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Kurgoth n'arrêta sa fuite, des plus lâches et moins épiques qui soient, qu'après avoir franchi le col de Lebennon, là où les paladins arrêteraient de le poursuivre. Une dizaine de jours plus tard, sa cuisse de cheval bien entamée, le barbare arrivait sous l'ombre des lourdes portes en Olath d'Omyre. Le barbare savait que sa situation de prêtre du dieu sombre représentait presque un laisser-passer dans cette ville et il s'arrêta à quelques dizaines de mètres des portes afin de sortir sa robe de religieux de son sac à dos et l'enfiler par dessus son armure. Comme à son habitude, le prêtre fendit la foule en se dirigeant vers la porte, bousculant sans même un regard ceux qui se trouvaient sur son chemin. Malgré son apparente indifférence, il entendit certains pester de son attitude avant que d'autres ne les fasse taire en leur rappelant à quel genre d'être ils avaient à faire, s'ils se fiaient à sa tenue. Si ce stratagème lui permit de traverser sans encombre le gros de la foule amassée là, un garde le stoppa brutalement.
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Hola, on se calme. On est déjà en train d'inspecter ceux-là, faudra attendre votre tour."
D'un signe de tête, le garde désigna deux longues rangées d'êtres de toutes tailles, toutes races, tous sexes et tous âges, menottés à une longue chaîne parcourant d'un bout à l'autre les deux lignes d'esclaves. Ces individus, frigorifiés par les températures hivernales, attendaient d'un air hagard et en tremblotant d'être chacun à leur tour inspectés par les gardes de la ville. Kurgoth venait certes de traverser les montagnes enneigées de Nirtim, mais refuser d'attendre immobile dans le froid, l'ennui de l'attente et le fait de ne plus se réchauffer en marchant n'auguraient que de longues et pénibles heures à venir. Le prêtre tenta d'argumenter avec le garde pour que son statut lui permît de passer sans attendre des heures dans le froid, mais il l'avait pas affaire à une jeune recrue et son interlocuteur se montra inflexible. Tout en ruminant son mécontentement, Kurgoth remarqua que la cuisse de cheval qu'il transportait attirait les regards des esclaves comme une carcasse fraiche attirait les mouches. Une idée germa alors dans son esprit; une idée qui coûterait certainement à la vie à nombre de ces misérables - si toutefois ce qui les attendait pouvait être appelé une vie - tout en lui faisant gagner un temps précieux. Le garzok brandit alors son morceau de viande au-dessus de sa tête et d'une voix puissante s'adressa aux enchaînés.
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Hé les vauriens! Z'avez faim? Allez-y, c'est cadeau!"
A ces mots, il tournoya sur lui-même pour prendre un peu d'élan avant de lancer la nourriture par dessus les malheureux. Ceux qui lui avaient prêté attention, ainsi que ceux ayant remarqué la viande passant au-dessus de leur tête, se ruèrent comme un seul homme vers cette manne inespérée, tirant brusquement en arrière ceux qui n'avaient rien remarqué. A la grande surprise des esclavagistes et des gardes, les marchandises déjà examinées ou en pleine inspection furent également projetées vers l'extérieur de la ville. La présence de nourriture gratuite se communiqua aussi vite parmi les esclaves que le violent mouvement les ayant projetés au sol et tous foncèrent s’amonceler sur la viande au grand désarroi de leur propriétaire
Tandis que certains gardes tentèrent d'aider les marchands à remettre en rang les esclaves par la force, Kurgoth s'avança vers l'un des gardes chargés de fouiller les visiteurs, ouvrit son sac et entra en ville après quelques secondes en arborant un sourire satisfait.
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