L'Univers de Yuimen déménage !


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Lun 29 Juin 2009 03:52 
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Cachés derrière les fougères, nous sommes en sécurité. D’une main, le grand lutin déplace légèrement une feuille de la plante luxuriante et m’invite du regard à faire de même.

« Nom de Yuimen ! Tu as vu ça Guasina ? C’est un Liykor ! Incroyable qu’il y en ait un à Kendra Kâr ! »

J’ai beau fouiller dans ma mémoire, me remémorer les nombreuses histoires de l’oncle Gordo, aucun souvenir de Liykor ne me revient. Je m’empresse donc, en écartant le feuillage, d’improviser à mon tour un observatoire. Je regarde et je comprends enfin ma méprise. Le passant sur le sentier ne parlait pas d’un homme avec un loup comme j’avais cru comprendre, mais bien d’un homme-loup. Si je me fie aux dires de M. Porsal, on peut aussi nommer cette créature : Liykor.

D’un loup, il a l’apparence: sa tête, sa queue et son corps entier tout au moins ce qui n’est pas caché par ses vêtements ou son équipement est recouvert de poils gris et drus.
De l’homme, il possède la posture sur deux pattes, probablement la parole et l’intelligence. Cet être a la fière allure d’un guerrier paré de pièces d’armures se résumant par contre à des épaulettes ainsi qu’à un casque de bronze fissuré d’où ressortent des oreilles bien dressées.
Cet attirail de guerre tout de même pesant ne l’empêche pas d’exécuter avec adresse des mouvements fluides et souples. De plus, il manie sa hache avec la dextérité d’un militaire expérimenté. Ce qui n’est toutefois que l’impression personnelle d’une jeune lutine qui n’a jamais vraiment pu observer un combattant de près ou de loin.

Un bref moment, alors qu’il regarde dans notre direction, j’aperçois ses yeux rouges.

(Nous sommes couverts par une cape de dissimulation, il n’a pu détecter notre présence).

Son regard d’une lucidité surprenante laisse transparaître une maturité et une maîtrise de soi hors du commun; ce n’est sûrement pas un jeunot. Ayant apparemment terminé une série d’exercices, il s’éloigne de nous pour se suspendre à une branche et soulever son opulent corps tout en muscles avec la seule force de ses bras.

Enfin rassasiée du spectacle, je retourne mon attention vers mon guide.

(Que fait-on maintenant ?)

Cette question, je n’ose la formuler à voix haute de peur qu’il m’annonce que nos chemins doivent se séparer. Je suis très enthousiaste à l’idée de passer un an à découvrir le monde maintenant que je sais que mon amoureux attend patiemment mon retour. J’aimerais bien, par contre, profiter de la compagnie de ce charmant vieillard encore quelques temps, je ne me sens pas prête à affronter seule ce monde inconnu. Ce que j’ai vécu ces deux dernières journées confirme mes craintes.

(Puisque cette pierre magique semble l’intriguer, je vais lui demander son aide pour élucider son mystère, ce qui devrait retarder notre séparation)

« Et si on tentait de découvrir les pouvoirs de la rune qui est cachée dans ma sacoche ?»

Attendant fébrilement sa réponse, je retire une à une les billes de mes narines, je dénoue la sangle, puis j’enlève le casque nasique. Je l’examine quelques secondes avant de le ranger dans ma besace. Il m’a été tout de même utile, ses pouvoirs sont bien réels, mais à utiliser avec parcimonie afin de ne pas sombrer dans un déluge sensoriel.

_________________
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Dernière édition par Guasina le Sam 16 Jan 2010 15:09, édité 7 fois.

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Lun 29 Juin 2009 20:28 
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C'est avec un engouement positivement enfantin que ce vieux lutin qui n'a décidément rien d'un antique barbon pantouflard observe le combattant Liykor s'échiner dans le vide, ses prunelles grises en suivant les mouvements avec un sourire qui montre l'intérêt qu'il porte à la scène sans toutefois que son attitude se départisse de quelque chose de ce quelque chose de mature et de contrôlé qui lui a été propre jusqu'ici. Lorsque tu proposes après un temps de passer à autre chose, c'est tout de même avec un soupçon de regret que son regard se détache du spécimen fort original sur lequel vous êtes tombés, mais il ne fait pas la mauvaise tête, acquiesçant en silence pour que vous vous mettiez à rebrousser chemin, traversant une fois de plus l'imposante canopée Kendrane.
Mais soudain, au moment où tu poses le pied sur une parcelle de terre légèrement poudreuse d’aspect tout ce qu’il y avait de plus inoffensif que celle-ci se soulève soudain brusquement dans une gerbe de sable projeté à ta figure.

Jet d’esquive jet : Réussite critique.

Réflexe salutaire, coup de chance ou intuition soudaine ? Toujours est-il que grâce à la vivacité soudaine dont tu fais preuve, pas le moindre grain de sable ne te touche, mais tu peux à peine te reprendre de ta manœuvre d’évitement magnifiquement exécutée que le larron projeteur jaillit soudain de la cachette où il s’était jusqu’ici terré, dévoilant un corps qui a de quoi donner des cauchemars aux enfants : faisant au bas mot ta taille, parcouru de pattes crochues à la manière d’un gros insecte et bombé comme celui d’un gros asticot recouvert de plaques chitineuses d’un rouge ocre, le monstre est dépourvu d’yeux. En guise de visage, le prolongement de son buste consiste en une paire d’énormes mâchoires d’entre lesquelles il darde deux pinces crochues d’un rouge vif dirigées vers toi alors qu’il te bondit dessus sans autre forme de procès !

Jet d’esquive CàC : Echec.

Heureusement, tu parviens à éviter la redoutable paire d’agrippeurs, lesquelles n’attrapent rien d’autre que le vide, claquant avec fureur de n’avoir pu percer dans le vif. Malheureusement, les rangées de grandes dents, elles, font mouches, se refermant au niveau du bas de tes mollets dans la chair desquels elles taillent sans merci. Le cuir solide de tes bottes te protège de la majeure partie de l’impact du cisaillage, mais c’est le dernier service qu’elles rendront probablement étant donné qu’elles partent à moitié en lambeau sous les lames de la créature tandis qu’elles s’efforcent de labourer en profondeur, le sang semblant l’exciter encore davantage (-3PV)

« Sale bête ! »

Cri rageur poussé par Gwerz dont la solide canne de chêne s’abat latéralement sur les gencives de l’animal de grande taille, lequel, sous le choc, relâche sa pression et se rétracte brusquement pour faire face à ton défenseur, se dressant sur ses deux pattes postérieures sans un cri, mutisme compensé par le cliquetis bruyant de ses pattes, de ses mâchoires et de ses mandibules.
Image

Le lutin s’est posté entre toi et la créature, son instrument de combat du moment brandi dans l’attente de l’attaque de la bête qui se tient pour le moment dans une relative immobilité. De ton côté, tu es blessée, et la douleur au niveau de tes chevilles n’est pas moindre, mais tu es toujours consciente et en état d’agir.


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Jeu 2 Juil 2009 15:14 
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~ Suite au conciliabule, Larc, Khmer ~

Les ongles laqués de blanc, la main gauche de Miriel jouait doucement sur le tissu coloré couvrant le torse de l'Arlequin, en lissait lentement les plis, suivait de l'index les chiches coutures du vêtement... sans y penser... gestuelle machinalement initiée par cette dévote tendresse qui caractérisait la jeune femme. Son regard, lui, papillon de curiosité, voletait égaré en direction de la sombre créature pénétrant leur discret logis; il détaillait ses traits félidés, louvoyait auprès des courbes féminines de ce corps animal et en guise de comparatif, battait parfois de l'aile vers celui plus large et musculeux du Bratien.

La fourrure de la bête était de nuit, sa poitrine zébrée de touches ocrées, morphologie qui à la fois féline et délicatement voûtée témoignait de son appartenance à l'ethnie Woranne.
"Khmer" avait-elle dit. Une autre ici qui était bien loin de son foyer... et handicapée par sa jambe remarqua silencieusement la demoiselle. Ce n'était pas étonnant, à l'instar des Liykors, son mode de vie devait être autrement plus rude que celui de coutume chez les humains. Chasse, haines séculaires, territoire... quand bien même était-il réticent à le faire, Larc lui en avait suffisamment conté sur ce qu'était son existence antérieure pour qu'elle n'ait de surprises sur le sujet. Comme c'était le cas pour son protecteur, Miriel supposa d'un sourire sans aucune joie que la moindre démonstration de compassion serait malvenue... l'un et l'autre pansaient seuls leurs plaies et n'avaient besoin de la pitié de personne. Soit, cela n'empêchait pas de lui faire bon accueil !

Les doigts fins de sa main droite attisèrent de manière presqu'aérienne cet enchevêtrement enflammé qu'était la tignasse du blessé et Miriel considéra avec bienveillance l'approche de la tigresse sombre, une note de curiosité dans les opales claires de son regard, dont l'éclat n'était terni de nul effroi ou circonspection.

Les yeux clos et sévèrement plissés comme s'il luttait encore contre la douleur, le faciès du baladin se tordit en une grotesque grimace lorsque la Sombre déposa sur son front le béret humide. Ses lèvres blanches s'étendirent en une ligne pincée, déroulant sur son visage une courbe grincheuse et contestataire. Tlopin émit un début de protestation alors que son nez se fendit d'un reniflement peu élégant.


Miriel coupa court aux grimeries en posant un ferme index sur la bouche de son protégé.
« Merci. » Souffla-t-elle, légèrement embarrassée de s'exposer le teint encore doucement rougi par le chagrin ; confuse de la teinture blanche qui imprégnait sa chevelure partiellement pailletée d'or ou encore de ces vêtements masculins gorgés d'eau qui lui collaient au corps et à la peau. De fait... plus elle y songeait plus le pourpre de la honte remplaçait cette note de tristesse encore planant sur son visage... le Ciel et sa Famille lui pardonnent ! De quoi avait-elle l'air !? D'une drôle en maraude à n'en pas douter ! Sa mère en aurait fait un ulcère, Niriel lui ne s'en serait probablement jamais remis... Repensant aux qualificatifs dont l'avaient affublé le grossier personnage qui avait porté la main sur Tlopin, l'idée de ce qu'inspirait son apparence se précisa, et ça n'était pas pour lui plaire... Effectivement comme certaines femmes, elle portait bien de cette encre légère qui ondulait et donnait du volume à ses cils... Brrr... Pour rien au monde elle ne se mettrait à minauder ! Un frisson électrique lui mordillant l'échine, le dos de la jeune femme se fit droit comme un "i". Se souvenant de cette pression qu'elles portaient quotidiennement, ses épaules se contractèrent et la demoiselle redressa dignement son fin menton. Le maintien hiératique, chose pourtant peu aisée assise et ainsi affublée, Miriel releva vers la Sombre un regard d'azur limpide, lavé des nuages de sa détresse tel un ciel d'après tempête.

La main de Tlopin, agrippée au pantalon carrelé de bleu et de blanc dont il avait paré sa petite noble, se décontracta pour lentement aller quérir ses joues. Là, le bouffon se tâta la pommette, maugréant un "Bouérgh..." peu avenant avant d'éclairer son visage en découvrant de ses cils l'émeraude étincelante de son unique œil valide. Ses doigts fins et noueux jouèrent contre le tissu humide du béret, avant de l'en prélever de son front pour l'étudier de son curieux regard.

« Chat... Tlopin sent chiens et chats mouillés. Douce enfant a attiré à elle des poilus ! Té ! Té hé hé...! »

Vif et titubant comme un éclair aviné, l'électrique baladin se redressa et jambes arquées se dégagea pour lourdement foudroyer le sol nouvellement humide de ses lourds godillots monochromes. Ses épaisses semelles tonnèrent sur le plancher crépitant, et trébuchant de sa démarche pleine de zig et de zag, sa main droite aux ongles blanchis retenait contre son visage le béret. Tlopin se planta devant la Sombre, penché et courbé comme un vieil arbre, puis la salua d'un miaulement enjôleur en la regardant par en-dessous. Il tourna alors lentement la tête vers le Bratien pour le gratifier d'un froncement qui fit se rejoindre ses sourcils rougeoyants en un « v » indûment inquisiteur.

« Ta-ta-ta ! Bonjour ! Voici Tlopin ! » Claironna l’Arlequin en sautillant, claquant l'une contre l'autre ses semelles noires et blanches. Un sourire incurvant ses lèvres incolores, le bouffon se contorsionna pour partager son rictus avec la demoiselle. Demoiselle qui paniquée par son comportement irrévérencieux s’était levée d'un bond pour l'étreindre et vivement l'écarter de ses compagnons à poils. Larc depuis le temps devait avoir appris à contenir ses éclats, mais ce n'était pas chose certaine pour leur nouvelle invitée... bien qu'elle doutait que l'un ou l'autre oserait porter la main sur son excentrique protégé aux jambes vacillantes.

« Montre un peu de courtoisie, voyons... » Susurra-t-elle au galopin avant de s'excuser d'un sourire timidement confus auprès des concernés.

« Aww... Blanche enfant préfère des amis poilus ? » Lâcha le baladin par-dessus l'épaule de la demoiselle qui essayait de l'asseoir.
Affectueuse, Miriel lui caressa brièvement sa joue indemne et le repoussa gentiment vers le banc, les mains aussi fermes et autoritaires qu’était tendresse son regard.


