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 Sujet du message: Route entre Bouhen et les duchés des montagnes
MessagePosté: Mer 23 Sep 2009 18:58 
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Route entre Bouhen et les duchés des montagnes


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Description du voyage à pied et/ou cheval :

La première partie du trajet est accidentée. La progression y est lente et difficile mais, une fois les premiers villages atteints, les chemins redeviennent carrossables. Prudence tout de même, les pentes peuvent être glissantes. Vous commencerez ensuite à rencontrer de plus en plus d'arbres, jusqu'à tomber sur une dense forêt de feuillus.

Et puis, une fois la plaine rejointe, vous pourrez vous lancer dans un galop effréné, ou marcher à votre guise sans devoir constamment surveiller la moindre pierre qui roule, tout en longeant le fleuve qui mène un peu au nord de Bouhen. Bien sûr, la route se séparera donc de ce fleuve pour prendre plus vers le sud en direction de la ville que vous souhaitez sans doute rejoindre.

Vous arriverez donc enfin aux portes, après un plus ou moins long trajet, et aurez également l'occasion de vous ravitailler en armes et en équipement dans les boutiques de la cité.

Durée du trajet à pied ou sur monture sur le continent de Nirtim

Basez vous sur les cartes et présentations décrites dans les 4 continents de Yuimen

(Postez vos RP de voyages ici )

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Chibi-Gm, à votre service !


La règle à lire pour bien débuter : c'est ICI !
Pour toutes questions: C'est ici !
Pour vos demandes d'interventions GMiques ponctuelles et jets de dés : Ici !
Pour vos demandes de corrections : C'est là !
Joueurs cherchant joueurs pour RP ensemble : Contactez vous ici !


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 Sujet du message: Re: Route entre Bouhen et les duchés des montagnes
MessagePosté: Mer 23 Sep 2009 22:27 
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<Part 6 :A l'Ermitage (3 posts)>
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Chap 2: Appréhension:

Part 1: Vers les Duchés (3 posts)

Nous avons rejoint la route qui se dirigeait vers les Duchés. Golrim roupille toujours derrière moi; l’effet du sort ne s’est pas encore dissipé. Je l’avais encordé au cheval pour éviter qu’il tombe durant la course. Le merveilleux destrier continue de galoper à vive allure sans aucun signe de fatigue. J’entends le bruit de ses sabots claudiquant sur le sol plat et sableux. Il galope, galope, le soleil nous abandonne peu à peu. Je ne vois aucune âme qui vive sur le chemin. (Pourtant, on m’avait dit que c’était fréquenté!)

Après quelques heures de course, la bête est à bout de force. Elle halète, un filament de bave sort de sa gueule. Je sens une émanation fétide qui m'irrite les narines. (Pouah! C'est quoi qui pue!) Soit c'est le cheval qui transpire un peu trop ou soit c'est le nain. J'espère que ce n'est pas lui. Le mystère me reste entier.

La nuit est tombée. Le ciel est dégagé, les constellations se dessinent. Le cheval s'immobilise, épuiser et suant. J'essaye de le faire avancer en donnant des coups de talons mais il refuse. Il fait sa tête de mule. J'en descends et madame la fatigue m'avait aussi attrapé comme un poisson dans le filet d'un pêcheur.
(Argh! Les courbatures, elles sont arrivées aussi!)

Je m'écarte de la route pour s'approcher d'un bosquet. J'attache le destrier autour d'un arbre pour éviter qu'il s'enfuit et que je me le fasse voler par des voleurs de bas étage. Je détache Golrim du cheval, mais il tombe en dégringolant. Ce qui le réveille brutalement, il s'étire et gueule en se soulageant le dos.
(Quelle douillet, franchement.)

« Hé! Mais qu'est-ce qu'il se passe?"


Il fouille ses poches. Il ouvre sa bourse et recompte les quelques pièces qui tombent dans le creux de sa main.

« Ah! Vous êtes enfin réveillé. Je n'ai rien pris.

-Mouais, mouais! Pourquoi je dormais ?

-C'est dû à un sortilège, c'est quand on est entré dans l'Ermitage.

-Saloperie de magie et en plus il fait sombre. Où sommes-nous maintenant?

-Nous sommes proches de la région des duchés, on verra ça demain. »

Il range sa bourse sous sa cotte de maille. On s'installe sous le grand arbre qui était à côté de la route où le cheval était attaché. Golrim part en s'enfonçant dans la nuit. Quelques minutes plus tard, il revient charger de bois mort dans ses bras vigoureux. Il le pose à l'intérieur du cercle de pierre que j'avais fait durant son escapade. Je l'allume, le feu met le temps à cause de l'humidité du fagot que le nain avait rapporté. Puis, il prend enfin et une vague de chaleur se dégage de la flamme vive crépitante de joie. Elle vient se répercuter sur nos âmes frémissantes dans la froideur de la nuit."

Golrim, s'assoit, pose son équipement dans l'herbe fraîche (poignard, casque) à l'exception de sa hache dont il ne se séparait jamais. Je lui demande s'il veut venir avec moi pour trouver de quoi manger. Le nain ne répond aucun mot, fixe le feu activement, prend dans sa besace, une étrange plante séchée. Il la fourre dans sa bouche, et la chique.(J'espère que sa barbe va flamber, ça serait rigolo!)

Je pars seul à la chasse dans l'espoir de ne pas revenir bredouille . Grâce au sang elfe qui coulait dans mes veine, je vois comme en plein jour éclairait par la blancheur solennelle de la pleine lune. Je me fraye un petit passage parmi les broussailles nous entourant. Je dois passer par des ronces qui m'égratignèrent profondément les avant-bras. Je parcours quelques mètres. J'entends un peu plus loin, de l'eau qui ruisselle. Je vais dans la direction du court d'eau. Je savais d'expérience qu'à un point d'eau; je pouvais avoir plus de chance de choper des animaux car ils étaient attirés par l'eau comme les mouches avec le miel.

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 Sujet du message: Re: Route entre Bouhen et les duchés des montagnes
MessagePosté: Mer 23 Sep 2009 22:31 
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J'arrive devant un ruisseau d'où l'eau provenait d'une petite cascade. Elle scintille au clair de lune; je vois une petite ombre qui bouge; elle s'abreuve. Je reconnais la bestiole, le poil bleu et soyeux, c'est un bouloum. Je m'approche discrètement par derrière, la créature est toujours en train de boire.
(Ça va être du gâteau, il faut être seulement rapide!)

Je me rapproche de plus en plus vite. Je sens en moi, mon cœur palpitant, mon sang s'accélérant.(C'est le moment!) Et tout d'un coup, je bondis sur ma victime. Elle tourne la tête et pousse un cri, je la capture.

Elle gigote dans mes mains. Je la prends par la gorge, je ressens sa peur. Je resserre ma prise autour de son cou et d'un geste vif, je lui brise la nuque. La mort est rapide et sans douleur. Le corps sans vie, je l'accroche à ma ceinture. Avant de retourner au bivouac, je m'avance près de l'eau pour remplir ma gourde. Je m'agenouille pour faire le plein. Puis à un moment, je sens un halètement rauque sur ma nuque. Je vois un reflet sombre miroitant dans l'eau. Je me retourne doucement et je vois une bête de taille moyenne, le pelage foncé. C'est un loup solitaire, ses yeux d'une couleur d'ébène fixent ma proie pendouillant dans le vide.
(On ne me laisse jamais tranquille!)

Je me fige comme une statue. Les yeux de la bête commencent à me dévisager comme si elle cherche à m'analyser. Je sais que dans cette situation; cela pouvait dégénérer en un tour de main. Je suis mal parti. Le loup se met à tourner autour de moi en me reniflant de bas en haut. Je me mets à le fixer dans le blanc de ses yeux.

Des frissons me parcourent le dos. Je prends conscience que je dois contrôler ma respiration pour éviter que la bête sente ma nervosité. Sinon, elle pourrait me sauter à la gorge sans n'avoir fait aucun geste.
(Je n’ai pas envie de crever comme ça!)

Je commence à faire le vide dans ma tête et à ralentir ma respiration. Je reprends peu à peu la possession de mon corps et mon sang recommence à couler lentement dans mes veines; mes doigts se mirent bouger à nouveau. Je continue à regarder le loup. Comme je suis encore à genoux; je sens l’haleine à la fois chaude et nauséabonde de la bête. Ma main descend délicatement vers le fourreau de mon épée; mais je dois me relever pour la sortir parfaitement. Le loup s'immobilise et fit un bond en arrière; je stoppe mon mouvement.

Il pivote la tête en épiant les alentours. Je reprends mon geste. Profitant de cette occasion, je me relève en dégainant mon épée elfique de son étui. Ma lame brillante dans la clarté de la lune fait le prolongement meurtrier de mon bras. Le loup remontre sa gueule, retrousse les babines, le poil dressé, les oreilles à l’affût, la queue en hauteur et droite, les yeux injectés d’une fureur que je n’avais pas remarqué.
(Tu ne m’auras pas comme ça.)

Je ne vais pas lui facilité la tâche et si je dois mourir que ça soit en combattant de toutes mes forces. Je tends mon épée vers le bas de ma cape. Je le salue avec respect comme si c'était un adversaire durant un duel. Je m'écarte sur le côté, le loup s'agite à son tour. On s'observe durant quelques secondes. En un moment, il se bloque brusquement; les pattes arrières écartées et tendues. Tout d'un coup, il saute la gueule ouverte sur moi. Je vois sa mâchoire et sa belle rangée de dents d'un plus près et sens un léger vrombissement de l'air dans mes cheveux. Grâce à un bon vieux réflexe, je l'esquive en faisant une roulade sur mon flanc gauche.
(Saloperie de clebs!)

Durant le feu de l'action, je perds mon arme en s'incrustant dans la terre. Elle se retrouve environ à un mètre de ma position. Le loup me voit à nouveau agenouillé et examine mon épée en faisant un cercle autour d'elle. Par mon regard, il comprend que j'en avais besoin.
La bête se met à travers et recommence son mouvement. Je me relève avec vivacité, n'esquivant pas son coup cette fois-ci, je décide de faire face. Elle est accueillie par la percussion produit par ma botte dans son crâne. J'entends un petit craquement provenant peut-être de l'impact sur la tête du loup.
(Aie aie! Mon orteil, j’espère que ça lui a remis les idées en place!)

Cette manœuvre repousse temporairement le danger présent. Déboussolé et la vision brouillé, le canidé recule en déséquilibre sur ses propres pattes en gémissant de petits cris. Pendant ce laps de temps d'accalmie, le loup étant désorienter; il m'ouvre involontairement le passage vers mon arme. Je profite de l'occasion pour m'approcher discrètement de mon épée. Je la prends en main, des grains de poussière tombent de la poignée dorée de la lame.

Puis, en secouant sa gueule de cabochard, des gouttes de sang mélangé à de la salive s'échappe d'entre ses crocs acérés, le loup reprend ses esprits et se retourne en face de moi. Je mets mon épée en garde et je penche sa lame vers la lumière produit par l'astre lunaire. Me permettant de la focaliser en un point lumineux sur son flanc. Après quelques secondes de manipulation, je la projette en direction des yeux du loup; ce qui l'aveugla provisoirement. Cette fois-ci, je l'attaque en premier, mon épée ouvrant la voie. Dans ma précipitation, je ne vois pas où je vise; je discerne dans mon bras une vibration dûe au contact de la lame qui est en train de taillader la chair du canidé.

