Malgré les propos de Sibelle, Elylia s'excusa de ne pas avoir partagé ses informations plus tôt et assura à la fougueuse guerrière rousse qu'elle n'avait nulle intention de leur cacher quoi que ce soit. Finalement, elle se retourna et prit la direction opposée à celle de Zniitch et de sa protectrice, leur adressant quand même un bref mais cordial au revoir.

Le petit gobelin put donc la voir ouvrir la porte en question - la porte Nord, s'il en croyait ce qu'elle avait dit - et disparaitre dans son seuil, aspiré par un nouveau portail magique. Rien qu'à l'idée de devoir en traverser un autre, Zniitch en avait l'estomac tout retourné ...
Mais il ne se doutait pas que ce qui les attendait était encore pire. En effet, Sibelle eut à peine le temps de saisir la poignée de la porte qu'ils furent tous deux percutés par un fulgurant et monumental coup de poing invisible. Un coup de poing qui les fit tomber au sol et glisser sur deux bons mètres avant qu'un rire amusé ne se mette à raisonner entre les quatre murs nus de cette pièce vide.
C'était le rire de cet horrible et insupportable clown, qui leur lâcha qu'ils venaient tout juste de tomber sur une fausse porte. Mais pourtant, se relevant, époussetant sa chemise et remettant ses affaires en place, les préoccupations de Zniitch étaient toutes autres.

« La porte ... Pourquoi la porte ne s'ouvre pas ? Peut-être qu'ils ne peuvent pas retourner en arrière ? D'où est-ce que Zniitch vient ? Euh ... Ouest ! Zniitch a pris la porte Ouest ! Donc il est arrivé par la porte Est ! Donc c'est pas ça ... C'est pas bon, pas bon ! » Tout en réfléchissant à haute voix en débitant le flot de ses pensées confuses, le frêle gobelin se grattait la tête et regardait un peu partout autour de lui. Soudain, il s'immobilisa comme s'il venait de comprendre quelque chose de capitale. « Mais ... Zniitch ne ... Et si ... Et si ils étaient bloqués ? Et si ils pouvaient prendre qu'un portail ?! »

Puis, totalement paniqué, il se précipita sans trop réfléchir vers la porte qui se trouvait sur sa droite - la porte Ouest, donc - et tenta de l'ouvrir. Dans son empressement, il ne fit même pas attention à Sibelle, qui l'accompagnait pourtant et dont il avait promis de ne plus se séparer.

Susceptible, la guerrière s’était déjà dirigée vers la porte sud lorsque l’elfe grise lui répondit. Bien qu’elle ne fit aucun commentaire supplémentaire, Sibelle avait bien entendu les justifications de l’elfe grise. Et bornée comme elle était, elle maintint son point de vue, et ne s’opposa point à ce qu’Elylia poursuive seule son chemin. Ce n’était pas la première fois que Sibelle causait cette réaction, et ce ne serait sûrement pas la dernière.

Alors qu’Elylia passa sans difficulté la porte Nord, il en fut tout autrement pour le gobelin et la rouquine pour la porte Sud. Sibelle eut à peine le temps de toucher la poignée de porte qu’elle et son compagnon furent propulsés dans les airs de la même façon que s’ils avaient reçu un vigoureux coup de poing. Ils tombèrent quelques mètres plus loin sur leur derrière. Le clown témoin de la scène ne se priva pas de rire, d’autant plus qu’il était en quelque sorte l’auteur du piège. Cette porte, tel qu’il expliqua après coup, n’était en vrai qu’une fausse porte.

