La petite semblait soudainement fragile, comme si toute sa hargne, tout son sadisme, n’étaient finalement qu’une façade bien morne par rapport au monde de tristesse et de regrets qui se cachait derrière. Elle répondit à mes remarques de manière peu précise, arguant juste qu’elle n’avait pas vraiment le choix… Qu’elle était forcée de faire ces choses. Je n’y croyais goutte : elle prenait plaisir à voir notre souffrance. Elle ne s’en était jamais cachée. Là où ses amis fantômes avaient montré des aspects humains notables, elle n’avait été que brutalité et colère, que sadisme et méchanceté. Et là, tout s’effondrait autour d’elle. Ses amis, selon ses paroles, avaient été libérés. Se rendait-elle finalement compte de l’absurdité de son comportement ? Seule contre tous… Elle l’était, oui. Mais de sa faute uniquement. Et maintenant que je proposais de l’aider, elle laissait choir toutes ses défenses, toute son armure, son rôle, son masque.
La pièce où je me trouvais, m’expliqua-t-elle, était la pièce contenant ses souvenirs. Les clés de sa déroute, de sa mort, sans doute… Et de ses nombreux regrets. La pièce renfermant son histoire, en quelque sorte. Des souvenirs me cernaient de toutes parts, pour que je puisse la comprendre… Est-ce ainsi que je la libérerais ? J’avais du mal à envisager la chose, mais après tout… Rien ne se passait normalement dans ce foutu manoir. Les règles de notre monde n’étaient pas en vigueur, ici.
L’âme de la petite, emprisonnée des lieux, devait trouver le repos… C’était là ma seule voie d’issue, apparemment. Sans quoi je serais condamné à errer sans but dans ce manoir morbide aux nombreuses pièces sans intérêt.
Je m’approchai du lapin en face de celui que j’avais étêté, et de la point de mon épée, en déchirai le tissu… Peut-être contenait-il, lui aussi, des souvenirs et indices. Une sorte de pièce du puzzle que j’allais devoir reconstituer.
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- Selen Adhenor -
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