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 Sujet du message: Re: Route entre Bouhen et les duchés des montagnes
MessagePosté: Mer 23 Sep 2009 22:43 
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Après, je me retrouve derrière le canidé sauvage. Je me retourne pour voir la scène; tout ce qui en résulte c'est que j'avais blessé les deux genoux antérieurs du loup. Il tombe à terre, immobile par ses plaies entrouvertes. Je m'approche du loup, une flaque visqueuse et rouge se forme autour de la bête. Prudemment, je m'agenouille et je l'examinai de haut en bas; en regardant dans ses yeux, je ne vois plus la rage, mais plutôt de la souffrance. Comme, j'appartiens aux Ermites de Yuimen; je ne peux pas le laisser souffrir plus longtemps sinon j'aurais dérogé aux règles. Je prends ma lame ensanglanté, juxtaposant la pointe aiguisée sur le cou du loup.

Il ferme les yeux, une larme coule inconsciemment le long de ma joue; c'est la première fois que je ressens ça. Je ne peux pas décrire ce sentiment: soit c'est de la pitié ou soit c'est de la compassion. Regardant la lune, je prie Sithi durant un instant. Tout d'un coup, je plante de toutes mes forces la pointe de mon épée; elle traverse la moelle épinière de l'animal jusqu'à qu'elle ressorte par la gorge de l'animal agonisant. (Je suis désolé, c'est fini. Encore! du sang sur mes mains, ça ne finira donc jamais!)

Essuyant et rangeant mon épée, je me lève et repars en direction du bivouac, laissant le cadavre du loup par terre. Après quelques minutes, j'y arrive et Golrim toujours en train de regarder le feu que j'ai surpris par ma présence. Il se retourne et voit la créature à ma ceinture. Je la décroche et l'embroche sur un pieu que le nain avait taillé durant mon absence. Je la mets rôtir sur le feu. Nous nous régalons avec cette viande délicieuse.

(Quelle bonne viande! Il ne manque plus que la bière et quelques filles pour compléter tout cela.)

Je pars me coucher en espérant faire de bons rêves. La nuit passe sans embûche malgré les ronflements du nain. Je me réveille tôt à cause des piaillements des oiseaux qui sont dans le grand arbre. Le cheval se réveille à son tour et broute toute l'herbe qui l'entoure. Golrim se lève en maudissant les oiseaux, ouvre sa gourde, renifle l'intérieur et la vide d'une seule gorgée. Je commence à lui tailler la bavette.

« Bonjour, maître nain, si vous cherchez de l'eau pour la remplir ou pour d'autres trucs; il y a un ruisseau dans les environs.

-Merci, vous aussi »

Je lui montre la direction avec un signe de la tête. Il part et disparaît avec tout son équipement qu'il a remis en toute vitesse. Il revient plus tard; pendant que j'engouffrai des fruits de bois que j'avais trouvé dans les buissons d'à côté pour le déjeuner. Je lui donne le reste et part à mon tour pour aller me laver. Je reviens un moment plus tard, le feu est éteint, le cheval est détaché et le nain dessus. Je reprends mon barda et monte sur le destrier.
(Enfin! il sert à quelque chose lui.)

Durant ma croisade contre la saleté, j’avais découvert au fond de mes poches, le papier que j’avais reçu de Saraki. Avant qu’on reparte, je le lis. Il dit :


Lettre de Nidrim, Ermite de Yuimen
pour les Duchés

Bonsoir à tous,
J’écris en toute hâte pour vous prévenir d’un danger potentiel
Il se situerait dans le village d’Akinos dans les Duchés ;
des informations inquiétantes me sont arrivés à mes oreilles.

D’après, certains rapports que me confia un informateur que
j’avais dans les autorités locales. Ils concernèrent des étrangers
qui rôdaient durant la nuit près du Temple de Yuimen. Pour
vérifier mes soupçons. J’y suis allé la nuit dernière pour constater
ses dires.

Je m’étais caché; mais après quelques minutes, je vis des ombres
approchaient. Elles étaient encapuchonnées avec des robes noires.
Je les reconnus; c’était des membres du clergé de Thimoros qui
entrèrent dans le Temple de Yuimen.

Dans le village, il y a déjà trois personnes qui ont disparus cette nuit-là.
Maintenant, j’ai peur qu’ils m’aient repérés. Je ne sais plus quoi faire.
Je vous en prie. Envoyez-moi quelqu’un pour voir ce qu’il en est.
Cordialement, Nidrim


Après avoir lu la lettre, je comprends qu'on doit aller vers le village d'Akinos pour la mission. Je claque les rênes; le cheval s'élance vers l'horizon. Nous parcourons des kilomètres, des kilomètres. Le temps change à la longue, il se met à faire un peu plus gris. Nous rencontrons quelques voyageurs sur la route. Je m'approche d'un vieillard qui boite et lui demande.

« Holà, grand-père, connaissez-vous le chemin pour aller vers le village d'Akinos ?

-Comment ? »

(Oh non ! il est sourd comme un pot)

Je lui redemandai en élevant la voix.

« LE CHEMIN POUR AKINOS?

-Pas besoin de gueuler. Ah! Je vous jure la jeunesse, plus aucun respect. Akinos c'est ça ?

-Ouais, c'est ça.

-Encore cents mètres tout droit, jusqu'à que vous arriviez face à une pente rocailleuse. Puis, vous le prenez et vous arriverez devant le village. Attention! Le chemin que vous devriez emprunter est escarpé et particulièrement sujet à quelques éboulis.

-T'inquiète, merci, au revoir. »

Nous lui faisons signe de la main et nous sommes repartis. Nous sillonnons les cents mètres. J'aperçois des mots encastrés dans la roche effritée " AKINOS : 500 mètres". Nous prenons la pente qui est tellement escarpée que des pierres tombent à chaque pas que nous faisons. Nous descendons du cheval. Golrim ouvre la voie et sourit gaiement; il se retrouve dans son élément naturel préféré. J'attrape le destrier par les rênes et le tire par le harnais.

Plus nous montons en altitude, plus l'air se raréfie et se refroidie. En scrutant le paysage tout en marchant; j'observe les olympiennes montagnes communiants avec le ciel blanc des Duchés. En bas, je distingue des vallées peu profondes où se trouve des terres qui étaient travaillées par l'homme. Subséquemment, le soleil se dérobe en notre présence; nous arrivons à bout de souffle devant le village en hauteur. Nous arrivons vers une porte dégradée.

>Part 2: Entrevu mystérieuse (2 posts)<

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 Sujet du message: Re: Route entre Bouhen et les duchés des montagnes
MessagePosté: Mer 30 Mar 2011 18:55 
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Une fine averse s'était mise à tomber, les feuilles des arbres crépitant doucement tandis que l'odeur si particulière de la pluie embaumait l'air. Tisis avançait sur Caelia, la pression de l'épreuve de Lydia retombant peu à peu. Elle se sentait faible et fragile, repensant à son amie, qu'elle avait visée de son arc. Sur le moment elle avait réussi à se détacher, mais à présent elle imaginait à quel point les choses auraient pu mal tourner. Si la flèche avait été déviée, si ses mains avaient tremblé, si n'importe quoi était arrivé elle l'aurait tuée. Cela la glaçait jusqu'aux os.

Par moment son regard se posait sur Millana, qui était à quelques pas devant elle. Son épaule était en écharpe, la jeune servante poussant parfois des petits gémissements quand la monture se faisait moins stable l'espace d'un instant. Aucun reproche n'avait été adressé à Tisis, c'était d'ailleurs cela le plus difficile: elle se sentait coupable, mais on lui avait pardonné tellement rapidement qu'elle avait du mal à l'accepter. C'eut été plus facile que Millana lui hurle toute sa haine et sa rage, mais au contraire elle était restée extrêmement calme, ne se plaignant pas un instant.

L'atmosphère était morose, la troupe s'éloignant des terres sombres de Keresztur en silence. Le cœur serré, Tisis n'en montrait rien, avançant comme si de rien n'était. Elle savait déjà comment elle allait s'y prendre une fois dans le domaine ducal: elle passerait par le passage secret qui donnait dans le moulin, s'étant préalablement habillée de manière moins voyante. Il lui faudrait être discrète et rapide, tout comme les assassins de la baronne. Ensuite seulement, elle devrait plonger sa lame dans le corps d'Anatole, son propre frère. L'idée la révulsait, elle qui n'avait jamais enlevé une seule vie de sa main.

Mais ce serait à elle de donner le coup de grâce, à personne d'autre. Elle doutait à présent que ce soit son père qui se soit présenté à elle, lors des premières nuits qu'elle avait passées dans la baronnie. Mais peu importait, il lui faudrait lui arracher la vie, pour le bien du duché. Que Anatole soit coupable de ce crime, ou simplement victime, il ne pouvait devenir duc sous la coupe de Tristan. Elle ne pouvait faire marche arrière, le poids de cette lourde responsabilité l'oppressant.

Elle aurait aimé lancer son cheval au galop sur les routes sinueuses, sentant le vent et la pluie contre son visage, se libérant dans un cri sauvage. Même cela elle ne le pouvait pas. Elle pouvait simplement contempler Millana et les hommes d'armes, tous complices de la tragédie à venir. Peut-être aurait-elle du pleurer, mais aucune larme n'était prête à couler le long de ses joues.

Le groupe marqua une rapide pause, autant pour les chevaux que pour leurs cavaliers. Tisis fouilla dans ses sacoches, à la recherche des fioles données par la baronne. Ses doigts agrippèrent alors un tissu léger et doux. Intriguée elle sortit l'étoffe, découvrant une longue cape de couleur grise, en laine agréable au toucher. Elle retourna le vêtement, découvrant qu'était brodé le nom de Tisis, mais aussi un L d'or. Un cadeau que Lydia lui avait certainement glissé sans l'en avertir, pour que les adieux n'en soient pas plus douloureux.

Touchée par le geste, qui ne fit qu'accentuer le sentiment de mélancolie qui étreignait la jeune fille, elle la passa sur ses épaules, se protégeant du crachin humide. Elle referma la sacoche en cuir, une fiole à la main, avant de s'approcher de Millana qui semblait se sentir mal, assise sur un tronc d'arbre humide.

"Comment vous sentez-vous, Millana?"

La servante porta ses yeux sur sa maîtresse. Son visage était crispé, quelques mèches de cheveux mouillés collant sur son front et ses tempes. Elle essaya de sourire, sans grande conviction. Tisis s'agenouilla devant elle, défaisant lentement la tunique de Millana qui protesta doucement, disant que ce n'était pas la peine de gaspiller la potion que la baronne lui avait donnée.

