visage parfait et ses yeux verts semblaient scruter jusqu’au plus profond de l’âme d’Hélios. Un sourire se dessina sur ses lèvres et elle se pencha en avant pour l’embrasser tendrement sur le front. C’était elle la propriétaire de l’endroit, mais comme pour le nom de Théron, il n’apprit cela qu’après sa mort.

Elle se redressa visiblement satisfaite et comme si elle demandait la chose la plus naturelle du monde, ordonna la mise à mort d'Hélios. Théron parti dans un grand rire et avec un plaisir manifeste étrangla Hélios. Toute la foule présente assista hilare à sa mise à mort. Ses derniers instants se passèrent au milieu des rires, les derniers visages qu’il vit furent celui de Théron qui se tordait dans un rire fou et celui de Mélana qui l’observa avec un air de pure extase alors que la vie quittait lentement ses yeux. Ce fut une mort abominable.

Mais ça ne s’arrêta pas là. Le baiser de Mélana était en réalité un maléfice qui l’empêcha de passer dans l’autre monde. Il resta bloqué dans ce lieu, assistant jour après jour à des combats atroces et absurdes. Les pires étaient ceux de Théron qui revenait régulièrement, mettre à mort ceux proches de la liberté. Son sinistre manège avec Mélana, le baiser en moins, était en fait un rituel. L’un comme l’autre prenaient du plaisir à voir l’espoir disparaître lentement des yeux de leurs victimes, à sentir la vie quitter leurs corps et toute la foule était complice.

La folie gagna peu à peu l’esprit d’Hélios, une part sombre grandit en lui. Il ne pouvait pas endurer tout ça, à chaque mort à laquelle il assistait il revivait la sienne, encore et encore. Cette part obscure donna naissance à l’homme à la toge. Personnification de toute sa haine et de toute la violence dont il avait été témoin. Il surnomme cette partie de lui Sélène, la personnifiant car se refusant d’y voir la continuité de son être. Quand il apparut pour la première fois, Mélana s’en rendit compte, le lendemain elle quittait les lieux un sourire aux lèvres pour ne jamais y revenir.

L’influence de Sélène grandit peu à peu, exacerbant les vices des hommes qui fréquentaient l’endroit. Théron qui était déjà foncièrement mauvais fut particulièrement touché. En réalité il sembla même rechercher l’influence de Sélène. La folie finit par totalement prendre le dessus sur son esprit et un jour il bascula. Il massacra toutes les personnes présentes dans l’arène, pris tous les objets de valeur, brula les corps et disparu dans la nature.

Quelques semaines plus tard un couple de ratissas parvint à entrer dans la cave. Il y avait là bas des réserves de viandes séchés colossales, pour alimenter les bêtes et les prisonniers qui combattaient dans l’arène. Ils vécurent sur ces réserves, mais l’influence de Sélène pervertit l’esprit du mâle. Il se mit à tuer ou faire fuir tous les nouveaux nés de sexe masculin et empêcha les femelles de partir. Il ne quittait plus la cave se reproduisant de manière exponentielle depuis.

Les ratissas de dehors était tout les mâles qui avaient réussit à survivre à son macabre manège, ils n’osaient pas rentrer dans cet endroit car une part d’eux se rappelait l’horreur qu’ils y avaient vécus et l’aura de Sélène les effrayait.

Puis il y eut une ellipse dans la vision jusqu’à deux ans plus tard. Je revécu mon arrivé dans la demeure ainsi que tout les derniers événement jusqu’à ma rencontre avec Hélios. Mais la vision ne s’arrêta pas là. L’image devint moins claire mais le sens était évident. J’étais au milieu de l’arène une torche à la main et le cadavre du gros ratissa à mes pieds. Je jetais la torche au sol et l’instant d’après j’étais dehors en train de regarder la bâtisse se consumer. Sélène était immobile juste devant l’édifice et s’enflamma comme une feuille de papier, disparaissant en un millier de petites cendres incandescentes. A mes côtés Hélios murmurait un merci à mon oreille avant de s’effacer dans un courant d’air.

Le message était limpide, j’allais avoir un combat à mener.

Je rouvris doucement les yeux et vit qu’Hélios avait disparu. Pour moi il ne s’était écoulé qu’un instant entre son contact sur ma peau et maintenant, mais en regardant à l’extérieur je vis que la nuit commençait à tomber. J’avais du rester plusieurs heures immobile physiquement à voyager dans le passé. Mes membres étaient raidis par l’inaction prolongée. Je me relevais doucement pour m’étirer un peu, je remarquais avec une agréable surprise que je me sentais bien. Je commençais à avoir vraiment faim et mes blessures me faisaient toujours souffrir mais j’étais pleinement reposé. C’était un cadeau délicieux au milieu de toutes les choses négatives qui m’étaient arrivées depuis hier.

Remerciant Hélios intérieurement je m’assis sur le lit pour réfléchir au meilleur plan d’action possible pour la suite. Dans la vision je m’étais vu mettre le feu au bâtiment entier avec une simple torche. Je savais au fond de moi que ce qu’il m’avait fait apercevoir n’était pas un pan du futur mais le reflet de sa volonté. Si il m’avait montré ça, c’est qu’il pensait que c’était réalisable mais j’avais fouillé toute la bâtisse et je n’avais trouvé aucune trace de combustible assez puissant pour me permettre d’incendier tout l’endroit.

En réfléchissant je me rendis compte que ce que je venais de penser était faux. Il y avait des emplacements que je n’avais pas encore visité, j’ignorais ce qu’il y avait dans la cave et dans le petit cabanon que j’avais vu dehors. Vu le nombre de torches que j’avais vu à l’extérieur comme à l’intérieur du bâtiment et son caractère isolé, il y avait forcément une réserve d’huile quelque part. Considérant que la cave devait rester secrète le plus claire du temps, le cabanon me sembla être l’endroit le plus judicieux.

Le problème c’était qu’une dizaine de ratissas y avaient élus domiciles, ce serait un combat plus difficile encore que le gros de la cave. Ils étaient faibles mais nombreux. L’avantage c’est que je pourrais probablement les attirer dehors et donc utiliser mon arc. En jouant sur la peur qu’ils avaient de la maison et de Sélène je devrais pouvoir en éliminer plusieurs sans prendre de risques. Enfin presque sans prendre de risques car ça impliquait de m’exposer aux pouvoirs de Sélène. Ou alors je pouvais tenter de les faire sortir et juste me faufiler, récupérer ce dont j’avais besoin et repartir.

Je fus tiré de mes réflexions par mon petit compagnon qui s’extirpait à grand-peine de mon sac. Je l’avais complètement oublié. Il avait profité de mon temps d’absence dans les souvenirs d’Hélios pour faire je ne sais quoi et surtout pour manger le reste du saucisson. Il était tout gros maintenant et visiblement ravi. Je fis un geste pour le réprimander mais il prit ça pour un jeu. Il se mit à mimer successivement attaque et soumission à l’encontre de ma main. Je laissai passer ce petit écart de conduite pour cette fois.

"Toi à ma place tu ferais quoi? J’ai rien pour faire un appât et je me vois pas attaquer de front tous tes frères. Mais en même temps sans huile je pourrais pas foutre le feu à tout le bordel qu’a créé ton père…en fait je pourrais même pas m’éclairer pour le tuer."

Je le pris dans les paumes de mes mains et le portais à hauteur de mon visage. Il se redressa sur ses pattes arrière et me regarda avec un air interrogatif.

"T’as vraiment une famille compliqué, tu le sais ça? Bon, c’est pas en restant ici qu’on trouvera une solution de toute façon."

Je le posai dans sa poche, récupérai mon sac et quittai la pièce pour retourner au rez-de-chaussée. La température commençait à chuter rapidement, je sentais qu’une présence oppressante était en train de revenir. J’eus une pensée pour Hélios qui était entrain de mener un terrible combat voué à l’échec pour garder le contrôle. Lors de notre entrevue j’en avais également appris un peu plus sur Sélène et lui.

Les pouvoirs de Sélène étaient d’ordinaires très faibles, se limitant à l’exacerbation des sentiments, l’insinuation de pensées simples, voire de comportements pour les animaux. Mais cette attente prolongée où il ne s’était quasiment pas manifesté avait permis à un grand potentiel de grandir en lui. Hier ce qui l’avait stoppé c’était juste le manque d’habitude face à une telle puissance mais ce soir il risquait de faire bien pire.

Je revins vite au rez-de-chaussée mais ce peu de temps suffit pour que la température baisse de quelques degrés. L’air de la maison devenait de plus en plus oppressant. Sélène reprenait le pouvoir. Sans attendre qu’il puisse agir sur moi je me dirigeai vers la sortie du côté de la réserve. J’ignorais de quoi il serait capable mais je préférais ne pas le découvrir.

L’air était frais mais mon haut réparé me fournissait une protection efficace. Le blanc que j’avais rajouté n’était certes pas la plus discrète des couleurs mais ma cape elfique me dissimulait bien dans la nuit. Le cabanon était à une centaine de mètres de moi et semblait vide pour le moment. Je n’aurais peut être pas beaucoup de temps aussi je m’élançais aussi vite que ma jambe blessé me le permettait. Intérieurement je priais pour que tout ce passe sans accrocs mais ces derniers temps ce n’était jamais le cas….



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Alors que j’étais à la moitié du chemin je vis deux formes blanches sortir du bâtiment. Aussitôt j’arrêtai ma course et saisis mon arc. Les ratissas me virent à leurs tours et me foncèrent dessus. Un troisième se précipita à leur suite. Un sourire de contentement se forma sur mon visage. J’allais enfin pouvoir remettre de l’ordre dans les rôles prédateurs-proies. Ces rongeurs, qui n’avaient probablement jamais vu d’hommes, pensaient que j’étais la solution à leur faim. Le retour à la réalité allait être douloureux.

Ils étaient encore loin mais avançaient vite. Ma première flèche fusa dans la nuit mais j’avais mal anticipé le déplacement de ma cible et elle alla ricocher sur une pierre devant un des ratissas. Le bruit de l’impact perça le silence de la nuit d’un coup sec. Les deux premiers ratissas n’étaient plus qu’à quelques mètres lorsque que ma seconde flèche alla se planter de l’œil d’une des bêtes. Un tir extrêmement chanceux qui tua sur le coup et me gonfla d’assurance.

Je cueilli le plus proche de mes assaillants d’un coup d’arc magistral. La bête sous nourrit ne pesait quasiment rien, la violence du choc l’envoya voler à plusieurs mètres. Elle retomba au sol visiblement sonnée et au moins temporairement hors combat. La dernière qui avait assisté de près à la scène arrêta sa course au niveau de son compagnon.

