<<< Précédemment.70. Dans le sens du poil."On va vers un des endroits le plus hypra-mystérieux et supra-cachés du marais. Tu devrais être content au lieu de râler."Précédant de quelques pas le minuscule être, Sump essayait tant bien que mal de ne pas se laisser distancer et d'écouter en même temps ce qu'il lui disait. Ce n'était pas facile. Le gnome, qui répondait au farfelu prénom de Pily-pili-Pily-pili ( le Gobelin avait d'ailleurs exceptionnellement reçu l'autorisation de juste l'appeler Pily ) était un Lutin et ne semblait pas gêné le moins du monde par les sols traîtres et gluants du marais. Ne s'enfonçant jamais dans la boue, elle ne semblait pas non plus s'accrocher à lui le faisant jouir d'une propreté brillante en ces lieux. Le Sekteg quant à lui n'avait pas autant de facilité. À chaque pas, ses bottes menaçaient de s'enfoncer dans un trou et lorsque cela arrivait il lui fallait alors forcer sur sa jambe pour se dégager avec un bruit de succion. Comme si cela ne suffisait pas, d'énormes sangsues noire et dodues s'accrochaient volontiers à sa peau et à ses vêtements pour lui sucer avidement le sang. Cela aurait été un moindre mal si le Sekteg affamé avait pu les manger mais elles se révélaient si caoutchouteuse que même ses canines aiguisées ne parvenaient pas à les réduire en morceaux. Et c'était sans compter leur goût infect.
Pendant ce temps-là Pily continuait son petit monologue sans se rendre compte des peines qu'endurait son compagnon :
"Il y a là-bas quelque chose dans quoi je taillerais une alliance digne de ce nom pour ma promise. Une fois qu'elle et moi seront mariés, on quittera cet endroit pourri et irons nous installer sur Nirtim. Le pieds non ? Qu'est-ce que tu en penses ?"Mais Sump était trop occupé à veiller aux endroits où il posait les pieds et à déloger les suceuses de sang pour écouter avec attention de telles palabres qui ne lui étaient d'aucun intérêt de toute façon.
Plus ils progressaient, plus le brouillard se faisait épais et ce n'était pas pour rassurer le Sekteg qui trouvait les alentours de plus en plus sinistres. Cependant il constata avec étonnement qu'ils s'en extirpèrent peu à peu, la vue redevenant dégagée et limpide. Débarrassé du poids d'y voir de moins en moins clair, Sump se redressa un peu pour observer la zone. Toujours plat, quelques arbres de savane se tenaient là à travers roseaux et hautes herbes.
"Baisse-toi espèce de grand dadais ! S'ils nous voient maintenant ça va être chiant !" siffla le Lutin, le dos courbé.
Le Gobelin obéit sans tarder, se mettant pratiquement à quatre pattes non sans grimacer légèrement. Ses côtes pas tout à fait remises et ses multiples courbatures semblaient lui avoir ajoutées vingt ou trente ans.
"Maintenant c'est patte de velours d'accord ?" lui dit Pily à voix très basse, 
"Nous ne sommes plus très loin."Sump continua de suivre son petit guide dont la modeste taille lui permettait de marcher presque normalement. Ils slalomèrent entre les différents bassins vaseux et autres obstacles avant de se plonger dans de très hautes herbes humides et fraîches. Sump crût y déceler une bonne odeur mais il prit cela pour un tour de son esprit. Ce serait bien une première dans ce foutu marais. Puis le Gobelin perçut des voix graves et se tendit automatiquement.
"Bon arrêtons-nous là. souffla Pily peu après, sa petite tête farceuse émergeant de la végétation. 
Tu vois ces types là-bas ?"Sump écarta les hautes herbes et resta un instant stupéfait. Un petit groupe de créatures humanoïdes était installé sur les berges d'une grande étendue d'eau à une cinquantaine de mètre d'eux. Malgré l'heure de la nuit bien avancée et sa maigrelette lune, la scène était tout à fait visible grâce à la dite eau qui brasillait on ne savait comment d'une lumière immaculée. Ce lac de marais ou aucun nénuphar et autres roseaux ne poussaient dégageait un calme absolu que l'agitation des créatures installées sur ses berges ne suffisait pas à perturber. Sous un saule chevelu au tronc épais et sombre, ils étaient une dizaine rassemblés là et semblaient s'affairer à essayer de faire un feu. Apparemment tous des mâles, ils vociféraient les uns contre les autres dans un dialecte comportant beaucoup de "A" semblait-il à Sump.