Tisis n'en eut cure, s'en prenant au bandage, propre mais facile à enlever afin qu'en changer ne soit pas impossible en voyage. La plaie était à vif, encore rouge et très profonde. L'adolescente frémit, ayant comme l'impression de ressentir elle-même la blessure, par empathie, se demandant comment Millana faisait pour la supporter aussi bien. Elle était pâle, certes, mais elle aurait du avoir grand mal à simplement bouger.

La Dame Chevalier ouvrit le petit flacon, mouillant un mouchoir en tissu propre avant de l'appliquer sur la plaie. La servante souffla, sa mâchoire crispée de douleur, le temps que Tisis ne finisse de vider le récipient dont le contenu était léger. La douleur sembla s'estomper assez rapidement malgré tout, l'épaule se détendant peu à peu alors que la jeune fille refaisait le bandage. C'était bon signe. Millana remercia celle-là même qui lui avait causé cette souffrance.

Tisis n'eut pas le courage de rester auprès d'elle, rangeant la fiole vide puis prenant un peu de viande séchée. La pause ne dura pas beaucoup plus de temps, la troupe repartant ensuite, toujours sous la pluie. Millana sembla avoir un peu moins de mal à supporter la selle, mais cela n'aida pas la future duchesse à se sentir moins coupable.

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Dernière édition par Tisis le Ven 1 Avr 2011 17:52, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Bouhen et les duchés des montagnes
MessagePosté: Jeu 31 Mar 2011 02:23 
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La fin de l'après-midi vint lentement; la marche était lente et difficile, la pluie ayant rendu le chemin glissant. Il n'était pas impraticable, mais il n'était pas question de se presser, sous peine de blesser les montures. Peu à peu ce qui avait été une pluie fine se fit plus violente, couvrant même au final le bruit des sabots heurtant la terre et la roche.

Ce n'était pas une grande route commerciale, ni la plus sûre, depuis que les orques s'aventuraient aussi loin dans les terres. Les marchandises transitaient en général par la cité blanche, si bien que peu à peu les voyageurs s'étaient raréfiés. Bien sûr les locaux utilisaient toujours ce chemin, de même que les escadrons qui gardaient les frontières, mais cela restait bien moins sûr que par le passé.

La marche avait été trop difficile pour atteindre un relais avant la tombée de la nuit. De toute façon, la troupe se devait de rester la plus discrète possible, il ne valait mieux pas que les patrouilles se posent trop de question. Six hommes et deux femmes dont une en armure risquaient en effet d'attirer l'attention des aubergistes. C'était à éviter.

Le campement fut établi à l'orée d'un petit bois, sans qu'un feu ne soit allumé, pour les mêmes raisons de discrétion. Les hommes étaient silencieux, toujours aux aguets. Ils n'étaient clairement pas du même niveau que Godrik et ses sbires, bien plus professionnels et dangereux.

Tisis refit le bandage de sa servante, la blessée étant la seule à être dispensée de tour de garde. Tisis prit le premier tiers, le plus aisé, en même temps qu'un robuste guerrier du nom de Vinko. Le soldat en question arborait une barbe de trois jours, ses cheveux courts et épars lui donnant un air dangereux. Ses yeux noirs et perçants n'arrangeaient en rien les choses: la jeune fille n'aurait assurément pas aimé croiser ce genre d'individus dans une ruelle sombre.

Les ténèbres enveloppèrent le campement, la pluie s'arrêtant par moment, le silence n'en étant que plus oppressant, avant de reprendre de plus belle. Les couvertures furent vite trempées, l'absence de feu de camp n'aidant en rien. Elle entendit plusieurs fois Millana frissonner dans son sommeil. Rien d'inquiétant ne se fit entendre.

Après ce début de nuit sinistre et froid, Tisis alla se coucher, se blottissant en silence contre Millana qui tremblait. Le sol était détrempé, tout comme la laine qui les couvrait difficilement. Le sommeil était pressant, mais malgré tout la jeune fille mit du temps à s'endormir. La respiration difficile de la servante lui rappelait sans cesse le moment où sa flèche l'avait touchée, s'enfonçant dans sa chair tendre. Elle avait toujours autant de mal à déglutir, rongée par le remord.

Lydia lui avait donné cette leçon pour lui montrer le genre de décisions qu'elle devrait prendre sous peu. La flèche n'était qu'une métaphore des choix cruels à venir et pourtant c'était bien plus intense. Ordonner le meurtre d'habitants de ses terres avait été bien moins difficile que de tirer cette flèche, qui n'avait pourtant fait aucun mort. Il était très différent de porter le coup cruel que de le faire porter, même si dans les deux cas le sang était sur ses mains.

Tisis s'était ainsi rendue compte qu'elle était prête à de telles extrémités pour arriver à ses fins. La justice et le bien de Blanchefort gouvernait-il vraiment ses décisions, ou ne s'agissait-il que de vengeance? Jusqu'où serait-elle prête à aller pour se venger? Elle avait tiré sur Lydia, la seule femme qui comptait pour elle aujourd'hui. Si celle-ci était morte, elle aurait perdu sa seule amie, sa protectrice.

Elle avait tiré malgré tout.

Quelque chose s'était comme brisé en elle à ce moment là, cet instant où la flèche filait dans les airs, quand elle avait cessé de penser et de réfléchir, n'étant plus qu'instinct et trajectoire. Pendant un instant, toute émotion, tout sentiment avait été ravalé, refoulé au plus profond de son être, seul son objectif comptant.

Sacrifierait-elle tout pour reprendre Blanchefort du joug de son ennemi? Sur ces douloureuses pensées le sommeil s'empara d'elle, glaçant comme la mort.

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 Sujet du message: Re: Route entre Bouhen et les duchés des montagnes
MessagePosté: Jeu 31 Mar 2011 18:34 
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La nuit fut courte et humide, les hommes assurant le dernier tour de garde réveillant le reste de la troupe avant que le soleil ne se lève. La pluie avait fini par cesser, mais les lieux n'en étaient pas moins trempés pour autant. Chaque muscle était douloureux au réveil, le froid matinal tenace et l'ambiance maussade.

La jeune fille s'enquit de l'état de Millana qui allait beaucoup mieux. Les potions y étaient certainement pour quelque chose, la servante pouvant presque bouger son bras dorénavant. La plaie semblait en effet un peu moins vive, la cicatrisation ayant déjà commencé. Cela rassura Tisis au plus haut point, lui donnant un regain d'aplomb bienvenu.

Il ne fallait pas trainer cependant, le sacre du duc étant au matin du troisième jour à présent, laissant à peine soixante douze heures pour rejoindre Blanchefort, l'assassiner et doubler Valorian. C'est ainsi que, malgré l'état boueux du chemin, la troupe força l'allure, au grand damne des chevaux.

Ils passèrent plusieurs villages, les habitants s'écartant à chaque fois sous leur présence menaçante, leur jetant des regards inquiets. Les mendiants étaient nombreux, attendant sous le porche de l'auberge locale, espérant qu'un voyageur daignerait leur donner un crouton de pain et un coup de pied. Tous avaient les yeux vides et vitreux, maigres comme des clous. Parfois même certains étaient étendus, immobiles, tant qu'on avait du mal à savoir s'ils étaient encore en vie ou nourrissaient les rats.

A la sortie d'un hameau comme les autres, une maison à l'écart, sûrement celle du rebouteux ou de la sorcière, avait été forcée. Les fenêtres étaient éclatées, béantes, de même que la porte. En passant devant, Tisis aperçut des oreilles pointues à moitié pourries, clouées sur le mur de bois. Elles étaient au nombre de six, dont une paire plus petite que les autres.

Jamais elle ne saurait ce qui s'était passé: peut-être que la guérisseuse du village avait donné accueil à une famille d'elfes et avait été lynchée pour sa bonté, ou bien c'était là l'œuvre d'orques voire de fanatiques religieux. Ce serait un des nombreux mystères qu'elle ne résoudrait jamais, un énième malheur croisé sur la longue route qui les menait à Blanchefort.

La pluie reprit dès le début d'après midi, plus rageuse encore que la veille. Les vêtements n'avaient pas eu le temps de sécher et n'étaient pas prêts d'être secs à présent. De l'orage éclata au loin, vers les montagnes, la foudre zébrant un ciel gris et noir. Les montures étaient agitées, Tisis devant plusieurs fois tapoter l'encolure de Caelia ou lui caresser les oreilles.

Le temps était tellement sale qu'il en était presque impossible d'estimer l'heure. Par chance, l'un des soldats repéra une petite grange, un peu en dehors de la route. Tisis se souvenait de la dernière fois où elle avait été dans pareil lieu, se faisant presque uriner dessus par un homme-porc. Mais là les choses étaient différentes, elle avait appris à combattre et était entourée d'un groupe suffisant pour survivre à quelques orques, aussi dangereux fussent-ils.

Un feu n'était toujours pas de rigueur, mais au moins ne seraient-ils pas à découvert. Les tours de garde furent identiques que la veille, Tisis prenant le premier avec Vinko. Millana demanda à participer aussi, la future duchesse lui ordonnant au contraire de se reposer.

Les éclairs ne disparurent que tard dans la nuit, la pluie continuant de battre le bois sans marquer le moindre arrêt. Le toit de la grange était en mauvais état, si bien que l'eau coulait, le vent passant par des courants d'air chargés d'humidités. C'était tout de même mieux que la veille, mais les couvertures ne séchèrent pas pour autant.

Tisis profita de ce moment de calme et de silence, laissant ses pensées vagabonder, la volonté revenant peu à peu l'habiter. Elle était toujours traumatisée d'avoir tirer sur Lydia, mais les émotions s'estompaient lentement. Elle profitait des derniers instants de solitude, de calme avant la tempête qui allait bientôt se déchainer tout autour d'elle, mille fois plus violente que l'orage et la foudre.

Le sommeil fut beaucoup plus aisé à trouver, cette fois-ci, bercée par le concerto des gouttes.

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 Sujet du message: Re: Route entre Bouhen et les duchés des montagnes
MessagePosté: Ven 1 Avr 2011 00:19 
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Le jour suivant la route fut monotone, le chemin se faisant plus escarpé à mesure que les montagnes s'approchaient. Les hameaux s'étaient faits rares, les marchands plus encore. Chaque village était entouré de palissades en bois, destinées à décourager les orques les moins entreprenants. Des temples isolés avaient été abandonnés depuis longtemps, tombant à présent en décrépitude.

Le temps avait fini par se calmer, Tisis et ses hommes pouvant accélérer la marche, trottant même lorsque la route se faisait plus aisée à cheminer. Au final ils parvinrent à quitter les terres de Bouhen, entrant dans les duchés les plus occidentaux. Les frontières étaient gardées, certes, mais lorsque Tisis se présenta comme une Dame Chevalier de Blanchefort il ne fut pas délicat de passer. Personne ne la connaissait, bien entendu, mais les armes concordaient.

Elle ne traina pas cependant, mettant rapidement le plus de distance possible entre elle et toute forme de corps armé. Si on demandait aux hommes d'où ils venaient, le passage serait plus délicat. Bien entendu il aurait été possible de plutôt passer par les bois, ce que les troupes envoyées un mois plus tôt avaient fait, mais cela n'aurait fait que de les retarder.