C’est à ce moment que mon protégé sortit la tête de sa poche. Le coup précédant l’avait probablement réveillé et maintenant il regardait ses deux congénères devant lui. Il poussa un petit cri de défi, profitant de sa position de supériorité. Le ratissa conscient en face ne répondit pas et resta immobile. Observant le moindre de mes mouvements et visiblement prêt à réagir.

Si ce n’avait été pour mon nouveau compagnon j’aurai utilisé une autre flèche pour le mettre hors d’état de nuire. Peu importe sa rapidité, à cette distance il n’aurait pas le temps de m’atteindre et j’étais presque sûr de faire mouche. Mais j’ignorais quelles conséquences ça aurait si mon compagnon me voyait mettre à mort un de son espèce. Je choisis donc la patience pour voir comment la situation allait évoluer.

Finalement au bout d’un bref moment l’autre ratissa revint à lui et s’enfuit titubant en direction de la forêt. Le dernier, après un cri de colère, le suivit et bientôt ils disparurent dans les taillis. J’étais étrangement soulagé de ne pas avoir eu à les tuer. Mon protégé était visiblement ravi d’avoir réussi à faire fuir deux de ses aînés mais après le repas qu’il venait d’ingurgiter la digestion lui pompait presque toute son énergie. Il s’allongea de nouveau au fond de ses quartiers pour une sieste qu’il pensait sans doute bien mériter.

Je devais me dépêcher maintenant, ils risquaient de revenir plus nombreux. Si tant que je les maintenais à distance je ne risquais rien, mes blessures me rappelaient qu’au contact ils pouvaient être dangereux même affaiblis. Sans prendre le temps de faire une pause je passais près du cadavre de ma victime y laissant ma flèche, si le tir avait été magnifique la récupérer serait sans doute compliqué. Arrivé près du point d’impact de mon premier projectile j’espérais pouvoir le ramasser mais la pointe avait était cassée sous le choc. En jurant, j’en récupérais quand même le reste avant d’entrer dans le cabanon.

Comme je l’avais supposé la première fois que je l’avais vu, il servait bien de remise. Il y’avait des étagères sur tous les murs et pas mal d’outils, qui pour la plupart semblaient encore en état, trainaient un peu partout. L’odeur animale émanant de l’endroit était très forte et même un œil non entrainé aurait remarqué les endroits où les rongeurs dormaient. Je vis rapidement ce que j'étais venu chercher, plusieurs tonneaux d’huiles étaient disposés sous une étagère. Je pus alors me fabriquer une torche de fortune avec ma flèche brisée, une peau de ratissa et un peu d’huile. Je pus alors distinguer plus nettement à quoi j’avais à faire.

L’endroit était étrangement petit de l’intérieur par rapport à la vision qu’on en avait depuis dehors. Il y avait quelque chose qui clochait. C’est alors que la pensée me frappa d’un coup. Il était impossible de faire rentrer un ours par la trappe du comptoir! Il y avait nécessairement un autre passage et quelque chose me disait qu’il était caché quelque part dans le coin. Cela correspondait avec l’image mentale que je m’étais faite de l’arène.

En quelques secondes de recherche au plus, j’aperçus en effet une manivelle à peine dissimulée derrière une rangée de scies, c’était ridiculement évident. Le mécanisme était un peu rouillé mais en appuyant de tout mon poids je parvins à mettre les rouages en mouvement. Les deux murs du fond de la pièce pivotèrent, ils étaient en fait montés sur des rails et libérèrent l’accès à un large escalier de pierre. J’étais aux anges, en passant par là je n’aurais peut être même pas à affronter le gros ratissa!

Il y avait des bouteilles vides qui trainaient dans un coin, je pris le temps d’en remplir une vingtaine d’huile. Je sentais que la chance me souriait enfin et que tout ceci touchait à sa fin. La manœuvre terminé je m’engageai dans le passage en sifflotant, ma torche de fortune à la main. Je ne pris même pas la peine de refermer derrière moi, tout serait réglé en quelques minutes, j’en étais persuadé.

Devant moi un escalier s’enfonçait d’environ quatre mètres dans le sol. Une forte odeur de putréfaction s’échappait de l’inconnu qui se cachait dans l’obscurité. Sans même m’arrêter je m’engageai confiant, prenant juste la peine de remonter mon haut pour me couvrir le nez. En bas de l’escalier il y avait un grille ouverte donnant sur une salle de taille moyenne, c’était de la que venait l’odeur de mort.

La pièce avait servi à la captivité des bêtes avant les combats. Il y avait des cages partout, aussi bien incrustées dans les murs, assez larges pour plusieurs humains, que des boites de toutes tailles alignées sur les côtés de la salle. Dans plusieurs cages des animaux étaient encore là, morts depuis longtemps et en état de décomposition avancé. Le nez couvert, j’avançais dans la puanteur de la salle. Je reconnu les restes d’un loup et ceux de plusieurs ratissas. Il y avait également quelque chose qui ressemblait à un gros lézard et une sorte de chien gigantesque que je ne parvins pas à identifier. Arrivé au centre de la pièce l’air était presque irrespirable. Je pris quand même le temps d’asperger le lieu, utilisant cinq bouteilles, avant de continuer mon avancée.

Ma torche à la main je traversai un grand couloir étayé par du bois où je vidais, deux bouteilles supplémentaires. L’idée était que je puisse allumer tout ça depuis l’extérieur et que le feu vienne se répandre jusqu’ici. Si tout se passait comme je l’imaginais le gros ratissa n’aurait pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait qu’il serrait piégé par les flammes. L’image de l’immonde créature périssant de la sorte me força un sourire sur mes lèvres et j’eu presque envie de rire.

Mon enthousiasme fut de courte durée. Une autre grille me barra le chemin. Avec le peu de lumière dont je disposais je pouvais pas voir grand chose mais de l’autre côté je cru apercevoir l’arène circulaire. Le sable qui couvrait le sol était parsemé de tâches sombres en de nombreux endroits. Je distinguais des gradins tout autour de l’endroit. Ils semblaient avoir été saccagées, le combat avait eu lieu jusque là.

La grille était verrouillée et formait un obstacle que je ne pouvais pas franchir. Je ne m’étais pas beaucoup attardé dans la salle précédente à cause de l’odeur mais j’avais cru apercevoir des clefs accrochées entre deux cellules. Allons bon au final ce ne serait sans doute rien de plus qu’un léger contretemps. Je fis demi-tour pour revenir sur mes pas et c’est alors que je les vis. A l’entrée du couloir, huit ratissas avançaient tout doucement vers ma direction.

Dès qu’ils se surent repérés, ils ralentirent encore d’avantage montrant les crocs et soufflant haineusement. J’avais déjà vu ça, ils allaient attendre le moindre de mes mouvements et l’utiliser comme signal pour attaquer tous en même temps. C’était basique mais très efficace et si je restais immobile ils se rapprocheraient juste de plus en plus jusqu’à être à porté de bond. Je reculai doucement pour na pas les alerter cherchant une issue mais le contact froid de l’acier contre mon dos me rappela que j’étais dans une voie sans issues.

Aussitôt mon assurance disparut et une peur sourde commença à grimper en moi. Je compris ce qui s'était passé que trop tard. L’influence de Sélène s’étendait jusque là et il m’avait poussé à l’insouciance sans que je m’en rende compte. Avec le recul je réalisai comment il avait pu accentuer certaines pensées tout en en reléguant d’autres au second plan. Au final, pour la première fois de ma vie j’étais une proie totalement à la merci d’un groupe de prédateurs. Au fond de moi j’entendais un rire froid résonner.

Les ratissas continuaient d’avancer, tout doucement, ils étaient déjà à la moitié du couloir. La faible lumière de ma torche de fortune donnait des allures de cauchemar à la scène. Les formes blanches qui s’approchaient doucement de moi, la flamme qui se reflétaient dans leurs yeux, le métal qui était de plus en plus glacial dans mon dos et l’impression étouffante qui se dégageait maintenant du couloir. Tout cela donnait un aspect irréel à ce qui était sur le point de m’arriver. Une part de moi espérait toujours que j’allais me réveiller sur une colline herbeuse de Shory, mais tout ceci était bien réel.

Je sentais l’excitation monter dans leurs mouvements qui se faisaient progressivement de plus en plus rapides et moi j’étais incapable de d’esquisser le moindre geste. J’étais totalement démuni et en quelques secondes, alors que l’étau se resserrait autour de moi, ma peur s’était muée en terreur, prenant totalement possession de mon corps. J’étais absolument pétrifié. D’ici un instant le premier serait à porté. Ma flèche cassée en guise de torche à la main je n’étais même pas sûr que je trouverais la force de me défendre...

C’est alors que je ressenti une douleur au niveau du cou. Mon petit ratissa s’était extirpé de son sac et avait vite compris la situation dans laquelle nous nous trouvions. Il avait tenté de me faire réagir mais mes sens avaient été totalement accaparés d’une part par la menace des ratissas et de l’autre par la présence pernicieuse de Sélène. Après avoir vainement poussé des cris de détresses au niveau de mon oreille, il venait dans un ultime effort de me mordre de ses minuscules crocs.

La blessure était infime mais la prise de conscience que je n’étais pas seul et qu’alors que moi j’avais abandonné, mon petit compagnon, continuait de vouloir se battre me ramena à la raison. La peur qui m’étouffait jusque là laissa place à une perception plus calme ce qui m’entourait. Mon protégé dut s’en rendre compte car après un petit cri d’encouragement, il retourna se cacher dans sa sacoche. Le combat serait dur mais en face de moi ce n’était rien de plus que des gros rats. Je pouvais y arriver.

Les ratissas durent sentir un changement dans mon attitude car il marquèrent un temps d’arrêt. Ils n’avaient plus en face d’eux une proie apeurée mais une bête acculée prête à défendre chèrement sa peau. Je crus pendant un instant que cela suffirait à les faire fuir, mais c’était illusoire de ma part. Ils avaient beaucoup trop souffert de la faim et faire demi tour maintenant aurait signifié pour eux mourir de sous nutrition plus tard. Ils recommencèrent à avancer lentement.

Je me mis à agiter ma torche dans l’espoir des les faire reculer. Mais leur détermination était telle que même la peur ancestrale du feu ne les fit pas ralentir. Ils commençaient à être dangereusement près et si le feu ne leur faisait pas peur, ma flèche brisée serait bien moins efficace que mon arc. Si je parvenais à m’en saisir avant qu’il ne charge je pourrais peut être me forcer un chemin vers la sortie et alors si je parvenais à regagner l’entrée du passage avant qu’ils ne m’atteignent je pourrais peut être le refermer sur eux. Mes chances de succès étaient minces mais c’était le seul plan que j’avais.