Sibelle demeura au sol quelques secondes afin de comprendre ce qui se passait. Depuis son arrivée, elle n’avait qu’emprunté les portes sud afin d’éviter de tourner en rond. Elle en déduisit donc qu’elle était parvenue à une extrémité de la maison. Puisqu’elle ne voulait pas revenir sur ses pas, il lui fallait choisir l’est ou l’ouest. C’est à ce moment de ses réflexions que le petit gobelin se releva rapidement tout en s’époussetant et en parlant pour lui-même à voix haute. La guerrière écouta le monologue du sekteg sans commenter. Il se demandait d’où il arrivait puis en déduisit qu’il arrivait de l’est et devait donc prendre la porte ouest. Lorsqu’il eut enfin pris sa décision, la guerrière se leva à son tour et, tout en ignorant la présence de Jack, elle décida d’emboîter le pas du petit gobelin. Elle lui avait promis de ne plus le quitter et elle comptait bien honorer ses promesses.

Quand la poignée de la porte en question tourna sans le moindre mal, Zniitch ressentit tout d'abord un vif soulagement. Un sentiment qui ne dura qu'une seconde puisque, l'instant d’après, avant même d'avoir le temps de se retourner vers Sibelle, le petit gobelin se retrouva aspiré par un portail ... de la même façon que les deux dernières fois où il avait ouvert une porte comme celle-ci.
Et de la même façon que les deux fois précédentes, ce voyage magique lui retourna l'estomac et le projeta dans une nouvelle salle, toujours bien identique aux autres. Zniitch était cependant plus occupé à garder son dernier repas qu'à admirer la décoration. Il nota toutefois que Sibelle n'était pas avec lui.

( Sibelle va venir ? Ou ... Ou alors elle est resté bloquée de l'autre côté de la porte ? Mais est-ce que ... Est-ce que deux personnes peuvent passer par le même portail, au moins ?? Oh non, Zniitch aurait du attendre Sibelle ! Zniitch aurait du ... ) Paniquait le gobelin en se redressant pour regarder dans tous les sens, avant d'être soudainement interrompu par une étrange sensation qui le fit frémir.

Une sensation qui se rependit autour de Zniitch avant d'envahir son corps frêle. Une sensation insidieuse, qui s’immisça dans les moindres recoins de son être à la façon d'un serpent qui se faufile dans une fissure. Et avant qu'il ne comprenne quoi que ce soit où qu'il ait le temps de réagir, il se retrouva privé de sa volonté. Sous le joug d'une force supérieure, invisible mais assurément malveillante.
Il n'était plus qu'un pantin, une marionnette.

Il voyait par ses yeux et entendait encore par ses oreilles, mais c'était comme si un mur de pierre le séparait de ce qui se passait autour de lui. Il ne pouvait qu'être spectateur de ce que cette force faisait de lui.
Ainsi, quand une dizaine d'autres gobelins apparurent comme par magie dans la pièce, il ne put même pas réagir. Il pouvait seulement remarquer avec horreur qu'ils lui ressemblaient terriblement et qu'ils portaient les même habits et équipements que lui.

( Qu'es-ce qui se passe ? C'est quoi ce piège ?? ) Se demanda immédiatement Zniitch, sans rien comprendre de ce qui se déroulait sous ses yeux tout en ayant peur de ce qui allait se passer ...

Il ne s'écoula pas dix secondes avant que le portail par lequel Zniitch était entré ne s'illumine à nouveau pour laisser apparaitre une onzième personne dans cette salle déjà bien remplie.

Une grande et fine silhouette en armure, deux épées au côté, une chevelure fougueuse et flamboyante, on ne pouvait s'y tromper : Sibelle.
L'arrivée de sa protectrice et compagnonne d'aventure aurait bien redonné le sourire au petit gobelin, si ce-dernier était encore maître de ses mouvements. A la place, la force qui le contrôlait lui fit afficher un regard froid et dénué de toute émotion.

« Sibelle ... » Siffla-t-il plutôt, en dégainant son sabre pour faire un pas vers l'avant. « Sibelle. » Lâcha aussitôt l'un des clones en s'avançant à son tour, rapidement imité par plusieurs de ses semblables. « Sibelle. » « Sibelle. » « Sibelle !! »

Sans donner le temps à la guerrière de réagir, la force malveillante ordonna à Zniitch et à ses clones d'encercler celle-ci tout en continuant de les faire parler. Ce qu'ils firent tous sans opposer de résistance.

