La porte était ouverte… Tant mieux. Je n’avais plus à rechercher une clé dans cette pièce ensanglantée, en compagnie d’un orque mort et d’un zombie vivant. Quelle ne fut pas ma surprise de retrouver, au centre de la nouvelle pièce, un esprit frappeur que j’avais déjà vu par ici… Celui de la petite fille en noir. La belliqueuse, la vile. Je soupirai.
« Encore toi ! »
Ne finiront-ils jamais, ces satanés fantômes, à nous mettre des bâtons dans les roues, inlassablement, sans raison autre que de la soumission à un esprit soi-disant plus fort… Ou par pur sadisme, dans le cas des deux petites. Elle demanda avec un air sardonique si j’avais apprécié ma rencontre avec Krenko. Je fixai un regard provocateur sur elle.
« Il a beau être simple d’esprit, j’ai préféré sa présence à la tienne. »
Et de trouver dommage d’avoir laissé mon ami-légume derrière moi. Sans rire. Je ne suis pas assistant de vie. Je ne répondis cependant rien à son sujet. Il avait su attirer mon attention sur lui, mais s’était depuis comporté comme le dernier des empotés, avec autant d’initiative qu’un artichaut passé. Mais je n’eus guère le temps de m’exaspérer sur son sort : voilà que la petite me traitait de paladin. De Paladin ! Sérieusement. Moi ? Paladin ? Je vis rouge…
« Paladin ? C’est une insulte que de me comparer à ces raclures de bénitier, ces drogués de dogmes soi-disant religieux. Foutaises ! »
Et loyal-con, encore bien. Ils avaient essayé, les prêtres, de me faire revêtir l’armure du paladin, d’entrer dans les ordres sacrés de Gaïa à cause de mes pouvoirs de lumière. Mais j’avais vite fui. Si bien que j’avais toujours tenu rancœur à ces maudits bigots. Je lançai une pique à la petite, qui était en train de m’invoquer un adversaire dans un claquement de doigts.
« Faudrait remettre à jour ton registre. C’est pas tout de pouvoir lire dans les esprits, il faut savoir le faire avec pertinence. »
Je n’eus, cependant, guère l’occasion de disserter plus sur la question. Un ennemi sauvage me faisait face, sombre et menaçant. Sa fourrure noire semblait absorber toute lumière autour. Il grognait, féroce, prêt à me fondre dessus pour m’éviscérer et se repaître de ma chair. Je n’allais pas le laisser faire…
Instantanément, je dégainai mon épée d’argent, luisant d’une agréable lumière. Elle luirait bientôt du rouge de son sang. Du même rouge que son regard avide de ma chair. Il fit claquer sa corne de menton sur celle de son front, comme on claquerait des dents, des mâchoires. Et sans prévenir, il bondit de toute sa force vers moi. Je reçus le choc d’un revers de mon bouclier, qui vint le frapper sur le côté de la gueule, arrêtant son élan, mais me repoussant tout de même suffisamment pour que je doive faire plusieurs pas en arrière pour ne pas tomber. Et la bête était toujours là, prête à attaquer à nouveau. Grognant et salivant. J’armai mon épée, pour frapper, et lançai une attaque de taille vers la créature, qui la reçut en plein dans la tête… Sans lui causer le moindre dégât. La corne le protégeait de mes coups, et je ne pourrais l’atteindre que sur les flancs.
Rageur, il donna un coup sur le côté, droit dans mon bras de bouclier, à hauteur du poignet. La corne s’enfonça dans ma chair, alors que je lâchai un cri mêlant surprise et douleur. Mon bouclier, heureusement, était toujours sanglé à mon avant-bras, et je n’avais pas besoin de la force de ma main pour m’en servir. Même si ça m’affaiblissait conséquemment. Déstabilisé par la blessure, je ne le vis me charger qu’au dernier moment. D’un pas leste, réflexe ultime de survie, je me déplaçai sur le côté, évitant de peu de me faire embrocher par l'animal.
Je n’avais pas l’avantage du combat, et il prenait l’initiative de toutes les actions. Je devais réfléchir à une action qui me redonne l’avantage que je n’avais plus. L’avantage que j’avais par rapport à lui, c’était la distance. Et je décidai d’en profiter. M’armant de mes fluides de lumière, je chargeai un trait lumineux dans le creux de ma main blessée pour le lancer droit sur le monstre, alors qu’il se retournait vers moi. Cette fois, sa corne ne le protégea pas. La magie s’insinua en lui, lui causant, créature de l’ombre, des douleurs atroces qui, si elles l’affectèrent, décuplèrent encore sa rage. Fou de colère, il se rua sur moi, gueule ouverte, et me projeta au sol en me bondissant dessus. Pattes sur mon torse, il me domina l’espace d’une seconde, prêt à m’arracher le visage de ses dents acérées. Heureusement, je pus lui donner un coup de genoux dans le ventre, puis à jouer des pieds et des mains pour me débarrasser de son poids, le temps pour moi de rouler sur moi-même pour m’éloigner, et me relever au plus vite, alors qu’il lançait un nouvel assaut. Il me percuta à nouveau, mais cette fois, sans me blesser outre mesure. Je ne perdis même pas l’équilibre, alors qu’il atterrissait sur ses pattes, agilement. Je reculai avidement dans le coin opposé de la pièce.
Il m’observa alors, grognant toujours, la bave sur sa bouche écumant au rythme de sa respiration rauque. Je profitai de cette accalmie pour faire appel à mes fluides d’air, que je propulsai dans mon bras d’arme. Il dut se douter de mon attaque, puisqu’il me chargea à nouveau. Mais mon sort était prêt, et animé de la force du vent, je lançai mon épée puissamment vers son abdomen, pile au moment où il sauta pour me surgir dessus. La lame d’argent pénétra ses poils, ses chairs et organes, faisait gicler un sang sombre hors de la plaie. Son assaut fut coupé net, il et tomba sur le côté, geignant, mais prêt, déjà à réattaquer.
Désormais désarmé, je n’avais plus d’autre choix que d’utiliser ma magie… Et me vint alors à l’esprit un sortilège fort utile que j’aurais pu utiliser bien plus tôt dans le combat, s’il n’avait été si brusque et abrupt. Le Calme Animal. Je fis appel au don d’apaisement de mes fluides lumineux pour les projeter avec douceur sur l’animal blessé qui, touché par mon sort, se mit à luire lui aussi. Son regard se décrispa, et ses crocs firent place à une longue langue rose qu’il sortir de sa bouche, fatigué et blessé. Je m’approchai de lui, doucement, et lui flattai l’encolure. Il était sous mon contrôle… Ou en tout cas, ne consentait plus à m’attaquer.
« Chuut, voilà, c’est tout… »
D’une main, j’agrippai le manche de mon épée plantée dans son flanc, et de l’autre, j’usai de mon pouvoir de soin pour lui éviter toute blessure supplémentaire, espérant que la douleur serait couverte par la magie curative. Tout en œuvrant, je jetai un dernier regard plein d’animosité à la petite fantômette.
« Je ne tuerai point sous tes ordres. Libères cette créature, et laisse-moi sortir de ce manoir sans plus me barrer la route. »
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- Selen Adhenor -
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