Poussant un cri de colère autant pour tenter de les effrayer je leur jetai ma torche, saisis mon arc et me ruai vers l’avant. Mais tout ne se passa pas exactement comme je l’avais prédit.



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MessagePosté: Mer 16 Nov 2016 00:37 
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Ma tentative d’intimidation au lieu de les effrayer fut le signal de l’attaque, ils se précipitèrent à l’unisson vers moi. Mais leur assaut fut vite interrompu, ma torche en touchant le sol embrasa l’huile que j’avais répandu un peu partout. J’avais complètement oublié cette composante dans mon plan. Et ce fut une heureuse surprise, l’huile s’embrasa à grande vitesse partout dans le couloir et jusqu’à dans la salle où les corps d’animaux pourrissaient.

Ce n’était qu’une trainée de feu mais cette fois cela fut suffisant pour paniquer les ratissas. Surtout que la plupart avaient marché dans l’huile en venant jusqu’ici et avaient les pattes qui commençaient à prendre feu. Ce fut l’affolement le plus total parmi eux. Ils coururent à côté de moi se faufilant entre les barreaux de la grille en poussant des cris plaintifs, l’autre chemin leur était impraticable. Arrivés de l’autre côté, le sable de l’arène suffisait éteindre les flammèches qu’ils avaient aux pattes.

En quelques instants nous nous retrouvions mon petit ratissa et moi seuls du côté de la grille qui donnait sur le couloir. Nos assaillants s’étaient éloignés d’à peine un mètre dans l’arène et nous regardaient avec rage, n’osant pas braver le feu qui se répandait rapidement. Mais il y avait quelque chose d’anormale derrière l’intensité que les flammes avaient pris en si peu de temps, Sélène agissait surement derrière ça. Au moment où cette pensée traversa mon esprit un des étais du couloir s’embrasa d’un coup et se mit à émettre des craquements annonciateurs de malheur.

Je ne comptais pas attendre de le laisser m’écraser sous des tonnes de pierre. Je m’élançai dans le couloir, traversant le feu qui m’arrivait déjà aux genoux. Arrivé dans le salle des animaux putréfiés, je vis que certaines carcasses s’étaient embrasées, celle du gros chien étaient déjà un vrai brasier. Sans perdre de temps je saisis le trousseau de clefs que j’avais vu tout à l’heure, il me serait peut être utile plus tard et je sortis de cet endroit de malheur. Arrivé à l’extérieur du bâtiment je senti comme un poids qui s’ôtait de ma poitrine. L’emprise que Sélène pouvait avoir sur moi en si peu de temps était inquiétante.

Je vis que le feu continuait de se répandre et déjà une lueur rouge éclairait le cabanon depuis l’intérieur. Je regardais la scène haletant, ma jambe droite me faisait un mal de chien. C’est alors que je me rappelai de la raison première de ma visite ici. Jetant mes affaires sur le sol, je m’élançai de nouveau vers la réserve. Les tonneaux d’huile étaient proches du fond de la pièce et je voyais déjà le haut des flammes commencer à dépasser de l’escalier. Sans perdre un instant je saisis le tonneau le plus proche, par chance il n’était qu’à moitié rempli et je n’eus aucun mal à le faire rouler vers la sortie. Je le mis à une distance de plusieurs mètres par précaution avant de m’apprêter à répéter l’opération.

Hélas aidé par l’action combinée de l’huile que j’avais versée et de Sélène le feu avait déjà atteint l’entrée du passage secret. Y retourner maintenant était trop risqué. Je ne pus que m’éloigner d’avantage après avoir récupéré l’ensemble de mes possessions et l’huile durement acquise pour regarder le feu consumer le petit cabanon. Je m’assis sur le tonneau pour reprendre mon souffle.

L’adrénaline redescendue je pris conscience à quel point j’avais été proche de la mort. Si les ratissas en soit était un danger réel, c’était les pouvoirs de Sélène qui étaient vraiment redoutables. Il m’avait non seulement mené dans un piège mortel sans que je ne me doute de rien mais en plus il avait fait en sorte que je m’y rende le sourire aux lèvres. Puis il était parvenu à m’ôter toute faculté de bouger et même de penser alors que le danger s’approchait doucement de moi. C’était terrifiant.

Je n’étais plus trop sûr de ce que je voulais faire, je souhaitais sans trop y croire que le feu se répandrait suffisamment pour incendier tout le bâtiment mais je savais que ça n’arriverait pas. Il allait falloir que j’y retourne et que j’affronte de nouveau les pouvoirs de Sélène. Mais pour l’instant je voulais juste savourer ce bref moment de tranquillité.

Le brasier illuminait la clairière d’une lumière rouge mouvante et depuis ma distance je sentais sa chaleur qui contrastait avec les vents froids de la nuit. Le ciel était rempli d’étoiles et les seuls sons qui venaient troubler le silence étaient le ronronnement des flammes et les craquements du bois. Des centaines d’étincelles s’élevaient à chaque instant du bûcher pour disparaître dans la nuit. C’était un spectacle simple mais d’une beauté qui ne cessait de m’émerveiller.

Je me sentais comme libéré. Je n’étais ni dans le champ d’action de Sélène, ni ne train d’agir pour Hélios. Ce serait tellement simple de partir d’ici maintenant, prendre une direction au hasard, de quitter pour toujours cet endroit et les maléfices qu’il recelait. Peut être que le début d’incendie suffirait après tout et que je n’avais pas besoin de m’attarder d’avantage ici. La nuit était encore jeune et les ratissas de dehors ne devaient pas être en train de chasser. Je pourrais peut-être me trouver un endroit paisible, me construire un abri avant qu’une portée ne me trouve, lever le camp demain matin pour Kendra-Kâr et ne plus jamais revenir. Ce serait un pari risqué mais j’avais des chances raisonnables de succès.

Puis pourquoi est ce que j’aurais du rester ici en premier lieu? C’est une vision d’Hélios qui m’y avait poussé mais même si il refusait de l’admettre il était aussi bien Sélène que lui même. Peut être même que le plus vrai des deux était en réalité Sélène. Hélios ne serait que le visage accueillant qu’il revêtait pour piéger les naïfs comme moi et s’amuser ensuite à les torturer. En réalité je n’avais aucun moyen de vérifier si ce qu’il m’avait montré était vrai et aucune raison de le croire. La seule chose à laquelle je m’étais fié c’était mon instinct et je venais de me rendre compte de l’étendu de la fiabilité de ce dernier!

Au fur et à mesure que j’y pensais plus tout ça prenait sens dans ma tête. C’était clair maintenant. Et bien non! C’était fini, je n’étais plus dupe! Dire que j’avais même pensé que j’étais le seul à pouvoir l’aider pendant un moment. Il avait vraiment réussi à gonfler mon orgueil! Je me mis à rire en pensant à ma naïveté mais au milieu de la nuit mon éclat sonna faux et forcé. Aussitôt j’arrêtais et un profond malaise m’envahit alors que je restais immobile, regardant le cabanon s’effondrer. J’essayais de ne pas penser à tout ce m’avait montré Hélios. J’avais pris ma décision, je partirai et oublierai cet endroit pour toujours. Tant pis si je n’avais pas le fin mot de cette histoire, après tout j’avais mes propres combats à mener il se trouverait bien quelqu’un de bien plus qualifier que moi pour faire le dératiseur chasseur de fantôme.

Je sentis alors une légère traction sur ma jambe. C’était mon petit ratissa qui tentait de m’escalader. Je l’avais oublié dans sa sacoche que j’avais négligemment laissée au sol et il venait de lui même me voir. Toujours perdu dans mes pensées je ne l’aidai pas mais ne l’empêchai pas non plus et après des efforts colossaux, il parvint finalement à atteindre mon genou. De là, il vint se blottir en boule contre mon ventre. L’instant d’après il était endormi. Il se mit à ronfler tout doucement contre moi. Qu’il ait pu trouver le sommeil aussi vite malgré les derniers événements était une preuve de la sécurité qu’il éprouvait à mon contact. Je fus pris de plus de tendresse que je pensais pouvoir jamais éprouver pour un rat.

Mais est ce que j’en étais vraiment digne? Cette question fut comme une porte qui s’ouvrit dans mon esprit. Tout ce que j’avais tenté d’ignorer pour justifier ma fuite me frappa de plain fouet. D’abord l’énorme ratissa et son macabre manège dans la cave, tous ses descendant qui mourraient de faims dehors et décimaient toute le faune de la forêt, la captivité d’Hélios, sa mise à mort et finalement la souffrance qu’il avait continué à endurer même après ça.

Au fond de moi je savais que tout ça était vrai, j’avais juste peur et j’avais tenté de justifier ma lâcheté. Si je partais maintenant je ne pourrais plus me regarder dans un miroir et encore moins mériter la confiance d’une créature si innocente. J’avais vu quelqu’un en détresse et c’était une raison plus que suffisante pour que je reste. Et si je me trompais et bien tant pis. Ce serait avec la certitude d’avoir pris le bon choix. C’était la deuxième fois que mon ratissa me sauvait la vie aujourd’hui. D’abord en me ramenant à la réalité dans le couloir et maintenant, inconsciemment, avec cette prise de conscience qu’il venait de me permettre de réaliser. Un sourire se dessina sur mes lèvres à l’idée que c’était maintenant moi qui lui devais une vie.

Je le pris le plus délicatement possible, il ouvrit mollement un œil mais se laissa faire alors que je le remettais dans sa poche. Pour me préparer à ce qui allait suivre je ne garderai que l’essentiel à la réussite de ma mission sur moi. A savoir les vingt bouteilles en prenant la peine de remplir celles que j’avais vidées, mon arc, mes flèches et mon couteau.

Après une longue hésitation je me décidai de prendre mon compagnon avec moi. Du moins jusque dans la maison. Le laisser dehors revenait à le mettre à la merci de n’importe quel prédateur nocturne. Si il venait à lui arriver quelque chose à cause de mon insouciance je ne me le pardonnerai pas. Cette pensée me surpris par sa véracité. En si peu de temps je m’étais déjà énormément attaché à la petite bête. Jetant un coup d’œil dans sa sacoche et en la voyant dormir paisiblement je me surpris même à espérer que le sentiment était réciproque.