« Sibelle ... Regarde-toi ... Commença un premier clone d'un air dédaigneux.
- Qu'est-ce que tu vas bien pouvoir faire, hein ? Enchaîna un second, dangereusement proche de l'elfe rousse.
- T'attaqueras-tu à ton si cher compagnon ? Reprit un troisième en ricanant. Celui-ci se trouvait déjà presque derrière la guerrière.
- Ton si cher compagnon !! Reprit l'un des gobelins resté à l'arrière, en haussant le ton.
- Hé, moisissure verte, si tu t’avises à changer de clan ou nous trahir de quelque façon, tu goûteras à ma cuisine. De mes lames, je te découperai en morceaux ! Lança alors un autre gobelin. Des mots qui devaient sembler familiers à Sibelle.
- Ce sont les propres mots de Sibelle ! Sibelle l'a dis ! » Cracha alors le véritable Zniitch, camouflé au sein de ses clones.

Puis, sans prévenir, toujours esclaves de cette puissance impalpable, les dix gobelins - Zniitch compris - se précipitèrent de concert au combat, armes au clair et prêts à tailler la grande elfe rousse en pièces.

Sans tarder, la guerrière avait suivi son ami dans une autre pièce semblable aux précédentes, carrée, non meublée, comportant quatre portes, et munie de quatre chandeliers afin de bien l’éclairer. Si cette pièce était suffisamment grande pour accueillir deux êtres vivants de taille moyenne, elle était par contre trop petite pour en contenir une dizaine. Ses beaux grands yeux noisettes ronds comme des billes, ses sourcils relevés, sa bouche ouverte, la guerrière figée de surprise se trouvait désormais en compagnie d’une dizaine de gobelins tous à l’air menaçant armes à la main avançant vers elle. Avant qu’elle n’ait le temps d’interroger ses agresseurs, une voix féminine venue de là-haut lui fournit les explications. La jeune demoiselle, l’esprit malfaisant, leur jouait un mauvais tour qui risquait de leur coûter la vie. Le petit Zniitch, visiblement ensorcelé, accompagné de ces neuf clones, tentait de tuer l’elfe blanche. Celle-ci devait réussir à se défendre et tuer ses ennemis tout en épargnant son ami.

« Sois maudit, esprit malveillant ! » cria de rage la brave guerrière alors que les gobelins l’encerclaient tout en criant son nom de tous les côtés. La guerrière scrutait ses attaquants tentant en vain de trouver celui qui serait différent des autres. Mais elle ne discerna rien, les vêtements, le visage, les armes, la démarche et la voix; les dix gobelins étaient tous identiques sans exception. Ces répliques ne lui laissèrent aucun répit en l’insultant sur un ton dédaigneux. L’un deux répéta la phrase exacte que Sibelle avait prononcée lorsqu’elle l’avait rencontré la première fois : « Hé, moisissure verte, si tu t’avises à changer de clan ou nous trahir de quelque façon, tu goûteras à ma cuisine. De mes lames, je te découperai en morceaux ».

Croyant que seul le vrai gobelin pouvait connaître ces paroles, elle se dirigea vers lui. Le petit être non intimidé l’attendait avec sa hache et son maillet. Une épée dans chaque main, Sibelle stoppa l’attaque du maillet de la main droite et désarma le gobelin en faisant tomber la hache de son autre main. Une fois le gobelin désarmé, elle plongea droit sur lui afin de le neutraliser et tenter de lui faire entendre raison. Mais aussitôt, qu’elle le toucha, il s’évapora…Ce n’était donc pas Zniitch. Un de parti, il en restait donc neuf, neuf gobelins qui fonçaient sur Sibelle avec l’intention de la tuer.
Ne sachant trop quelle stratégie adopter, Sibelle tenta une fois de plus de retrouver son ami parmi tous ces sektegs.