C'est avec une certaine appréhension que la jeune fille se rapprochait de ses terres. A chaque lieue parcourue Blanchefort était plus proche, de même que la confrontation avec Anatole. Elle anticipait et craignait ce moment, passant dans son esprit mille scénarios différents, la plupart finissant par la sombre exécution qu'elle devait commettre.

Elle avait aussi peur de voir Beauclair, un mois après le raid des orques qui étaient parvenus à mettre en déroute l'escadron de Lydia. De même, imaginer les troupes de Valorian séjournant dans les logis de ses serfs attisait en elle une envie de violence qu'elle avait du mal à contenir. Les hommes de Keresztur n'avaient pas l'air tendus plus que cela, comme si s'infiltrer dans un château très bien défendu pour en tuer le châtelain n'était qu'une promenade de santé. Cela avait un côté rassurant: elle espérait juste qu'ils seraient aussi calmes lorsqu'il faudrait agir. On ne connaissait la valeur d'un homme que lorsqu'il passait à l'action, qu'il prenait des risques.

Finalement Tisis distingua au loin le premier château de Blanchefort, juché dans les montagnes, bloquant la passe des Trois-Falaises. C'étaient là les terres de Nalare, dont le comte avait toujours été un grand ami de Pierre de Blanchefort. Le chevalier Delacroix, qui avait très certainement péri lors de l'attaque des usurpateurs, en était également originaire. Tisis n'avait jamais apprécié le chevalier, mais son honnêteté était à toute épreuve, une valeur qui comptait beaucoup en ces temps troublés.

Le groupe fit alors preuve d'une prudence extrême, passant cette fois-ci par des chemins peu fréquentés, afin de ne pas attirer l'attention. Tisis les dirigea par les routes que prenaient les messagers quand l'anonymat était de mise, ce qui leur permit d'avancer à un rythme raisonnable. La jeune fille se demandait pourquoi elle n'avait pas pensé à cela lorsque Lydia et elle avaient fui Beauclair. C'eut été tellement plus simple de suivre les quelques signes gravés discrètement sur l'écorce des arbres. La tension et la peur ne l'avait pas aidé à prendre les bonnes décisions cette nuit-là.

Anatole connaissait certainement ces chemins aussi, mais il ne pouvait les couvrir tous. De plus, il n'attendait probablement pas que sa sœur vienne de Bouhen. D'ailleurs officiellement elle n'avait jamais quitté la cité blanche, seule Tisis s'étant déplacée. Avec de la chance, son frère la croyait encore à Kendra Kâr.

La bonne nouvelle qu'avait découvert Tisis en arpentant ses terres était l'absence de troupes de Valorian. La jeune fille savait que des soldats de Tristan avait envahi la région, mais ils avaient du rester à l'Est. C'était logique ceci dit, les seigneurs vassaux n'auraient jamais été convaincus par Anatole si des soldats étrangers occupaient les terres ducales, même pour aider à la reconstruction. Cela facilitait les choses pour son assassinat, ou du moins ne les compliquait pas.

C'est ainsi que la meute de Keresztur et la louve de Blanchefort se rapprochèrent du domaine ducal, par le bois des neuf géants. Tisis se souvint du voyage qu'elle avait fait avec Lydia, ayant sottement confondu ce bois avec celui plus à l'Est qui menait à la rivière d'Anor, la frontière entre Blanchefort et Valorian. Mais cette fois il n'y avait pas d'erreur possible, elle savait où ils étaient.

A partir de là, un groupe de huit personnes n'était plus concevable. Ils se séparèrent donc, les hommes devant séjourner dans les bois opposés, près du moulin où donnait le passage secret. Tous formeraient des groupes de deux, attendant que le douzième coup de minuit sonne pour éliminer tout ennemi potentiel sur les lieux. Tisis arriverait peu après, ouvrant le passage et menant l'attaque.

En attendant, elle resterait avec Millana, cachée elle aussi, son visage n'étant pas le moins connu du domaine.

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 Sujet du message: Re: Route entre Bouhen et les duchés des montagnes
MessagePosté: Jeu 7 Juin 2012 18:56 
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Une journée après qu'ils eurent quitté le temple de Yuimen et Barbanfeuille lui-même, le seul, l'unique, voilà les lutillons bouchenais sur la route pour les Duchés – car il faut bien dire, cette fois, qu'ils l'avaient trouvée sans autre insidieux incident. Et alors ! laissez-moi vous conter la plaine équarrie aux quatre vents qui s’étendait au-devant de la compagnie d’écuyers inexpérimentés susmentionnée, la même qui devait en toute logique les mener vers leur destinée : devenir Chevaliers-Lutins, ou périr en chemin – hé ! Faut pas croire tout ce qu’on vous dit, hein ! Sitôt levé le camp de bon matin, voilà que déjà les deux archi-cousins de Pépin commençaient à l’embêter, en lui faisant croire, entre autres, que oui, pour de vrai de vrai, ça sentait la clémentine ; et lui de s’écarter du rang pour en chercher la source, et le régiment de se désorganiser, de hurler et de sautiller partout… Tout ceci, on le comprend aisément, à l'agrément plus ou moins manifeste du Capitaine, qui, monté sur sa buse trottinant gaiement, jetait des coups d’œil en arrière en s’arrachant les quelques rares cheveux qui lui restaient.

- Hé ! Capitaine ! Quand est-ce qu’on arrive ?
- Hééé ! Capitaine ! J’ai faim !
- Capitaiiine ! Il me martyriiise !
- On va où déjà ?…

Oui, vraiment, c’était une magnifique journée qui commençait pour le régiment de Fauche-le-vent. Et ce ne fut pas mieux, veuillez m'en croire, à la nuit tombée : lorsque le Capitaine s'enquit de faire un rapport mental de la journée, il tomba, exténué, étalé de tout son long sur une vieille souche. La journée avait été pour le moins traumatisante, mine de rien, et il faut bien le dire : d’abord, le soldat Tautogramme avait failli être jeté dans un fourré d’orties par le soldat Teutobourg, et il s’en était fallu de peu pour qu’il dût se faire rapatrier à Bouh-Chêne. Heureusement, Fauche-le-vent était arrivé juste à temps pour le sauver de ce carnage par un envol sublime de l’hagarde Calicute. Fatiguant. Puis, comme par hasard, la buse avait dévié de sa route à cause d’un jet de galets bien pensé, qui l’avait effrayée et qui l’avait fait partir au quart de tour, faisant au passage choir les bâts qui lui étaient harnachés et renverser la moitié du matériel sur la route. Épuisant. Alors, le soldat Calembredaine, Calembour de son prénom, n’avait pas trouvé plus drôle que de se faire passer pour presque mort, simulant une blessure due à une arme tombée des sacoches. Harassant. Bref, une journée absolument délicieuse avec les marmots héroïques de Bouh-Chêne, qu’il fallait encore faire manger, et instruire, et entraîner, et mettre au lit, et...

Ce n'était pas gagné, car le premier badaud qui serait passé par là et qui aurait jeté un coup d’œil au régiment aurait allègrement constaté l’ampleur du désastre : ça courait, ça chahutait, ça chantait à tue-tête – « une Lutine à aimeeer ! » Certes bien mignons, ces petits trublions, mais :

SOLDATS ! Au travail ! Un peu de sérieux, bande de glaires de trolls ! Qui monte les tentes, ici, par tous les sangs ? Soldat Métalepse, corvée de feu ! On ramasse du bois ! Soldat Trucarion ! A l’exercice ! On se bouge on se bouge on se bouge !

Et tandis que Calembour ramenait fièrement la luciole nommée Glaire-de-troll à son Capitaine adoré, Pépin surgissait de ses pensées en entendant rugir son nom. Mais que faisait-il donc alors que tous regagnaient leur poste ? En déballant ses affaires, il avait trouvé des objets étranges qui ne lui appartenaient pas, et qu’il était certain de ne pas avoir mis dans son sac. (Etrange…) Et il comprenait du même coup la raison de ce poids monstrueux qu’il avait dû supporter toute la journée durant, et qui lui avait donné tant de mal. Éparpillés partout autour de lui se trouvaient au choix un ruban satiné ou une couronne de pâquerettes tressées au parfum délicieux – de quoi, donc, causer grand mal pour porter un sac, à n'en pas douter. Tout cet amas d’objets effarait et déboussolait ce pauvre Pépin, qui ne comprenait pas pourquoi il aurait mis dans ses affaires un pot de poudre de riz – pas plus que le reste, soit dit en passant. Aussi, le lutin, que la stupeur faisait balbutier et dont l'esprit quelque peu limité ne pouvait résoudre ce mystère opaque, s'en fut sans demander son reste à la place où l'avait mandé Fauche-le-vent : devant tout le monde.

Et même si, quand Pépin arriva devant son Capitaine, il avait encore en tête cette fâcheuse histoire d’artefacts inconnus, et que toutes les questions que cela lui posait créaient de véritables rouages qui paraissaient râper les parois de son crâne en lui donnant une migraine atroce, il n'omit pas de prendre la posture la plus féroce face à son nouvel adversaire – adversaire, qui, quoi que le lutillon n'en dît rien, lui collait dans ce genre de circonstances une trouille terrible. Car quand bien même la cible était un mannequin de paille à bonnet rouge, restait que le juge était bien Fauche-le-vent. C’était la deuxième fois qu’il passait à l’exercice devant ses compagnons, et autant dire que la première fois ça ne s’était pas très bien passé… mais ceci est une histoire qu’il ne serait pas bon, pour l’intégrité du héros, de narrer ici.

C'est donc ainsi que, le cœur battant la chamade, Pépin resserra les sangles de son plastron d'écorce. Aujourd'hui, il allait tenter le lancer, et la guirlande de sourires mutins qui égayait la ronde de ses amis novices augurait un spectacle plus clownesque que chevaleresque. Une dague en bois à la main, Pépin se dandinait devant les lutillons rassemblés dans la lumière crépusculaire, histoire de rendre sourde sa peur. Après tout, n'était-il pas à un brillant devenir ? A l'instar de Ganache Hécamoustache le Hardi, ou du grand Pourfendragon, il parcourrait un jour les lais de son prénom. En cet instant-là l'angoisse le disputait à l'euphorie, et il brandit son arme de pacotille rafistolée mille fois par Fauche-le-vent comme si elle avait été d'acier véritable, dans l'espoir qu'un jour (un jour où il serait moins dangereux) il brandirait tout pareil son kunai à lui tout seul. S'il avait des étoiles dans les yeux et des papillons dans le cœur, en face de lui le Capitaine restait impassible. Impassible... ou un tantinet inquiet.

Allez, petit, un peu de sérieux et on y va.
Oui, M'sieur !
Souple, le poignet. J'ai failli y perdre un œil, moi, la dernière fois.
Désolé, M'sieur !

Il connaissait cet enchaînement simple, il l'avait déjà essayé la fois passée. Mais alors, de là à le réussir ! C'était un tour parfait en combat, génial à utiliser par surprise, à un moment où l'ennemi croyait vous avoir désarmé : vous tiriez une seconde lame sans qu'il le vît, et le changement de technique vous donnait l'avantage le temps d'une seconde – comme quoi Pépin retenait mieux les leçons de Fauche-le-vent que les laïus sur les dieux et les temples dans le ciel et tout ça... Le lutin eut, contre toute attente, une pensée pour le Grand-Cornu-Yuimen-au-Citron avant que de commencer, et en fait cela lui paru être d'un épique de rigueur. Et en même temps, les tartes au citron meringué...