Une fois délesté d’une bonne partie de mon paquetage, je fis volte face et avançais vers la maison. L’aura menaçante gagnait en intensité et la température descendait à chacun de mes pas mais maintenant ma détermination était bien plus forte qu’avant. J’étais prêt à me battre contre tout ce que Sélène m’enverrait et je ne doutais pas de mes chances de victoire. Je récupérai une des deux torches qui encadraient l’entrée du bâtiment, l’allumai et après une grande inspiration je pénétrai à l'intérieur.

La température chuta brusquement à mon entré dans la maison et comme la première fois je me sentis comme submergé par l’obscurité. Mais ce coup ci je n’avais pas des ratissas affamés sur les talons et ma torche même si son efficacité avait été réduite m’éclairait suffisamment. Je me contentai de marquer une bref pause pour m'accoutumer à l'obscurité avant de traverser la réserve pour me retrouver dans la pièce principale.

La trappe était là, toujours fermée mais plus aucun bruit ne provenait de derrière. Je ne pouvais pas me permettre d’hésiter, plus j’attendrais plus j’aurais de mal à le faire. De ma main libre je défis le verrou, soulevai la trappe d’un coup sec et aussitôt agitait ma torche devant moi. Le bruit de la chaine qui se tendit pour retenir la trappe résonnait dans les profondeurs que s’offrait à moi. Je revis l’escalier, je me rendais compte maintenant qu’il était parsemé de tâches sombres. Plus ou moins grandes et anciennes des flaques de sangs avaient imprégné chacune des marches. Un frisson me parcourra le dos et je déglutis péniblement mais j’étais prêt.

Avant de m’engager cependant je pris une décision qui me semblait importante. Je me défis du sac dans lequel dormait mon protégé et le déposait devant la trappe. J’ignorais ce qui m’attendait en bas mais je serai obligé de tuer les siens. De plus je ne voulais pas qu’il se retrouve de nouveau confronté à son père. Il serait plus en sécurité ici. Adressant un au revoir muet à mon protégé je lui promis que je reviendrais.



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Plié en deux et ma torche brandie vers l’avant je m’engageai dans la petite ouverture et refermai derrière moi. Je ne voulais pas que mon ratissa puisse me suivre. Au bout d’une dizaine de marches j’étais arrivé en bas. Dans ma tête je pensais amèrement que dix marches étaient la seule différence entre la vie et la mort pour les petits qui avaient le malheur de naître ici. Je chassai cette pensée de mon esprit, je devais rester concentré, je ne savais toujours pas encore où était le gros ratissa et il pouvait m’attaquer à tout moment. Devant moi l’accès était barré par une grille similaire à celle que j’avais vu devant l’arène. Sur ma gauche une porte en bois était ouverte, elle donnait sur ce qui semblait être une cuisine.

Je décidai de commencer ma recherche par ce côté. Avançant le plus silencieusement possible. Je m’approchais en guettant le moindre son, dans l’obscurité environnante si je ne comptais que sur ma vue je ne pourrais jamais réagir à temps. Arrivé dans la pièce je vis que c’était effectivement une salle dédiée à la préparation de la nourriture. Le spectacle qu’elle m’offrit quand je pus voir plus distinctement commençait à devenir tristement habituel.

Le plan de travail était brisé et les morceaux étaient éparpillés dans la pièce. Parmi les étagères qui ornaient originairement le mur plusieurs étaient tombées au sol et avaient été explosées. J’imaginai un combat où quelqu’un d’anormalement fort projetait ses victimes sur les murs. Cette image était d’autant plus probable que la marque d’une étagère apparaissait par contraste sur un mur. Au milieu d’une gerbe rouge sombre, il y avait un rectangle quasi parfait de propre, si ce n’était pour le sang qui avait coulé dans ce sinistre cadre.

Le sol était aussi en était maculé. A certains endroits la pierre avait reçu des impacts, j’aperçus même un fragment d’os encore coincé dans une dalle. Ce qui s’était passé ici était en fait différent de ce qui j’avais vu dans toute les autres pièces. Il n’y avait pas eu de combat, juste un horrible massacre. Je pouvais imaginer les garçons de cuisines sans armes se faisant tuer les uns après les autres. Théron dans sa folie s’amusant de leurs souffrances et redoublant de férocité à chacune de ses victimes. Je me promis que le moment venu je ferais en sorte qu’il paie pour ses crimes.

A la lumière de ma torche, je remarquai une grande armoire dans un coin dont l’ouverture était bloquée par une chaise. Curieusement c’était le seul endroit de la pièce qui avait été laissé intact. Je m’approchai doucement et plein d’appréhension j’essayai de dégager la cale. Elle avait était fortement coincée, si bien que je dus poser ma torche, utiliser mes deux mains et tout mon poids pour réussir à la faire bouger. Quand finalement elle céda je fus emporté par mon élan et me retrouvai étalé au sol. L’instant d’après une lourde masse me tombait sur le dos et une odeur de mort m’assaillit les narines.

Pris de panique je repoussai la chose brutalement, me relevai vivement et récupérai ma torche immédiatement pour savoir clairement à quoi j’avais à faire. C’était le cadavre putréfié d’une femme. L’odeur infecte de la chaire pourrie avait aussitôt envahi la pièce. Je remontai instinctivement mon haut pour couvrir mon nez et ma bouche. En dehors des dégâts que fait habituellement le temps sur un cadavre, le corps était en bon état. Elle était sans doute morte de soif bloquée, dans ce placard. C’était le premier cadavre du massacre que je voyais et ça donna une réalité terrible à la situation. Ce n’était plus quelque chose qui était arrivé à Hélios il y a un long moment. C’était présent maintenant et c’était moi qui étais en train de le vivre.

J’essayai d’analyser la chose calmement. La femme devait être un peu plus âgée que moi au moment de sa mort, c’était difficile à dire. Son visage avait était creusé par le temps et des portions entières de son crâne étaient visibles. Je ne comprenais pas pourquoi Théron lui avait réservé un sort différent de celui de ses autres victimes. Mais j’avais du mal à penser clairement, c’était un choc difficile à assimiler.

Je sentis un mélange d’émotions naître en moi. De la tristesse, du dégoût et par dessus tout une grande colère. Je du me calmer car je sentis aussitôt l’influence de Sélène tenter de s’infiltrer de nouveau en moi. Je me mis à respirer profondément pour retrouver mon calme. Si je restais le plus neutre possible ses pouvoirs seraient considérablement réduits sur moi. Une fois retourné dans un état que je jugeais neutre, je fermai les yeux et même si ce n’était pas dans mon habitude, j’adressai une prière pour l’âme de la femme.

Une fois les honneurs rendus du mieux que je le pouvais, je l’allongeai sur le dos dans une posture de repos et lui fermais les yeux faute de pouvoir lui offrir une sépulture descente. Je brûlerai son corps en même temps que le reste de la bâtisse très bientôt promis-je autant à elle qu’à moi même.

Continuant d’avancer je sentis une odeur de plus en plus forte de mort et de putréfaction. Ca sentait comme le cadavre de la pauvre femme mais en beaucoup plus fort doublé d’une odeur de moisi. Portant ma main au visage pour me couvrir le nez plus efficacement, j’arrivai dans une grande salle. Du moins elle était grande en largeur j’avais du mal à me faire une idée de la profondeur. Pour cause, partout des grandes bandes de viandes séchées suspendues à des cordes partaient au niveau du haut de mon crâne pour aller jusqu’à ma taille.

A la lumière rouge de ma torche ces rideaux de chair donnaient une ambiance très particulière à l’endroit. J’avais l’impression d’être à l’intérieur d’une créature de légende dont les palpitations étaient rythmées par les vacillements de la flamme de ma torche. Mais l’odeur ne venait pas de là. Les bandes séchées avaient dans l’ensemble plutôt bien vieillies. C’était ici que le gros ratissa avait trouvé une source de nourriture quasi inépuisable. Si la viande était maintenant extrêmement sèche, dure et totalement impropre à la consommation par un humain. Pour un rongeur carnivore c’était le plat idéal. L’image de mon ratissa dévorant son saucisson me traversa l’esprit.

Mais je n’avais pas toujours trouvé la source de l’odeur, ça venait de plus loin dans la pièce. Plein d’appréhension je me mis à progresser lentement à travers les multiples épaisseurs de viandes. Chaque rideau pouvait être le dernier et je redoutais de plus en plus ce que j’allais trouver à chacune de mes avancées. Mon imagination me jouait des tours et je me voyais écarter une rangée de lanière sur une montagne de corps. A mon arrivé ils se redressaient et m’attiraient vers eux. Je pouvais presque sentir leurs ongles pourris s’agrippant à moi et me tirant inéluctablement vers eux pour que je vienne les rejoindre dans la mort. Je sentai…

Secouant la tête je me forçais à reprendre pied avec la réalité. J’ignorais si Sélène était derrière ces visions d’horreur et à quel point mais je ne pouvais pas me permettre de perdre la raison. Il fallait à tout prix que je reste conscient de mon environnement et de moi même. Tant que j’y parviendrai le seul danger serait les ratissas. Je finis enfin par arriver dans la seconde moitié de la salle. C’était de là que provenait l’odeur. Au final je fus presque déçu parce que je vis. Sur une table il y avait le corps entier d’une vache éventrée qui était en train de pourrir et dans les coins de nombreuses caisses contenant ce qui avait du être à une époque des légumes comestibles. L’odeur n’était rien de plus que celle d'un bovidé en décomposition mêlé à des végétaux pourris. Refusant de m’arrêter à un constat aussi trivial je me mis à chercher quelque chose de caché.

Un phénomène m’interrompit dans mon avancé, la température chuta soudain de plusieurs degrés, je sentis un vent froid parcourir la pièce, agitant légèrement les lanières de viande et ma torche s'éteignit. Derrière moi j’entendis un bruit semblant provenir du fond de la salle précédente. Je fis volte face et plissai les yeux en direction du couloir d’où je venais mais c’était peine perdu. Je n’aurais même pas pu voir mes mains et de toute façon les rideaux de chair auraient bloqué mon champ de vision. C’est alors que je reconnu les sons que j’entendais, c’était des cris de peur de petits ratissas.

La température était vite revenue à la normal mais il fallait que je me dépêche. Je rallumai ma torche le plus vite possible et aussitôt me dirigeai vers l’escalier. Alors que je n’avais avancé que de quelques pas, les bruits cessèrent et j’entendis un bruit de fuite. J’accélérai, écartant les morceaux de viande sur mon passage et traversant la cuisine à toute vitesse mais j’arrivai trop tard. Devant moi, au sol, je vis les cadavres éparpillés d’une vingtaine de bébés ratissas. Ils avaient des traces de morsures et je ne compris que trop facilement ce qui venait de se passer. Mais cette fois, il n’avait même pas pris la peine de les manger. Il les avait tués avant même qu’ils atteignent l’escalier.