Se retournant, la demoiselle écarta de son visage une mèche rebelle de sa chevelure neige et piteusement défaite, épousant de ses yeux d’azur l’océan miroitant de ceux de la sombre. Embarrassée, elle lissa doucement du plat de ses mains la tunique froissée et gorgée d'eau qui, éhontée, soulignait les discrètes courbes de son corps. Entièrement blanche et bleue, les cheveux défaits, transie et le visage se débarrassant avec peine de ses larmes passées... quelle impression devait-elle donner ! Larc lui-même semblait encore lorgner avec circonspection cette mise toute nouvelle et cette coiffure très - la teinte mise à part - sobre, à mille lieues du rituel matinal qu'était la savante orchestration de sa chevelure.
Les mains jointes sur son ventre afin d’apaiser la nervosité qui y bataillait, la demoiselle se présenta.

« Khmer... Articula-t-elle soigneusement en préambule. Je suis Miriel d'Ascalanthe, sixième fille-héritière de la famille Mim’hyjüliees... malgré ma tenue. Termina-t-elle avec un sourire embêté, le ton chaleureux et touché d'une pointe de taquinerie se reflétant dans son regard.
Larc ici présent m'escorte dans mon voyage en tant que guide et protecteur. Précisa la demoiselle afin de répondre en partie aux interrogations maladroites de la Woran. Formellement, en tout cas. Il est mon plus cher ami, et j’espère bien qu’il ne m’accompagne que parce qu’il le veut bien. Confia-t-elle légère, la voix comme ourlée d’une énigmatique innocence, ne glissant pas le moindre regard au Liykor qui sans nul doute, s’étouffait déjà d’embarras.
Son buste s’inclina doucement et une mèche de sa chevelure volage accompagna le mouvement pour lui caresser de nouveau le visage.
Il m'enchante de vous rencontrer, prenez donc place à nos côtés le temps que la pluie cesse. » Acheva la jeune femme en essayant maladroitement de conserver sa tendre toison blanche contre sa nuque. Sa crinière vagabonde lui inspirait une subreptice irritation, que n’aurait-elle donné pour ses accessoires et sa coiffeuse !

« Tlopin est Tlopin ! » résonna derrière-elle une voix nasillarde à dessein.

Miriel retint un gloussement et se tourna vers le baladin pour s’assurer qu’il restait sagement assis et qu’il tâchait de récupérer. Le garnement ne tenait pas en place, ayant récupéré le petit ours « Gumon », il se désignait de son bras pelucheux pour se présenter. Chose faite, il tendit vers elle l’animal en tressautant sur son derrière pour que la demoiselle le prenne dans ses bras.

Toute de candeur et de douceur, la peluche serrée contre sa poitrine, la jeune femme détailla interminablement son Gardien, puissamment attentive, comme s’étanchant dans l’instant de lui avoir si profusément manqué, le considérant avec cette même minutie dont elle avait initialement examiné la Sombre. D'abord longuement complices, ses yeux bleutés s'immobilisèrent sur son épaule lacérée et aux endroits déchiquetés de sa fourrure, pour imperceptiblement se durcir à mesure de son inspection. Couvé de deux saphirs aux reflets tant affectueux qu’impérieux, le Liykor ne serait pas dupe, elle n'était pas la seule à devoir faire étalage de ce qui lui était arrivé.

« Je vais te raconter, Larc. Une contrite autorité vibrait dans chacun de ses mots, voir lui revenir un Gardien rapiécé n’était pas pour lui plaire. Asseyez-vous... » Invita-t-elle une nouvelle fois en prenant place auprès du baladin, lui chatouillant furtivement le nez de la petite patte pelucheuse de Gumon.


Miriel respira courageusement, se remémorant son récit, la poitrine douloureuse. Le souvenir en piquait son cœur, il y avait une telle… méchanceté, un air avide, et… vil qu’elle se rappelait sur leurs visages. A cette soirée, attablée avec la crème de la noblesse de Kendra Kâr, la jeune femme avait senti son cœur se briser, soufflé d’un verre bien trop friable pour résister aux piques incessantes dont on cherchait à le saigner.
De délicates perles tourmentées réapparurent dans son regard et la demoiselle baissa la tête pour se dérober à l’examen que Larc ne manquerait pas de faire de son visage, se dissimulant hasardeusement derrière le petit ours en peluche.

« Ca ne se passe pas très bien… Commença-t-elle d’un faible murmure, essoufflé et inaudible dans la tourmente qui déferlait encore contre la faible cloison de leur abri.

Je ne pensais pas qu’il y aurait matière à rire… qu’il y aurait tant de différences entre eux et… moi.
La jeune femme s’essuya doucement les yeux contre le tissu rêche du dos de Gumon, puis jeta un regard dérobé à son Gardien. Maintenant qu’elle avait commencé, elle regrettait un peu de raconter ce qui lui était arrivé en présence de Khmer… ce n’était pas une histoire gaie, elle n’avait que son malheur à partager…
Comme pour s’excuser, Miriel s’essaya à sourire pour la Sombre, mais le cœur n’y était pas…

Certains sont… mauvais. Poursuivit-elle en se mordant piteusement la lèvre, intimement blessée. Foncièrement offensants. J’ai eu l’impression d’être… une attraction en quelque sorte…

Et ne lui semblait pas qu’elle était bien loin de la vérité. Comme empathique à son trouble et au chagrin qui demeurait noué dans sa gorge, la main de Tlopin couronna le sommet de sa chevelure blanche et lui tapota gentiment la tête, comme si c’était elle, l’enfant à qui il fallait apporter du réconfort. Bien qu’incongru, le geste lui fit plaisir et éveilla chez elle un petit sourire.

Mais tout va bien. Ajouta un peu trop vite Miriel à l’attention du Bratien, cherchant manifestement à modérer son récit, s’étant suffisamment reprise pour savoir taire ses douleurs et songer à ne pas inquiéter inutilement son Gardien, et ses autres auditeurs en l’occurrence.
J’aurai demain audience avec sa Majesté. Après cela, s’il agréé à ma requête, nous aurons de quoi repartir.

Son sourire avait tout de forcé, toute concentrée qu’était la jeune femme à orienter ses pensées sur une note plus joyeuse. A inspirer aux percutions funèbres de son cœur, une valse, un boléro un peu plus enjoué, léger, à le faire battre, mais d’allégresse afin de ne pas partager à d’autres cette sapidité lugubre qui lui souillait encore les lèvres.

J’avais donc aujourd’hui la journée de libre, et je ne me sentais pas spécialement à l’aise dans mes appartements… Comment l’aurait-elle pu ? Au travers de tout ce faste, transpirait la lourde présence de l’aristocratie. Les tentures épaisses au bordeaux grinçant pesaient sur son air, les nobles personnages des tableaux la toisaient de leur fixe condescendance, le lustre même, cet éclatant cristal qui l’étourdissait de son chatoiement, semblait se rire d’elle… Si brillant et éblouissant qu’il en allongeait son ombre… qu’elle se sentait elle-même… perdre toute lumière. J’ai donc voulu m’isoler un peu. Reprit la jeune femme, sa voix coupée bataillant pour ne pas se laisser étrangler par le garrot de chagrin et de détresse qui lui entravait la gorge. Malheureusement, je me suis égarée en visitant le château. » Dit-elle finalement, baissant piteusement la tête, les lèvres encore habillées d’un feint sourire.

« Et Tlopin a trouvé la blanche enfant ! » Intervint le bouffon d’une inflexion fière et haut-perchée, le corps soudainement vertical et abrupt sur son banc, ayant jailli sans prévenir de son amorphe affaissement, à l’image d’un diablotin de sa boite.
La morne spirale de ses pensées soudainement rompue par l’exultation du baladin, Miriel acquiesça et poursuivit son récit avec une fragile sérénité nouvellement éclose, les pétales tournés vers un soleil Arlequin.

Oui… Il m’a habillé comme ça pour que je puisse quitter les lieux avec lui. Expliqua-t-elle en tirant sur ses vêtements pour mieux les regarder, une grimace comique sur le visage.
Après l’avoir essorée une fois encore, elle lâcha sa tunique, laissant fuir sur le sol un bruyant filet d’eau. A ses pieds, la flaque s’agrandissait. Sans raison aucune, la demoiselle en troubla la surface de la pointe de son godillot blanc.
Miriel réalisait enfin – un rien ahurie – que ses sabots n’étaient même pas de la même couleur…

Les gardes nous ont à peine regardés… sors-tu souvent du château Tlopin… ? » Lâcha-t-elle pensivement, concentrée sur l’examen qu’elle faisait de ses pieds, sans comprendre pourquoi son sabot gauche était noir.

Rejetant sa crinière rousse en arrière, l’animal s’esclaffa avec démesure. Le poing brandi, il se palpa le biceps en feignant de s’impressionner lui-même.
« Ta-ta-ta ! Tous les ferrailleux craignent Tlopin ! Avec vaillance, il leur pince les fesses quand ils ne font pas attention ! »

« Hu… ? » Bien qu’ayant milliers de questions à poser suite à l’incongruité de cette réplique, Miriel laissa tomber en poussant un soupir chenu. Il y avait bien trop à craindre de la bizarrerie des réponses et le moment était mal choisi pour s’empêtrer dans le tourbillon d’illogisme qu’était l’esprit du baladin.

Elle avait presque fini son explication, résumant rapidement les faits à son Gardien, et par la même occasion, en dévoilant probablement trop sur ses égoïstes problèmes à leur invitée… Mais que faire d’autre… ? Elle ne pouvait quand même pas lui demander de partir, qui plus était par un temps pareil !
Outre l’impolitesse que cela suggérait, il n’y avait rien de véritablement confidentiel dans son récit, c’était juste… légèrement embarrassant de s’exposer ainsi… Elle lui infligeait la morosité de son humeur et en éprouvait des regrets, Khmer devait avoir ses propres soucis, quand bien même eut-elle voulu savoir…

Larc ne l’avait d’ailleurs pas arrêtée, c’était donc que dans une certaine mesure, il avait confiance en la nature de leur invitée et jugeait la Sombre digne de partager leur histoire. Alors… peut-être s’en faisait-elle tout simplement trop ?

Elle jeta un bref regard au visage tuméfié du petit Arlequin, elle pouvait poursuivre par là…
« S’il s’est pris un coup… c’est entièrement de ma faute. » Expia péniblement la jeune femme. Elle n’eut cependant pas le loisir d’aller plus loin, car électrique, le baladin sauta sur ses jambes titubantes en agitant son index noueux.

« Ta-ta-ta ! Réfuta-t-il dans une joyeuse litanie. Douce enfant a claqué un cornichon ! Et vlan ! Le bouffon mima une gifle explosive, avec élan, manquant de se jeter à terre par la même occasion. Dans le truffard ! »
Sur l’instant, ses ricanements évoquèrent un vieil arbre qui craque, dont, le tronc comme tranché, se serait écrasé sur le sol si Khmer, plus proche du baladin, ne l’avait promptement rattrapé dans sa chute. Tenue de la main gauche et lâché sous le coup de la surprise, le béret dont il apaisait sa contusion tomba misérablement dans la flaque d’eau.

« Tlopin… ! » S’exclama avec frayeur la jeune femme, poussant un lourd soupir en le constatant sauf. Elle se pencha, ramassa le couvre-chef dégoulinant, et le pressa pour en extirper le liquide.

« Ca ne s’est pas passé comme ça… Bredouilla-t-elle. J’ai juste… » Désarçonnée, ses doigts s’amusaient à pincer le tissu humide du béret.

« Je ne pensais simplement pas que les gens seraient si… grossiers… Elle reposa doucement la compresse provisoire sur le visage du bouffon que Khmer aidait à rassoir.
Ma main est partie toute seule… » Termina Miriel dans un piteux balbutiement, sur la défensive et tournant la tête pour échapper au regard inquisiteur et interloqué du Bratien.

…et Tlopin s’est interposé par la suite. » Précisa rapidement la jeune femme, n’ayant ni l’intention ni l’envie de revenir sur le sujet. A voir la joue du baladin, il n’y avait pas besoin de plus de détails pour comprendre ce qui s’était passé, et moins on s’y attarderait, mieux elle se sentirait.

Miriel vérifia que le blessé était de nouveau bien installé, et pour son intervention, remercia Khmer d’un sourire rayonnant. A ses yeux, en lui apposant la compresse et en étant suffisamment soucieuse de son bien être pour le rattraper, la Sombre s’était arrogée un grand crédit.
La jeune femme ne leur ressemblait pas…Elle n’avait pas leur éducation stricte et sauvage, ces notions de fierté et d’honneur qui dès l’enfance leur étaient inculquées, elle ne les possédait pas.
A contrario de son Gardien qui lui avait si vite accordé sa confiance, elle ne pouvait se fier à son instinct pour savoir en qui croire, pour cette raison, elle était contente d’avoir trouvé, à sa manière, une raison d’avoir foi en leur invitée.

« Il était blessé et nous étions sous la pluie... ne sachant que faire, je l’ai hasardeusement mené jusqu’ici.

L’un après l’autre, la demoiselle regarda la paire de fauves, s’immobilisant, attentive sur leurs yeux. Littéralement, chez l’un y couvait le feu, et l’autre les avait océan. Le contraste n’était pourtant pas si important… pour la jeune femme, ils se ressemblaient beaucoup, n’était-ce que pour l’odeur que leur donnait la pluie, pensa-t-elle amusée.

Et vous êtes arrivés. »

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Miriel / Humaine / Mage : La Bise d'Ynorie (Parc de Kendra Kâr).