(Miouuuuum... !)

Son petit cœur en frétillait encore lorsqu'il dégaina sa dague en prenant Fauche-le-vent par surprise. Malheureusement, son arme alla d'un coup sec valdinguer dans les herbes hautes sans même effleurer le mannequin, occasionnant un mouvement de recul chez les novices comme chez le Capitaine, qui esquissa un sursaut.

Ouuups... Euh, désolé !
Ahem, hum, oui, bon, faites attention Trucarion.

Dans la tête de Pépin défila soudain un kaléidoscope d'images où Fauche-le-vent avait failli perdre qui une jambe, qui un bras, et même parfois un de ses yeux, à cause de sa prestation désastreuse à lui. Mais finalement, il n'en concevait pas beaucoup de remords (un peu quand même), tous étouffés qu'ils étaient par le bonheur d'apprendre, et surtout d'utiliser des trucs dangereux sans se faire enguirlander par sa maman. Alors il se contentait de sourire à Calembour et Gaudriole, de l'un de ses sourires naïfs et teintés de la plus belle espèce de mignonitude qui fût, tandis que le premier pointait son pouce en l'air avec un clin d'œil, et que le deuxième restait coi mais comme tout submergé par une espèce de fierté taciturne. Pépin remua son popotin pour s'assurer de sa prise dans le sol, jambe droite en avant, poids en arrière, et main gauche faisant tressauter sa dague, sur le visage un air d'aldryde en colère et les crocs découverts.

Trucarion, dit Fauche-le-vent d'un air circonspect, vous ne surprendrez pas beaucoup d'ennemi comme ça...
Ah non ? Bon...

Alors le petit expérimenta plusieurs positions, sous les fous rires et les vivats du cercle lutin. Il apprit tour à tour qu'on ne tournait pas le dos à un ennemi, qu'on ne lui tirait pas la langue pour le distraire, et qu'on ne prenait pas la posture de la Grue-Maligne-d'Oranan parce que, apparemment, c'était bizarre. Il courut aussi trois ou quatre mille fois pour récupérer sa dague malencontreusement perdue au loin, et la lança avec énergie presque autant de fois. Au bout d'une heure d'exercices, Fauche-le-vent ne sursautait même plus, et il y avait même eu des moments où Pépin avait cru le voir s'assoupir debout. (Non... J'ai rêvé, hein ?) Il se fit la même réflexion intérieure lorsqu'il vit un sourire malicieux illuminer subitement la face du Capitaine... mais en fait non, ce n'était pas une impression. Pas du tout.

Avec tout ça, Pépin ne remarqua même pas que Fil venait de disparaître de la ronde lutine.


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MessagePosté: Sam 9 Juin 2012 19:04 
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Son rire fusa comme un feu d'artifice lorsqu'il bondit par-dessus la tête de Calembour.

Hihihihihi ! Vous ne m'attraperez pas !
Venez donc vous battre, espèce de petit gredin !

Si Fauche-le-vent croyait qu'il allait se laisser faire sans riposter, il se fourrait le doigt dans l'œil, et jusqu'au coude ! Désormais hors du cercle, Pépin se trémoussa d'un air de défit, enchaînant révérences et grimaces. Voilà ce que voulait dire le sourire du Capitaine : il l’avait attaqué, et alors maintenant l’adversaire n’était non plus une bête cible de paille à l’intérêt stérile, mais un véritable combattant en chair et en os. Alors certes c’était plutôt terrifiant d’être directement face à son propre maître, surtout quand il avait la poigne de fer de Fauche-le-vent, mais n’empêche qu’avec son kunai à la ceinture et la dague en bois au fourreau, Pépin aurait pu être le Roi des lutins ! En fait c’était même super-excitant, comme il n’aurait jamais cru cela possible.

Tandis que le vieux maître s’avançait, le pas menaçant mais le sourire aux lèvres, le lutillon bondissait prestement de gauche et de droite pour parer l’attaque qu’il sentait arriver. D’un coup d’œil latéral, il avisa quelques pissenlits aux aigrettes grises, et dès que le Capitaine fut suffisamment proche de lui, Pépin en saisit un au bond et souffla une tempête évanescente droit dans son nez et ses yeux – ce qui occasionna d’une part quelques éternuements fougueux (*Atch… AtchOOOOOum !*) et d’autres part les rires des troupiers absorbés par leur petit jeu.

- Bravo, Pépin !
- Bien joué.
- Hahahahahaha !!
- Il faut avouer que c’était une bonne idée.

Jusqu’au Capitaine qui se mettait à rire lui-même ! Le sourire de Pépin s’élargit d’une oreille à l’autre, mais la bataille ne faisait que commencer, et il le savait. En réalité, il le vit dès que Fauche-le-vent releva la tête, et même s’il était fier comme un coq d’avoir suscité tant d’ovations, il dut immédiatement recentrer toute son attention. Voyant les armes de son maître tournoyer dans de fabuleux moulinets, Pépin se surprit à glapir et à déglutir simultanément, et de cette double action œsophagienne résulta une flopée de borborygmes peu ragoûtants. Et dire que le vieux guerrier n’avait même pas protégé la pointe aiguë de ses deux piques bien-aimées ! Elles scintillèrent d’un éclat terrifiant lorsqu’elles renversèrent le lutillons, leur hampe au ventre et aux genoux, et Pépin fut mis par terre d’un coup. Et comme à nouveau elles s’abattaient sur lui, il roula sur lui-même et se remit sur pied, avant de foncer sur son adversaire dans une mémorable bousculade. Mais le maître le prit de court en le fauchant sur le côté avant même qu’il eût pu l’atteindre, et l’envoya valser plus loin – en plein sur la ronde lutine, il fut saisi au vol par le colossal Gaudriole, sur lequel il sut tout de suite reprendre son élan pour à nouveau lui foncer dedans.

Fauche-le-vent, étonné, n’eut pas le temps de riposter et il fut renversé sans mal. Mais dès qu’ils se trouvèrent à terre, Pépin comprit qu’il en prendrait pour son grade : le Capitaine, délesté de ses lames dans la surprise de la chute, le saisit aux deux bras et le fit s’envoler au-dessus de sa tête. Le petit se rétablit tant bien que mal sur ses jambes malmenées, mais tombant les fesses par terre, sonné, il eut soudain l’instinct de se redresser et sur le coup de dégainer. Voyant Fauche-le-vent approcher, il opéra le fameux lancer, et si le Capitaine l’esquiva d’un bond, Pépin sut qu’il avait tout bon…

… il avait réussi. (J’ai réussi…)

- Hé ! J’ai réussi ! laissa-t-il échapper tout essoufflé.
- Et oui, Trucarion, répondit Fauche-le-vent tout sourire. J’en ai autant appris que vous, ce soir, figurez-vous. Ça m’apprendra à vous mettre en face d’une cible immobile. Vous êtes bien meilleur quand le jeu en vaut la chandelle.

Et tandis qu’il lui tapotait l’épaule d’une main débonnaire, il fut soudain submergé par une vague de lutillons qui n’arrêtaient pas de crier :

- Hip-hip-hip ?
- PEPIIIIIIN !
- Hip-hip-hip ?
- LUTIIIIIINS !

Pépin lui-même était tout écrabouillé sous les câlins et les bisous et les bravos de toute la troupe, mais quand bien même il en avait le souffle coupé, il ne pouvait réprimer toute sa fierté. Son sourire ne le quittait pas, tandis que son regard passait d’un de ses amis à l’autre, tous en train de le congratuler, ou bien, étrangement, de chatouiller Fauche-le-vent.

Cependant, le magma de lutins cessa soudain toute son agitation, et Pépin comprit vite pourquoi : ses compagnons s'étaient tournés vers le soleil couchant, sur lequel se découpait, embrasé, un cavalier altier avec son étendard. Aux couleurs de l'Anorfain.


vv

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Dernière édition par Pépin le Sam 9 Juin 2012 20:10, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Bouhen et les duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 9 Juin 2012 20:07 
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Le cavalier arriva au grand galop jusqu’aux flamboyantes étincelles qui crépitaient avec joie dans le foyer, désormais allumé au milieu du campement. Il avait par bonheur réussi à éviter les tentes qu’avaient dressé les lutillons en attendant son arrivée, et qui s’érigeaient sur son passage, aussi petites et fragiles que des châteaux de cartes face à sa noble stature d’elfe. Car oui, c’était bien un elfe qui s’était avancé jusqu’au camp de Fauche-le-vent, et personne, de ses troupiers ou de lui-même, ne pouvait détacher les yeux de lui. Pépin ne savait plus où donner de la tête : l’épée elfique à elle seule était plus grande que lui, et le harnois de l’étranger brillait tout entier comme un grenat serti dans l’argent. Le regard du petit brilla lorsqu’il ôta son casque, éclairé de ce même éclat qu’avaient les mèches qui ondoyèrent alors en cascade, blondes comme la lune qui scintillait au-dessus de leurs têtes. Son admiration ne trouvait plus de bornes, et il ressentait comme un millier de papillons qui auraient fait la java dans son petit cœur émerveillé.

- Holà, petites gens !
- Point de petites gens qui tienne, sire elfe. Daignez nous considérer.
- Loin de moi l’idée de vous offenser, maître lutin. Les nuits sont si sombres ces temps-ci…

Il était mal parti dans les présentations. Pépin aperçut du coin de l’œil l’air déconfit de Fauche-le-vent. Il avait bombé le torse d’importance en apercevant le héraut d’Aratmen galoper au-devant de lui, et la répartie de l’elfe l’avait fait dégonfler comme un soufflé. Le lutillon sentit son cœur se racrapoter sur lui-même, saisi qu’il était par la peine de son Capitaine. Pourtant, il ne pouvait toujours pas détourner les yeux de l’inconnu, qui d’un mouvement gracieux mit pied à terre en faisant virevolter sa cape, envolée dans le même tourbillon que ses longs cheveux lunaires.

- Tafiole…

Pépin n’en crut pas ses oreilles lorsqu’il entendit Gaudriole bougonner l’invective. Il devait être le seul, avec Calembour, à l’avoir entendu, car le rouquin s’esclaffa en coudoyant son cousin alors que les autres dardaient toujours un regard énamouré vers le nouveau venu.

- Il doit avoir du sang nain, quelque part par-là, chuchota Calembour qui ne parvenait pas à s’arrêter de rire.
- Moui, ben c’était pas très gentil, grommela Pépin.

Pendant ce temps-là, Fauche-le-vent ne s’était pas laissé déstabiliser :

- Que fait un envoyé d’Anorfain sur la route de Bouh-Chêne ? demanda-t-il avec aplomb.
- Que Gaïa vous protège, vous et votre garnison.