"C'est un clan de Kadu qui s'est installé ici il n'y a pas longtemps comme par hasard, lui chuchota Pily,
 ne fais pas de bruit, ils ont de sacrées oreilles."Il s'accroupit ensuite de biais par rapport à Sump et désigna la zone de sa petite main :
"Dans ce lac spécial se trouvent les choses les plus précieuses du marais à ma connaissance. Des sortes de gros coquillage pas très jolis qui ont la particularité de fabriquer de jolies perles. Le plan c'est que je vais tout d'abord attirer leur attention. Benêts comme ils sont, ils se rueront à ma poursuite en gesticulant."Les yeux de Sump restaient fixés sur les "Kadu". De là où il était, ils ressemblaient à des sortes de singes. Ses oreilles quant à elles étaient concentrées sur la voix fluette de Pily. Celui-ci prit un air exagérément sérieux et le désigna d'un petit doigt fin. Les billes de jais du Gobelin se posèrent sur lui :
"Ce que tu vas faire, toi, c'est t'emparer d'un de ces coquillages pour moi."Nouveau sourire éclatant. 
***
"Oh hé, bande de macaque, c'est encore moi ! Tentez à nouveau de m'attraper, on sait jamais ! Même si c'est pas demain la veille que vous y arriverez !"C'est la dernière fois que Sump perçut la voix de Pily. Après quoi comme prévu, tout le groupe de Kadu s'était rué à sa poursuite en criant, en vociférant le tout dans un nuage de poussière. S'étant rapproché avec une infime précaution de leur campement primaire, le Gobelin les avait vu se précipiter comme des animaux sur Pily qui s'était enfui en rigolant. Il était étrange qu'un si petit individu puisse avoir autant de courage. À moins que ce ne soit autre chose comme de l'inconscience... Malgré le rapide aperçu que Sump eut de ces guerriers Kadu, il en avait simplement déduit qu'il n'était définitivement pas de taille à affronter ne serait-ce qu'un seul d'entre eux. Plus grands, plus lourds et plus massifs, ils avaient en outre tous apposés sur leur visage le crâne d'un animal mort et protégés leur corps de la même façon avec différents ossements ce qui leur conférait une protection en plus des peaux de bêtes qu'ils portaient.
En expirant par le nez avec détermination et sans se départir de sa prudence extrême, Sump se rapprocha à petits pas du lac, tous les sens en alerte. Il était prêt à mettre les bouts à la moindre trace d'un danger quelconque. Tant pis pour Pily. Tout ce plan-là lui rappelait un peu trop celui de Taïgon, à Yarthiss. Sauf que la dernière fois cela avait été à lui d'attirer l'attention. Et la dernière fois, il y avait dix mille yus à la clé. Dans cette affaire-ci le seul enjeu était qu'il puisse revenir sans trop d'encombre à son campement.
Il arriva enfin à proximité des berges, le cœur tambourinant. Il ne percevait plus les lointaines voix primitives des Kadus lancés à la poursuite du petit Pily. Dans ce silence paisible que l'eau pure semblait faire régner, Sump se détendit un peu. Il avança vers celle-ci. Bien que ne sachant pas nager, il eut l'envie de se jeter dedans. Tout son corps le démangeait, la boue s'étant introduite partout sous ses vêtements et un bon bain dans une eau aussi claire que le cristal ne pouvait lui faire que le plus grand des biens. Loin d'être un féru d'hygiène, c'était pourtant la première fois que Sump se sentait aussi sale. Il s'agenouilla sur la terre humide mais ses genoux la trouvèrent dure et il remarqua  que ce n'était pas de la boue ou du sable sous l'eau mais bien de la pierre. Plate et d'un bleu givré, elle ne semblait souffrir d'aucune imperfectibilité et poudroyait de minuscules étoiles blanche comme incrustée de milliards de petits diamants. 
Mais ce n'était pas fini. Alors que son regard glissait sur cette surface plane quasi-parfaite Sump tomba sur le coquillage que désignait Pily. Comme posé paisiblement sur la roche, on aurait dit une sorte de grosse bouche avec des lèvres jaunes en vaguelettes. Loin d'être à la hauteur de cet habitat exceptionnel, il exhibait un blanc sale et sa carapace semblait abîmée, rayée. Il en distingua d'autres de plus ou moins grande taille et de diverses couleurs dans les profondeurs de ce lac formidable. Malgré leur apparence patibulaire, Sump ne doutait pas que ces grandes lèvres cachaient un trésor.