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Ven 3 Juil 2009 13:38 
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Je constate trop tard que contrairement à moi, Gwerz mon gentil protecteur aurait bien aimé contempler, quelques moments encore, la fascinante démonstration d’habileté du guerrier Liykor. Répondant tout de même affablement à ma demande par un hochement positif de la tête, le vieux lutin, avec toute la générosité que je lui reconnais, rebrousse chemin me servant une fois de plus de guide.

En silence, nous poursuivons notre route jusqu'à ce que je commette l’imprudence de regarder partout à l’exception du sol; il y a tant de merveilleuses plantes dans ce jardin que mes yeux ne se sont pas encore lassés. Ainsi concentrée sur le paysage luxuriant, mon pied se pose innocemment sur un sol légèrement différent de celui qui l’entoure. Ma botte a à peine le temps d’effleurer la terre meuble qu’un puissant jet de sable est immédiatement projeté sur moi, se dirigeant apparemment vers mon visage. Les yeux agrandis, les pupilles dilatées, je vois l’action au ralenti comme si les dieux avaient plus ou moins figé le temps pour me permettre de réagir. Quoi qu’il en soit, sans l’avoir consciemment décidé, je pivote mon corps de quelques degrés, évitant de justesse tous ces minuscules cailloux.

(Qu’est-ce que c’était ? Comment le sol peut-il se mouvoir ainsi ?)

Cette irruption soudaine semblait suivre une trajectoire précise comme si j’avais été attaquée par un escadron d’insectes. Et pourtant elle n’était composée que de misérables grains de sables, rien de vivant ! Qu’est-ce qui peut bien être à l’origine de cet assaut inopiné ? Avant que je n’aie le temps d’échafauder une hypothèse plausible ou de questionner mon respectable protecteur sur cette manifestation pour le moins bizarre, le responsable de ce jet, une espèce d’affreux insecte géant, jaillit subitement de sa cachette. Je l’ai apparemment dérangé et il ne semble pas prêt de me pardonner ce méfait. D’une taille comparable à la mienne, doté d’une effrayante carapace articulée rouge, il bénéficie de six maigres pattes dont quatre inférieures plus rudimentaires. Ses deux membres supérieurs aussi laids que les autres sont pourvus de plusieurs segments se terminant par un grotesque crochet. Sa tête antipathique se limite à peu près à d’énormes mâchoires munies de longues dents pointues et dont le centre est affublé de deux appendices rigides probablement tranchants. Aucun œil ou oreille ne sont apparents, seule une ridicule crinière blonde cendrée recouvre le dessus et l’arrière de sa tête.

Je n’ai pas terminé de dévisager cette horrible bête, qu’elle se jette sauvagement sur moi.

« Aaaaaah »

Surprise par cette agression subite et injustifiée, je réussis tout de même à me projeter sur le dos et à échapper ainsi de justesse à ces pinces affûtées qui font heureusement entendre leur claquement dans le vide. Mon esquive est insuffisante hélas, pour éviter ces affolantes mâchoires qui s’en prennent à présent à mes pauvres chevilles. Je regarde horrifiée cette monstrueuse tête chevelue qui s’acharne sur mes bottes. Je sais que je dois agir avant que ses vilaines dents jaunes ne transpercent violemment le cuir de mes petites chausses, mais mon corps ne m’obéit pas; je suis pétrifiée et demeure aussi immobile qu’une innocente poupée de chiffon. La proximité de cet exécrable prédateur est telle que je suis contrainte à sentir son odeur pestilentielle qui est si intense qu’elle aurait pu réveiller un mort, mais qui ne réussit malheureusement pas à me sortir de ma torpeur. Je reste ainsi coite quelques secondes qui me paraissent des heures jusqu’à ce que l’abominable créature atteigne ma chair.

« Non ! »

Mon réveil est brutal et in extremis. Le douloureux contact de ses dents pointues sur ma peau m’a enfin sortie de mon immobilisme. Par la souffrance, j’ai retrouvé mes esprits. Sans tarder et à deux mains, j’essaie maintenant de retirer ces redoutables mâchoires de mes chevilles.
L’animal, quant à lui, a redoublé d’ardeur dès qu’il a goûté mon sang. Je ne croyais pas espérer un jour, comme c’est mon cas aujourd’hui, que mon liquide intérieur puisse donner des nausées.

« Lâche-moi !»

Mes larmes brouillent ma vision et coulent sur mes joues, mais mes mains ne cessent de tambouriner sur ce crâne difforme avec l’ultime espoir qu’il finira par lâcher prise avant que je tombe dans les pommes.

J’ai beau le frapper de toutes mes forces, je n’arrive pas à le faire bouger. Mes bras sont épuisés, je n’en peux plus, mais je dois continuer à le tabasser, je ne peux le laisser me massacrer ainsi.

« Lâche-moi ! Je t'en supplie ! »

Alors que mon premier cri était empreint de rage, celui-ci se veut plutôt une lamentation, une supplication même. C’est terminé, il a gagné. Je dois me résigner, ce prédateur ne me laissera tranquille que lorsque j’aurai rendu l’âme. Une piètre exploratrice, c’est tout ce que je suis ! Sitôt commencée que mon aventure se termine; je ne retournerai jamais dans mon village et je ne reverrai jamais Pedro, ni Audaz, ni aucun autre membre de ma famille. Ce qui m'exaspère, ce n'est pas tant la douleur qui bien que présente s'endure mieux qu'un mal de dents, mais plutôt l'impression qu'il va me grignoter petit à petit jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de la petite lutine que je suis.

(Qu’il me tue et qu’on en finisse, je ne veux plus le voir se régaler de moi ainsi ! )

« Sale bête »

Le cri de rage de Gwerz sonne à mes oreilles comme le plus doux récital d’un pinson, puisqu’il signifie pour moi la fin de l’emprise de cet animal sur mes chevilles. Trop occupée à essayer de me dégager les jambes, j’avais oublié la présence de ce valeureux lutin. Encore une fois, il vient à ma rescousse : sa robuste canne frappe de plein fouet les mâchoires de la vilaine bête. Ébranlé par le coup qu’il vient de recevoir, ce monstre répugnant me relâche enfin. Cependant, contrairement à ce que j’aurais souhaité, il ne part pas se terrer dans son trou, il se retourne plutôt vers son nouvel agresseur. Dressé sur ses pattes arrières, il fait entendre un horrible bruit produit non pas par ses cordes vocales, mais plutôt par le frottement de ses membres primitifs.

Suit un petit moment de silence où les deux opposants immobiles se jaugent pareils à deux guerriers lors d’un duel. Gwerz, le bâton brandi, positionné entre moi et l’animal difforme attend patiemment. Enfin libérée, je devrais me sentir soulagée et pourtant je ne le suis qu’à moitié puisque je crains maintenant pour la survie de mon précieux ami. Malgré la vivacité et la bonne volonté de mon protecteur, je doute fort qu’une simple canne de chêne puisse mater cette bête enragée.

Morte de peur pour mon sauveur, je regarde la scène en demeurant accroupie, mes mains apposées sur mes blessures.

(Je dois agir maintenant! Je ne peux le laisser se sacrifier ainsi pour moi.)

Consciente de mon incapacité d’affronter directement l'hideuse bestiole, silencieusement, de mes mains ensanglantées, je prends mon arc et l’arme d’une flèche. La position assise est préférable, debout il me serait difficile voire même impossible de garder l’équilibre; instable et vacillante je raterais ma cible.
Sans bruit, je me glisse un peu à la droite de Gwerz tout en restant derrière. Après avoir bandé mon arc, je cherche le meilleur endroit pour atteindre mon adversaire. Son ventre exposé serait peut-être facile à transpercer, cependant rien n’est sûr et je n’aurai peut-être pas droit à une deuxième tentative. Ma précision à l’arc étant assez bonne et la proximité aidant, je tenterai donc de lui tirer en plein dans sa dégoûtante gueule.

Ma décision prise, j’arrête ma respiration, me concentre sur mon objectif, puis je relâche la corde.

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Ven 3 Juil 2009 18:14 
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Trop occupé par son opposant au corps à corps qui se dresse face à lui, le fourmilion ne sent venir le projectile que trop tard, et ne peut qu’amorcer un mouvement d’esquive impuissant avant que la pointe de fer de la flèche ne se plante dans sa gueule pour ressortir là où aurait pu se trouver son nez, couverte d’un fluide à la couleur jaunâtre suspecte. Sous le coup, la créature, surprise par cette attaque inattendue, s’agite impuissamment pour chasser cet intrus de bois et de métal, ses mouvements désordonnés ne faisant que ressortir encore plus la munition qui finit tout de même par se casser en deux sous la pression des énormes mâchoires.
Comme si ce claquement soudain avait été un signal, l’homme au bâton s’élance alors pour frapper la bête sur le crâne, mais celle-ci, faisant preuve d’une vivacité surprenante pour quelque chose au physique aussi peu véloce, recule soudainement, évitant de peu l’instrument de marche qui ne fait qu’effleurer ses dents immenses sans leur causer de dommages. Tirant parti du déséquilibre induit par l’élan de Gwerz, le gros insecte tente de le frapper au flanc de sa patte antérieure gauche, celle-ci se voyant malheureusement pour lui stoppée en plein mouvement par la main calleuse du vieux roublard, tandis que de son bras libre qui tient toujours sa canne, il maintient en respect l’immense bouche à pinces qui claque dans le vide sans succès, l’animal redoutant probablement trop de se prendre un mauvais coup pour oser une approche plus hardie.

En résumé, la situation est à peu près équitable : tirant parti de sa taille supérieure, le lutin arrive à conserver une distance de sécurité confortable de manière à ne pas se retrouver happé par les appendices mandibulaires de son adversaire, ce qui l’empêche également de créer une ouverture de manière à pouvoir tenter une frappe directe. L’imposante larve s’est manifestement désintéressée de toi malgré la blessure que tu viens de lui infliger, te laissant ainsi le champ libre pour agir à ton gré.


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Jeu 9 Juil 2009 17:07 
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Bien que ne bénéficiant pas de la position idéale pour m’assurer un tir efficace, je réussis tout de même à atteindre l’hideuse bête dans ce qui ressemble à son orifice buccal. Le carreau a en effet pénétré sa répugnante gueule ouverte, transpercé son sordide palais, pour ressortir, en partie, englué d’un malodorant liquide jaune visqueux.
Le méprisant animal à la carapace cramoisie s’ébroue du mieux qu’il peut afin de se débarrasser de ce bout de bois qui le gêne en obstruant ses mâchoires. Et pourtant, malgré ces efforts incessants, et à mon plus grand soulagement, la tige s’enfonce d’avantage au lieu de sortir.

(Ça y est, elle est cuite !)

Cette pensée, je l’ai exprimée avec une haine qui ne m’est pas commune, elle reflète en fait mon désir de voir morte cette chose que je déteste à un point qui me surprend moi-même. Réputée pour ma sensibilité extrême, je ne croyais jamais qu’il me serait possible un jour de souhaiter la mort d’une créature vivante. Et pourtant, c’est bel et bien le cas en ce moment. Je ne peux le nier, je n’ai à présent qu’un seul but, celui d’abattre cette infecte, dégoûtante et maudite vermine qui a osé s’attaquer à moi et pire encore à mon nouvel ami.
C’est donc avec une satisfaction absolue que je savoure ce bref moment, guettant la scène en espérant que cette flèche continue ses ravages et prolonge les souffrances de cet être maléfique sorti du sable. Je me sens animée d’une énergie nouvelle pour moi, enivrante mais destructrice, stimulante et inquiétante à la fois. C’est comme si une barrière venait de tomber et que j'étais maintenant capable de mettre fin aux jours de cet être vivant. Tuer, si c’est pour se défendre, pourquoi pas ?

(Mais saurai-je m’arrêter ? Ai-je franchi la frontière entre le bien et le mal ? Serais-je devenue un monstre ?
Guasina Roquin, une folle rousse assoiffée de violence ?)


Non, impossible. Je ne fais que me défendre et je n’ai pas à éprouver de remords pour cela. Je ne me laisserai pas intimider par cet énergumène immonde qui s’est rué sur moi sans raison. Je vais lui montrer qu’une lutine peut s’avérer féroce si on lui cherche des ennuis. Beaucoup de flèches dans mon carquois attendent leur tour et je n’ai pas l’intention de les décevoir : cet insecte doit souffrir.

Déterminée, je brandis de nouveau mon arme. Flèche en place, il ne me reste plus qu’à tendre mon arc.

(Quand j’en aurai terminé avec toi, tu ressembleras à un gruyère !)

D’un sourire en coin exprimant mon désir de vengeance, je prends une longue respiration, prête à lâcher un second trait. Malheureusement, au moment où je m’apprêtais à tirer, l'exécrable mastodonte, à force de gesticuler et de donner des coups de gueule, parvient, en un claquement sonore, à briser le projectile.
En une fraction de seconde mon sentiment de victoire s’est envolé, par contre mon ambition d'exterminer cet infâme importun ne m'a pas quittée, tel un petit soldat bien entraîné, je ne baisserai pas les bras.

(Inutile désormais de vider mon carquois.)

Je dois immédiatement changer de stratégie, le bois ne résiste apparemment pas à ces mandibules redoutables.

