Pourtant, au milieu de la nuit, quelque chose me réveilla. Je m’habillais et sortais de la tente, aux aguets. Les autres dormaient, mais j’étais certaine d’avoir entendu quelque chose. J’aperçus une lueur, comme un feu et décidais d’aller voir, sans me poser de questions. Le trajet me parut long, plus j’avançais, plus la lueur semblait reculer. Il faisait sombre et bizarrement j’avais du mal à y voir, comme si j’avais un voile devant les yeux. Lassée de marcher après cette lueur sans avoir l’air de m’approcher, je décidais de lui courir après. Je descendais une colline lorsqu’elle disparut. Où était-elle passée? J’avais beau chercher, je ne la voyais plus, comme si elle avait disparu. J’essayais d’avancer mais quelque chose me retenait, comme un mur invisible que je ne pouvais franchir. Je commençais paniquer et ouvris les yeux. J’étais dans le noir le plus complet. En attendant que mes yeux s’habituent à l’obscurité, je tâtonnais. C’était très exigu et ce n’était que de la pierre froide autour de moi. Je sentais que j’étais debout et je n’avais presque pas la place de me retourner, mais je pouvais lever les bras sans toucher le haut. J’avais mes habits mais j’étais pieds nus. J’avais dû rêver de nouveau, mais où avais-je atterri ? Je n’entendais rien à dehors, la pierre bloquant probablement tous les sons. J’appelais, espérant que quelqu’un m’entende.
- Il y a quelqu’un ? Aucune réponse. Et toujours pas le moindre son. Je tapais sur la pierre en appelant et au troisième appel, le dit mur bascula et je le suivi, tombant dessus, me rattrapant de justesse. Je me relevais et me figeais aussitôt. Deux guerriers squelettes en armure sombre étaient face à moi. Leurs armes n’étaient pas sorties et ils ne faisaient que me regarder mais j’avais eu l’occasion de les voir en action et je n’avais pas envie qu’ils bougent. En regardant autour de moi, je vis que j’étais dans la grande salle, enfermée dans un des cercueils qui contenaient les guerriers squelettes. Je frissonnais à l’idée qu’il y avait eu un squelette là-dedans ou que j’aurais pu être coincé dedans avec l’un d’entre eux. Alors que je me demandais comment partir, un homme que je n'avais pas remarqué s’approcha. Il portait une longue toge rouge sombre et noir avec des trais dorés et argentés qui formaient des dessins complexes. Il avait un visage anguleux, des yeux bleus froids et portait un bouc. Il s’arrêta entre les deux squelettes qui s’écartèrent légèrement. Il parla et sa voix était étrangement douce.
- Tu es donc réveillée, cela n’a pas mis trop de temps. Saisissez-vous d’elle.Les deux squelettes s’approchèrent de moi. Pas question qu’ils me touchent ! Je générais une boule de feu, prête à me battre. L’homme soupira.
- Peine perdue jeune fille, tu ne feras que les rendre plus agressif et tu n’as pas les moyens de t’en débarrasser. Si tu ne veux pas qu’ils te touchent très bien, suis-moi gentiment dans ce cas.Méfiante, j’avançais et les deux mort-vivants s’écartèrent. Je suivais donc l’homme jusqu’au centre de la pièce, là où les rainures du sol convergeaient en un seul point, formant un cercle. Il me désigna ce fameux point et me dit d’y mettre les pieds. J’hésitais mais son regard me fit comprendre que refuser serait synonyme de douleur et que j’y mettrai les pieds de toute façon. Une fois cela fait il tapa dans ces mains et un troisième squelette lui apporta une chaise tandis qu’un autre lui apporta un gobelet en or incrusté de pierres précieuses et un pichet tout aussi incrusté et doré. Il remplit le gobelet et me le tendis. Devais-je vraiment le prendre ? Rien de bon ne pouvait arriver venant de ce type. Il soupira devant mon hésitation et but le gobelet avant de servir de nouveau et de me le tendre.
- Ce n’est que de l’eau, je me disais que tu aurais soif. Je ne compte pas t’empoisonner. Il faut déjà que nous parlions un peu.J’acceptais donc son gobelet et buvais lentement. La fraîcheur de l’eau me fit mal aux dents, mais au final cela faisait du bien. Je lui rendis sa coupe et il s’installa confortablement sur sa chaise tandis que je restais debout au centre de la pièce.