Ses yeux miroitant les éclats de l'eau en une étincelle de concupiscence, Sump plongea doucement ses mains abîmées et d'une saleté repoussante dans cet univers de pureté et sans qu'il n'en soit étonné, trouva la température parfaite. Fraîche, douce et relaxante, elle s'alliait parfaitement avec l'atmosphère étouffante de cette nuit humide. Mieux encore la boue accumulée sur la peau du gobelin se détacha de lui et se dissout comme si la clarté de ce lieu suffisait à vaporiser toute impureté, quelle qu'elle soit. La main gauche du Gobelin elle-même, noire et fripée comme elle l'était semblait à l'aise dans cette magnificence et pour la première fois depuis des lustres Sump se sentit bien, les mains à plat sur la roche doucement rugueuse du lac. C'était comme si il y avait deux dimensions. L'une au-dessus de l'eau, l'autre sous l'eau. Sump ferma les yeux et prit la plus paisible et profonde inspiration de sa vie, l'odeur de fœtus faisandé du marais ne suffisant même plus à le déranger.
Puis le petit Gobelin fut balayé comme un fétu de paille, entraîné par une masse surgie de nulle part avec une violence inouïe à lui en briser les os. Roulant un court instant dans la poussière, Sump se retrouva bien vite écrasé par un poids, les épaules fixés au sol par deux puissants genoux brunâtres et surmontés d'une touffe de poils noirs. Il vit ensuite le crâne. Infesté de poussière, de crasse et de boue séchée l'ivoire ne brillait plus d'aucun éclat et le fixait des ses orbites béantes et profondes comme des puits, semblant absorber toute la lumière du lac. Tels deux étaux, de colossales mains griffues se refermèrent sur son cou de poulet et se mirent à serrer, le Sekteg hoquetant déjà, essayant mollement de se dégager en bougeant les jambes. Un cri monta du monstre au-dessus de lui et Sump vit des taches non-identifiées apparaître dans son champ de vision, lui brouillant la vue. Sa main droite se referma alors sur le manche de sa dague dorée qu'il planta férocement dans le bas du dos de son tourmenteur qui continua son cri en s'arquant vers l'arrière. Le Gobelin en profita pour s'éloigner en rampant et de jeter ses bottes dans le torse du Kadu tout en crachant ses poumons. Le colosse recula à peine et repartit à l'attaque. De justesse Sump roula sur le côté, passant sous les bras de son ennemi puis se releva, fit mine de s'enfuir vers la gauche avant de se jeter dans l'autre direction. Le Kadu le manqua de si peu qu'il sentit les peaux de bêtes qui l'habillait contre son épaule nu et le déplacement d'air contre sa joue.
Sprintant vers le saule et ignorant le vertige dut au manque d'air, Sump bondit contre le tronc sombre et noueux pour se saisir d'une branche et se hissa à la force de ses bras à califourchon sur elle. Cherchant brièvement le guerrier Kadu du regard en se mettant debout, Sump constata avec effarement que celui-ci venait de le rejoindre dans l'arbre par le tronc. Malgré sa taille et sa carrure autrement plus massive et musclé que Sump, il ne se montrait pas beaucoup moins agile. Le crâne fonça sur lui en un hurlement gutturale qui fit sursauter le gobelin qui trancha hasardeusement l'air avec sa dague, cédant à la panique. Une fraction de seconde avant l'impact, le Kadu s'était laissé tomber de la branche par la droite, évitant le coup et crochetant l'écorce de ses ongles griffus, se balança en-dessous d'elle pour tenter de déséquilibrer Sump qui n'en revenait pas. Cette créature était tellement agile ! Il recula pour se soustraire aux pattes du Kadu qui l'attaquait par en-dessous mais la semelle de sa botte ne rencontra que du vide. Essayant de se raccrocher au fines lianes du saule, le gobelin chuta cependant.