«Zniitch, tu dois te rappeler que nous étions devenus amis, nous avons combattu ensemble ! Zniitch, ne laisse pas cette fillette contrôler ton esprit ! »

Loin de se laisser déstabiliser par les insultes proférées par les gobelins, Sibelle resta parfaitement concentrée, à l'affût de la moindre faille. Zniitch aurait aimé lui crier qu'il était là, caché parmi ses semblables ... Mais un puissant étau magique le maintenait toujours à l'état de pantin, esclave de cette conscience qui souhaitait la mort de la guerrière elfe.
Celle-ci, justement, évita sans grand mal les assauts désordonnés des gobelins pour se jeta sur l'un d'eux. Elle le désarma sans grand difficulté puis tenta de se saisir de lui, avant qu'il ne disparaisse en s'évaporant dans l'air. C'était assurément un clone.

Désemparée, Sibelle se mit en garde tant bien que mal et tenta de raisonner son ancien compagnon. Elle lui rappela qu'ils avaient été amis et qu'ils avaient combattu ensemble autrefois, et qu'il ne devait pas laisser une certaine fillette le contrôler ...

( Une fillette ... Ce doit être celle qui a parlé avant le combat. C'est celle que Zniitch a déjà vu ? Ou une autre ? L'elfe aux cheveux gris disait qu'il y avait une autre fillette dans ce manoir ... ) Songea brièvement Zniitch, avant de revenir au "spectacle" qui se déroulait sous ses yeux.

A l'évocation du mot "ami", une demi-douzaine de clone se mit à ricaner. L'un d'eux s’exclama même : « Ami ? C'est ainsi que tu traites tes amis ? »

Caché par ses clones, le véritable Zniitch entreprit de contourner la guerrière afin de se placer dans son dos. La manœuvre n'était pas des plus aisées puisque Sibelle ne cessait de se tourner et de se retourner, mais la fillette - puisqu'il s'agissait d'elle visiblement - était déterminée. Et lorsqu'il se vit sortir son couteau de sous les replis de sa chemise, la panique l'envahit.
Mais il n'était toujours pas en mesure d'agir ...

« Tu m'as abandonné. Abandonné dans cette taverne ! Argumenta un clone sur un ton plein de reproches.
- Abandonné dans cette mine ! Reprit un autre.
- Zniitch est resté prisonnier trois jours, esclave des humains et de leur avidité. » Lâcha cette-fois le vrai Zniitch. « Quatre jours ! » Corrigea aussitôt l'un de ses clones, rapidement coupé par un troisième : « Non, cinq ! »

Un court silence passa alors. Zniitch était désormais dans le dos de la guerrière, son couteau en main, prêt à le lancer au bon moment. Et ce moment approchait à grande vitesse.

« J'entends encore les pioches dans ma tête ... Elle résonnent , et résonnent encore. » Gémissait un clone, un peu plus éloigné.

Puis soudain, tout s'accéléra. Le clone le plus proche de Sibelle fit un bon en avant, les bras écartés et poussant un grand "Ah !" assez ridicule. Mais bien que mortellement exposé, il attira l'attention de la guerrière qui s'immobilisa une courte seconde ... Une seconde de trop car, dans son dos, les gobelins s'écartèrent pour laisser apparaitre le véritable Zniitch, couteau à la main.

« Quand Zniitch cri, le lapin s'arrête. Sibelle se souvient ? » Lâcha-t-il en propulsant le couteau de toutes ses forces, visant l'une des failles de cette armure elfique qu'il avait eu tout le loisir d'étudier, avant de plonger à nouveau parmi ses clones pour se dissimuler.