- Avant toute chose, quel est ton nom semi-elfe et quel âge as-tu ?- Yliria et j’ai 42 ans. Vous...- Converti en années humaines… 14 ans donc, je vois, plutôt jeune, c'est bien. Quelle magie utilises-tu Yliria ?- Celle du feu. Je peux juste savoir ce que vous me voulez ?- Le feu, c’est parfait. Oui bien sûr je vais t’expliquer, cela fait si longtemps que je n'ai pas eu de conversation, cela me manque terriblement. mes compagnons squelettes ne sont guère bavards hélas... Vois-tu je suis un chercheur en études magique spécialisé en nécromancie. Mon but est d’améliorer cette forme de magie répudiée par beaucoup. J’ai donc exhumé ce mausolée pour poursuivre mes recherches en toute tranquillité avec de nombreux spécimens à disposition.Exhumé un mausolée entier ? Il devait être surpuissant ! Les autres n'avaient aucune idée du danger qu'ils courraient. Je devais gagner du temps, le faire parler le plus possible, en apprendre plus, trouver un moyen de le battre.
- Jusque-là je comprends, mais pourquoi je suis là ? Et pourquoi avoir dévoilé le mausolée, vous auriez été plus en paix ailleurs non ?- Pour le mausolée, je ne pensais pas être découvert si vite, c’est une région isolée et peu de gens passent par-là, mais je voulais être découvert à un moment, pour attirer de futurs associés. Quand à toi, si tu es là, c’est pour m’aider dans mes recherches.Je n’aimais pas du tout ce que j’entendais, mais alors pas du tout.
- Vous aider… c'est-à-dire ?- Mon but est de trouver un moyen que les squelettes soit magiquement renforcés et utilise une magie supérieur au combat. Pour cela j’ai besoin de mages avec un potentiel magique intéressant.Vraiment, je n’aimais pas ça. J’avais peur de comprendre où il voulait en venir. Je réfléchissais à un moyen de sortir en esquivant les squelettes disséminés dans la pièce. Ça n’allait pas être chose facile. Le vieux nécromancien n'était cependant pas dupe
- Si tu penses à t’enfuir, je te le déconseille fortement, Rurk t’as à l’œil et la tendresse n'est pas une de ces qualités.- Rurk ? Qui est Rurk ?- Celui qui t’as fait venir ici, tu l’as déjà rencontré. Rurk ! Vient saluer notre amie.Une masse sombre se matérialisa devant l’homme et celui qui nous avait attaqué la dernière fois apparu, toujours aussi effrayant. Ses yeux rouge se fixèrent sur moi et je frissonnai d’effroi. Il s'inclina devant le nécromancien et parla de sa voix gutturale.
- Maître, je suis à vos ordres.- Je sais Rurk, je voulais juste que notre amie te vois, tu peux disposer. Préviens-moi quand ses compagnons arriveront. Je veux que les mages rejoignent les cercueils vides. - Il sera fait selon vos ordres Maître.Il s’inclina de nouveau et disparut. J’étais dans le pétrin, vraiment. Je devais gagner du temps, les autres allaient débarquer d’un moment à l’autre. Le faire parler, vite !
- Comment vous m’avez amené ici ? Vous ne m’avez pas pu me transporter depuis le campement.- Oh non ! Vois-tu, lorsque Rurk a failli te tuer avec son sort de brume sombre, j’ai pu déceler ton potentiel magique et lui ai ordonné de te laisser en vie avec un sort très spécial. Une magie de contrôle mentale extrêmement pointue et te voilà ! Rurk est encore aujourd’hui ma plus grande fierté. Mais trêve de bavardages, il va falloir s’y mettre. Déshabille-toi s’il te plaît.Je le regardais avec des yeux ronds, mi-scandalisée, mi-horrifiée.
- Quoi ? Il n’en est pas question !- Je reformule, enlève ta tunique et ton pantalon, tu peux garder le reste. Ne fais pas cette tête, les enfants ne m’intéressent pas, c’est simplement que les vêtements vont gêner le processus. Et si tu ne le fais pas, mes squelettes s’en chargeront et ils ne seront pas regardants sur ce qu’ils arracheront, alors dépêche-toi.J’obéis à contrecœur. Finir en sous-vêtements dans un tombeau face à un vieux nécromancien fou et ses sbires n’était pas vraiment ce que je m’étais imaginée en m’embarquant dans cette quête. Je n'allais pas me laisser faire quand même...
- Je peux vous demander ce que vous allez me faire ? Me tuer et me changer en squelette ? Parce que si c’est le cas je préfère encore…- Quoi ? Non non non je ne vais pas te tuer, quelle idée. C’est bien plus génial et subtil que ça. Je vais aspirer ton énergie magique pour ensuite la transférer dans un squelette et si tout fonctionne, j’aurai enfin un squelette de qualité infiniment supérieure.- Aspirer ma magie ? Vous êtes cinglés ?Il eut un petit rire joyeux.