Gwerz profite de ce moment précis pour tenter d’asséner un violent coup sur la tête de la vermine à six pattes. Bêtement, cette dernière recule à temps et sent à peine le bâton frôler ses mâchoires puantes. Ne se contentant pas de se défendre, elle riposte en essayant d’atteindre, de sa patte antérieure droite, les vieilles côtes de Gwerz Porsal. Démontrant des réflexes aiguisés rendant jaloux n’importe lequel lutin peu importe son âge, Gwerz attrape de sa main gauche le membre rudimentaire avant que ce dernier ne puisse faire quelconque dégât. De son autre main, le lutin tient toujours son instrument de marche et s’en sert pour maintenir son adversaire à l’écart.

De mon côté, l’arc à présent rangé dans mon dos, je change de position, me déplaçant à quatre pattes, ignorant les malicieuses épines de pins qui m’écorchent les doigts. Tout en conservant la même distance, je peux maintenant observer la scène de côté. De ce nouvel angle, je pourrai blesser cet audacieux ennemi sans mettre en danger mon protecteur.

Un nouveau plan, une nouvelle arme; c’est de mon trident cette fois dont je me servirai. Demeurée assise, fourche en main, j’esquisse d’abord un mouvement pour l’avorter aussi promptement. Je ne peux lancer ainsi mon arme à l’aveuglette et risquer de blesser Gwerz.

(Fais un effort Guasina ! Debout !)

Luttant contre la douleur qui me tenaille les chevilles, je me lève péniblement pour constater que mon équilibre n’est pas aussi précaire que je l’aurais cru. Je ne pourrai entamer de course, par contre je peux rester stable sur mes deux pieds sans trop de difficulté. Dans cette position, ma vision sera meilleure et j'aurai plus de chances d'atteindre ma cible.

L’animal semble avoir oublié ma présence, j’en profite donc pour me positionner correctement. Enfin prête, placée de profil, la jambe gauche derrière la droite, le trident placé à la hauteur de ma tempe visant cette fois le cou de l’animal, je place mon bras lanceur vers l’arrière créant ainsi une tension, puis je fais un pas vers l’avant transmettant toute la vitesse de déplacement dans mon épaule gauche qui se détend comme une catapulte propulsant le trident. Le tout accompagné d’un cri provenant du plus profond de moi-même :

« Yaaaaaaaa !»

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Jeu 9 Juil 2009 18:20 
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Jet d’attaque jet : Echec.

Entre la douleur au niveau de tes jambes et les mouvements désordonnés de ta cible, ton tir n’est malheureusement pas aussi précis que tu l’aurais voulu et, au lieu de se planter dans la gorge vulnérable du fourmilion, la trident se fiche dans son épaisse carapace aux tons de bronze, apparemment sans le moindre dommage pour lui.
D’ailleurs, la bête paraît à peine remarquer l’atteinte que tu lui as portée, et continue de concentrer son attention sur Gwerz en remuant ses pattes en tout sens pour essayer de compenser par la multiplicité de ses membres ce qu’il n’a pas par la carrure. Cette manœuvre, bien que désordonnée, semble porter ses fruits puisque les deux combattants en restent à un statu quo endiablé, la canne et les pinces s’entrechoquant sans cesse alors que le lutin et la créature poussent à hue et à dia pour faire perdre son équilibre à leur opposant respectif.

Mais soudain, la bête montre qu’elle ne sait pas se servir uniquement de ses mâchoires, de ses mandibules et de ses pinces antérieures lorsque, en un mouvement d’une vivacité inattendue, les pattes ornant le milieu de son corps, restées jusqu’ici inactives, se mettent à s’agiter, la gauche venant taper d’un coup sec sur le mollet du lutteur à la barbe grise. Nul sang ne résulte de cette attaque, mais la victime, surprise, perd sur le coup l’équilibre, et se retrouve ainsi dos contre terre en contre-plongée du gros insecte qui le surplombe de toute sa taille désormais supérieure, ses appendices crochus maintenant libres brandis tandis qu’il se prépare à frapper son adversaire à terre.

De ton côté, ton esprit reste clair, mais tu as de plus en plus de mal à te tenir dûment à la verticale ; et si l’adrénaline te permet pour le moment de rester debout sans sentir trop de douleur, il est indubitable que les efforts que tu demandes à tes jambes ne font qu’accroître tes pertes de sang sous la pression. (-1PV)


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Ven 17 Juil 2009 15:35 
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Sans quitter des yeux mon trident, je le regarde se ficher, non pas dans sa gorge déployée tel que je l’avais souhaité, mais dans son dos entre deux segments de sa grotesque carapace chitineuse. Aucun sang ou liquide quelconque ne coule, l’arme ainsi coincée ne constitue aucune menace pour la cruelle bête qui continue son farouche combat sans s’occuper de cet artéfact.

« C’est raté !» dis-je d'une voix forte et contrariée, les sourcils froncés tout en tapant du pied.

Et pourtant la bataille n’est pas terminée. Gwerz affronte l’horrible créature avec toute la dextérité et la vaillance d’un redoutable guerrier. En ce moment, il n’a rien à envier à ce Liykor pour qui il semblait vouer une admiration ou une envie à peine dissimulée. Mon opinion est sans doute biaisée par le respect, la reconnaissance et l'affection que j'éprouve envers cet aïeul. Par contre, en toute objectivité, il n’en demeure pas moins qu’il fait preuve d’un courage sans borne.
Toujours est-il que la méchante bête bénéficie de quatre pattes pour se battre, c’est à dire deux de plus que son brave adversaire. Heureusement, ses quatre membres articulés sont petits et peu développés, les deux autres lui servant à se tenir debout. Les réflexes bien aiguisés, le grand lutin feinte, attaque et pare les coups de l’animal féroce. Sa canne faisant office de fleuret, j’assiste à une démonstration de ce qui ressemble à un combat à l’épée que j’aurais pu prendre plaisir à regarder dans un tout autre contexte. Cependant, la terrible scène qui se déroule devant mes yeux n’a rien d'un jeu et les deux protagonistes risquent leur vie.

Pendant ce temps, je suis retombée sur mes genoux, mes chevilles étant trop douloureuses. Impuissante, résignée, j’observe ce duel intense me contentant d’être une simple spectatrice. Je ne peux plus aider puisque je n’ai plus d’armes à lancer. Avec mes jambes blessées, je peux encore moins me précipiter dans le combat.

(Et puis si j’y allais, je ne ferais que nuire, Gwerz n’aurait pas qu’à sauver sa vie, mais aussi la mienne.)

Mais voilà que soudain les choses se corsent; l’insecte nuisible qui jusqu’alors remuait dans tous les sens d’une façon désordonnée prend notre lutin par surprise en utilisant ses pattes centrales. D’un coup violent de la gauche, il frappe le bas de la jambe de mon protecteur, juste un peu en haut des chevilles. L’effet est immédiat, Gwerz perd l’équilibre et se retrouve sur le dos, l’affreuse bestiole le menaçant.

NOOON !

Pas lui, il ne doit pas mourir, je dois intervenir avant que ce morbide crustacé s'en prenne à ses vieilles chairs et s'abreuve gloutonnement de son sang.
Sans perdre un instant, de nouveau à quatre pattes, je me déplace hâtivement vers la droite afin d'évaluer rapidement la situation. Ce faisant, mes chères bottes, qui étaient en lambeaux, mais que je croyais récupérables ou du moins réparables, se détachent de mes pieds, me laissant ainsi en chaussettes. Comme si celles-ci m'avaient libérée de mon dernier scrupule, la colère m'envahit et je me sens soudainement capable de tout pour détruire ce fichu parasite. Guasina la tendre et douce lutine n'existe plus, il ne reste désormais qu'une rouquine enragée et déterminée.
Aucune larme ne coule sur mes joues, le temps à l'apitoiement est révolu, comme une guerrière, je concentre mon énergie à la bataille. En équilibre sur mes genoux intacts, une botte -ou plutôt ce qui en reste: c'est-à-dire à peine la semelle et le début d’un talon- dans chaque main, je vais exécuter une ultime tentative pour porter secours à mon cher Gwerz.

Tout en fixant l'impitoyable prédateur, je commence à balancer mes bras, effectuant une torsion de mon tronc. Lorsque je considère l’élan suffisant, je lâche la première botte. Sans cesser le mouvement latéral, ma main gauche retourne en arrière, va chercher l'autre bottine et la lance à son tour. J'y ai mis toute ma force et mon énergie : Guasina Roquin ne laissera pas périr ainsi son vieil ange gardien.

J’ai effectué ces deux efficaces lancers puis j'ai crié de rage :

«Tu voulais mes bottes et bien les voici !»

Les deux projectiles sont ainsi propulsés un après l’autre, visant l’endroit où devraient se trouver les talons de l’horrible assaillant, s'il en était pourvu, dans le but évident de faucher ses deux pattes et espérant ainsi lui faire perdre l’équilibre. Si tout se passe bien cette fois, l’affreux insecte devrait se retrouver au sol, laissant à Gwerz le temps nécessaire pour se relever et contre-attaquer.

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Lun 20 Juil 2009 03:18 
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Manifestement, la colère est un bon stimulant pour une personne d’ordinaire aussi placide et bienveillante que toi car, avec une maestria dans ton lancer que n’aurait pas reniée un athlète au lancer du disque, ce qui fut jadis tes fières chausses et qui n’est plus maintenant que deux morceaux de cuir tout déchiré file dans un sifflement, droit vers la cible que tu avais choisie pour ton attaque vengeresse. Hélas, si l’on prend un moment pour réfléchir, on peut se rendre compte que ton action n’est de toute manière pas vouée à une très grande efficacité : tes bottes ont peut-être été faites avec soin, amour et attention, et étaient certainement de belles bottes, mais comme projectile, on pouvait désirer mieux, surtout si l’on considère l’état dans lequel elles étaient.
Contre un être de ton gabarit, le succès aurait pu être au rendez-vous, mais là, tu as affaire à un fourmilion sacrément épais, bien ancré dans le sol grâce à ses pattes postérieures ; aussi c’est en toute logique qu’il ne s’affaisse pas d’un seul tenant lorsque ses appendices sont frappés par tes peu communs projectiles.

Cela dit, ne crions pas défaite trop tôt ! Ton assaut a tout de même fait mouche, et le mastodonte est quelque peu déstabilisé par ce choc soudain magistralement administré, avantage dont s’empresse de profiter Gwerz qui roule en vitesse sur le côté, assenant au passage un solide coup de canne dans la partie inférieure de la bête. Celle-ci, dans un cliquètement affolé de pinces et de mandibules, s’écroule tout à coup à terre sur le côté, mordant et frappant follement dans toutes les directions, ses sens manifestement tourneboulés par cette chute soudaine alors que le responsable de son triste état s’empresse de se redresser, ayant au passage raflé avec habileté les deux souliers dont tu t’es défaite. Dans la chute du monstre, ton trident toujours planté dans sa carapace s'est encore plus enfoncé dans la coque chitineuse, mais à ce qu'il semble, loin de lui avoir percé la peau, l'arme paraît s'être simplement engoncée plus irrémédiablement encore. Ça ne va pas être évident de récupérer ça...

Quoi qu'il en soit, les gestes de l'animal sont tellement désordonnés que le grand bonhomme n’a aucun mal à rester hors de portée, reculant précipitamment dans ta direction sans cesser de garder sa canne brandie face au gros insecte au cas où celui-ci s’aviserait de retenter sa chance.
Pour l’instant, cela n’a pas l’air d’être le cas, occupé qu’il est par-dessus tout à faire retrouver un semblant d’ordre à ses mouvements, mais rien ne permet véritablement de dire si la créature va s’en retourner de là où elle venait pour vous laisser en paix ou va poursuivre sur sa lancée vorace et féroce sitôt qu'elle sera de nouveau sur pattes.


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Jeu 23 Juil 2009 21:51 
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C’est avec un sourire victorieux que je vois mes bottes, ou plutôt ce qu’il en reste, atteindre la cible. Cette mimique, hélas, s’efface aussi vite qu’elle s’était dessinée sur mon visage. Bien qu’ils aient atteint parfaitement leur but, mes souliers n’ont pas produit l’effet escompté. J’avais présumé, avec toute ma naïveté de jeune lutine, que mes projectiles déséquilibreraient suffisamment la vilaine créature pour qu’elle se retrouve sur le dos. Au lieu de cela, mes semelles de cuir l’ont tout au plus déstabilisée.

Ma déception est grande, en plus d’avoir mis M. Porsal dans cette fâcheuse situation- c’est quand même mon pied qui a fait sortir la bête de sa tanière- je n’ai même pas été capable de le secourir à mon tour.

(J’ai pourtant essayé à trois reprises : d’abord avec une flèche qui n’a pas résisté à la puissance de ses mâchoires, ensuite avec ma fourche métallique qui plantée sur son dos ne l’importune aucunement et pour finir mes souliers...)

Alors que j’allais me morfondre d’inquiétude pour mon protecteur, je constate, avec maigre consolation, que mon geste a malgré tout distrait l’animal, ce qui permet à Gwerz de se soustraire aux mandibules acérées qui le menacent en effectuant une roulade de côté. Il aurait pu se contenter de ce mouvement d’esquive, et bien non! Ce grand lutin, faisant preuve de la même témérité qu’un jeunot inexpérimenté, en profite pour frapper l’arrière train de l’ horrible animal à l’aide de son solide bâton de chêne. Ce coup porté, je dois l’avouer, se révèle très efficace faisant choir le monstre enragé. Affolée, la bête, gisant maintenant sur son flanc droit, remue de tous côtés, redoutant probablement une attaque du lutin qui se contente pourtant de ramasser ce qui reste de mes souliers.