L’appel lancé de Sibelle ne donna aucun résultat positif. Le pauvre petit Zniitch était apparemment ensorcelé et ne pouvait répondre à la guerrière. C’est ainsi qu’au lieu d’une réponse sincère de la part du gobelin timide, la guerrière eut droit à de vilains ricanements moqueurs et à de fortes remontrances. Les gobelins qui lui faisaient face lui rappelaient les scènes atroces que Zniitch avait dû endurer dans la mine alors qu’il avait été séparé de Sibelle. Cette dernière, secouée par toutes ces accusations, prenait de grandes respirations afin d’essayer de garder son calme et les idées claires. Elle savait bien qu’en vérité son compagnon ne lui reprochait rien. C’était ce mauvais esprit du manoir, qui ayant accès à la mémoire du Segtek et sans doute à celle de Sibelle, tentait de les manipuler, de les déconcentrer.

Puis, sans que Sibelle ne s’en attende, une copie de Zniitch fit un bond en avant, les bras écartés tout en poussant un grand : ah !

Interloquée, par réflexe ou instinct, Sibelle s’immobilisa une fraction de seconde. Un temps relativement court, mais suffisant pour un autre gobelin qui s’était malicieusement faufilé pour l’attaquer sournoisement par-derrière. Une douleur intense vrilla l’épaule droite de la guerrière. Un petit poignard venait tout juste de se glisser dans une faille de son armure.

Habituée de combattre, malgré la douleur qui l’assaillait, Sibelle ne se laissa pas abattre par cette blessure. Entêtée, elle poursuivrait cette bataille jusqu’à la victoire, peu importe si elle en ressortait grièvement blessée. La guerrière tourna rapidement sur elle-même pour les regarder un à un. Puis un sourire se dessina sur son visage. Elle venait tout juste de comprendre comment se débarrasser de ses ennemis. Si elle ne pouvait discerner le vrai Zniitch parmi ses semblables, elle pouvait les faire disparaître un à un. C’est ainsi que Sibelle rangea ses courtes épées à sa ceinture et s’élança sur les quelques gobelins qui lui faisaient face. Son but n’était point de les blesser, ça aurait été de l’énergie gaspillée. Il lui suffisait de les toucher pour qu’ils disparaissent. Un manoeuvre suicidaire de la part de la guerrière ? Pas vraiment, pas dans son raisonnement à elle du moins. Tête brûlée et impulsive, elle savait bien qu'elle risquait quelques blessures, mais confiante en ses capacités, elle croyait pouvoir les toucher avant qu'ils ne la blessent grièvement.

Tout en plongeant sur eux, elle faucha quelques jambes. Sitôt touchés, trois gobelins disparurent. Il n’en restait que six désormais, incluant le vrai.

Le sourire aux lèvres, Sibelle avait maintenant le contrôle de la situation. Les rôles étaient à présent inversés, elle n’était plus la proie, mais le prédateur. Sibelle n’avait plus qu’à poursuivre les gobelins et à les toucher pour les neutraliser. Dans un tout autre contexte, cela aurait pu être un divertissement, un jeu.

Sans plus se préoccuper des insultes que lui lançaient les petits monstres verts, la guerrière s’élança à la poursuite de deux autres.


((( J’ai fait disparaître 3 gobelins cette fois, car j’en avais fait disparaître un seul la dernière fois, ce qui fait une moyenne de deux par post ! )))

Le projectile fila à toute vitesse pour aller se ficher sous l'épaulière de la cuirasse de la guerrière, qui grimaça de douleur sans pour autant se laisser abattre. Zniitch savait qu'il en fallait bien plus pour venir à bout de sa protectrice, mais il savait aussi qu'elle avait intérêt à rapidement trouver une astuce ou une solution si elle ne voulait pas y rester ...