Sump rencontra le sol comme une poupée de chiffon et Grifoniss lui échappa de la main. Jetant son bras pour la récupérer, il n'eut néanmoins pas le temps. Le Kadu venait de bondir sur lui, ses jambes de part et d'autre de son frêle corps il le retourna comme s'il n'avait rien pesé et referma de nouveau ses serres sur la gorge du Sekteg. Les doigts noircis et affaiblis de sa main malade se plongèrent dans la terre avec la force de la mort imminente à quelques malheureux centimètres de la dague dorée pendant que l'autre main essayait d'atteindre les yeux du Kadu. Mais protégés par leur carapace d'ivoire, ceux-ci restèrent hors d'atteinte. Alors que Sump voyait de nouveau des étoiles et que l'air ne parvenait plus à ses poumons, un cri fluet lui parvint :
"EH !"Sump vit le Kadu lever la tête et aussitôt porter les mains à son visage en se jetant en arrière tout en hurlant de douleur. Reprenant un grande goulée d'air, Sump referma ses doigts sur le manche de sa dague et s'éloigna en rampant sur le dos de cet adversaire abominable.
"Tu dors ou quoi ? Mon coquillage !" beugla Pily en affichant une mine scandalisée, un lance-pierre à la main.
Sans réfléchir Sump se rua en toussant dans le lac. Ne se souciant plus le moins du monde de la température, de la beauté ni de quoi que ce soit d'autre, il s'immergea en brisant sans scrupules la sérénité de l'eau jusqu'à se trouver au-dessus du fameux bijou au moment où un lointain tonnerre d'exclamations parvint à ses oreilles. Relevant les yeux, il vit au loin des silhouettes se ruer vers eux. Il s'agissait des autres Kadus. Jetant un bref regard à Pily qui essayait tant bien que mal d'échapper à l'autre furieux en cabriolant et feintant comme un démon, il plongea la tête sous l'eau et Grifoniss posée au sol, entreprit de se saisir du coquillage. Impossible, il était collé au sol et en plus de posséder une force physique équivalente à celle d'un moustique, les doigts de sa main gauche quasi-morte avaient perdu toutes forces. Laissant échapper une volée de bulle frustrées, il s'échina encore un court instant avant de devoir remonter à la surface, les poumons décidément mit à mal. Ignorant les Kadus qui se rapprochaient dangereusement, il inspira bruyamment et replongea. Qu'est-ce qui le faisait agir ainsi au lieu de s'enfuir ? Il l'ignorait sur le moment. Était-ce l'envie de découvrir et posséder la merveille que cachait ce gros coquillage qui lui donnait ce courage ? Où était-ce simplement le fait que sans Pily il ne resterait pas vivant assez longtemps pour retrouver Rondolpho ? Toujours est-il qu'il s'empara de sa dague et planta la lame entre le coquillage et la roche et entreprit de toutes ses forces de décoller ce maudit bijou de la nature, une veine gonflée traversant son front proéminent. L'air recommença à manquer mais il ne pouvait pas remonter à la surface. Alors que les sanguinaires Kadus étaient peut-être déjà tous là, qu'ils avaient peut-être déjà réduit Pily en charpie, qu'ils se ruaient peut-être déjà tous sur lui, il ne voulait pas lâcher le morceau. Enfin, alors qu'il allait remonter à sa surface par manque d'oxygène, la lame d'or de Grifoniss rappa durement contre la roche, la rayant tandis que le coquillage était enfin décollé. 
Aussitôt Sump émergea brutalement de l'eau, courut aussi vite qu'il put vers la berge et alors que Pily se faisait enfin attraper par le Kadu infatigable, le au niveau de son aisselle. Passant sous le bras du guerrier qui se retournait fou de rage il se saisit de Pily, le balança sur son dos et alors que le reste du clan de Kadu arrivaient sur eux, s'enfuit à toute jambe.
"Il faut retrouver le couvert de la brume !" hoqueta Pily à bout de souffle et ballotté sur le dos du Gobelin qui lui-même haletait comme un forcené, le lourd coquillage serré contre lui.
Juste derrière eux, les Kadus les invectivait avec leur langage en "A" telle une armée de primates en colère. Épuisé, Sump trébucha et Pily et lui tombèrent d'une butte herbeuse, en plein dans la boue.
"Cachons-nous là, contre le versant !" lui siffla-t-il à voix basse en s'extirpant de la tourbe qui se détachait lentement de lui.