Soulagée que mon bienfaiteur s’en sorte indemne, je ne relâche pourtant pas mon attention sur le prédateur ou plus précisément sur l’objet de métal qui pendouille dans son dos. Le trident que j’avais lancé un peu plus tôt, au lieu de tomber au sol, s’enfonce plus profondément dans la carapace de l’animal. J’aurais aimé que cette fourche rouillée lui inflige des blessures supplémentaires et que le fluide jaune qui apparemment lui sert de sang jaillisse abondamment. Malheureusement, rien de tel se produit.

Alors que mes yeux ne peuvent se détacher de l’abominable insecte, sans bruit Gwerz se relève rapidement et me rejoint. Sa présence auprès de moi me redonne confiance car je devine que peu importe ce qui pourrait se passer, tel un ange gardien, il sera là pour m’épauler.

Nonobstant toute la confiance que je lui voue, je demeure toutefois inquiète. Ce vénérable lutin, malgré toute la souplesse et la force qu’il a fait preuve dans le combat avec cet affreux crustacé, n’a pourtant plus l’endurance qu’il aurait eue cent ans plus tôt. À la longue, cette infecte vermine en viendra à bout. Il est donc, à mon avis, plus sage de profiter que la bête soit au sol pour décamper au plus vite.

Agrippant de mes deux mains la manche délavée de sa redingote mauve, l’obligeant ainsi à se retourner vers moi, d’un ton suppliant je lui lance, en un souffle, ma doléance:

«Je vous en prie, quittons ce lieu avant que cette affreuse bestiole soit debout. Oublions ce trident, il est tout rouillé et n’a aucune valeur ni pour moi, ni pour personne.»

Je prends une nouvelle respiration et poursuis de plus belle :

« S’il vous plaît, éloignons-nous d’ici, je n’en peux plus, je suis à bout ! »

À ces derniers mots, ma gorge s’est serrée, ma voix s’est cassée ; je me retiens de pleurer. Je me dois d’être forte : pour fuir, je devrai marcher, ce qui me sera sans doute pénible, mais inévitable.
Je tends ensuite ma main vers les morceaux de cuir qu’il tient dans la sienne, attendant qu’il me les remette pour que je puisse tenter de les chausser. Ils sont atrocement amochés, mais c’est tout ce qui me reste et je devrai m’en contenter. Devant ces plaintes, ma grand-mère me répondrait sans doute : « Considère-toi chanceuse d’avoir encore des pieds pour les enfiler. » Ce qui est exact, ces redoutables mâchoires auraient pu broyer mes os et m’handicaper ainsi à vie. Je devrais être reconnaissante envers les dieux de m’en tirer à si bon compte.

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Dernière édition par Guasina le Sam 16 Jan 2010 15:11, édité 11 fois.

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Sam 25 Juil 2009 06:41 
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A tes paroles, Gwerz se contente d’acquiescer avec dans les yeux une lueur de protecteur farouche et, plutôt que de te rendre tes bottes qui sont de toute façon à ce point amochée qu’elles ne couvriraient pas grand-chose de tes pieds ensanglantés, il laisse tomber celles-ci devant vous avant de passer son bras désormais libre sous une de tes épaules pour te soutenir sans cesser de garder la grosse bête cliquetante dans son champ de vision. Les secondes suivantes se passent dans une incertitude angoissante alors que le fourmilion blessé mais toujours vaillant se dresse à nouveau sur ses appendices postérieurs et observer les alentours.
Puis c’est l’occasion d’un beau soupir de soulagement lorsque enfin, le gros insecte rabat son corps massif contre la terre sablonneuse sur laquelle il gigote à la manière d’un ver de terre pour s’enfouir à nouveau dans cette cachette improvisée qui lui sied si bien pour y attendre l’arrivée d’une autre proie. Seule l’extrémité du manche de ton vieux trident, vestige du tumulte du combat dont la tension peut désormais retomber, dépasse innocemment du sol, sans doute coincé dans la carapace de votre agresseur pour un bon moment.

Soufflant enfin, le grand lutin ne perd pas son temps pour porter son pouce et son index à ses lèvres et pousser une espèce de chuintement dont l’intensité sonore ne dépasse pas celle d’une expiration, ce qui n’empêche pas l’homme d’âge mur d’avoir l’air de savoir ce qu’il fait. Sans perdre son temps, il glisse alors sa canne à sa ceinture, et ne fait pas de cérémonies pour te mettre les vestiges de tes bottes dans les bras avant de te soulever sans effort du sol, un bas sur le haut du dos, un autre sous tes cuisses afin de ménager tes chevilles et tes pieds salement douloureux.

« Ne t’en fais pas, Cheshire va arriver et on pourra rentrer soigner ça. » Dit-il en essayant d’avoir l’air sûr de lui en dépit de l’inquiétude très facilement visible qui perce dans son regard. « Tu te sens comment ? »


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Mer 16 Sep 2009 03:21 
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Réponse à Miriel et Khmer

Aussi laconique et ferme que le fier guerrier issu des montagnes, la rôdeuse à la souplesse animale d’allure ensorcelante divulgua son nom sans emphase ni enjolivures, se contentant de le donner à Larc et Miriel comme Larc lui avait donné le sien en un échange standard d’une simplicité toute sauvage, et sauvage était d’ailleurs le maintien de la dénommée Khmer, comme si elle avait pris le calme soudain dont avait fait preuve le Bratien comme une insulte à sa valeur ; comme si, en ayant rengainé ses armes, il avait complètement cessé de la considérer comme une menace et l’avait donc rabaissée au rang de petite vagabonde. Bien sûr, tel n’était pas le cas, car malgré la juvénilité de son apparence et l’étourderie que l’on pouvait lire dans certains côtés de son attitude, il n’était pas difficile de déceler la maîtrise et la force dans ses gestes, mais comme sur bien d’autres sujets, le seul jugement de l’homme-loup à propos de cela serait jusqu’à nouvel ordre son silence.
Et ce silence, il le conserva alors même que l’écho de la porte qui se refermait avec un léger claquement faisait écho à celui, beaucoup plus bruyant, qui avait résulté de la perte d’équilibre de la Worane dont la cause excusable se lisait facilement dans une des pattes postérieures de la jeune créature qui s’était mise à trembler de manière visiblement incontrôlée, comme prise d’une crise de folie autonome qui l’aurait poussée à faire sécession du reste du corps auquel elle appartenait. D’un simple geste de la main, il aurait pu la relever sans transpirer, mais pourtant, il n’en fit rien, se contentant de gagner un coin de la pièce pour s’y positionner, n’accordant qu’à peine un regard à l’aventurière qui se trémoussait malgré elle à terre, son comportement ne recelant pourtant ni dédain ni narquoiserie contrairement à ce qu’il aurait pu laisser penser : à l’inverse, s’il la laissait se débrouiller, c’était bel et bien en signe de respect, ne voulant pas lui faire l’affront de la laisser se sentir assistée comme une vieillarde impotente.

D’ailleurs, niveau aide, elle montra bien qu’elle n’en aurait accepté aucune, sous quelque forme que ce fût, lorsqu’elle répondit un peu rudement à la question prévenante de Miriel qui ne rencontra que mauvaise humeur chez la tigresse fort marrie de se retrouver dans une position de faiblesse d’apparence aussi grotesque. Un garde du corps plus commun que le Bratien aurait d’ailleurs peut-être intimé à l’intruse qui ne l’était au passage plus tant que ça de faire preuve de plus d’égards devant la noble dame qu’était la Mimijuléenne, mais en ce qui le concernait, il ne se souciait que fort peu de ces aspects protocolaires et des manières qui leur étaient liées, laissant de pareils manquements passer sans s’en préoccuper pour mieux se concentrer sur la protection purement physique qu’il mettait un point d’honneur à respecter.
Cependant, pour en revenir à la nouvelle venue, celle-ci se focalisait désormais sur la petite silhouette à l’identité inconnue recroquevillée sur le giron de la demoiselle et dont la présence avait l’air de l’intriguer autant que lui, même si, de son côté, il ne montrait en rien à quel point cela le déconcertait contrairement à Khmer qui dévisageait la masse de chair et de tissu ramassée en boule comme si elle étudiait une bête curieuse, ce qui n’était à vrai dire pas si loin de la vérité que cela tant l’apparence de l’être humain dégingandé avait un aspect si insolite que même des non-humains comme elle et lui ne pouvaient en faire abstraction. Captant toute l’attention en dépit de son gabarit fort peu remarquable, l’arlequin tout peinturluré n’eut pas un tressaillement en dépit des regards qui pesaient avec insistance sur lui, ne se mettant à réagir que lorsque la Worane s’approcha avec en main son chapeau qui n’était en réalité désormais qu’un semblant de chapeau et ressemblait plus à un monceau de mousse humide exotique tant la pluie en avait altéré la forme. Reconvertissant cet ornement de feutre épais en une compresse de fortune pour le gaillard apparemment mal en point, elle le posa ensuite sur son front, au déplaisir visible du galopin dont la mimique de rechignement fut bien rapidement estompée par un des index délicats de l’élégante enfant qui réduisit comme par enchantement toute protestation à néant. Malgré toute sa réserve et toute sa fierté, le Bratien se devait d’avouer qu’il n’était pas sûr de savoir s’il se serait montré moins influençable face à une douceur aussi ferme qui avait quelque chose d’indubitablement semblable à celle dont Mylène savait faire montre et qui avait à plus d’une reprise coupé court à certains accès de mauvaise humeur de Larc avec une telle efficacité que s’il avait été du genre à prendre ombrage de se faire mettre au pas par une « gonzesse », il aurait pu s’en sentir offusqué.

Quoi qu’il en fût, comme mal à l’aise à l’idée qu’il aurait pu être d’une pareille docilité, il détourna son attention de la scène d’allure proprement maternelle pour la reporter sur la tête désormais nue et couverte de cheveux argentés épars dans lesquels la tigresse fourrageait pour faire apparemment en sorte d’en masquer l’aspect dénudé à certains endroits, irrégularité capillaire qui, loin de déplaire au guerrier, lui attirait au contraire une sympathie sincère, le combattant chevronné voyant dans ces vides crâniens des preuves que celle qu’il venait tout juste de rencontrer et qu’il appréciait de plus en plus (même si l’appréciation était une chose toute relative chez lui) n’avait décidément pas froid aux yeux et était prête à en venir aux mains si besoin était, trait de caractère qu’il valorisait entre tous.
Toutefois, les éclats que lançaient les pupilles cernées d’ocre rouge du liykor pesant apparemment autant que sa musculature, Khmer ne tarda pas à se rendre compte qu’il la fixait sans réserve et ne se gêna pas pour lui rendre la pareille, les prunelles de glace et les prunelles de feu se confrontant l’une à l’autre avec une franchise pudique alors que chacun détaillait une fois de plus le visage de l’autre sans que l’un pût paraître le moins du monde disposé à baisser le regard face à l’autre, concession qu’elle finit pourtant par faire, apparemment assez mal à l’aise en dépit de toute la fermeté morale teintée d’allant qu’elle s’efforçait d’arborer. Brisant le silence qui s’était par la force des choses instauré et que seul venait troubler l’insistant tambour de la pluie entrecoupé de lointains éclairs, elle se décida à prendre la parole et à poser une question que beaucoup auraient pu prendre mal mais qui le laissa de marbre, le Bratien n’éprouvant aucune honte à revendiquer sa fonction de Gardien ; et la réponse à de telles interrogations tombant de toute manière sous la responsabilité de Miriel qu’il lui délégua comme d’habitude d’un simple coup d’œil.

Pour autant, à l’exclamation qui ne tarda pas à suivre la question, il ne put empêcher ses orbites de luire d’une étincelle de ce qu’il aurait peut-être été exagéré d’appeler de la colère mais qui n’avait en tout cas rien d’amène ou de conciliant devant l’outrecuidance inhérente à une pareille affirmation : personne n’était en droit de leur dire où ils devaient mettre les pieds, et particulièrement pas cette Sombre qui n’avait a priori pas plus « à faire » en ces lieux qu’eux. Mais comme en bien des occasions, la meilleure attitude à aborder face à des paroles aussi étourdies était sans doute une indifférence aussi placide que possible, Larc ayant appris parfois à ses dépends que la fougue dont il avait fait trop souvent l’étalage dans sa jeunesse ne pouvait dans la plupart des cas qu’envenimer la situation qu’il entendait pourtant résoudre.
Mais lorsqu’elle s’enfonça encore plus dans son étonnement ourlé d’un reproche peut-être accidentel mais bel et bien présent, une crispation s’empara des mains griffues du Gris dont les doigts s’enfoncèrent un peu plus profondément dans la fourrure de ses bras alors qu’un grognement réprobateur sourd, diffus mais bel et bien audible montait de sa gorge. Auparavant, il se serait empressé d’emprunter une posture réprobatrice et menaçante digne d’un loup défendant son territoire, mais depuis, l’expérience lui avait démontré qu’il fallait tempérer de telles ardeurs et laisser les vapeurs colériques induites par une telle huile jetée sur le feu de son agacement retomber plutôt que de s’en laisser enivrer l’esprit… d’ailleurs, ce n’était pas comme si tous deux n’avaient pas l’habitude qu’on leur jette à tout moins des regards étonnés voire dégoûtés devant un duo aussi peu commun que celui que l’humaine et le liykor formaient.