Pépin ne s’étonna pas tout de suite de la teneur de la réponse, qui était somme toute en léger décalage avec la question. « Tafiole… » Il était bien trop impressionné ! Après tout, c’était la première fois qu’il rencontrait un membre de cette race, étrange parmi toutes, tout droit issue des ballades et des lais, et ça lui faisait un effet bœuf. Une imposante stature, doublée d’un regard lointain, de ceux qui ouvrent des horizons inconnus dans le temps et l’espace, et révèleraient sans doute les secrets du monde si l’on savait percer leurs messages. Ou en fait peut-être un chouilla vitreux, c’était à voir. En tous cas, un regard millénaire, c’était certain – un regard d’une lumière si intense qu’elle semblait émaner d’une étoile (effrayant, non ?). Le petit s’attacha à détailler les traits sans âge de son interlocuteur : un homme de trente ans à peine en apparence, au front haut, apanage des sages des légendes… et des pédants de tous les âges. Mais Pépin se reprit bien vite, et sa joie caracola tout de go.

- Je les mène vers les Duchés, au Monastère de Khan. Mon nom est Fauche-le-vent. Capitaine Fauche-le-Vent.
- Pégasiel, dit-il en s’inclinant devant le Capitaine, le noyant au passage sous son abondante chevelure blonde. Je porte la parole de la grande Thelhenwen sur les rivages de Bouhen. Un grand malheur se prépare.
- Un… malheur ?
- Quel est votre premier poste de relais, Capitaine ? Il serait bon de rentrer d’ores et déjà, ou de gagner au plus vite les Montagnes. Les routes ne sont pas sûres, ajouta-t-il en regardant autour de lui, l’air peu rassuré, et même un peu effarouché.
- Nous nous rendons chez la reine Tanaquil. Son village est établi sur…
- Ceci est chose impossible, j’en ai le regret. Les habitants ont disparu, et la jument de Michaux aussi. Les hordes d’Oaxaca se rassemblent à l’ouest, et il semblerait qu’elles avancent déjà sur les cités du sud. Les gobelins ont rasé Âne-aux-Nîmes et pris le fortin.
- Oaxaca ?!
- Quoi ?!!!
- Et Bouh-Chêne ? Mamannn !
- Hé ! Mais, et nous ? On fait quoi ?
- Ho, les mômes, on commence par se taire ! Sire Pégasiel, je dois vous informer que nous avons nous-même croisé quelques éclaireurs : deux gobelins et une marée de squelettes menés par je-ne-sais quel obscur…

L’elfe interrompit à nouveau Fauche-le-vent, d’un geste impérieux et hautain.

- J’aimerais m’entretenir avec vous. En privé.

Autant vous dire que le campement était en effervescence. Pépin se trouvait en proie à d'affreux cauchemars éveillés, et le seul nom d'Oaxaca et des gobelins lui filait une trouille bleue. Il songea aux derniers mots qu’il avait échangés avec Barbanfeuille. La Noire Reine… Il l’avait certes prévenu, mais cela ne changeait rien à l’effarement énorme qu’avaient suscité les paroles de l’elfe. Tout comme entre les murs du temple de Yuimen, le froid de la nuit lui parut soudain plus vigoureux, et sa peau toute entière fut saisie d’une chair de poule comme il n’en avait jamais eue. Il ne remarqua pas que Fil avait reparu, pas plus qu’il n’avait constaté sa disparition, car il était absorbé dans les souvenirs affreux de son combat douloureux. Et dire qu'ils n’étaient que deux… Qu’adviendrait-il d’eux face à des colonnes entières ?

Quand Fauche-le-vent accompagna l'elfe Pégasiel jusqu'à son pavillon, il fut suivi d'un tumulte de cris en tous genres… qui muèrent en rires moqueurs lorsque le géant se tint devant l’entrée de la tente, un peu bête en comprenant qu’il n’y entrerait sans doute jamais. « Tafiole… »

Pégasiel repartit sans demander son reste. En réalité il devait avoir mieux à faire que de discuter avec quelques lutins. Sa reine l'avait envoyé vers Bouhen ? Et bien il y allait de bon pas. Le lendemain matin, lorsque la troupe reprit sa route, le convoi bouillonnait : celui-ci était partant pour déboîter du gobelin, celui-là pour se terrer dans un trou de souris. Pépin, lui, ne disait rien. Il n'avait pas dormi de la nuit. A cause de ces révélations terrifiantes ? Non. Parce que ses affaires étaient toutes réapparues : plus nulle trace de couronne de fleurs, de ruban ou de poudre. Peut-être qu'il devenait fou, après tout ?

Une enquête s'annonçait là.


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MessagePosté: Lun 11 Juin 2012 19:53 
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Houhouhou, je vais vous battre à plates coutures mes loulous !

Il ne fallait pas en vouloir à Calembour : c'était vraiment trop tentant de se laisser emporter par l'euphorie de cette victoire qu’il pouvait presque toucher du doigt. Deux lutillons au visage radieux tenaient la ligne de fanions multicolores qui marquait l’arrivée, et elle se rapprochait à toute vitesse des sept lutins qui bondissaient avec entrain. Une course en sac, c'était comme ça que ça s'appelait, et Pépin s'amusait comme un petit fou à essayer de rattraper son archi-cousin, son sac de couchage remonté jusqu'au cou et une main au bonnet pour éviter qu'il ne s'échappât.

Et si le jeu n'était pas tellement original pour cette bande de joyeux lurons, ce qui détonnait cependant c'était la nature de la lice. Certes, la plaine ondoyante défilait toujours sous leurs yeux, en des milliers de vagues vert et or étendues à perte de vue, seulement piquetées par les gouttelettes écarlates de quelques coquelicots sauvages. Toutefois, leur course avait lieu sur une piste des plus drôles et étranges à la fois : le dos aux longs poils rêches d'un kaeash de plus de quinze pieds de haut. Il va sans dire que, en grimpant, Fauche-le-vent se posta d'emblée entre les cornes de l'animal, d'un naturel doux, pacifique, conciliant, bref, tout pour qu'on n'eût envie en le voyant que de lui faire de gros câlins… et, bien sûr, de jouer sur son dos. D'abord Pépin l'avait grattouillé sur le front, et sa main s'était plongée dans les crins jusqu'au coude. (Cette jolie bébête ne doit rien sentir du tout !) En fait, le lutin s'était amouraché de ses immenses yeux noirs à moitié cachés par une frange beige peu soignée, mais dont on pouvait tout de même percevoir l'éclat de profonde sagesse – ou du moins, disons-le plus modestement, d'intelligence mitigée.

Pépin donna son maximum pour couvrir le bond qui le séparait de Calembour. Ils pépiaient comme des oisillons, tous autant qu'ils étaient, et leurs rires fusaient sans discontinuer, mais Pépin avait vraiment envie de gagner – parce que c'était chouette, parce que c'était drôle, parce que ça lui faisait avoir une tête ridicule toute langue dehors, et surtout parce que sinon son cousin allait en parler jusqu'au prochain solstice d'hiver. Mais soudain un challenger apparut dans son champ de vision, juste à gauche, et il allait le doubler de manière éhontée ! Ah, Fil ! Lui aussi le bonnet prêt de s'envoler, cheveux châtains en bataille et frimousse de vainqueur, il bondissait avec vigueur. La langue de Pépin sortit un peu plus sur le côté : il allait y arriver ! Mais alors que les fanions étaient juste à portée de leur main, voilà que notre héros s'emmêla les pinceaux dans les plis de son sac, et, la tête en avant dans un cri délirant, s'abatit sur Fil, lui-même sur leur ami rouquin, et comme des dominos les as de la course chutèrent un à un.

WOOOOOOOOOOOOOAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHH !
YIAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!
NAGINATAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

La tête dans les fesses de Fil, Pépin n'eut pas le temps de dire ouf qu'il écopait d'un sale coup : comme son ami se retournait, il lui écrabouilla la tête sous son séant.

Aïouille ! étouffa-t-il entre les poils du kaeash.
Ah, pardon !

Fil se releva d'un bond, et la première chose que Pépin vit en se relevant fut Calembour en train de pester, tout entier disputé à ses grommellements. Mais ce qui retint davantage son attention encore fut le visage de Fil qui avait perdu son bonnet orangé dans la mêlée. C'était fou ce qu'il pouvait lui dire quelque chose, entre les cheveux ébouriffés et ces yeux verts pétillants de malice. Mais surtout des traits si familiers ! Les lutins s'époussetèrent, et alors que Fil n'arrêtait pas de rigoler en voyant Calembour rouspéter pour cette victoire manquée, Pépin enfonça à nouveau son bonnet vert jusqu'à ses sourcils, du geste de celui qui sait qu'il loupe un détail crucial. Et alors même qu’il sentait que la réponse allait lui jaillir au cerveau sur l’instant :

- FLEUVE EN VUUUUUE !

Fini de rigoler ! Et puis après tout, Calembour le mauvais joueur avait déjà arrêté depuis longtemps. Ils remballèrent leurs affaires, enroulèrent les fanions avec une petite pointe de déception de devoir ranger ces couleurs fabuleuses et affriolantes, et les uns après les autres ils dévalèrent les poils du kaeash pour remettre pied à terre. Ç’avait quand même été un moyen de locomotion des plus commodes ! Aussi, Pépin fit un dernier câlin à l’animal avant de glisser sur sa queue comme sur un toboggan.

- A partir d’ici, la route pour les duchés longe le fleuve, expliqua le Capitaine pendant qu’ils slalomaient entre les mastodontes du troupeau. Le village de Tanaquil est établi dans la plaine des Nîmes, protégé par un méandre sur trois côtés… Mais, par toutes les bidouilles de Mâchouille, si l’elfe a dit vrai…

C’est vrai que, tandis qu’ils reprenaient leur marche, Fauche-le-vent avait semblé inquiet. Pépin ne s’en était pas préoccupé, alors qu’ils s’amusaient durant le trajet, mais maintenant qu’il voyait le visage du Capitaine il ne pouvait s’empêcher de partager son angoisse. Un village lutin rasé… Ça le laissait sans voix, parce que, par Yuimen ! ça n’avait pas de sens ! Il n’imaginait même pas comment ça avait pu traverser la tête de quelqu’un.

- Ne vous inquiétez pas Capitaine, fit Gaudriole d’un ton que Pépin jugea rassurant, il avait l’air de dire n’importe quoi.
- C’est fou ça ! Mon p’tit Yoyo, t’aimes pas les elfes en général ou c’est juste celui-là ?
- Pouah, il avait l’air louche.
- Un elfe, quoi, reprit Calembour.
- Hééé ! Mais il avait l’air très gentil, plutôt ! Et puis il était… joli.

Ses deux amis se tournèrent vers Pépin, un sourire moqueur aux lèvres.

- Ben quoi ? C’est vrai qu’il était joli.

Le lutillon ronchonnait toujours une heure plus tard, lorsqu’ils gagnèrent la rive du fleuve. Et, pendant qu’ils remontaient le cours à contrecourant pour trouver le Gué des Mulets, il se disait encore que c’était trop injuste de dire que cet elfe n’était pas beau – Pépin aurait bien aimé être comme lui quand il serait plus grand ! Grand – ça ce serait difficile – sage – même si tout le monde n’était pas de cet avis – et fort ! Un Chevalier, quoi.