Et une solution, elle ne mit pas longtemps à en trouver une. Regardant tout autour d'elle ces gobelins qui l'encerclaient désormais, son visage fin et gracieux se fendit d'un sourire espiègle tandis qu'elle rangeait à sa ceinture ses deux épées courtes.
La force malveillante qui contrôlait le petit gobelin le fit se mettre sur ses gardes, de même que tous ses clones verdâtres. Une main sur la poignée de son sabre, ses yeux perçants observaient les moindre mouvement de l'elfe aux cheveux de feu à travers la masse de ses congénères. Puis, soudain, elle s'élança.
Tête la première, à la seule force de ses mains nues, elle se jeta comme une furie sur un groupe de sektegs qui se tenaient prêt, à sa droite. Ces derniers furent pris au dépourvu et n'eurent même pas le temps de lever leurs armes qu'ils s'évaporaient comme par magie au contact des bras ou des jambes de Sibelle.

( Elle a trouvé ! ) S'exclamait intérieurement Zniitch tandis qu'un désarroi s'emparait de lui ... Toutefois, ce désarroi n'était pas le sien, il le savait : il s'agissait de cet être - la fillette dont avait parlé Sibelle - qui devait surement paniquer à la vue de cette guerrière faisant s'évaporer ses clones par groupes entiers.

« Tu crois vraiment pouvoir me battre comme ça ?! » S'écria un gobelin dans le dos de la guerrière, tentant de dissimuler une certaine inquiétude.
« Nous nous sommes déjà affrontés, une fois ... » Enchaina un autre sur un ton plus assuré, plus mauvais. « Sibelle se souvient ? » Termina le véritable Zniitch, toujours caché parmi ses clones et à bonne distance de la guerrière qui relevait déjà la tête en vue d'un autre assaut.
« Une course, dans la forêt ... » Reprit un autre clone, à l'opposé de sa position. « Tu dois te souvenir comment tu as mordu la poussière, comment je t'ai battu ! »
« Je peux recommencer !!» Cria un autre en se jetant cette fois sur la guerrière, armes au clair et prêt à tailler dans sa tendre chair elfique.

Les gobelins aussi avaient compris le stratagème de la guerrière. Lorsque Sibelle s'élança sur deux autres gobelins, l'un d'eux s'écarta à temps. Si bien, que seul son compagnon disparut sitôt que Sibelle l'eut touché.

Des dix gobelins du départ, il en restait cinq, Zniitch y compris. Mais la suite ne promettait pas d'être facile, puisque les gobelins avaient devinés les plans de l'elfe blanche.

Une fois de plus, c'était par l'intimidation que les petits clones tentaient de déstabiliser la guerrière. C'est à son orgueil plus précisément qu'ils s'attaquaient, rappelant à la belle sa défaite qu'elle avait subie alors qu'elle s'attendait à remporter la course contre l'être vert bas sur pattes.

Criant qu'il pouvait recommencer, hachette à la main, un autre clone s'élança sur la guerrière. Elle le regarda charger sur elle et resta immobile jusqu'au dernier moment. Lorsqu'il ne fut qu'à quelques pas d'elle, elle l'esquiva en faisant un pas de côté. Lancé dans son élan, il ne put s'arrêter. La guerrière profita de son passage près d'elle pour lui asséner une claque dans le dos. Ils n'étaient plus que quatre.

Bien qu'elle était fatiguée de jouer au chat et à la souris, l'elfe blanche n'avait pas l'intention d'abandonner. Elle les exterminerait jusqu'à l'avant dernier, laissant bien entendu la version originale en vie. Encerclée par les derniers survivants, elle demeura immobile quelques secondes avant de faire un léger mouvement vers l'avant. Mais, il ne s'agissait que d'une feinte, elle se retourna vivement et attrapa le segtek qui était derrière elle.

Toujours quatre gobelins ! A sa grande surprise, elle venait de trouver Zniitch parmi toutes ses copies. Tenant fermement son petit compagnon dans les bras, elle recula contre le mur et cria aux autres adversaires qui lui fit face.

" Reculez immédiatement, sinon je n'hésiterai pas à vous poignarder, sales répliques !