À bout de force, Sump accepta cette idée dangereuse et se laissa entraîner par le petit gnome qui le tira hâtivement par un pan de sa tunique sans manche et à peine furent-ils caché sous le versant, la végétation et la boue de la butte que le clan de Kadu sauta par-dessus pour retomber bruyamment devant eux. Bientôt, ils furent encerclés par des dos de Kadus qui bougeaient la tête de droite à gauche. Camouflés par les roseaux et l'obscurité, Pily et Sump retinrent leur souffle comme ils le purent, le gnome tremblant de tous ses membres et à la limite d'éclater en sanglot.
"Nouka nava nagga ! s'exprima un Kadu plus costaud que les autres qui portait un crâne à corne sur le visage. Il en bouscula ensuite âprement un autre : 
"Vaka !" Ils se disputèrent alors tous un peu, se bousculant sèchement et plusieurs fois certains d'entre eux se tournaient pour regarder derrière, parfois directement dans la direction des deux fuyards. N'y tenant plus, Pily se couvrit le visage de ses mains en poussant un gémissement presque inaudible. À ses côtés et tendu comme une crampe, Sump avait la main crispée sur sa dague dorée et essayait tant bien que mal de contrôler sa respiration, les yeux fixés sur les Kadus.
Qui, après un long moment de tension extrême finirent par faire demi-tour, peu à peu, non sans râler.
***
"C'était génial ! GÉ-NIAL ! Tu te rends compte ? On forme un tandem de folie ! On les a entourloupé grâce à mon intelligence hors-norme et à ton incroyable habileté ! On s'est sauvé mutuellement la vie, tels des frères d'armes alors qu'on a rien en commun ! Moi un mignon petit Lutin adorable, toi un sale Gobelin moche et débraillé et pourtant, pourtant ! On s'est rencontré et on a fait un boulot du tonnerre ! Nom d'une loutre je suis sûr qu'à un moment on a communiqué par télépathie, non ?"À ses côtés Sump inspira profondément par le nez. Ils étaient sur le chemin de son campement. Là où devait ronfler Rondolpho, bien endormi. Le Gobelin l'enviait même si il avait toujours aussi faim. Supporter ce nabot était la pire des punitions et il n'avait qu'une hâte après cette horrible et infructueuse partie de chasse : aller se coucher. Seuls point positif : la boue ne semblait plus le coller puisqu'il était recouvert de l'eau de l'étang magique. Il était ainsi plus propre que jamais et pour une obscure raison, ces vêtements n’étaient pas mouillé non plus. La magie... elle effrayait le Sekteg autant qu'elle le fascinait.
Ils finirent par arriver à bon port. Sump aurait pu se repérer depuis longtemps tout seul puisqu'il reconnaissait les lieux mais Pily ne semblait pas vouloir le lâcher. Ce n'était pas une si mauvaise chose puisque cela pourrait lui permettre de finalement obtenir une compensation pour les efforts qu'il avait fait cette nuit. La flamme obscure de l'avidité fit de nouveau brûler ses perles de charbon alors qu'il progressait. 
Une fois à proximité du bivouac contenant la troupe ronflante, Pily leva les yeux vers le Sekteg à ses côté qui choisit de ne pas le regarder, la main posée sur le manche de sa dague. À des années-lumières des sombres desseins du gobelin, le Lutin branla du chef :
"Tu es génial pour un Gobelin, lui dit-il les yeux brillants d'admiration,
 quand tu es sorti de l'eau pour trancher le Kadu au moment où il allait me réduire en charpie, waouh, c'était la classe ! T'es trop fort."
Cela prit tellement au dépourvu le Sekteg que celui-ci, la gueule béante, tourna la tête et baissa finalement les yeux sur lui. Loin de se douter de l'émoi qu'il venait de faire naître chez le Sekteg, Pily serra le coquillage contre sa poitrine :
"Grâce à toi ma promise va être comblée. Merci beaucoup."Étourdi, Sump regarda à nouveau devant lui, raide comme un piquet. Un silence s'ensuivit avant que Pily, un peu mal à l'aise à cause de l'immobilité soudaine de son camarade, ne toussote doucement :
"Bon, et bien je suppose que nos chemins se séparent ici. J'espère qu'on se reverra...euh... comment tu t'appelles au fait ?"Après un court silence, le Gobelin lui répondit en carrant involontairement les épaules :
"Sump."Sa main était désormais loin de sa dague.
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