De toute manière, la décision de la réaction à avoir reviendrait à Miriel qui était, dans de pareils cas d’entretiens à allure plus ou moins diplomatique, la tête tandis que lui était les bras, chargé pour ainsi dire de soutenir l’intelligence de la jeune femme du poids de ses muscles. Et en parlant d’elle, le Bratien eut un geste approbateur qui ne fut pourtant rien d’autre qu’un clignement de paupières appuyé en voyant que la noble née reprenait manifestement conscience de ses origines et de la fierté inhérente au rang que lui donnait son sang, se redressant de toute sa stature certes frêle mais ô combien digne, gracieuse et hardie lorsqu’elle le voulait ! C’étaient les éclats perlés d’un comportement aussi louable qui faisaient en quelques occasions se dire à Larc qu’elle, Niriel et Mylène étaient pour ainsi dire la seule famille qu'il lui restait… avant bien sûr qu’il ne repoussât des pensées aussi stupides avec autant d’énergie que s’il lui était venu à l’esprit qu’il aurait pu se mettre à pondre des œufs.
Or, venant briser le vernis de solennité qui avait commencé à se former sous l’égide aux apprêts majestueux de la Mimijuléenne, un grognement bougon d’allure comique émana soudain du paquet ramassé sur ses genoux avant que celui-ci ne se mît à s’éveiller d’une manière que l’homme-loup ne put s’empêcher d’assimiler à celle qu’avaient les marionnettes de bouger entre les mains de montreurs de foire qu’il avait à l’occasion vus à l’exercice, celui qu’on pouvait difficilement qualifier d’autre chose que de bouffon semblant revenir à la vie par l’effet de quelque mécanisme incongru dissimulé dans ses entrailles. Plus curieux qu’il n’aurait sans doute voulu se l’avouer, et bien davantage intrigué qu’offusqué par cet étrange personnage dont l’attitude joueuse ne le faisait en rien paraître méchant pour deux sous malgré ses paroles que plus d’un auraient pu trouver fort désobligeantes, il l’observa se redresser tel un diable sorti de sa boîte avec pour seule marque de surprise venant rompre l’impassibilité de son visage lupin des sourcils froncés en signe d’étonnement mêlé de circonspection face à ce paquet de nerfs guignolesque à la fois ridicule de par son comportement et admirable de par son allant.

Faisant de son mieux pour garder son calme, il ne sourcilla pas devant les singeries insistantes du baladin flamboyant, même si, pour tout dire, l’envie le tiraillait de poser franchement ses deux grandes paluches sur les épaules maigrelettes de cet histrion atteint de bougeotte dont le verbiage et l’agitation intempestifs fatiguaient l’amer Bratien. Heureusement pour la conservation de la cordialité de la situation pour laquelle les deux occupants bestiaux de la cabane n’étaient sans doute pas les plus indiqués, la « douce enfant » s’empressa de tirer la bride du remuant gaillard, l’empoignant catégoriquement comme on l’aurait fait d’un enfant désobéissant pour le ramener à ses côtés avec ce mélange de fermeté et de désarroi que Larc retrouvait souvent chez sa Protégée et qui le remplissait toujours d’une déception teintée d’une tendresse à laquelle il refusait toujours absolument de laisser libre cours plus qu’il ne l’estimait nécessaire, c’était à dire très peu, et très légèrement.
Tandis que Miriel se mettait en devoir de les présenter, il détailla plus à fond ce frêle corps qu’il connaissait pour ainsi dire par cœur pour l’avoir vu grandir depuis sa naissance même, et son regard se fit à nouveau déconcerté devant l’équipage qu’elle arborait, le vigilant et soucieux Gardien se demandant une fois de plus comment elle avait pu finir vêtu de parures aussi peu communes ainsi que, dans un coin de son esprit, quels maroufles il devrait rosser d’importance pour les punir de l’avoir mise dans un état pareil, attendant toutefois qu’elle voulût bien entamer son récit sans qu'il bronchât outre mesure. La dame encore empreinte de juvénilité fit donc les honneurs de sa présentation avec la révérence et l’obligeance qu’elle affichait toujours en de semblables occasions, passant ensuite à celle de son compagnon de longue date qui opina lentement du chef à la définition qu’elle donna de sa personne avant de se rembrunir sous ce que l’on pouvait à bon droit nommer de la timidité, une apparence d’indolence ne tenant qu’à la présence d’une couche de pelage dru sur ses joues qui empêcha de voir l’afflux sanguin légèrement supérieur à la normale s’y faisant.

Cependant, ne faisant apparemment pas attention à la mimique d’embarras plutôt discrète du liykor, la jeune fille poursuivit avec toujours la même politesse d’une exquise suavité, suavité à laquelle fit pendant de manière discordante l’exubérance du bonhomme dont elle avait acquis la compagnie, Larc se demandait toujours bien en quelles circonstances, sa volubilité lui rappelant celle dont Galeyn avait fait montre, en plus raffiné… et ridicule, il fallait bien l’avouer, Tlopin faisant davantage penser à un gamin qui aurait grandi trop vite qu’à un jouvenceau spirituel, ce qui ne semblait pas tant que ça déranger la Mimijuléenne qui l’avait de toute évidence pris en affection à en juger par la prévenance toute maternelle dont elle faisait preuve envers lui. Or, une telle aménité fut de moins en moins au rendez-vous lorsqu’elle se livra à une inspection visuelle de l’homme-loup que celui-ci supporta presque sans sourciller ; presque, car il s’avéra bien vite que les globes oculaires d’un bleu profond qui le détaillaient se portaient tout particulièrement sur les blessures qu’il avait reçues encore bien récemment lors de l’affrontement de la veille dans l’intérieur des arènes Kendranes.
Habituellement, il n’aurait pas éprouvé la moindre réserve à voir présentes les quelques cicatrices fraîches dont son épaule gauche, son museau et ses cuisses étaient marquées, les arborant même avec fierté, mais face à Miriel, une gêne qui s’insinuait dans son esprit malgré lui, malgré tout son orgueil et sa réserve, le poussa à lever légèrement un de ses deux bras qu’il maintenant croisés pour masquer ce qui préoccupait manifestement celle qu’il savait résolument pacifiste. Mais en définitive, que ce fût parce qu’elle avait décidé de remettre le lavage de linge sale en famille à plus tard ou parce qu’elle préférait passer l’éponge (même s’il ne se faisait pas d’illusion quant à la pertinence de cette seconde possibilité), elle n’insista pas davantage et se mit en devoir de leur faire le récit de ses péripéties qu’il ne demandait qu’à connaître, l’humaine aux cheveux de cendre conviant une fois de plus les auditeurs présents à prendre place à ses côtés, invitation que Larc déclina en observant toujours la même immobilité, autant parce qu’il était évident qu’il prendrait trop de place sur le banc qu’ils avaient à disposition que parce qu’il estimait qu’il faisait partie de son office de rester debout, en faction.

Avant que de pouvoir débuter, elle sembla accuser d'un coup au cœur dont il fut le spectateur muet, en concevant toutefois une inquiétude sincère qui se manifesta sous la forme d’un tic soucieux sur son visage animal qu’il masqua peut-être un peu trop précipitamment en démangeaison en grattant d’un air sûr de lui son oreille ornée de son éternel anneau ; et lorsque les yeux de sa Protégée se mirent à briller de larmes, la griffe du liykor appuya avec plus de force sur sa peau pour lui rappeler de se retenir d’un geste trop émotif envers elle, la seule indication véritablement visible de son souci consistant en l’inclinaison de ses appendices oculaires qui, comme précédemment, étaient pleinement orientés en direction des lèvres de la malheureuse au bord desquelles son cœur paraissait prêt à couler, comme si tout le corps du Bratien protecteur avait voulu suivre pour se presser contre celui de l’enfant afin d'absorber jusqu’aux moindres parcelles de tristesse qui l’habitaient et ensuite s’en ébrouer.
Sortant de considérations aussi délirantes pour mieux se concentrer sur le rapport des premières impressions de Miriel, il retint un « Ah ! » vindicatif et désabusé à l’égard de ces gens qu’elle décrivait comme « mauvais » et « foncièrement offensants », le guerrier éprouvé par les aléas de la vie tenant pour une évidence que ceux qui se prétendaient civilisés n’étaient pas plus méritants du point de vue de la moralité que des bêtes comme le serpent qui amenuisent les défenses de leurs adversaires pour ensuite frapper lorsqu’ils sont suffisamment débilités quand ils ne s’en prennent pas directement à des proies foncièrement plus faibles qu’elles. Et le pis était que celle à laquelle ils s’attaquaient valait certainement cent fois mieux qu’eux, Larc pouvant l’affirmer de source sûre puisqu’il était dans l’appréciation de la demoiselle un témoin de première main, la preuve de ses qualités se trouvant d’ailleurs dans la vaillance qu’elle s’efforçait de rassembler pour ne pas faire pâle figure devant ses « invités », tentative peu concluante puisqu’il y eut jusqu’au bateleur à l’air étourdi qui remarqua son trouble et fit en sorte de la réconforter : elle était encore et toujours si fragile par bien des aspects en dépit de ce qu’elle voulait montrer…

Enfin bref, il y avait au moins de bonnes nouvelles puisque, manifestement, d’ici à peine un voire deux jours au maximum, ils pourraient plier bagage puis battre possiblement à nouveau les chemins, activité qui convenait tellement mieux à l’« Apprivoisé » que de rester à croupir dans une zone urbanisée dont la configuration lui donnait l’impression d’être véritablement mis dans une cage géante. D’ailleurs, cette métropole qu’était Kendra Kâr n’avait l’air de faire que rendre la Mimijuléenne malheureuse, contrairement à son Ascalanthe natale où elle avait toujours pu s’épanouir, et le raisonnement du Bratien était à cet égard simple, voire simpliste : plus tôt ils seraient repartis, mieux elle et lui pourraient se porter. D’ailleurs, la preuve en était de la suite du récit qui indiquait qu’être confinée dans l’exiguïté des logis qui lui avaient été accordés ne lui avait pas convenu et qu’elle n’avait rapidement eu de cesse de découvrir d’autres horizons, signe qu’il brasillait en elle quelque chose de sauvage et d’indompté plus qu’elle ne s’en rendait très probablement compte et ce en dépit de son inaptitude plutôt criante à la débrouillardise.
C’est à ce moment du compte-rendu que le bouillant Tlopin, apparemment resté trop longtemps silencieux à son goût, ne se priva pas de faire irruption avec bruit, clamant son intervention à grand renfort d’effets scéniques si pétulants qu’il s’en fallut de peu pour qu’il ne s’assommât sur le plafond malmené par la pluie de la cabine envahie d’effluves diverses à l’étrange bouquet dans laquelle ils étaient abrités. Ainsi donc, voici quelle était l’explication d’un affublement aussi… original : afin de tromper la vigilance des argus du château, elle s’était grimée à l’image de l’amuseur, avec succès comme le prouvait sa présence en ces lieux, toujours vêtue de ces mêmes habits dont le port semblait l’emplir d’un mélange de gêne et d’amusement. Larc, pour sa part, était plus satisfait qu’autre chose devant la raison d’un déguisement aussi incongru, car il estimait Miriel méritante d’avoir fait preuve d’une habileté pareille, même s’il était vrai que c’était plutôt par procuration : de la même manière qu’un bon chasseur devait s’imprégner de l’odeur de l’environnement dans lequel il évoluait, elle avait su se rendre indétectable aux yeux de ceux qui auraient pu l’arrêter.

Rassuré –sur ce point tout du moins-, il s’accorda de relâcher un peu la tension qui l’habitait, et se laissa même aller à l’ombre des prémices d’un sourire devant la démonstration d’hâblerie au ridicule intentionnel du jeune homme aux allures de pantin qui feignait de se prendre pour un grand héros de guerre capable de mettre en déroute des armées entières. L’homme-loup devait avouer que, durant ses années de vie, il avait rarement vu quelqu’un d’aussi gaiement survolté, mais en revanche, il avait déjà vu des personnes d’allure plus étrange, voire plus inquiétante, aussi ne releva-t-il pas le mauvais goût que l’on aurait pu déceler dans la plaisanterie, la placidité étant une fois encore une de ses qualités par certains aspects.
Toutefois, la pression sociale seule ne pouvait expliquer la tristesse et le désarroi dans lesquels il l’avait trouvée, aussi restait-il logiquement une autre question à élucider, et effectivement, elle mentionna un deuxième sujet de souci directement lié au bleu encore tout récent dont était ornée la joue de Tlopin, l’idée même de violence plus ou moins étroitement liée à sa Protégée remettant sur le champ le Bratien en alerte : si quelqu’un avait levé la main sur elle, il n’avait besoin que d’un nom, que d’un visage, que d’une odeur pour lancer une traque impitoyable ! Mais il tomba proprement des nues, ne pouvant s’empêcher d’écarquiller les yeux d’étonnement lorsque le bouffon mentionna que ce n’était nulle autre qu’elle-même qui avait été à l’origine des hostilités, cela laissant le liykor si incrédule qu’il s’en pencha presque malgré lui vers l’avant, suspendu aux lèvres de Miriel dans l’attente de la confirmation ou du déni d’une version aussi fantaisiste par rapport à son tempérament pendant que les deux demoiselles de l’assemblée s’affairaient à empêcher le luron trop remuant pour son propre bien d’éclater en morceaux sur le sol sa carcasse si menue qu’elle paraissait de verre.