(((Il reste 3 copies )))

Acculée dos contre un mur, sa main gauche armée d’une rapière, la droite tenant fermement son petit protégé comme si elle craignait qu’on lui enlève, Sibelle attendait une attaque éventuelle des clones. Mais son attente fut vaine, puisque suite à un claquement de doigts, les copies restantes partirent en fumée. Puis un « pouf » annonça le retour de l’esprit qui jouait effrontément avec leurs sentiments.

Sibelle relâcha aussitôt son ami qui ne courait plus aucun danger et fonça droit sur l’image de la fillette aux couettes blondes. La guerrière n’était point sotte, elle savait bien que ses armes ne trancheraient que le vide, que cet esprit était inatteignable. Mais décharger ainsi sa colère lui procurait le plus grand bien et libérait cette frustration accumulée.
Ainsi les rapières de la guerrière fendaient déjà l’air lorsque la petite blondinette la félicita de sa perspicacité. Sibelle n’était point de celles à se laisser adoucir par de basses flatteries, elle ne fit donc aucun commentaire face à ces compliments. Voulant sans doute la narguer davantage, l’esprit féminin en rajoutant une couche en dévoilant à la guerrière que c’était son petit compagnon qui l’avait blessé.

Mensonge ou vérité, Sibelle ne pouvait deviner. Cependant, elle croyait dur comme fer que si le petit gobelin l’avait réellement blessé, c’était contre sa volonté, manipulé qu’il était comme une vulgaire marionnette.

« Espèce de misérable fantôme, ne croyez pas que je lèverai le petit doigt pour vous secourir après toutes les tortures que vous nous faites subir. »

Menace et intimidation, c’était les seules armes que l’elfe blanche pouvait utiliser contre ce mauvais esprit, elle paierait cher pour pouvoir la tenir dans ses mains et l’étrangler jusqu’à plus souffle.

L’épreuve étant terminée et réussie, les deux compagnons eurent droit à poser trois questions. Encore trop sur l’émotion, Sibelle n’était pas disposée à poser une seule question. Elle se tourna donc vers son compagnon, attendant qu’il se charge seul de questionner leur geôlier.

Sibelle esquiva sans grand mal le sekteg qui la chargeait. Elle en profita même pour se retourner et lui mettre une claque dans le dos, le faisant disparaitre dans un nuage de fumée.
Les gobelins étaient de moins en moins nombreux, mais la guerrière elfique s'immobilisa un instant et ils en profitèrent alors pour reformer les rangs afin de l'encercler. Toujours guidé par cette force sombre et malveillante, Zniitch se mouvait habillement entre ses clones pour rester hors du champs de vision de la guerrière, la contournant avec prudence. Son sabre dégainé et prêt à frapper, il guettait la moindre occasion de fondre sur elle.

Lorsque, soudain, Sibelle sembla s'élancer vers l'avant pour s'attaquer au petit groupe de clones qui lui faisait face. C'était exactement le signal qu'attendait Zniitch - ou plutôt celui qui le contrôlait - pour attaquer. Mais l'habile guerrière était bien plus rusée qu'il n'y paraissait. Avant que Zniitch n'ait le temps de l'attendre, elle fit volte-face et se saisit du gobelin ... qui ne s'évapora évidement pas !

( Sibelle a trouvé ! Sibelle a trouvé Zniitch ! ) Put se réjouir intérieurement le petit gobelin. Au même moment, l'étau mental qui le contrôlait se relâcha et il reprit le contrôle de son corps. Il cligna des yeux plusieurs fois et tenta de gesticuler pour s'assurer que le maléfice était levé, et se rendit compte avec joie que c'était bien le cas.

