Je décide de retourner vers la salle de prière où je chope le gamin par le col et l'entraîne vers le couloir. Sans un mot, sans le moindre signe de protestation, il se laisse brutaliser par moi, j'en ai presque des remords de le traiter ainsi. Je l'emporte dans une autre pièce du couloir, que je découvre être elle aussi une salle de torture. L'odeur de sang séché et de cuir humide me chamboule le cœur, mais je tâche de ne rien en montrer. Je ferme la porte et relâche le gamin. Docilement, sans que je n'aie rien demandé, il s'approche du chevalet, ôte les haillons de son dos et vient s'attacher les chevilles aux bracelets ad hoc.
"Attends gamin, tu fais quoi là ?" demandé-je surprise. "Que voulez-vous dire ?" "Que fais-tu ? Pourquoi t'attaches-tu ?" questionné-je avec plus de violence que ce que je ne voulais
Le gamin regarde le sol, il semble complètement perdu, encore plus effrayé.
"Que fais-tu ? Pourquoi t'attaches-tu ?" répété-je avec une colère qui ne m'est pas commune mais qui commence à poindre au plus profond de moi, comme si mon sang et mon corps comprenaient déjà ce que mon esprit refusait d'amalgamer. Terrorisé, le gamin me répond d'une petite voix chevrotante. "Vous préférez que je reste détaché ? Je ... je peux le faire, Yuimen renforcera mon esprit. Je peux le faire, si vous souhaitez."
Il déglutit avec difficulté, ses yeux m'implorent de changer d'idée, au bord des larmes. Il se mord les lèvres pour ne pas montrer sa peur et son inquiétude. Je m'agenouille auprès de lui, et il se recroqueville encore plus. Je le terrorise, clairement, mais je ne comprends pas pourquoi. A moins que ça ne soit pas moi la cause, mais la pièce dans laquelle je l'ai emmené. Ses yeux ne lâchent pas un mur derrière moi. Je me retourne et découvre une collection de différents fouets et autres instruments de torture d'un acabit similaire, ayant pour objectif de blesser, d'infliger de la douleur pure durant un temps assez long, sans invalidé la victime. C'est dans la logique de ce que j'ai vue dans l'autre pièce, du matériel fait pour faire souffrir et punir sans pour autant tuer, car on ne tue pas un fidèle, enfin je ne pense pas.
"Gamin... De quoi as-tu peur ? Je ne vais pas te fouetter, tu sais."
Ses grands yeux noirs s'écarquillent à mes paroles, comme s'il refusait de le croire ou comme s'il venait de croiser le Sinari de Noël en personne.
"V... vous allez me faire quoi alors ?" "Mais rien. Je veux juste te poser des questions."
Le gamin n'a pas l'air rassuré par mes paroles. Par Yuimen, que se passe-t-il donc dans ce temple ? Je décide de poser directement les questions, peut-être aurais-je des réponses malgré tout, je veux savoir et je manque de temps. On va démarrer par le début, les présentations :
"Je m'appelle Lisha et toi, comment t'appelles-tu ?"
Comme si cette simple question suffisait, le garçon vient s'agenouiller devant moi, les mains au sol, paume vers le haut. Le geste est tellement précis, qu'il doit faire partie d'un rituel dont je ne comprends pas tout, mais qui semble le rassurer. Je le laisse donc faire. Puis vient sa réponse, qui me trouble plus encore. "Je ne suis personne. Mon sang, mon corps et mon âme appartient à Yuimen, au temple de Yuimen et au Grand-Prêtre. Je ne suis personne." Il a annonné sa réponse, comme on le faisait à l'école avec les poèmes des anciens Sindeldi, on lui a farci ça dans le crâne, jusqu'à ce que ça devienne une vérité. Je décide de rester dans les questions simples dans un premier temps : "A quoi servent ces salles ?" "Yuimen est le maître de la vie et la douleur est ce qui différencie ce qui est vivant de ce qui est mort. Souffrir c'est être vivant. Nous lui offrons notre souffrance pour le remercier de nous garder en vie. Chaque cicatrice que m'offrent les prêtres sont la preuve que Yuimen veut me garder ici auprès de lui et qu'il n'est pas l'heure de m'offrir à Phaïtos."
Je reste bouche bée devant cette litanie récitée par le gamin, le pire dans mon esprit c'est qu'il semble y croire. Je tremble d'indignation devant cette interprétation honteuse et barbare de la philosophie de Yuimen.
"Et que se passait-il dans l'autre salle ?"
Un court silence s'installe, le gamin ne sait pas quoi ou comment répondre, je sors du cadre de son éducation figée. A moins qu'il n'ait pas le droit de répondre, à tout ce qui sort du credo. Tout ce que je veux savoir, c'est pourquoi le Garzok ne portait aucune marque et le gamin était écorché bien au-delà du sang ? J'essaye une autre approche, en décomposant le fait : "Pourquoi le grand-prêtre usait du fouet ?" "Chacun doit payer le prix de ses erreurs et de ses fautes, par le sang ou par l'or; car l'or, comme le sang, sont des trésors naturels. Mais seul le sang peut nettoyer une faute grave aux yeux de Yuimen."
J'en reviens à ce que je savais déjà, que les punitions physiques font partie de la règle en cas de transgression ici, mais la dernière phrase m'interpelle en revanche.