Le régiment finit cette journée de marche par de délicieuses ablutions. Arrivés auprès du gué, à un endroit où ils avaient à peu près pieds, ils plongèrent tête la première et barbotèrent longtemps. Et les dieux savent qu’ils en avaient besoin ! Ils jouèrent avec les bulles de savon qui écumaient à la surface, et puis pendant au moins un quart d’heure ils coursèrent Fil pour le mettre à l’eau. En vain.

- Maiiis ! Viens te baigner, on va rigoler !
- Tu vas pas rester dans ta crasse, quand même, c’est dégoûtant !
- On va peut-être rencontrer une Reine, tu te rends compte ?

Mais rien à faire, Fil restait tout habillé.

- Qu’est-ce que tu veux, c’est une tête de mule !
- Moui…

Mais Pépin, sans le savoir, commençait à comprendre.


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 Sujet du message: Re: Route entre Bouhen et les duchés des montagnes
MessagePosté: Lun 18 Juin 2012 17:27 
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Le lendemain matin, ils s'échinaient beaucoup plus à traverser le gué des Mulets qu'à se baigner entre les galets – même si la vaine capture de Fil les avait fait suer ! Et c'est pour cela que Pépin s'évertuait à prendre les diverses postures de la Grue-d'Oranan (les seules qu’il connaissait, en fait) parce que ça l'aidait à garder son équilibre sur les étroites bandes rocailleuses qui affleuraient à la surface du courant impétueux. Le pire, ç'aurait été que son bonnet adoré, ou même son kunai tout neuf ! tombassent à l'eau et fussent emportés à l'infini. Mais malgré ça il ne pouvait pas s'empêcher de regarder partout autour de lui, les yeux écarquillés, tout sourire, imbécile heureux qu'il était face à la beauté du fleuve qui charriait tous les éclats dorés que le soleil voulait bien y refléter. Et puis, de l'autre côté, ils apercevaient déjà les tendres couleurs des champs au printemps – de quoi émerveiller n'importe quel lutin qui avait déjà les larmes aux yeux devant la splendeur d'un bébé coccinelle. C'est d'ailleurs comme ça qu'il faillit glisser dans le cœur du torrent lorsqu'un papillon vint se poser sur le bout de son nez, et qu'il continua à avancer en louchant pour le regarder, ou qu'il manqua tout juste de rentrer dans le lutillon qui marchait devant lui parce qu'il regardait sur sa gauche, où se profilaient déjà les montagnes dans un lointain brouillard bleuté.

- Ouf ! dit-il seulement en mettant le pied de l’autre côté du gué.

Il essuya les sueurs froides qui avaient perlé de son front et sautilla joyeusement vers Calembour et Gaudriole qui cheminaient non loin devant, le nez en l’air comme à l’habitude. Gaudriole portait une fois encore le sac de son cousin, lequel gagnait toujours ses paris et pariait toujours la même chose : le droit de fainéanter à loisir et d’embêter ses amis à l’envi. Il tapota l’épaule massive du guérisseur de son poing fermé :

- Toc toc toc ?
- Moui… ?
- Ô, grande Sème-la-Poisse, est-ce donc vous ?
- De quoi tu me parles, Cal’ ?
- De Jusztriin Tlin'Baraghlek pardi !
- De quiii ? pépia Pépin qui ne comprenait rien à rien.
- Ben, la terrrrrriiiiiible Jusztriin Tlin'Baraghlek ! Vous ne voyez pas qui c’est ? Mais… rho, les crottes de bouloum soient de vous.

Pépin et Gaudriole haussèrent les épaules de concert. Calembour attrapa l’une des mèches blondes de l’apprenti-oiseleur et la lui agita sous le nez.

- Mais siiiiiii ! Vous savez, la nécromancienne avec des dreadlocks ! Ils en ont parlé dans la Gazette de Mazette, vous ne lisez pas la presse ou quoi ? Tu vas finir par lui ressembler si tu continues à ne pas te couper les cheveux.
- Gnu… ?
- C’est le style, qu’est-ce que tu veux.

Et tandis qu’ils pénétraient l’ombre des blés encore à peine blonds, marchant de pied ferme derrière leur Capitaine qui savait apparemment ce qu’il faisait, la discussion dériva bien vite sur un sujet d’actualité :

- Hm, en parlant de nécromant… chuchota Calembour.
- Oaxaca, hein ?
- Oui, ce n’est pas vraiment pour me plaire.
- C’est carrément terrifiant, tu veux dire ! s’exclama Pépin, ses sourcils tellement haut qu’ils disparaissaient quasiment sous son bonnet vert. On devrait peut-être remettre nos armures, non ?
- Pouah, tu parles d’une armure, toi ! Elle s’en fiche des lutins, de toutes façons. Tout le monde s’en fiche.
- Quoiiii ?

Pépin s’étrangla, les yeux plus écarquillés que jamais, en entendant ces propos profanateurs. Gaudriole avait cette fâcheuse manie de mettre les pieds dans le plat. Et il n'en démordait pas, avec sa subtilité coutumière :

- Ben, c’est vrai, nan ?
- Hm, commenta habilement Calembour. Sûr qu’elle n’a pas comme premier projet de raser des villages lutins, y’a pas à s’en faire pour Bouh-Chêne à mon avis. Mais c’est quand même louche, tout ça.
- J’l’ai toujours dit, fit Gaudriole d’un ton très docte.
- Les géants, ils ont des affaires de géants et puis c’est tout, voilà. Ce qu’elle veut, elle, c’est prendre les grandes cités, et les grandes cités ben c’est Kendra-Kâr, Oranan, peut-être un peu Bouhen, et puis les trucs d'elfe, quoi…

Pépin se gratta le menton avec indignation. Parler de ça, comme d’habitude, lui faisait froid dans le dos. Mais le plus effrayant, c’était de se dire que si Oaxaca s’en fichait des lutins, les Chevaliers-Corbeaux, dans ce cas, n’avaient pas de raison d’être… (… HORRIIIBLE !!!)

- Mais alors pourquoi on fait ça, nous ?
- La chevalerie, tout ça ?
- Hm…

Décidément, les commentaires de Calembour étaient de la plus belle rhétorique. Alors les trois amis s’abîmèrent dans le silence, comme si de rien n’était, et Pépin essaya tant bien que mal de ne pas penser aux exactions qu’ils soupçonnaient. Pas bien difficile, vous vous en doutez, quand les longues éteules des blés se moiraient sous les rayons de miel du soleil, et que la faune locale frétillait un peu partout dans un bourdonnement charmant. Pépin trouvait les couleurs vraiment belles, et elles allaient très bien ensemble, entre le bleu légèrement voilé du ciel, le vert tendre des céréales à mûrir, et les fleurs champêtres qu’il croisait en avançant. Et sans parler du sentiment d’être un vrai aventurier, lorsqu’il écartait les tiges qui surgissaient devant lui, un peu comme Inn Dhiyanah Djohannes, le lutin de la jungle ! Avec un nom pareil, pas étonnant qu’il soit si génial. (Il faudra que je me trouve un nom de scène, moi aussi !)

Mais le flux de ses pensées fut subitement arrêté lorsque les champs s’ouvrirent devant le régiment de Fauche-le-vent. Ils étaient tombés sur la plaine qu’ils cherchaient, celle qu’avait créée le confluent du fleuve qu’ils venaient de quitter. Et au creux de la cuvette ? Je vous le donne en mille : un village lutin comme Pépin n’en avait jamais vu. Il n’avait jamais connu que Bouh-Chêne, qui s’étageait dans les frondaisons comme une sorte de grosse pièce montée dont les choux luisaient de crème et de sucre glace… et là, les maisons s’étalaient plutôt en forme de crêpe, bien plus plate mais appétissante au possible, pour sûr ! Un peu cramée, tout de même, et… fumante. Le sang de Pépin ne fit qu’un tour quand il vit le visage de Fauche-le-vent se figer d’un coup.

Les lutins reprirent leur route sans un mot. Tout avait déjà été dit, et maintenant ils devaient constater l’ampleur des dégâts. Il fallait le voir pour le croire, mais la troupe de lutillons marcha tête basse, sans plus de plaisanteries que de meringue en broche. Jusqu’à Gaudriole qui oublia son estomac. Ils étaient en deuil.


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 Sujet du message: Re: Route entre Bouhen et les duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 23 Juin 2012 15:55 
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Quand ils passèrent les portes calcinées d’Âne-aux-Nîmes, l’image des deux femmes qu’ils avaient croisées dans la plaine était encore gravée sur la rétine de Pépin (en témoignaient ses yeux écarquillés depuis au moins deux heures, les paupières collées comme par de la super glue) et il entendait encore leur voix en boucle dans sa tête. Une rengaine entraînante pour sûr, entonnée d’un timbre strident : « salagadou la magicabou, bibidibabidibou ! » Chansonnette sans queue ni tête, suivie d’un très lyrique :

- … les roses sont vertes, les pâquerettes sont bleues, et ma loutre étoilée s’en va boire son thé !

Et quel thé ! Pépin n’en avait pas fermé la bouche, complètement bée jusqu’à ce qu’une mouche n’eût décidé de s’y fourrer bon gré mal gré (*keuuuUUuuf-keufff*). N’avait-il pas vu la kender, décidément curieusement vêtue, faire de grands moulinets avec ses mains, et tasses et théière flotter dans les airs sur son ordre ? Son hennin bleu à paillettes, pas plus que sa baguette tournicotant empennée d’une étoile dorée (sans le moindre doute magique !) n’avaient pu détourner l’attention du lutillon quand son regard avait accroché les énormes muffins qui la suivaient en virevoltant. Eût-il seulement fait le lien entre les pépites de caramel brillantes de sucre et le petit corps dodu de la kender qui se dandinait, engoncée dans un trismégiste millefeuille de tulle ? Nenni ! Pas plus qu’il n’avait décoché le moindre coup d’œil à la semi-elfe qui la devançait jusqu’à ce que Fil eût laissé échapper un enjoué « Joli, ce rose poudré ! » devant les dentelles froufroutantes qui la vêtaient. Et, la moue dubitative, il n’avait tout de même pu qu’acquiescer, et l’un comme l’autre avaient tout juste manqué de voir le lapin nain zombie que la jolie blondinette tenait lové contre elle. « Comment a-t-elle pu, cette pimbêche ??? » Dingue, ce que les filles en meringue pouvaient avoir des voix perçantes, et Pépin en avait fait là la triste expérience : « Heiiiiiiiiiiiiiiin ? Trixiiiie ?!! » Manifestement, elle avait essayé de boire son thé tout en marchant d’un pas ferme, déterminé et somme toute légèrement courroucé, et le fin darjeeling avait menacé à tout instant de transborder d’un ou d’autre côté…

- Et voilà, nous y sommes.

L’amertume de Fauche-le-vent sortit subitement Pépin de ses réminiscences bariolées. Lui-même n’avait pas dû les voir, bien trop préoccupé par l’infâme catastrophe qu’ils avaient désormais sous le nez. Mais notre héros avait beau se concentrer pour désécarquiller les yeux et prendre l’air sérieux de rigueur, il ne pouvait pourtant s’empêcher de se demander où elles allaient comme ça, et d’où elles venaient, un haussement d’épaule circonspect ponctuant chaque saillie de son esprit par trop étréci. (Trixie et la Loutre-Etoilée... humm.)