Agrippant son protégé comme si on allait à nouveau lui enlever, Sibelle s'empressa de mettre de la distance entre elle et les derniers gobelins restants, les menaçant et se plaçant dos au mur le plus proche.
Ses menaces résonnèrent un court moment dans la petite salle carrée, avant qu'un claquement de doigt ne fasse disparaitre d'un seul coup tous les clones. Au même moment, un nouveau personnage fit son apparition dans la pièce : une petite fille aux cheveux blonds et vêtue d'une longue robe rouge. Semblable à celle qu'il avait déjà rencontré plus tôt, cette jeune humaine flottait dans les airs et l'on pouvait voir au travers d'elle. Ça devait être Dolly, selon toute logique, et Zniitch était quasiment sûr que c'était elle qui l'avait manipulé pendant tout ce temps.

Le fantôme féminin - quelque soit son maudit nom - se fendit d'un sourire et s'empressa d'applaudir, informant Sibelle que c'était bien le véritable Zniitch qui l'avait blessé à l'épaule et les félicitant tous deux pour le spectacle qu'ils lui avaient offert.

« Zni ... Zniitch ne ... Zniitch s'excuse ! Zniitch ne se contrôlait pas, il ne voulait pas blesser Sibelle ! Il ne pensait rien de ce qu'il a dit ! Il ne ... » Bredouillait le gobelin à toute vitesse en lâchant aussitôt son sabre au sol.

Pour réponse, sa protectrice elfique le déposa doucement au sol et se dirigea en direction de l'esprit qui continuait de parler, expliquant qu'ils avaient le droit de poser leurs questions dès à présent, et qu'elle leur en offrait trois. Mais Sibelle semblait avoir une autre idée en tête, puisqu'elle dégaina ses lames et se défoula sur l'air qu'occupait silhouette évanescente de la fillette blonde qui se moquait bien des coups qui pouvaient lui être portés ...

« Zniitch voudrait regarder cette blessure ... Il peut peut-être la soigner. » Lança le petit gobelin à sa compagnonne une fois que celle-ci eut finis de taillader le vide, ses petits yeux jaunes ne parvenant pas à se détacher du couteau qui dépassait de son épaulière ... Son propre couteau ...

S'approchant ainsi doucement de son amie blessée et visiblement encore en colère, il tourna son attention vers la fillette qui restait là, flottante à quelques centimètres du sol et les regardant avec son grand sourire innocent mais pourtant empli de malveillance. Des questions, Zniitch en avait. Et il esperait - vainement - que ce fantôme serait plus clair dans ses réponses que ses semblables.

« Les fantômes ont dis que huit personnes sont entrées dans ce manoir, auparavant. Que sept d'entre eux étaient des propriétaires et ont péris, mais que la huitième était une jeune fille qui cherchait - et qui aurait trouvé - son animal de compagnie. Zniitch voudrait savoir ce qu'elle est devenu ... »

Honteux et repentant, le petit segtek confirma les dires de l'esprit malfaisant, c'était bien lui qui avait blessé la guerrière. Tout en offrant des excuses sincères, il précisa toutefois qu'il n'avait pas le contrôle de ses gestes lorsqu'il avait commis l'acte répréhensible.

Rassemblant sans doute tout son courage, Zniitch posa la première question auquel ils avaient chèrement payer le droit. Il s'intéressait à la huitième personne, la petite fille qui avait cherché et trouvé son chat disparu. Dolly confirma ses dires tout en rajoutant avec dépit que la petite avait déjoué tous les pièges avant de repartir comme elle était venue.

Sibelle laissa Zniitch s'approcher d'elle. Puis tout en lui offrant un sourire compatissant, elle s'agenouilla permettant ainsi au petit gobelin d'être en meilleure position pour retirer le poignard et panser ses blessures. Orgueilleuse, la guerrière n'émit aucun cri lors de l'extraction de l'arme blanche, mais bien malgré elle, l'expression de son visage trahissait une intense douleur.

Demeurant quelques instants silencieuse, songeuse, elle se décida enfin à questionner la demoiselle habillée de rouge.

"Par quel ouverture est entrée Kasandra, si ce n'est par la porte principale ? "