Me retournant je le vis partir en courant et se faufiler entre les barreaux de la grille. Je posai ma torche au sol et me saisi de mon arc. Il s’éloignait à toute vitesse mais c’était un tir largement réalisable. Expirant lentement l’air de mes poumons je bandai mon arme et me concentrai sur l’anticipation du chemin de ma cible. Ma flèche fusa dans une trajectoire parfaite, hélas elle fut déviée par un des barreaux de la grille dans un grand écho métallique et finit sa course plusieurs mètres à côté du gros ratissa qui disparut dans l’obscurité.

Jurant, je me précipitai sur la grille après avoir récupéré mes affaire. Elle était verrouillée. En priant intérieurement je me saisis du trousseau de clefs que j’avais récupéré plus tôt dans la soirée et commençai à les essayer une à une dans la serrure. Mes mouvements étaient fébriles, j’avais clairement senti la présence de Sélène s’accentuer il y a quelques secondes dans la réserve à viande. C’était lui qui était derrière l’exécution des petits et si il avait fait fuir le gros ratissa plutôt que de le pousser à m’attaquer, c’est qu’il avait surement d’autres projets. J’ignorais lesquels mais je devais l’arrêter et le temps jouait contre moi.

A la sixième tentatives le verrou de la grille céda finalement, récupérant le trousseau je m’élançai sur la piste de ma cible aussi vite que ma jambe blessée me le permettait. Je traversai une longue salle qui correspondait à l’endroit où Hélios et les autres avaient étaient enfermés. Je ne pris pas le temps de m’arrêter.

A l’autre bout il y avait encore une grille, ouverte celle ci, derrière laquelle je pouvais voir l’arène. Le gros ratissa était en son centre et devant lui, en position de soumission, les huit qui avaient faillis causer ma mort ne bougeaient pas. Je ne comprenais pas ce qui se passait mais ça ne présageait rien de bon. Ils m’avaient vu arriver de loin à cause de la lumière de ma torche mais semblaient m’ignorer pour le moment. Tant mieux, cette fois ma ligne de tir était dégagée et si ma cible restait immobile ce serait un jeu d’enfant. Une fois de plus je posai ma torche pour pouvoir manier mon arc. Je calmai ma respiration, quoiqu’il arrive à partir de maintenant, ce serait le début de la fin.



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Au moment où je bandai mon arme, le même phénomène que dans la réserve se produisit. La température chuta de plusieurs degrés et aussitôt ma torche s’éteignit. Je ne voyais plus rien du tout, mais mon tir était déjà ajusté et ça ne coutait rien de le tenter. Ma flèche émit un sifflement dans l’obscurité qui se termina par un choc mat et un cri de douleur. J’avais fait mouche! Mais il était encore bien trop tôt pour crier victoire, j’entendais des bruits de courses dans le noir. Les ratissas se dirigeaient vers moi et ils étaient beaucoup moins incommodés par l’absence de lumière que moi. Si le combat se devait de dérouler dans le noir complet mes chances de victoire seraient nulles. Il fallait que je récupère ma torche et vite!

Alors que je tâtonnais au sol à sa recherche j’entendais les bruits de plus en plus proches des carnivores. La peur menaçait de me submerger et le rire de Sélène commençait à se faire entendre. Mon cœur se serra et je sentis que des larmes de panique étaient en train de se frayer un passage jusqu’à mes yeux. Mais j’étais préparé à ça et il était hors de question que je meurs ici dans le noir. Je pensai à mon petit ratissa qui m’attendait là haut et redoublai d’efforts. Enfin ma main se referma sur la torche. Aussitôt je l’allumai fébrilement. J’avais agis juste à temps, le premier des ratissas venait de me bondir dessus.

D’un grand revers je l’envoyai s’écraser contre le mur. Mais ce faisant j’avais totalement ouvert ma garde pour les trois suivant. J’étais encore accroupi lorsqu’ils me sautèrent sur le torse. Ils avaient tenté de me renverser mais cette fois j’étais préparé à l’impact et je tins solidement sur mes appuis. Je me redressai d’un coup, ce qui en fit tomber un au sol mais les deux autres à force de griffes et de crocs avaient réussis à se maintenir sur mon corps. Lâchant silex et amadou, j’empoignai le premier qui était dangereusement proche de mon cou et le forçai à lâcher prise. Il emmena un bout de mon haut avec lui en poussant des cris de fureurs.

Tout en le jetant dans une direction au hasard je me mis à piétiner sur place pour empêcher mes autres assaillants de grimper sur mes jambes. Peine perdu deux autres ratissas étaient parvenus à s’agripper à mon bas et un troisième tentait de déchirer une de mes chausses. C’est à ce moment que celui qui était resté sur mon torse planta ses crocs juste sous ma clavicule. Dans un cri de douleur je le saisis et le jetai violemment à mes pieds. Avant qu’il ne puisse réagir je l’écrasai de toutes mes forces, je sentis des os se briser sous mon pied et j’entendis un sinistre craquement qui confirma cette sensation. Celui ci était hors de combat.

Les ratissas qui avaient commencé à m’escalader plantèrent simultanément leurs crocs dans ma chair. L’un au dessus de mon genou, l’autre au niveau de ma hanche. Les deux autres ratissas qui étaient encore conscient près de moi m’avaient contournés et me sautèrent sur l’arrière des jambes. Dans un réflex, je voulus me retourner mais mon pied, au lieu de l’appui stable du sable que j’attendais, s’enfonça dans un bruit immonde de chaire écrasée dans la carcasse du ratissa. Je perdis l’équilibre et titubais du plusieurs pas vers l’intérieur de l’arène.

Ils en profitèrent pour me mordre avec une violence renouvelée sur toute la surface de mes deux jambes. Si bien que mon genou droit fléchi et ma jambe lâcha, je me retrouvais dans la position de l’adoubement. Sauf que si je ne réagissais pas très vite la seule terre qui me serait donnée serait celle où l’on enterrait mes restes et mon seul titre serait feu Harper.

Les deux bêtes qui étaient sur le devant de mes jambes n’étaient plus qu’à quelques centimètres de mon visage mais avaient été un peu désorientées par ma chute. A une si courte portée ma torche me gênait plus qu’autre chose. Je la lâchai pour avoir une main libre et tentai de saisir une des bêtes qui venait de grimper jusqu’au niveau des mes omoplates pendant que de ma main droite je saisissais mon couteau et le plantais avec violence dans la poitrine d’un des deux ratissas qui étaient devant moi. La lame pénétra le frêle corps sans problèmes et la force du coup l’envoya voler de plusieurs mètres. Mon arme ressortie d’elle même, couverte de sang, alors qu’une traînée rouge la relia au point d’impact de ma victime.

J’eus moins de réussite de ma main gauche, cette fois je ne parvins pas à saisirai la bête qui anticipa mon geste et mordit de toutes ses forces entre mon pouce et mon index. En hurlant de douleur je ramenai la main devant mon visage alors que la bête y était encore accrochée. Sans hésiter une seconde j’éventrais l’animal d’un seul coup sec allant du bas vers le haut. Avant de le faire lâcher prise d’une simple secousse. Il tomba à mes pieds, ses propres tripes amortissant sa chute dans un bruit d’éponge écœurant.

C’est alors que simultanément le ratissa encore sur mon dos planta ses crocs dans mon omoplate tandis que je sentis que le premier à qui j’avais donné un coup de pied était revenu. Bondissant sur mon mollet droit, il me mordit à l’intérieur de la cuisse. Pliant le genou je l’écrasai entre les parties haute et basse de ma jambe. Le ratissa qui était sur ma cuisse gauche avait finit par retrouver son équilibre et aussitôt sauta en direction de mon visage.

Dans ma position je ne pus faire mieux que dévier son saut en le frappant d’un revers du manche de mon arme. Pendant l’espace d’un instant je faillis de nouveau tenter d’attraper le ratissa qui me mordait l’épaule mais me rappelant de l’échec de la première fois j’optais pour une autre approche. De toutes mes forces je tendis mes jambes blessées, me projetant en arrière pour retomber sur le dos. A travers le fracas des bouteilles, j’entendis le bruit humide de la chair qui s’écrase auquel se joignit un cri de souffrance animal.

Ce faisant j’avais libéré la bête que je tenais bloqué sous ma jambe. Elle battit légèrement en retraite bientôt rejointe par celle que j’avais écartée quelques instants plus tôt. De mon côté, je me relevai péniblement en me défaisant de mon sac. Mon couteau toujours à la main est prêt pour ce qui allait probablement être le dernier assaut. Je songeai à toute l’huile qui était maintenant renversée par terre, se mêlant au sang du ratissa écrasé sous mon sac mais ma torche était hors d’atteinte et mon silex était resté au niveau de la grille. De toute façon vu la quantité qui était sur mon habit ça aurait été un pari trop risqué.

Mes deux assaillants furent rejoints par la bête que j’avais frappé au tout début du combat, elle avait une entaille au visage mais était encore en état de se battre. Je n’étais pas sûr de pouvoir en dire autant de moi. Tout mon corps me faisait mal, j’étais couvert de plaies et même tenir debout était un supplice. Chacune de mes respirations étaient douloureuse.

L’obscurité était omniprésente autour de moi. La seule source de lumière de l’endroit était ma torche qui projetait un faible halo lumineux. Derrière les trois ratissas étaient immobiles pour le moment. Ils étaient plus méfiants maintenant qu’ils avaient vu de quoi j’étais capable et attendaient l’ouverture qui leur permettrait le coup de grâce. Et ils l’auraient forcément tôt ou tard.

Je sentais mes forces me quitter petit à petit. Je ne savais même pas par quel miracle j’étais parvenu à me redresser. Mais l’effort avait été inutile. Ces immondes bestioles avaient raisons d’attendre. J’étais totalement à bout et d’ici une dizaine de minutes elles auraient juste à venir se servir sur mon corps inconscient. J’avais beau essayer de trouver une solution, mon corps était à sa limite et je ne parvenais pas à réfléchir correctement.

C’est alors que je sentis une vague de chaleur m’inonder, tout mon être sembla plus léger et mes blessures me firent moins mal. A travers le voile qui commençait à obscurcir le monde qui m’entourait je vis le visage d’Hélios qui me souriait. J’ignorais comment mais il était parvenu à reprendre le contrôle sur Sélène, en y repensant ça faisait un moment que je n’avais plus senti son influence néfaste.