- Un peu, mais ça ne te tuera pas, tu vas juste souffrir un peu. Allez, c’est parti.Il lança un rayon d’un rouge malsain jusqu’à moi. Je me raidis lorsqu’il me toucha, mais rien ne se produisit, je ne ressentais rien de différent. Soulagée, j’allais tenter de sortir du cercle pour l’attaquer, mais je ne pouvais pas bouger, ce serait-ce qu’un doigt. J’avais beau essayer, rien à faire, mon corps entier refusait de bouger. Seuls mes yeux pouvait, et seulement s’ouvrir et se fermer. J’arrivais pourtant à respirer !
- Intéressant cette salle n’est-ce pas ? Si un mage se tient en son centre, elle le paralyse s’il entre en contact avec de la magie. Une vraie merveille créé par un roi paranoïaque qui détestait la magie et ceux qui la pratiquait. Bon, il est temps de commencer. Le rayon rouge sembla s’intensifier. Je ne ressentais toujours rien, puis quelque chose monta, d’abord une douleur légère, comme une courbature, puis de plus en plus violente et j’eus soudainement l’impression que j’étais en train d’être arraché de mon corps. J’hurlais de douleur, mais aucun son ne sortait de ma bouche. Au fur et à mesure, cela empirait. C’était intenable.
- Maître ! Les intrus sont revenus, encore plus nombreux.La magie cessa et tout douleur disparu avec elle. Je pouvais de nouveau bouger et la seule chose que je pus faire c'était m’écrouler. C’était quoi ? Pourquoi j’avais l’impression qu’on m’arrachait quelque chose?
- Merci Rurk, occupes t’en, je compte sur toi. Prends tous les guerriers avec toi. Oh, celle-ci ne tient plus debout… Squelettes, allez me chercher le suivant et mettez celle-là plus loin, elle servira plus tard quand elle aura repris des forces.Un squelette m’attrapa par le bras et me traîna dans un coin de la salle, m'adossant au mur. Je vis alors un autre cercueil s’ouvrir et un des pilleurs de tombes subit la même chose que moi. Les présentations, le discours, absolument tout était identique. Ce nécromancien avait vraiment envie de dévoiler son plan, il était complètement stupide et dérangé. Je voulais dire au pilleur de fuir, mais je n’arrivais même pas à articuler le moindre son. C’est comme si l'étrange sort m’avait vidé de mon énergie, mais sans me fatiguer. Le nécromancien entama le même rituel avec le pilleur de tombe. Je ne pouvais même pas détourner les yeux de ce spectacle. Il n’y avait pas de son et pourtant je pouvais entendre le pilleur hurleur, tout comme je l’avais fait. Après un long moment, le nécromancien appela un squelette et le visa avec un second rayon. Le squelette devint rouge et, alors que le pilleur de tombes s’écroulait, le squelette luisait d’une énergie malsaine. Le nécromancien tapa dans ses mains, excité d'avoir réussi.
- Ah ! Un succès, vas-y squelette, lance un éclair dans cette direction.Le squelette s’exécuta et un arc électrique bleuté s’échappa de ses doigts pour atteindre le mur du fond, créant une petit explosion et arrachant un morceau du mur. L’homme jubilait jusqu’à ce que le squelette n’explose, projetant ses os dans toute la pièce et le faisant basculer de son siège. J’eus à mon tour une jubilation intérieure en voyant la tête déconfite de ce cinglé. Il ne fallait pas que son idée fonctionne ! Je le vis se relever, s’épousseter, appeler un autre squelette et recommencer la même chose avec un autre sujet, après avoir fait mettre le pilleur à côté de moi. Je pus apercevoir les yeux vitreux du malheureux. Peut-être vivait-il, mais peut-être aussi qu’il aurait préféré mourir. Je ne voulais pas finir comme lui, je devais m’enfuir. Le manège recommença, mais cette personne-ci se montra moins docile et le nécromancien dut mobiliser quatre squelettes pour le maintenir au centre de la pièce, les détruisant au passage lorsque le rayon toucha le pilleur. Je refusais d’assister à ça une fois de plus. Je devais trouver un moyen d’aider ce malheureux. Je retrouvais lentement quelques forces, mais pas de quoi faire grand-chose à part bouger la main. Je regardais l’autre se faire vider de son énergie comme le premier. De nouveau un squelette lança un sort, de terre cette fois, avant d’exploser. Visiblement énervé, le nécromancien commença à perdre patience.
- Squelettes ! Prenez moi cette fille et mettez là au centre, et vite !Il s’énervait pour rien, parce que tous les autres squelettes avaient suivis Rurk pour protéger le tombeau ou avaient été détruits. Je ricanais silencieusement. Il n’avait que ce qu’il méritait. Il se tourna vers moi et se rapprocha, rageur, m’attrapa les cheveux et me tira vers le centre de la pièce. Me faire traîner sur la pierre était déjà assez désagréable la première fois, mais là j’avais vraiment mal, il devenait de plus en plus agressif ce cinglé. Il me lâcha lorsque j’étais à moitié dans le cercle et retourna à son siège. J’étais toujours incapable de me lever, mais au moins je pouvais bouger mes bras. Merveilleux, c’était un progrès. Le nécromancien s'égosilla.