"Seul le sang peut nettoyer un péché ? Même s'il a été payé par l'or ?" "Si celui qui a péché a payé assez d'or, alors son sang sera épargné et le sang d'un esclave de Yuimen coulera. C'est ce que l'on nomme le yus de sang."
Ces paroles me glacent le sang, et viennent confirmer ce que je soupçonnais. Je me redresse pour faire face à celui qui vient de me répondre, certaine qu'il s'agit du grand-prêtre qui vient d'entrer. Ainsi, l'or prend une importance que je ne soupçonnais pas dans la vie des Garzoks. Naïvement, je croyais que la taille de la bourse ne changeait la manière de vivre sa religion que chez les Sindeldi. C'est d'ailleurs ces trafics d'influence qui m'agaçaient dans la religion de mes ancêtres, ça et les très nombreux interdits.
Comme si le prêtre venait d'apercevoir le gamin, il se tourne vers lui et fait claquer son fouet sur l'échine toujours nue et offerte.
"Mets-toi en position, esclave, et sans fer, il a payé assez cher pour ce plaisir !"
Le gamin ne se fait pas prier et obéit immédiatement tandis que deux Garzoks pénètrent dans la pièce. Je peux entendre les pleurs et les gémissements de l'esclave sachant que trop bien ce qui va lui arriver. Les deux nouveaux arrivants sont très différents entre eux. Le premier est fin, mince et finement musclé, il porte une robe brune et verte et une cape tombant sur une épaule. Au bout du bras dégagé, un fouet droit munie d'épines dont la simple vue me dresse le poil. Aucun doute possible, d'après ce que j'ai vu de ce temple, il s'agit d'un prêtre. L'autre Garzok est plus large que mon nouveau corps, il est torse nu et porte dans sa main une tunique fine ornée de runes, ainsi qu'une cotte de cuir écailleux. Il marche à deux pas derrière le premier, signe de respect, mais son regard et son attitude est celui d'un sadique qui viendrait assister à une scène attirante pour lui. J'ai déjà vu ce regard chez certains elfes lors de la parodie de procès de Leona par Kouschuu. Sa richesse est évidente et la manière avec laquelle le prêtre tripote une de ses bagues, trop large pour lui, j'imagine sans mal le prix qui a été payé.
N'étant pas liée à cette scène, je vais pour passer la porte dans l'autre sens, mais je suis arrêtée par le grand Prêtre d'une main sur l'épaule. "Attends, Garzok et regarde."
Je me retourne en déglutissant. Pourquoi veut-il que je regarde ? Le prêtre de son côté vient de finir d'attacher l'autre Garzok et reprend son fouet, qu'il vient faire tomber sur l'échine du gamin qui hurle de douleur, mais ne bouge pas, entièrement soumis à la volonté de fer du prêtre. Il commence à réciter une litanie implorant le pardon de ses fautes, et réclamant que le prix du sang soit versé pour nettoyer l'offense faite à Yuimen. A voix basse, dans mon oreille, le grand prêtre me pose une simple question. "Qui es-tu, Garzok ?" "Je suis Lisha, la massacreuse !"
Le fouet tombe plusieurs fois d'affilé et chaque cri du gamin vient me vriller l'esprit, comme si je recevais moi-même le coup. A chaque impact, la question revient de plus en plus violente et la litanie se modifie légèrement, implorant de plus en plus que le sang soit versé sans haine, avec l'Amour de Yuimen. Je tente de me concentrer sur les paroles du gamin, comprenant que le châtiment auquel j'assiste est celui pour un meurtre pur et simple. Mais plus la séance avance, plus la douleur vient me détruire de l'intérieur, je parviens à peine à répondre avec acharnement que je suis Lisha, la massacreuse. Par Yuimen, à quoi donc joue ce prêtre ? Anouar tente de me permettre de garder le contrôle tandis que j'ai l'impression de perdre le contact avec Astinor au fur et à mesure, comme sur Aliaénon, quand Naral a cherché à nous séparer.
"Qui es-tu, Garzok ?"
Je ne sais plus si la question a été posée dix fois, vingt fois ou plus, je ne parviens plus à prononcer quoique ce soit de cohérent et je finis par craquer, tremblante et je manque de tomber à genou quand ma panthère vient à ma rescousse en prenant le contrôle du corps pour grogner au grand-prêtre en l'attrapant brutalement à la gorge.
"Je suis Astinor. Et cesse ta magie, prêtre !"
Les deux Garzoks se retournent d'un coup vers moi, le gamin lui-même s'est redressé pour voir ce qui se passait. Le grand-prêtre agrippe la main qui le tient au coup et force Astinor à lâcher, nettement encouragé par Anouar dans mon esprit. Puis il ouvre la porte et me jette hors de la pièce avec brutalité, sans pour autant me lâcher. Astinor ne se laisse pas faire et lui grogne à la figure. Avant de fermer la porte, et n'oubliant pas sa tâche initiale, l'humain lâche au prêtre Garzok à l'intérieur de la salle :
"Continue ta tâche. Quand tu auras fini, tu laisses le noble s'amuser sur le gamin, ça apprendra à la larve à bouger quand elle ne doit pas. Et pour t'être distrait de ton service, tu subiras aussi le fouet."
J'entends le gamin pleurer et sens ma gorge se serrer, c'est à cause de moi qu'il subit tout ça. C'est injuste et injustifié. J'étais venue ici pour trouver la paix avant mon combat et ce que j'ai vu et subit me dévaste.
_________________
Je suis aussi GM14, Hailindra, Gwylin, Naya et Syletha
|