Confuse, éperdue, effrayée, la « blanche enfant » se mit à balbutier de manière presque incontrôlable avec un tel émoi que Larc se douta de la réponse avant même qu’elle ne l’eût formulée, et effectivement, après des atermoiements qui le laissèrent dans une incertitude plus préoccupante qu’il n’aurait voulu le laisser croire, elle finit par avouer que l’origine du horion qu’avait reçu son compagnon se trouvait bel et bien dans une claque qu’elle avait administrée à quelqu’un, manifestement pour le punir de son impolitesse. Maintenant qu’il avait la réponse à ses questions, et voyant d’ailleurs que l’insistance avec laquelle il la fixait la mettait fort mal à l’aise, il en revint à sa position et à son flegme initiaux, remuant mentalement les implications d’un geste aussi inattendu et même invraisemblable de sa part. Qu’en penser ? Devait-il s’en montrer fâché ? Déçu ? Attristé ?
Rien de tout cela, car en définitive, il ne savait pas s’il se sentait étonné, satisfait, admiratif ou réprobateur… très probablement un mélange des quatre, car d’un côté, elle s’était enfin décidée à ne pas s’écraser autant qu’elle l’aurait fait en temps normal devant une opposition, mais de l’autre, elle l’avait fait d’une manière fort maladroite qui lui avait causé bien plus d’ennuis qu’elle n’aurait pu en résoudre. Oui, vraiment, c’était une bonne chose qu’elle se fût montrée plus mature du point de vue des idées à avoir quant à recours à la force, mais il lui restait encore à savoir calibrer de pareilles velléités afin qu’elle en fît usage dans les moments opportuns, et, surtout, à savoir maîtriser l’art du combat mieux que cela afin d’éviter que d’autres souffrissent de ses actes, particulièrement lorsqu’il n’était pas avec elle ! En son for intérieur, le Bratien résolut de, tôt ou tard, lui donner des cours en la matière afin qu’elle put se montrer digne d’être la fille de Mylène sur ce point également, même si la question devrait attendre, Miriel n’étant de toute évidence pas en état d’aborder un pareil sujet pour l’instant.

Quant au reste de l’histoire, il coulait de source, aussi Larc n’y prêta-t-il pour ainsi dire qu’une oreille symbolique tandis qu’il digérait les données du récit qui lui avait été fait ainsi d’ailleurs qu’à Khmer, heureux en fin de compte d’avoir pu tomber sur sa Protégée alors qu’elle traversait un tel désarroi. Pour ce qui s’était passé, cela s’était passé comme cela s’était passé, et maintenant que c’était fait, ce n’était pas la peine de remuer incessamment tout cela ni de s'en faire un souci monstre : il l’avait appris de sa propre expérience, lorsque quelque chose vous touchait durement, il valait mieux se concentrer sur ce qui pouvait être ensuite fait pour que votre situation aille mieux plutôt que de se ronger les sangs en pensant à ce qui aurait pu être fait auparavant. La Mimijuléenne était ébranlée par ce qui s’était passée, et en tant que Gardien, son devoir n’était pas de lui permettre de s’épancher en larmes et en plaintes de tout son saoul (non pas que ce fût ce qu’elle avait fait, bien sûr), mais de lui faire comprendre que l’important était désormais de réagir intelligemment et efficacement pour que les choses reprissent la meilleure tournure possible.
Se mettant tout à coup en mouvement suite à cette résolution, il s’approcha d’elle sans un mot, se postant à ses côtés pour observer un temps d’arrêt de quelques secondes avant de poser une main sur son épaule qui l’engloba toute entière ainsi qu’une petite partie du bras de Miriel. Ouvrant la bouche, il lui dit que le moment était désormais venu d’agir, qu’elle se devait de prendre les initiatives car c’était là non seulement ce qui lui incombait mais aussi la meilleure chose à faire, et que pour la réalisation de ce qu’elle jugerait bon de mettre en œuvre, il serait là pour l’assister ainsi qu’il l’avait toujours été jusqu’à maintenant, car il était son Gardien et qu’elle était sa Protégée. Tout cela, il le lui dit de ses yeux dans lesquels dansait cette flamme à la fois si mystérieuse et si expressive qui les habitait, tous ces mots se condensant en fin de compte en une simple phrase prononcée sans autre intonation particulière qu’une fermeté bienveillante :

« Que vas-tu faire maintenant ? »

_________________
"Je suis un loup pour les hommes, et une ombre pour les loups."

Larc, Guerrier Bratien Niveau 3


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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Ven 25 Sep 2009 15:10 
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Inscription: Mer 24 Déc 2008 12:53
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[Continuité de l'entretien avec Miriel et Larc ]

J’avais bien entendu : l’imposant Guerrier avait grogné, signe de réprobation évidente à mes questions ! Mais je décidai de passer outre. S’il voulait s’exprimer bestialement, il n’aurait pas dû éviter l’affrontement, quelques instants plus tôt. Alors, d’un signe de tête, j’envoyai balader ce qui me semblait n’être qu’un bougonnement et j’acceptai le remerciement de la délicate jeune femme, bien qu’il ait été superflu : je n’avais pas fait grand-chose, au final.
Je ne pouvais m’empêcher d’être un rien circonspecte à son égard. Elle était grimée de façon grotesque, et sa frêle corpulence était accentuée par ses haillons… Pourtant elle faisait fi de son apparente fragilité pour concentrer ses efforts sur cet autre être, plus mal en point qu’elle. N’était-elle vraiment qu’une simple Humaine ? En tous les cas, sa grandeur d’âme me semblait dépasser celle de son corps. Elle n’était que douceur et fermeté…

Faisant glisser mon attention de la demoiselle au tas de fripes qu’était l’étrange personnage, la voix me prit de court. Je n’eus pas le temps de comprendre ce qu’il disait que déjà, à la vitesse d’un champignon qui pousse après une averse, il s’était approché de moi et, après moult contorsions et un regard torve, m’adressa un miaulement. Encore un qui se croyait malin et m’assimilait à ces animaux de compagnie… Je contins à grand-peine un soupir. On ne pouvait dire que cela m’enchantait particulièrement, non, mais bon, cette réaction m’était devenue habituelle, aussi courante que le mouvement de recul des gens dans la rue. Je n’en ressentais plus, comme avant, de l’agacement, mais plutôt une profonde lassitude. Aussi me contentai-je de simplement croiser les bras. Et remarquai, avec une ébauche de sourire, que finalement…

( Il n’a pas l’air si mal en point, le bougre !)

Je devais pourtant bien convenir que cet excès de vitalité dont il faisait preuve, ce comportement presque aussi électrique que l’air l’était à l’extérieur me mettait profondément mal à l’aise. J’avais l’impression que ses mouvements désordonnés lui étaient comme insufflés par quelqu’un d’autre, qu’il n’était, en somme, qu’un pantin. Aussi fus-je soulagée lorsque sa protectrice l’écarta de moi d’une poigne ferme et assurée. Je ne l’aurais pas frappé, non ; du moins, pas intentionnellement. S’il s’était approché un peu plus, dans l’état de nervosité dans lequel je me trouvais, ses gestes saccadés auraient pu déclencher malgré moi un réflexe malencontreux qui aurait eu raison de sa chétive personne. Action qui bien qu’involontaire aurait pu être lourde de conséquences. Comme ressentant mon trouble en son être, la demoiselle joignit les mains sur son ventre, endroit exact où bouillonnaient mes émotions contradictoires, et certainement dans la noble intention de dissiper l’étrange atmosphère qui commençait à s’installer, prit le pas de se présenter. Acte qu’elle accomplit avec une extrême dignité, et… Un peu trop de fioritures à mon goût. Je me perdis dans cet entrelacs de noms plus compliqués les uns que les autres, tous m’étant, d’ailleurs, absolument inconnus.

(Retiens juste qu’elle s’appelle Miriel, ça suffira, ma grande.)
(Bien. J’espère qu’elle ne s’en formalisera pas.)

D’un acquiescement silencieux, je répondis à son invitation à « prendre place ».

(Enfin, elle n’a pas trop le choix, en même temps… A moins de me mettre dehors par la force, ce qui serait une solution à l’issue bien hasardeuse.)

Reconnaissante, donc, je m’approchai du banc, mais, méfiante, restai à distance respectueuse du petit… Garçon ? Il me semblait étrange de lui attribuer pareil qualificatif… Je m’appuyai donc contre le mur et tendis ma jambe encore douloureuse. Tlopin, craignant sans doute que nous ne l’ayons pas bien entendu la première fois, réitéra sa présentation, faisant jouer ce compagnon universel des enfants : une peluche. Je me risquai à faire un petit signe de la main en réponse au mouvement du bras du jouet, redoutant encore quelque éclat de ce gamin ; mais il se contenta de tendre l’animal de tissu à la Mimjuli… Milijolie… A Miriel.

(Y’a pas, ce nom est juste imprononçable.)

Cette petite personne était la clef de voûte, le lien entre ces gens. Elle était discrète et pourtant possédait une présence d’une autorité indéniable. Il n’y avait qu’à voir la façon dont elle détaillait les blessures de l’Homme-Loup, qui, sous l’œil inquisiteur, semblait tellement gêné qu’il avait même amorcé un mouvement du bras pour dissimuler ses meurtrissures. Et pourquoi ? Dans ma tribu, il était coutume d’exhiber fièrement les marques que nous avaient faites l’ennemi : plus nombreuses et variées étaient-elles, plus elles témoignaient de la difficulté du combat et de la valeur du guerrier triomphant. Je ne savais pas d’où venait ce Gardien, mais je doutais fort que son mode de vie ait été très éloigné du mien. A moins que… Qu’à l’instar de ces humains, il ait fini par considérer ces traces résiduelles de l’ardeur d’une confrontation comme des défauts esthétiques ? Non, je ne pouvais me résoudre à croire que l’on puisse renier son éducation. Cela devait sûrement avoir à voir avec son rôle de Protecteur et ses liens avec… Elle.

(Tu as raison : évoque son nom le moins possible, tu as moins de chances de te tromper.)

Alors que l’éclat métallique de ses yeux semblait promettre un sermon, et que le ton de sa voix ne démentait pas cette intention, elle me déstabilisa en renouvelant son invitation à s’asseoir, et en prenant elle-même place à côté de la chétive créature. Un peu rassurée par sa présence, espérant qu’elle saurait le contenir, je me laissai doucement glisser sur le banc et, avec un soupir de soulagement, imitai les va-et-vient délicats de Miriel en suivant le tracé enchevêtré de mes cicatrices ; les effleurer du bout des doigts leur apportai une fraîcheur bienvenue et me provoquai de délicieux frissons. Je décidai de n’écouter que d’une oreille distraite le récit de la jeune femme ; après tout, même si ce n’avait pas été intentionnel, elle m’avait mise à l’écart par le simple fait de mentionner que…

« Je vais te raconter, Larc. »


Et finalement, peut-être était-ce aussi bien. J’appuyai ma tête contre la dure paroi et fermai les yeux. Je ne les connaissais pas, seule ma curiosité avait été source de cette rencontre. Sitôt que le ciel aurait fini de déverser ces trombes d’eau qui crépitaient encore contre les panneaux de bois, chacun reprendrait son chemin. Je reprendrai mon chemin, puisque eux se connaissaient déjà, il me semblait évident qu’ils devaient voyager dans la même direction. Et que cette direction n’était pas la mienne. Moi, je devais me perfectionner, m’ouvrir au monde… Et comment, ça, je n’en avais encore pas la moindre première idée. Quitter la ville me semblait être un bon point de départ. Oui, mais pour où ? Et je ne tenais pas à trop m’éloigner, j’avais besoin des conseils que Rui pourrait me prodiguer. Et Eleanor, qu’était-elle devenue ?
J’ouvris les yeux, et mon regard se porta à nouveau sur le malingre Tlopin, qui tapotait, en un geste de consolation, le sommet du crâne de Miriel. La scène m’arracha un sourire. Je ne pouvais m’empêcher d’être attendrie par ce curieux gamin… Il me faisait par trop penser à ma petite. Pas encore entré dans l’âge adulte, mais pourtant ayant tout compris à leur monde. Mais est-ce que ma pétillante Lili serait capable de survivre seule dans ce monde ? Certes, elle avait déjà quelque expérience de la noirceur humaine, leçon généreusement donnée par son indigne de mère… Mais l’étais-je moins, moi, indigne, de l’avoir laissé disparaître ? Je revis sa petite frimousse levée vers moi. Elle m’avait demandé de lui faire confiance… Chose que j’avais faite. Elle m’avait dit qu’elle rejoignait quelqu’un, et qu’Elle prendrait soin d’elle… Si cette « Elle » ressemblait ne serait-ce qu’un tant soit peu à la douce Miriel, il fallait que je cesse de me faire du mauvais sang.

Je me rendis compte alors que la délicate jeune femme avait fini son récit et me glissais un regard embarrassé. Pourquoi ? Je n’allais pas porter de jugement sur ce qu’elle venait de nous raconter, déjà parce que je n’y avais pas concentré toute mon attention, et ensuite parce que je savais rester à ma place. Et je ne voyais pas ce qu’il y avait à critiquer, de toute manière. Hésitante, elle semblait peser le pour et le contre quant à continuer son histoire en ma présence. Un regard à son Gardien, qui pourtant ne bougea pas d’un poil, sembla la décider. Alors qu’elle reprenait, je détaillai les occupants du petit cabanon. Les rôles semblaient clairement établis, qui protégeait qui… Alors qu’en fait, ce n’était pas si évident.