Ce regain d’énergie ne pouvait pas mieux tomber. Reprenant en assurance je me redressai de toute ma hauteur, toisant les trois bêtes frêles qui se tenaient devant moi. Elles reculèrent d’un pas sentant que les odes n’étaient plus en leurs faveurs. Mais montrant les crocs elles ne fuirent pas pour autant. Tant pis pour elles, j’avais trop souffert pour éprouver une once de pitié.

Poussant un hurlement je me jetais en avant puisant dans mes forces fraîchement acquises. Au même moment les trois ratissas s’élancèrent vers moi avec des cris de colères. Les deux premiers me bondirent simultanément dessus alors que le blessé s’était écarté visiblement pour me prendre par derrière. Mais j’avais senti le coup venir et il était hors de question que je me fasse agripper comme les fois précédentes.

M’arrêtant soudainement je balançais un grand coup de pied circulaire devant moi. Si leur synchronisation faisait leur force en temps normal cette fois elle me permit de faire d’une pierre deux coups. Mais ce fut plus compliqué à réaliser que prévu et c’est mon tibia qui vint les percuter pour un impact beaucoup moins puissant que je ne l’espérais. Cependant avec la force d’Hélios qui coulait dans mes veines ce fut quand même suffisant pour les envoyer à plusieurs mètres.

Le troisième avait également était pris au dépourvu. Il se retrouva juste à côté de moi l’air d’hésiter entre l’attaque et la retraite. Ce temps de réflexion lui fut fatale, en plongeant je le saisi et alors qu’il se débattait lui tranchai la gorge d’un geste vif. Il mourut en émettant des bruits de gargouillements humides. Je me redressai couvert d’encore plus de sang.

Les deux derniers ratissas étaient de retour sur leurs pattes et avaient changé de stratégie. Ils se déplaçaient lentement en demi cercle de part et d’autres de moi dans le but évident de m’attaquer en même temps de directions opposées. Je ne les laisserais pas faire. Avant qu’ils aient atteint leurs positons finales je m’élançais vers celui à ma gauche. Ils avaient oubliés que je n’étais pas une proie mais un prédateur et j’allai me faire un plaisir de le leur rappeler.

Avant qu’ils ne comprennent ce qui se passait je décochais un coup de pied monumental dans la mâchoire de ma cible. Le choc fut tel que la nuque se brisa dans un craquement sonore et alors qu’il était projeté en arrière sa tête prit un angle improbable avec le reste de son corps. Il retomba mollement au sol pour ne plus jamais se relever.

Le dernier ratissa avait profité que je lui tourne le dos pour se ruer sur moi. Je sentis ses crocs se planter entre ma chausse et mon bas. Dans un hurlement de douleur je me servis de mon autre pied pour lui infliger un colossal de coup de talon. Il se retrouva littéralement écrasé au sol dans un bruit absolument immonde. Il fut arraché à ma cheville dans un cri de souffrance qui s’éteignit dans sa gorge. Il était mort.

Le calme retomba dans l’arène, le silence n’était troublé que par les gémissements des ratissas mourants et ma respiration sifflante. Je me sentais exalté. Ce que je venais de réaliser était tout bonnement incroyable. Il y a quelques instants j’étais aux portes de la mort et pourtant j’avais triomphé! La force qui coulait de mes veines était un don du ciel, j’avais envie de l’éprouver, il me fallait un nouvel adversaire tout de suite!

Par une association d’idée cette pensée m’amena à regarder vers le centre de l’arène. Je vis avec la faible lumière de ma torche encore au sol la silhouette que j’avais touchée au début du combat. Il fallait que j’en aie le cœur net. Je marchai jusqu’à ma torche et la récupérai pour éclairer le corps que j’avais touché dans le noir. C’était bien ce que je pensais. Gémissant faiblement au sol, transpercé par une flèche, je vis un ratissa terriblement maigre. J’en avais éliminé sept pendant le combat, celui ci était le huitième. Le père était encore en vie quelque part.

«Alors tu as peur! Viens te battre je t’attends!»

Au moment précis où je finis ma phrase les effets de la bénédiction dont m’avait gratifié Hélios prirent fin. Tous les dommages que j’avais accumulés pesèrent de nouveau sur mon corps, pire encore, j’étais encore plus épuisé qu’avant. Aussitôt je me retrouvai à quatre pattes luttant pour ne pas m’écrouler complétement. J’étais sur le point de m’évanouir.

Un frisson parcourut ma colonne vertébrale lorsque j’entendis au loin un cri qui faisait écho à l’absurde provocation que je venais de lancer. Le combat n’était pas encore terminé.



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 Sujet du message: Re: Le grand bois
MessagePosté: Mer 16 Nov 2016 22:24 
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En même temps que la disparation du don d’Hélios, la température de la salle chuta de quelques degrés et les ténèbres du lieu se firent plus intenses. Je restai un moment immobile tentant de lutter contre l’engourdissement qui menaçait mon corps. Le sang battait mes tempes et ma tête commençait à tourner.

Au bout d’un moment mon état se stabilisa et je pus, au prix d’un effort surhumain, me redresser. J’entendais le bruit de la bête qui se rapprochait lentement, heureusement pour moi elle n’avait pas encore conscience de l’état dans lequel je me trouvais. Elle avançait avec précaution, ignorant que la victoire lui était déjà quasiment acquise.

Avisant la torche à mes pieds, je m’en saisis et commençait à avancer péniblement vers la grille. Chacun de mes mouvements provoquait des vagues de douleurs dans mon corps. Arrivé au niveau de mon sac j’entendis la bête qui venait de pénétrer dans l’arène derrière moi. Dès qu’elle prendrait conscience de mon état de faiblesse, elle chargerait pour me porter le coup de grâce. Il fallait impérativement que je gagne du temps.

Sans prendre la peine de me retourner, je jetai la torche près de mes affaires. Aussitôt mon sac s’embrasa dans un grand vrombissement. Le cri de peur que j’entendis derrière moi me rassura sur la fait que la manœuvre avait bien eut l’effet escompté. Les flammes prirent rapidement en hauteur et en intensité carbonisant le ratissa qui était resté coincé sous les débris de bouteilles. Je savais que l’huile serait vite consumée et que cette diversion ne m’accorderait qu’un bref temps de répit. Il fallait que j’aie une idée plus précise de la fenêtre d'action dont je disposais.

Sans ralentir je jetais un coup d’œil par dessus mon épaule. Les flammes m’empêchaient de voir clairement mais je distinguais vaguement derrière le brasier une forme qui se mouvait lentement. Le ratissa avait commencé à contourner l’obstacle mais méfiant vis à vis du feu, il se déplaçait lentement ne le quittant pas des yeux, pour le moment. La manœuvre me ferait au final gagner tout au plus une trentaine de secondes. Il fallait que je me dépêche.

Je me mis à claudiquer aussi vite que je le pouvais vers la grille pour récupérer mon arc. Alors que j’étais presque arrivé je sentis la lueur dans mon dos vaciller. L’huile s’était consumée plus vite que prévue et contre coup du temps gagné, je serais bientôt dans l’obscurité totale sans aucun moyen à ma disposition pour m’en sortir. La bête se rendant compte qu’elle avait été freinée par un subterfuge inoffensif poussa un cri terrible et se rua vers moi. Je n’avais plus que quelques pas à faire.

Lorsque je saisis finalement mon arc il avait déjà parcouru la moitié de la distance qui nous séparait. Ma blessure à la main gauche m’empêchait de tenir correctement ma flèche et celles aux dos me faisaient trembler. La lumière du feu se faisait de plus en plus faible et l’obscurité commençait à jouer en ma défaveur. J’étais pris de panique alors que la bête avançait à toute vitesse sentant que l’avantage était de son côté. Mon trait parti dans la précipitation et il manqua de très loin ma cible qui se rapprochait de plus en plus, poussant des cris furieux.

Il était vraiment énorme par rapport aux autres que je venais d’affronter. Ses crocs, faute d’entretien, avaient pris des proportions démesurées et dépassaient des deux côtés de sa gueule. Il avait les yeux entièrement noirs, chose normale pour ceux de son espèce mais les siens avaient la noirceur de Sélène. Il avançait avec une vélocité stupéfiante pour sa masse et il serait très bientôt sur moi. Si je ne parvenais pas à le tuer avant qu’il ne m’atteigne, c’est ici que je mourrai.

L’image du petit ratissa qui dormait dans le sac là haut me vint à l’esprit, il était hors de question que je finisse ici! Reprenant mon sang froid j’encochai une seconde flèche à mon arc, tentant de stabiliser du mieux possible ma main en calmant ma respiration. Je n’avais pas le droit à l’erreur.

Le tir fut bon et la flèche alla se ficher dans le dos de la bête qui avait baissé la tête au dernier moment. Un cri de victoire sortit de ma gorge pour mourir aussitôt. La créature protégée par une épaisse couche de graisse n’était pas morte. Et continuait sa course vers moi en poussant des cris furieux. Je l’avais à peine ralentie. C’est à ce moment que la dernière flamme du feu dans l’arène mourut. Je me retrouvais dans l’obscurité la plus totale.

La peur monta en moi, j’entendais la créature mais je n’avais aucune idée à quelle distance elle se situait exactement. En temps normal j’aurais peut être au moins faire une estimation mais là j’étais terrifié. Ce n’est qu’au dernier moment, lorsqu’elle sauta sur moi, que je sus exactement qu’elle était sa position. Ce fut mon instinct de survie qui me sauva, in extremis j’avais utilisé mon arc comme une masse pour contrer la bête. L’impact fut colossale comparé aux autres ratissas, je le sentis se répercuter partout dans mon corps et un grand craquement résonna dans l’arène. La bête fut éjectée je l’entendis tomber lourdement avec un autre craquement. La flèche plantée dans son dos venait probablement de se briser.

Je n’osais pas crier victoire car dans le noir j’entendais encore les râles de la bête. Pour être certain de mon triomphe, je me préparai à tirer une flèche dans la direction d’où venait les gémissements. C’est alors que je me rendis compte que le premier craquement était en fait provenu de mon arc. Le bois avait cédé sous l’impact et il était maintenant inutilisable. J’entendais le souffle de la bête se stabiliser, elle était encore en état et l’assaut allait survenir d’un instant à l’autre. En tremblant je saisis mon couteau faisant face du mieux possible à la menace que je ne pouvais pas voir.