Là où ils étaient, tout n’était que ruines et gravats, et si les petites maisons rondelettes avaient un jour pu avoir l’air de délicieux nougats, tout en blancheur et en pierres d’un brun aérien, aujourd’hui elles ne semblaient plus que ramassis de gâteaux trop cuits, écrabouillés par un cuistot endormi, somnambule et ivre, avec ça (quelle horreur) ! D’âcres fumées enveloppaient les lutins tandis qu’ils progressaient : pas un pour une pirouette, ni une cabriole, ni même un trait d’humour, ils n’avaient pas cœur à la boutade, et ne se lançaient seulement pas un coup d’œil. Laisser une crêpe brûler, métaphore ou non, ils n’en étaient que trop indignés. Des jardins fabuleux, des potagers et des vergers, Pépin en imaginait la splendeur d’antan, les senteurs, les couleurs, et les rires des enfants ; çà, une balançoire dont ne restait que la carcasse, là, une fontaine sans plus de statue : un crime, vraiment, d’avoir anéanti si joli bout de vie ! En distinguant une grue oranienne dans un haut-relief carbonisé, Pépin sut d’emblée qu’il se serait senti chez lui dans ce village, et ce sentiment ne fit qu’accroître à mesure qu’il croisait une sorte de faune de-ci, un nain de jardin de-là, et tout l’art lutin à son apogée enseveli sous les débris. Il ne put réprimer une pensée pour la Biche de Nori où travaillait sa maman, et son cœur se racrapota sur lui-même quand il l’imagina aussi rôti que des marrons en hiver. Il pleura un peu pour ces tristes lutins qu’il aimait déjà bien et qui avaient disparu, ou bien avaient été lut-nappés, ou bien… Pis que tout était le silence qui régnait là, cortège, assurément, de grand malheur. Car qui, hein ? aurait le cran de dire aux abeilles et coccinelles de s’en aller ? Qui pourrait imposer aux oiseaux de ne plus chanter ? Voilà qui était de mauvais augure, Pépin le savait. Il restait sur le qui-vive.

Les yeux roulant pour tout observer en même temps (ce qui lui donna bien vite le tournis, évidemment), tous ses muscles de héros en herbe bandés pour au plus vite attaquer, il reniflait tout ce qu’il pouvait dans l’espoir de deviner ce qui se tramait. Bon, il avait plus l’air d’un chiot terrifié et crétin que d’une sentinelle alerte ou d’un vaillant guerrier, mais après tout mieux valait ça que rien. Avançant d’un pas qui se voulait assuré, les bras légèrement ployés pour se donner l’air de celui qu’il est risqué de menacer, qu’il se tournât d’un coup et c’était ses voisins qui se prenaient des gnons. Son cœur battait la chamade, il le sentait. Et l’atmosphère humait un fumet de danger. Et alors, au comble de la tension à présent palpable par un chacun, au paroxysme de ce suspens insoutenable et que Pépin n’arrivait de toutes façons pas à soutenir plus de dix secondes, un souffle de vent l’attaqua soudain en traître, le faisant bondir et hurler en même temps :

- NOOOOOOOM D’UNNNN GLAIIIRE DE…

Tous les regards du régiment braqués sur lui, qui s’était laissé prendre au jeu des lutins chevaliers traqués dans l’antre d’un géant malfaisant, Pépin ne s’occupa toutefois pas de leurs rires sous cape (du moins pas pour le moment) submergé qu’il était par l’intérêt subit qu’il portait à l’instrument de son effroi passager : si ce n’était la brise, du moins était-ce ce qu’elle avait porté qui l’avait effrayé, frappé qu’il avait été par le museau ronchon d’un drôle de dragon… en papier.

- … Troll… finit-il sur une toute autre intonation, tandis qu’il détaillait de son mieux l’origami merveilleux qu’il avait désormais entre les mains.

Un papier multicolore, des plis soyeux qui rabattaient rouge sur mauve, orange sur vert, et une dominante de motifs brisés par les ombres géométriques d’une intense couleur jaune d’or… Pépin n’en revenait pas d’avoir fait une découverte pareille, et au milieu d’un champ de ruines en plus ! *keuuuUUuuf-kwaaah !* Il sursauta à nouveau en entendant quelqu’un s’étrangler. Et il ne s’était pas trompé (enfin presque) :

- A moi, mes soldats !

Fauche-le-vent avait-il seulement passé le seuil de l’une des maisons abandonnées que les charpies de quelques zombies avaient chu sur lui, embuscade de chairs putréfiées et passablement mal habillées. Ni une ni deux, le contingent de fantassins fondit sur eux d’un bloc, prêt à en démordre, tandis que de son sifflet le Capitaine en appelait aussi à sa buse, libérée dans les airs depuis qu'ils avaient trouvé les kaeashs.

- Hihihihihi ! Ils sont déjà morts de toute façon !
- On va bien rigoler, héhé !

Pas sûr que Pépin en aurait parié.


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Dernière édition par Pépin le Sam 23 Juin 2012 23:46, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Route entre Bouhen et les duchés des montagnes
MessagePosté: Sam 23 Juin 2012 23:45 
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Pépin éclata de rire devant la démarche claudicante des morts-vivants qui arrivaient en face de lui. En fait, Calembour et Gaudriole avaient drôlement raison, c'était vraiment hilarant de poutrer du zombie ! En même temps, Cal' en avait une fois ou deux eu l'occasion de tâter de la nécrose avec Carambole, son frère aîné et méga-entraîné, déjà écuyer et en passe d'être fait Chevalier. Pendant une dizaine de minutes, les deux amis les imitèrent les zombies, bras en avant, langue pendante et fluidité digne d'un mécanisme rouillé.

Regarde-moi, je suis une vieille carne abrutie !
Hihihihihi ! Ils sont encore plus fripés que l'arrière-grande-tante de Mâchouille !
Houhou, plus fripés que les pruneaux de Tambouille !
Et la démarche de... WOOOOAAAAAH !!!

Ils n'eurent pas beaucoup plus de temps pour rigoler, car les trois morts-vivants parvenaient à leur hauteur. Pépin esquiva un coup qui voulait manifestement l'assommer et plus assurément l'assassiner. Après 'une galipette, saut carpé, arabesque pour l'élégance, vrille, il se saisit du bras du macchabée, le lui tirebouchonna, et quand des lambeaux peu ragoûtants de chair en décomposition lui restèrent en main, il lâcha l'affreux qui alla valdinguer au travers d'une des rares poutres encore debout dans la ruelle. Le pilier brisé laissa choir le pignon qu'il tenait encore une seconde auparavant, lequel vint directement écrabouiller la tronche rancie de l'ennemi.

Youpie !

Pépin frétilla et agita son popotin, les yeux brillants de voir qu'il savait botter les fesses de ses assaillants.

Couleur et odeur de fromage pourri, merci !

Calembour lui aussi frappait, il se battait, et tout ça en rigolant : un petit déhanché par-ci, une petite ondulation par-là, petit pas petit pas, on aurait bien dit un air de salsa qui se jouait dans sa tête à mesure qu'il cognait la bête. Quel style ! Pépin admirait cette aisance, cette prestance et cette grâce, quand soudain le dernier des trois morts-vivants qu'ils devaient affronter vint lui flanquer une fessée. Rassemblant ses forces, le lutin bondit en arrière d'un salto bien moins mal amorti qu'à l'accoutumée, prit son élan et fonça sur le zombie, sans s'arrêter, avec une de ses bousculades désormais pas mal maîtrisées. Pour parachever son œuvre, il lui décocha un coup de pied qu'il eût voulu fameux mais qu'il loupa de peu : il aurait dû lui arriver dans le nez, pour finir de le faire tomber, mais de toute manière la bousculade l'avait déjà pas mal déstabilisé. La chute du monstre se déroula comme au ralenti, et elle lui aurait été fatal s'il avait été vivant : tandis que son échine s'aplatissait sur les pavés avec force bruits peu ragoûtants, le rebord de la fontaine qui s'érigeait là rencontra sa nuque entre deux vertèbres, et sa tête fut envoyée dans le bassin. Crapahutant sur l'obélisque courtaud qui surplombait l'eau clapotante et désormais pleine de cervelle grisâtre (euuurk !), Pépin s'en servit pour se propulser en avant, s'efforçant de planer de là-haut pour atteindre Calembour. Alors, juché sur ses épaules et deux fois plus grand que d'habitude, il attrapa le troisième mort-vivant par les oreilles et chercha à lui dévisser le cou. Toutefois, il lui sembla que celui-ci était un peu plus résistant que les précédents, et cela expliquait peut-être pourquoi Cal' n'en avait toujours pas fini avec lui. Le zombie chercha à lui mordre l'avant-bras, horrible dévoreur à l'haleine avariée, mais Pépin n'eut que le plaisir de sentir le contact de sa joue vérolée : Calembour avait eu la bonne idée de dévier sur le côté, entraînant avec lui son cavalier. Mais alors qu'il esquivait à merveille les dents gâtées, Pépin se prit un poing qui traînait là – n'oublions pas que les zombies les tenaient devant eux, ahem.

Ah, oups, désolé Pépino !
Heinnn... ? Ah, euh, oh... ? Pas grave...

Ce n'était pas des excuses qui allaient lui rendre l'esprit clair, mais il n'était plus à ça près. Et alors qu'il tanguait, à la fois dans sa tête et en vrai, et que toutes les images se brouillaient, il essuya un revers qui l'envoya par terre. (Oh, la belle bleue, oh, la belle rouge... !) Des feux follets dansaient sous ses yeux lorsqu'il se redressa, et il s'effondra derechef sans demander son reste, à coup sûr le nez cassé défigurant son joli minois de petit minet. Un maigre filet de sang étayait cette idée, et une fois de plus le goût du fer l'amena à penser au grand Yuimen-Meringué…

Arrête de chercher, héhé, tu n'as rien au nez ! lui lança Calembour quand il vit Pépin se le palper, ramassé au sol tel le chaton adorable qu'il était.

Et en effet, le lutillon se rendit vite compte qu'il s'était juste mordu la langue, en bon héros débutant, juste quand son ami le remettait debout à l'appel de Fauche-le-vent :

Mazette ! Un orque, les petits !
Ouch !
Il se ramène sur le flanc est, il sera bientôt là ! Tactique cent-vingt-sept, et que ça saute !!

D'un coup d'œil, Pépin avisa que son ami avait fini le dernier zombie. Il mit quelques secondes à comprendre ce qui clochait : sans doute le fait qu'il eût le pouce à la place du petit doigt. A supposer qu'il en eût jamais eu… Eurk.

L'occasion rêvée de se faire les pieds !
Ça se dit, ça ?
Laisse tomber, on y va !


vv

_________________
Itsvara magic work - Thanks


Dernière édition par Pépin le Jeu 5 Juil 2012 12:55, édité 2 fois.

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