- RUUUUUURK !! Où est passé cet imbécile ? Dois-je tout faire moi-même ici ? Il se leva de nouveau et me força à me lever. Je n’allais pas lui faciliter la tâche et je fis mon possible pour être le poids le plus encombrant possible. Cela fonctionna très bien et il abandonna. Il me laissa au sol et retourna à son siège. Je le narguais, contente que son plan soit mis à mal.
- A court d’idées ?J'aurai mieux fait de me taire.
- Tu te crois maligne n’est-ce pas ? Tu as tort.Il incanta et de nouveau le rayon rouge parti vers moi. Alors que je m’attendais à ne rien ressentir immédiatement, la douleur fut terrible dès le début et je hurlais, de toutes mes forces jusqu’à ce que cela devienne un hurlement silencieux. Je le vit me sourire.
- Si je vous mets debout c’est pour que le processus soit plus rapide et afficace. Tu ne vas pas m’arrêter, tu vas seulement souffrir plus. Qui est le plus malin maintenant ?Le rayon s’intensifia et il en fut de même pour la douleur. Je sentais de nouveau cette sensation d’être arrachée de mon corps. Je voulais mourir, c’était trop et trop long, juste que ça cesse.
J’entendis un bruit sourd et le rayon s’arrêta de nouveau, me laissant haletante, le dos sur le sol froid. Je ne souffrais plus, c’était déjà ça. J’entendis plus que je ne vis s'enfuir le nécromancien et quelqu'un le poursuivre et des bruits de pas qui s'approchaient de ma direction. Je vis finalement un visage familier et inquiet se pencher sur moi.
- Tu m’entends ? Je ne pouvais pas encore parler, je me contentais simplement de cligner des yeux. Je sentis qu’on me redressait et me couvrait, ce qui n’était pas pour me déplaire. Déjà parce qu’il y avait du monde dans cette salle et que je tenais à ma pudeur, mais surtout parce que la pierre était vraiment froide. Je frissonnais. Il y avait du monde dans cette pièce, mais je ne voyais que les mercenaires et Wyrlan, aucune trace des autres membres du groupe. J’espérais qu’ils allaient bien. Wyrlan incanta et une douce chaleur se répandit dans mon corps et je pus finalement bouger un peu la tête et parler, même si ma voix était très faible.
- Wyrlan… où sont…- Les autres vont bien ne t’inquiètes pas. As-tu mal ?- Plus maintenant.- Qu’est-ce qu’il t’a fait ?- Pas maintenant, s’il te plaît…Il ne dit rien. Son visage était toujours inquiet et cela me minait aussi.
- Je suis vraiment une source d’ennuis pour vous, désolé.- Ne dis pas n’importe quoi. On va te sortir d’ici, ne bouge pas.Il me reposa au sol et se leva. « Ne bouge pas » … je ne pus m’empêcher de sourire cette fois, ce n’est pas comme si je pouvais bouger de toute façon. Ah si, un doigt commençait à répondre, un premier progrès. Après quelques instants, j’entendis un bruit de cavalcade et Fyly se jeta presque sur moi.
- Yli ! Tu vas bien ? Que s’est-il passé ? Tu es blessée ? Pourquoi tu es presque nue ? Pourquoi tu ne réponds pas ? Que…- Bon sang, Fylyarina ! Laisse-lui deux minutes ! On la sort de là d’abord et ensuite on verra ! Bolir, emmène là dehors, délicatement s'il te plaît.Je sentis les bras du géant me soulever comme si de rien n’était. Il ajusta ma tête pour que je puisse le voir et je lui souris pour le remercier. Lui ne souriait pas du tout et me sorti de là sans un mot. Je recouvrais peu à peu le contrôle de mon corps sur le trajet menant au camp. Je sentais des fourmillements dans les jambes et les bras mais j’arrivais peu à peu à les bouger, à mon grand soulagement. Lorsque Bolir me déposa, je pouvais bouger mes jambes, mais pas moyen de ma lever ou de rester assis. Fyly resta avec moi tandis que les autres repartaient vers le mausolée. Elle me raconta tout ce que j’avais manqué. L’assaut sur le mausolée, le combat contre les squelettes et la création du nécromancien, l’exploration de l'escalier secret pour finalement trouver la salle du trésor, la salle d'armes et la salle d’expérimentation où d'autres victimes avaient été trouvées vivantes mais dans un été végétatif. Apparemment nous n’étions pas les premiers à venir ici et à subir les expériences de ce cinglé. Je pensais aux deux autres qui étaient avec moi et eut un frisson, ça aurait pu être moi. J’étais heureuse d’en être sortie saine et sauve mais je sentais que je n’allais jamais vraiment oublier ça.
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