Comme pour confirmer ma crainte elle poussa un cri de colère et s’élança vers moi. J’étais prêt mais le bond qu’elle fit fut bien plus haut que ce que j’avais anticipé et ce fut au torse que je reçus le choc. Il lui avait fallu un force colossale pour réaliser un tel saut malgré sa masse, je l’avais clairement sous-estimée Elle était par contre aussi lourde que je le pensais, la puissance de l’impact fut tel, qu’elle me fit tomber à la renverse. Je chus lourdement sur mon dos, ce qui me coupa le souffle et provoqua une explosion de douleur qui me vrilla l’esprit. Dans ma souffrance je laissai mon couteau s’échapper.

La bête était debout sur ma cage thoracique, elle pesait lourdement sur mon corps blessé et j’étais totalement incapable de la dégager. Je sentis son haleine fétide au moment où elle ouvrit la gueule. L’instant d’après une douleur fulgurante me traversa alors que ma chair entre mon épaule gauche et mon cou était transpercée par ses crocs acérés. Je me mis hurler de douleur. Je tentai vainement de la repousser alors que je sentais sa mâchoire s’enfoncer plus profondément dans mes chairs.

Je me sentais commencer à sombrer, j’étais à bout physiquement. La souffrance devenait insupportable et ma conscience vacillait doucement. Je n’avais aucune arme à porté de main, mon couteau était sans doute juste à côté de moi, mais dans le noir il m’était impossible de le retrouver. C’est alors que dans un éclair de lucidité, je pensai à la flèche brisée qui était encore planté dans le dos de la bête. Aussitôt je le saisis et tentai de le retirer des chairs de mon assaillant.

Je senti la bête grogner de douleur mais sa mâchoire ne se desserra pas. Ma prise sur la flèche était réduite mais le sang collant à ma main me permis d’un geste sec de l’extraire. Je senti une gerbe de liquide poisseux se répandre sur nous deux. Cette fois si, elle lâcha prise dans un hurlement de douleur et sa salive vint éclabousser mon visage.

Sans perdre un instant, je précipitai le bout de flèche ensanglanté dans la direction d’où venait le bruit. La boîte crânienne résista brièvement puis céda finalement sous la force de mon attaque. La flèche pénétra et traversa de part en part la tête de la bête qui émit un immonde gargouillis alors qu’un mélange visqueux de bave sanguinolente m’inondait le visage. Dans un ultime effort je la fis basculer sur le côté. Je perdis connaissance au moment précis où j’entendis son corps inerte toucher le sol.



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 Sujet du message: Re: Le grand bois
MessagePosté: Mer 16 Nov 2016 23:05 
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Lorsque je revins à moi mon corps entier était à vif. Chacun de mes membres me paraissait être une plaie béante. Je sentais que les rares parties de mes habits qui n’étaient pas en lambeaux étaient collées à ma chaire par le sang. Autant le mien que celui des ratissas. Ma respiration était sifflante et à chaque expiration j’avais l’impression que la peau reliant mon épaule gauche à mon cou allait se déchirer.

Je ne saurais dire combien de temps je restai ainsi dans le noir, allongé sur le dos. Ni exactement comment les choses se sont enchainées à partir de là. Aussi j’essaierai d’être le plus fidèle à ce dont je me souviens.

Après un temps qui me sembla interminable où je n’avançais que durant les moments où Hélios me fournissait de l’énergie, je parvins en rampant dans le noir à regagner la trappe. Ce qui me ralentit considérablement c’est que je trainais avec moi le cadavre de l’énorme ratissa. Je voulais le montrer à mon protégé, qu’il sache que tout ceci était fini. Pendant tout ce temps curieusement je ne sentis pas une seule fois l’influence de Sélène.

Lorsqu’enfin j’émergeai des profondeurs de la cave mon petit ratissa était là. Il m’accueillit à grands renforts de cris excités. Je me souviens du profond soulagement que j’avais éprouvé en le voyant en si bon état, ce qui vu le mien était assez ridicule. Je me rappelle également l’air apeuré qu’il prit lorsqu’il vit la dépouille de son géniteur. Il resta caché derrière moi plusieurs minutes avant d’osé sortir devant lui. Il se mit alors à émettre des cris d’intimidations à son égare d’abord craintif puis de plus en plus assuré. Il ne poussa jamais l’audace jusqu’à touché le corps mais au bout de dix minutes il retourna dans sa poche en se donnant des allures, fier comme un paon.

Ce n’est qu’à ce moment que je me rendis compte qu’un des crocs de la bête était encore fiché dans mon épaule. En l’extrayant, je pensais à la petite canine que j’avais retiré de mon ventre quelques jours plus tôt, me jurant que j’en ferais un trophée dès que j’en aurai l’occasion. C’est aussi à partir de cet instant que je ne ressentis plus du tout la présence d’Hélios qui m’avait accompagné dans les sombres couloirs. J’ignorais ce qu’il était en train de faire mais vraisemblablement un combat était en train de se dérouler entre les deux entités sur un autre plan. Faute de pouvoir faire mieux j’étais de tout cœur avec lui.

Dans les jours qui suivirent je repris lentement des forces en mangeant l’énorme ratissa. J’avais toujours en horreur la viande de ses rongeurs mais celle ci était particulièrement grasse et riche. De toute façon je n’étais clairement pas en état de faire le difficile. Junior pendant ce temps avait trouvé la réserve de viande dans la cave et ramenait régulièrement des lanières qu’il tentait de m’offrir. Je le soupçonnai de savoir que cette viande était bien trop dure et sèche pour mon état et qu’il en profitait pour doubler ses portions. A ce moment là je décidai qu’une fois tout ça finit il devrait suivre un sérieux régime mais pour le moment je le laissais faire.

Au bout du troisième jour de convalescence je pus de nouveau marcher convenablement et me mouvoir avec plus d’aisance. Ce qui arrivait à point nommé car je venais de finir le dernier morceau de l’énorme ratissa. Je pus m’aventurer aux alentours de la clairière pour cueillir baies, plantes et champignons comestibles. A plusieurs reprises je croisai des groupes de ratissas affamés mais dès qu’ils me voyaient, ils fuyaient dans la forêt. Ce qui ne me surprenait qu’à moitié, j’avais utilisé la peau de l’énorme ratissa pour réparer mes habits et son odeur était encore très fortement imprégnée sur moi.

Je profitai de ma mobilité retrouvée pour retourner dans la cave, il me restait un mystère à éclaircir. En revenant dans l’arène je m’engouffrais dans le couloir d’où avait surgit l’énorme ratissa au début de notre combat. Au fond il y avait une pièce toute simple avec seulement une chaise et une arrivée d’eau. C’était là que Théron patientait avant ses combats.

Je vis ce que j’étais venu chercher, au sol il y avait une vingtaine de ratissas femelles décédées. Entassées les unes sur les autres. Elles étaient toutes affreusement maigres et visiblement malades. C’était ici que le gros ratissa les avaient retenues captives. Pendant que je tuais ses fils lui exécutait ses femmes, c’était sans doute l’ultime acte que lui avait fait faire Sélène, avant de perdre le contrôle. Je quittais l’endroit avec l’envie de vomir, me promettant que la prochaine fois que je reviendrai ici ce serait pour y mettre le feu.

La routine s’installa lentement au rythme de ma convalescence. Sans la présence des esprits le lieu était agréable à vivre et comme vite la clairière devient un endroit où les ratissas ne vinrent plus, il n’était pas rare de voir un lapin non loin de la bâtisse. Même si la viande me faisait cruellement défaut je préférais les laisser gambader pour renouveler un peu la population de la forêt.

Une semaine entière s’écoula puis deux. La quasi totalité de mes blessures s’était refermées. Seule la marque de la morsure du père était encore bien présente. Mais j’étais résigné à être gêné pendant encore un moment et à devoir garder une cicatrice à vie. A défaut de la viande de lapin à laquelle j'avais renoncé provisoirement, le nouveau sac que je m’étais fabriqué était plein de baies, de plantes et de champignons. En plus j’avais toujours pas mal de peaux de ratissas. Il était temps de reprendre la route, le lendemain matin je quitterai les lieux.

Je me levai une bonne heure avant l’aube. Avec le tonneau d’huile restant, je fis en sorte que tout le bâtiment s’embrase au moment où je jetterai ma torche depuis l’extérieur.

L’air était doux et les étoiles brillaient dans le ciel. Les oiseaux avaient commencés à chanter, le jour serait bientôt levé. Je savourais la quiétude du moment. Dexter, c’est comme ça que j’avais décidé de l’appeler, perché sur mon épaule semblait se délecter de l’instant avec moi. Je pris une profonde inspiration emplissant mes poumons d’air pur et goûtant la fraîcheur qui m’entourait. C’était tellement agréable de ne juste pas sentir la mort près de soi.

Alors que je m’apprêtais un lâcher la torche Hélios apparut à mes côtés. Je ne fus nullement surpris de le voir, j’avais plus ou moins pressenti son arrivé. Il m’adressa un grand sourire et sans rien me dire je compris à ces yeux ce qui s’était passé. Quand Sélène vint à son tour malgré tous les souvenirs atroces qui étaient attachés à lui, je ne bronchai pas plus. Hélios muettement m’avait fait comprendre qu’il contrôlait la situation et de tout façon je n’avais pas d’autres choix que de lui faire confiance.

Ce qui m’avait fait deviner ce qui c’était passé de prime abord c’était ses yeux. Ils n’avaient plus cette tristesse insondable et le regard de Sélène n’était plus une porte ouverte sur la folie. Les deux regards en un sens avaient un peu évolué l’un vers l’autre. Depuis le début Hélios avait mal compris. Il avait cru qu’il lui faudrait se débarrasser de Sélène pour accéder à l’au delà mais en réalité il lui fallait accepter qu’il était maintenant une part intégrante de lui. Je sentais que le jour viendrait où ces deux regards ne feraient plus qu’un et qu’alors Hélios serait véritablement libéré.

Il y avait encore cependant un très long chemin à faire. Hélios me donnait toujours l’envie de le réconforter et de le protéger contre le monde entier tandis que Sélène me donnait envie de céder à mes pulsions les plus sauvages.

Je détournai mon regard des deux spectres pour faire face à la maison. D’un geste simple je jetai la torche vers l’avant. Au moment où elle toucha le sol la traînée d’huile s’embrasa et le feu rentra à toute vitesse dans la maison.

Je m’assis en tailleur pour profiter tranquillement du spectacle alors que les flammes prenaient de l’ampleur. C’est à ce moment que le ciel s’illumina de mille couleurs. Une aurore boréale nous faisait l’honneur de sa présence en cette nuit déjà haut combien symbolique. Sous cette latitude et à cette heure ci ça n’avait aucun sens mais j’avais eu mon quota de surnaturel pour m’en soucier. J’étais sûr que dans Yuimen il y aurait des gens pour répondre à cet appel. Moi je me contenterais de profiter du spectacle pour le moment.