(Que… Quoi !?)

Je n’en croyais pas mes oreilles. Dire que je fus étonnée de la révélation qu’elle nous fit aurait été un euphémisme, mais, à l’instar de l’Homme-Loup, je tentai de n’en rien laisser paraître. Elle, frapper ? Non, c’était impossible. Surtout avec sa carrure, rien moins que risible ! Mais, bien que sonnée, mes réflexes étaient toujours aussi affûtés. Heureusement, d’ailleurs ! Alors que le lutin singeait, avec force cabrioles mal contrôlées, la gifle magistrale, il manqua de se flanquer par terre ; sans que j’aie à y penser, mon bras se tendit et je le saisis par le poignet, interrompant par là sa chute. Je craignis, un instant, d’avoir mal dosé ma force et de lui avoir fait mal, mais, s’il avait lâché le précieux béret, ce n’était apparemment que sous le coup de la surprise. Doucement, pour prévenir tout autre excès, je le ramenai à s’asseoir. Docile, il se laissa faire, pendant que Miriel lui donnait à nouveau mon pauvre couvre-chef bien mal en point, tout en tentant de se justifier. Je contins un soupir.

(S’attaquer à un adversaire qui n’est pas de sa taille… Ça ne te rappelle personne ?)

Je me renfrognai. Que si, cela me parlait, et comment ! Mais je ne comprenais pas pourquoi elle, apparemment engoncée dans les contraintes de la noblesse, en était arrivée là. Moi, j’étais habituée à vivre dans un univers hostile, bien différent du climat dans lequel elle évoluait, bien qu’il lui apparaisse aussi néfaste. J’eus envie de la prendre par les épaules et de la secouer, lui hurler de ne pas faire les même erreurs que moi, de s’aguerrir avant de chercher l’affrontement, de ne pas s’exposer ainsi ! Mais elle l’avait fait pour une juste cause… Et qui étais-je pour renier cet état d’esprit, ou même pour lui prodiguer des conseils ? Je ne pus m’empêcher de foudroyer du regard son garde du corps. Mais qui était-il, pour ne pas lui avoir enseigné les rudiments de la défense ? Quand j’étais en charge des petits, c’était une des premières choses que je leur apprenais ! On ne peut toujours être derrière eux à les protéger, et il suffit d’un instant pour que l’irréparable se produise, alors il fallait tout du moins qu’ils sachent tenir le temps que leurs aînés arrivent à la rescousse ! Je serrai les lèvres pour éviter qu’une parole malencontreuse ne m’échappe et relevai la tête, pour croiser des yeux d’un bleu aussi intense que les miens, bien que d’une nuance différente. Elle me souriait ! Tout énervement s’envola aussitôt, et je compris, oui, pourquoi Larc semblait prêt à tout pour elle. J’aurais donné beaucoup pour souvent pouvoir contempler telle expression, et pour la protéger de la sale réalité. Elle me faisait l’effet d’être une enfant aussi innocente qu’Eleanor, finalement…

« Que vas-tu faire maintenant ? »

La rude voix du Guerrier me ramena à la réalité. Il était décidément ancré dans le concret, et, n’eût été la flamme dansant dans son regard alors qu’il portait les yeux sur sa protégée, on aurait pu croire que le récit l’avait laissé de glace. Je me mis à réfléchir à toute allure.

(La question ne s’adresse pas à toi.)

(Qu’importe.)

Délassée, je me levai, m’étirai, m’écartelai, presque, tellement j’y mis d’ardeur. Je pris conscience d'autres sensations inconfortables. La plus irritante tenait au fait que l'eau s'était insinuée sous ma fourrure, désagréable ressenti que je me hâtai de faire disparaître à grand renfort de frictions vigoureuses. Et je pris la parole.

« Si je peux donner mon avis… » (Quoi qu’il en soit, il est trop tard pour m’en empêcher.) « Comment vous allez rentrer au château ? Avez-vous d’autres affaires ? Je doute qu’on vous laisse passer avec un tel accoutrement ! Il vous faudrait des changes, ou alors, faire diversion ; même si Tlopin semble expert en la matière, je peux vous offrir mon aide, pour quelque temps. » Avec un haussement d’épaules désinvolte, j’ajoutai : « De toute manière, je n’ai rien d’autre à faire, pour le moment. Par contre, si vous déclinez mon invitation, j’aimerai récupérer mon béret… C’est un souvenir d’une personne qui m’est très chère. »

Le sang courait à nouveau dans mes veines. L’odeur de la terre mouillée était vivifiante, l’air frais et parfumé… Tout poussait à l’action ! Aussi me dirigeai-je d’un pas décidé vers la porte, que je fis coulisser. Le vent s’engouffra, me battit les narines. Je m’appuyai négligemment au chambranle, croisai les bras et, pointant le menton en une attitude de défi, lançai:

« Alors, vous décidez quoi ? »

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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Jeu 31 Déc 2009 19:08 
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Après une déambulation dans la moitié de la ville, Milanne n’arrivait toujours pas à le croire. Elle tenait les deux titres de propriété, jubilant comme une enfant.

« Quand papa apprendre ça, il sera si content ! Rho, et tu as vu sa tête à l’autre quand tu lui as soufflé la transaction sous le nez ? »

Ravi de la voir aussi heureuse, je me contentais de sourire et d’avancer. Au bout d’un moment, nous tombions sur un parc en pleine ville, un petit paradis de verdure qui avait l’air paradisiaque.

« Tiens, ici, on sera au calme pour s’entrainer un peu. Tu ne pense pas ? »

« Ah oui, c’est vrai le sort… Bon, d’accord ! »

Elle n’était pas ravie d’étudier un sort, mais elle était si contente qu’elle ne pouvait pas vraiment me refuser ça. Passant des portillons, nous entrions dans le jardin, suivant un sentier de gravillons. Le tumulte de la ville se taisait un peu plus à chacun de nos pas et la paix des lieux nous envahissait. C’est alors qu’il se passa quelque chose d’incongru. Du ciel couvert descendirent des doux flocons, léger comme des plumes. Les fines pellicules de neiges virevoltaient dans les airs au gré du vent, devenant de plus nombreux. La neige se densifiait et les pelouses vertes se couvraient d’un blanc immaculé. Emerveillés, comme deux enfants, nous nous mîmes à courir, imprimant nos pas dans le nouveau paysage laitier, avant de se jeter dans le moelleux de la neige. Battant des bras et des jambes, nous offrions des formes gracieuses d’ange à l’étendue blanche. C’était un moment de pure innocence, interrompue alors par un drôle de personnage. Un sinari tout vêtu de rouge descendait d’un traineau avec une hotte de bois tressé sur le dos. Il la posa à coté d’un sapin gigantesque et commença à en sortir des petits paquets recouvert de parchemin coloré. Nous voyant, il courut vers nous.

« Joyeux Noël mes enfants ! »

« Euh, quoi ? Qui êtes-vous ? »

« Ce sont des questions pour lesquelles je n’ai pas le temps de m’arrêter et dont les réponses valent mille fois mieux lorsque le mystère les entourent. »

« Mais que voulez vous ? »

« Moi, je veux juste le bonheur des autres. Et j’ai deux petits bonheurs pour vous ! »

Fouillant dans sa hotte, il sortit un sachet emballé dans une toile de velours rouge et une boite dans un parchemin bleu nuit avec une bande de soie rouge l’entourant et se concluant en un nœud travaillé, nous les tendant par la suite.

« Voilà vos cadeaux. Pour vos bonnes actions de l’année. Passez d’heureux moments ! »

Sans un mot de plus, il s’éloigna, nous laissant interloqués. Puis montant sur son traineau, il hua ses rennes et fit claquer ses rênes pour les lancer. Alors que les bestiaux couraient, ils se mirent à léviter, portant le traineau loin dans le ciel.

« Par quel miracle de Rana peut-il faire ça ? »

« Je ne sais pas, mais ouvre ton paquet ! »

Me tournant vers Milanne, je découvris qu’elle avait déjà retiré le velours de son sachet, dévoilé ainsi un pot d’engrais qui étincelle étrangement. Avide de savoir, le cœur battant, je déchire rapidement le parchemin cachant la boite.

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* Lillith, humain, Aurion et Cryomancien nv23 *
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 Sujet du message: Re: Parc "La bise d'Ynorie"
MessagePosté: Sam 16 Jan 2010 14:21 
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Toujours à genoux, les mains tendues, j’attends. Inutilement en fait, puisque sans se préoccuper de ma demande pourtant claire bien que non formulée, ce grand lutin laisse tomber les restes de mes souliers à nos pieds. Puis, son bras sous mes épaules, il me soulève et m’aide à me tenir debout. Perplexe, je le regarde droit dans les yeux, essayant de comprendre ce qui se mijote dans cette vénérable tête grise. Ne voulant pas faire la capricieuse, je ne pipe mot : Gwerz Porsal a encore une fois risqué sa vie pour me venir en aide, je vais donc faire ce qu’il me demande sans rouspéter même si pour cela je dois me déplacer pieds nus, enfin en chaussettes, mais c’est du pareil au même puisqu’après avoir parcouru quelques mètres, il ne restera plus rien des jolis bas verts que ma grand-mère m’a affectueusement tricotés. C'est ainsi que je guette nerveusement un signal de départ de la part de Gwerz; il n’y a pas de temps à perdre, il faut déguerpir avant que notre féroce assaillant retrouve son équilibre et reprenne le combat.

(Trop tard !)

Effectivement, à force de tortillements et de coups de pattes sur le sol, l’affreuse bête réussit à se relever. Retenant mon souffle de peur que le bruit de ma respiration suffise pour alerter la cruelle bestiole lui permettant ainsi de se ruer vers nous, je ne cesse de l’épier guettant le moindre petit mouvement de sa part dans notre direction, ce qui me fournirait le prétexte idéal pour prendre la poudre d’escampette. Elle semble sonder les environs sans se préoccuper de nous, ce qui me semble étrange, à moins qu’elle ne puisse nous apercevoir. En effet, je n’ai remarqué aucun œil ou quelconque organe pouvant jouer ce rôle sur cet insecte cramoisi à l’hideuse chevelure blonde. Quoi qu’il en soit, bien que d’ordinaire curieuse, cette fois je me désintéresse complètement des attributs de cette bestiole particulièrement imposante.

« Ouf ! »

C’est avec un intense soulagement que je l’observe se lancer tête première dans le sable mou en se remuant la carcasse et ses six membres jusqu’à ce qu’il ne reste d’elle qu’un douloureux souvenir. Enfouie ainsi, elle attaquera sans doute le prochain innocent qui marchera à proximité laissant par contre malgré elle un indice de sa présence : l’extrémité du manche de mon vieux trident rouillé. Certes, je m’étais un peu attachée à cet outil, mais pas au point de risquer ma vie et encore moins celle de M. Porsal pour le récupérer.
Pendant que je fixe sans raison le petit monticule de sable, j’entends mon protecteur émettre une espèce de chuintement. Intriguée par ce petit bruit insolite, je me retourne vivement vers lui, juste à temps en fait pour apercevoir le vieux lutin retirer deux doigts de sa bouche. C’est donc avec son pouce et son index qu’il a produit ce faible son.

(Mais dans quel but ?)

Avant que je n’aie le temps de le questionner, sa main gauche déjà sous mes épaules, sans crier gare, il place sa main libre sous mes cuisses évitant soigneusement de toucher ou même d’effleurer mes chevilles blessées et après un mouvement souple de sa part, je me retrouve dans ses bras. Quoique surprise, je n’oppose aucune résistance. De sa voix éraillée qui me rappelle celle de mon cher grand-père, il tente de me réconforter en m’annonçant l’arrivée imminente de Cheshire.
Pauvre vieux ! Ce combat trop dur pour un adulte de son âge l’a complètement épuisé et lui a fait perdre tout jugement. Comment peut-il espérer appeler son compagnon avec ce sifflement bizarre à peine audible pour quiconque se trouve à proximité ? Ne voulant pas le contrarier, et ayant trop de respect et de dettes envers lui pour me permettre de le critiquer, je me tais à nouveau profitant de ces quelques instants ainsi juchée pour reposer mes pieds. Dès que je me sentirai mieux, j’essaierai de marcher et nous pourrons partir d’ici.

« Tu te sens comment ? »

Je l’observe un moment avant de lui répondre. Dans ses yeux, je crois déceler le même regard protecteur que celui qui luit dans ceux de mon père. J’apprécie sa sollicitude et j’essaie de le montrer en lui esquissant un sourire timide.
À présent que le combat est terminé, la douleur à mes chevilles se fait plus dérangeante et gênante ou du moins j’en ai plus conscience. Un bref regard à celles-ci me suffit pour remarquer qu’elles sont considérablement enflées. Et encore une fois, les larmes menacent de s’écouler sur mes joues, mais je les retiens : je dois être forte, je suis presqu’une adulte et non pas une petite fillette gâtée.

« Je ressens encore un peu de douleur. »

Prenant un air moins penaud, plus fier, je rajoute voulant le rassurer à mon tour :

« Mais ne vous en faites pas pour moi, je suis une Roquin ! Je pleure beaucoup, mais je suis dure au mal comme le dit si bien ma grand-maman.»

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Guasina, protectrice d'âme


Dernière édition par Guasina le Ven 5 Fév 2010 00:39, édité 3 fois.

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