Les lumières bleues, vertes et violettes qui émanaient du ciel se mêlaient à la fleur rouge qui vrombissait devant moi. Donnant une atmosphère féérique à la clairière. Plus aucun son ne se faisait entendre en dehors du ronronnement des flammes et les craquements du bois. Le brasier rayonnait sur toute la plaine, me réchauffant de cette chaleur très sèche si caractéristique du feu. Je me sentais apaisé et curieusement plus aucune trace de haine ne persistait dans mon cœur malgré tout ce que j’avais enduré ici.

Sans y réfléchir vraiment je sortis ma flute de mon sac et me mis à jouer ce que la scène m’évoquait. D’abord malhabile puis gagnant en assurance ma mélodie pris petit à petit forme. Je tentais de parler des lumières du ciel et de la terre qui se rencontraient. De la fraîcheur de l’air et de la chaleur du feu qui pouvait se croiser sans s’annuler. De Sélène et d’Hélios, les deux côtés d’une même pièce.

Les deux spectres à mes côtés restaient immobiles. Ils regardaient ensemble le spectacle qui s’offrait à eux. Je pouvais sentir l’émotion presque palpable émaner des deux êtres. J’étais aussi ému de voir la fin de cet endroit où j’avais enduré tant de choses. Eux avaient passé plus de cinq ans en ces lieux à vivre des horreurs que j’avais encore du mal à concevoir. Voir tout ça se terminer maintenant sous leurs yeux, ce devait être quelque chose d’extrêmement fort.

Mon petit ratissa descendit de mon épaule et vint se blottir au milieu de mes jambes. Le feu continuait son œuvre et toute la bâtisse était maintenant un gigantesque bûcher. Puis avec un bruit fracassant, elle s’effondra sur elle même dans une grande gerbe d’étincelles. Sans trop y croire je jetai un coup d’œil vers Sélène et Hélios pour voir s’ils avaient trouver le repos dans cette fin mais ils étaient encore tout les deux bien présents. Je rangeai ma flute me demandant ce qui allait se passer maintenant.

Ils se tournèrent l’un vers l’autre et restèrent un moment immobiles échangeant en silence des choses que je ne pouvais percevoir. Au bout d’un moment, ils se penchèrent vers moi toujours sans un bruit et se changèrent respectivement en une fumée noire et en une fumée blanche. Les deux se dirigèrent vers mon torse et y furent comme absorbés. Regardant avec attention je vis que le collier que je m’étais fabriqué avec les deux crocs de ratissa venait de subir une légère transformation. Le gros croc était maintenant d’un noir profond alors que le petit était d’une blancheur éclatante, presque brillante.

Un sourire se dessina sur mes lèvres. Ainsi ils avaient décidés de faire un bout de chemin avec moi. Cette décision n’était pas pour me déplaire, bien au contraire. Avec Dexter nous regardâmes pendant un moment se consumer le feu devant nous. Il s’éteignit au moment où la dernière lumière bleue du ciel disparut. Nous restâmes encore un instant immobile et ce n’est qu’avec le premier rayon du soleil que je me décidai finalement à partir, laissant derrière moi une clairière avec un tas de cendre encore fumant en son centre.

Je me levai, m’étira et récupérai mes affaires. Mon voyage ne faisait que commencer mais maintenant j’étais loin d’être seul. Dexter courrait joyeusement à mes côtés et je sentais une chaleur bien particulière tout contre mon torse. En regardant je vis que les couleurs des deux crocs s‘étaient inversées. Ainsi Hélios serait le soleil de mes journées et Sélène la lune de mes nuits. Cela me convenait parfaitement.

Kendra-Kâr avait intérêt à être prête car l’équipage le plus singulier jamais vu sur Yuimen se dirigeait vers ses portes!



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 Sujet du message: Re: Le grand bois
MessagePosté: Sam 31 Déc 2016 21:01 
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À la recherche du vagabond


Les larges troncs de la forêt baignaient dans la lumière du matin. Erastos voyageait depuis la veille, où il avait accosté pour la première fois sur ce nouveau continent. Venu en quête du secret de fabrication de l'alliage feuillu, il se dirigeait vers un village isolé que lui avait indiqué Charles Muir, capitaine du navire l'ayant amené de Yarthiss. Contre toute attente, il fut déçu de découvrir un paysage assez semblable à sa contrée natale, à l'exception peut être du climat plus frais et humide et du pic enneigé du mont Haut d'Or qui surplombait la région.

Enfin la route forestière se dégageait subtilement en révélant progressivement des toits, puis des façades de chaumières. Le village était organisé autour d'un puits central. Les habitations avaient des allures de cabanes, faites de bois et légèrement surélevées de manière à ce que quelques marches mènent au perron.

Son arrivée ne passa pas inaperçu, un homme d'âge mûr les bras chargés de bois lui demanda d'un air distant ce qui l’amenait. L'apprenti répliqua qu'il cherchait le forgeron. À ses mots, l'homme répondit sans aucune hésitation qu'il n'y avait pas de forgeron dans ce village. Erastos, qui commençait à désespérer, insista dans sa démarche en expliquant qu'on lui avait fait part de rumeurs comme quoi un homme serait ici capable de forger de l'acier feuillu. Cette dernière remarque sembla évoquer quelque chose à son interlocuteur, qui confirma ses dires en expliquant que l'homme qu'il recherchait n'était pas forgeron de métier, mais un commerçant très habille de ses mains. Il ajouta cependant qu'il était mort quelques années auparavant...

L'apprenti forgeron fut investi d'un vertige à l'écoute de ses mots. Il avait quitté Yarthiss, traversé un océan et parcouru cette forêt étrangère, pour apprendre que son unique chance de découvrir cette recette était enterré six pieds sous terre...

Témoin de son désarroi, l'homme évoqua cependant l’existence d'un petit-fils auquel le défunt aurait pu enseigner quelques rudiments. L'espoir rejaillit aussitôt en Erastos et il abonda en questions ; qui se confrontèrent à toutes des réponses lacunaires, expliquant que le jeune homme en question était un vagabond et qu'il ne le voyait que rarement dans le coin. Ne pouvant l'aider davantage, il lui indiqua la maison de la veuve, avant d'ajouter qu'elle venait elle aussi de décéder... La pauvre femme était apparemment malade, lui expliqua-t-il, en ajoutant que son départ fut un véritable soulagement. Son état était devenu insupportable. Après avoir marqué un silence contrit, il le salua d'un hochement de tête et repartit à ses affaires.

Erastos rumina quelques instants, en se demandant si son voyage était réellement utile, avant de persister et de s'engager vers la cabane indiquée. Il y toqua sans réfléchir, réalisant que l'occupante venait de mourir. Pourtant, une voix féminine l'invita à entrer. Il poussa doucement la porte et perturba une discussion entre plusieurs villageoises. Vêtues de robes simples à motifs brodés, elles semblaient avoir été interrompues dans leurs préparatifs. Un buffet était disposé sur la table et le tintement de la vaisselle résonnait derrière, dans la cuisine. Avant qu'il n'eut le temps de se présenter, l'une d'elles déclara que le corps de la défunte reposait dans sa chambre. Embarrassé et ne sachant vraiment pas quoi faire, il se dirigea machinalement vers la pièce indiquée.

L'endroit était terriblement sombre, éclairé par seulement quelques bougies, où l'on devinait sur le lit, dissimulé sous un linceul blanc, le corps de la défunte épouse. Un écœurant mélange d'odeurs d’encens et de mort empuantissait l'air et il dut se boucher les narines le temps de s'y habituer. Une rangée de chaises était disposée autour. Un homme d'un certain âge et aux cheveux blancs s'y était assis, l'air grave. Erastos arriva maladroitement à ses côtés. Il se courba pour s'asseoir, mais la grande épée qu'il avait récupérée sur le garzok pirate l'entrava. Il retira donc la sangle de son épaule et déposa l'arme le long du mur.

« Une bien grande épée. » nota l'homme qui sortait de sa torpeur.

« En effet. Je l'ai récupéré sur la dépouille d'un Garzok. Je n'ai jamais vu d'estramaçon semblable jusqu'à présent, j'avais prévu de l'étudier, mais je dois reconnaître qu'il est plutôt encombrant... »

« Et vous êtes ? »

« Je suis un apprenti forgeron de Yarthiss. J'ai fait tout ce voyage pour apprendre le secret du feuillu. » révéla-t-il sans détour. « J'ai été fort navré d'apprendre la disparition l'unique forgeron humain maitrisant cet art... Ainsi que de sa femme. »

« Je vois... C'est un bien long voyage que vous avez réalisé. » fit le vieil homme d'un ton monotone.

« Si ce n'est pas indiscret, j'aurais souhaité savoir s'il aurait pu enseigner son art à quelqu'un d'autre ? »


L'homme émit un soupir à la frontière du grognement et fixait intensément la dépouille que l'on devinait à travers le mince tissu. Il resta un long moment ainsi, apparemment en train de cogiter bien au-delà de la question posée. Il finit par tourner légèrement la tête vers lui, sans pour autant le regarder.

« Peut-être bien. Torrhen avait bien pris à cœur l'éducation de son petit-fils, son unique descendant mâle. Il a probablement enseigné son secret à Harper. Cependant, l'enfant tient de sa mère, tout aussi intrépide. Nous ne l'avons pas vu depuis quelque temps. Certains disent qu'il serait parti vers Kendra-Kar... Puis-je vous demander un service, hum... »

« Erastos. » répondit le jeune apprenti.

« Bien, Erastos. »

Il l'observait à présent directement et semblait sonder le creux de ses pupilles. Il finit par se lever afin de faire le tour du lit, pour prendre un paquet dans une commode. Il revint vers lui et le lui tendit.

« Si vous voulez obtenir la recette du feuillu, retrouver Harper et remettez-lui ce paquet. Il s'agit des dernières volontés de sa grand-mère. Il était prévu de les lui donner à sa majorité, m'avait-elle confié, mais je doute de le revoir un jour. Alors partez à sa rencontre. »

Le jeune homme reçut le paquet, emballé dans une étoffe de lin et ficelé par une corde, comme s'il s'agissait directement de la recette de l'alliage. Il ne put contenir son enthousiasme naïf.

« Par le marteau de Meno, je vous suis infiniment reconnaissant ! Je m'en vais de ce pas à Kendra-Kar ! »


- II -

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