Après un petit "pardon" interrogative, elle expliqua être la nièce du capitaine. Le voleur encaissa ce fait assez durement, si elle était proche de l'équipage, il risquait encore plus gros en la laissant descendre plus bas. Elle ne semblait pas bien compliquée à maîtriser et n'était pas suffisamment loin pour le distancer. De plus les lieux ne jouaient pas en sa faveur. Il lui serait en effet plutôt compliqué de se retourner dans les escaliers et prendre la fuite. En tout cas ça la retarderait assez pour qu'il puisse lui saisir la jambe. Trà Thù prit son temps pour se décider, se rapprochant de l'escalier sans monter la première marche, les mains toujours prêtent à dégainer, mais légèrement plus loin. Quand il allait le faire, une idée lui vint, si elle était ce qu'elle prétendait être, il pourrait menacer le capitaine et ainsi récupérer pas mal de richesse, tout en équilibrant ses actes.

" Je suppose que ça ne vous dérange pas de me conduire auprès de votre oncle, n'est-ce pas ? J'ai quelques mots à lui dire. "

(il me suffira d'avoir confirmation en restant près d'elle et lui mettre un couteau sous la gorge, le moment venu. Un plan parfait, dommage que je n'aie pas mis mon plastron, ça m'aurait apporté plus de protection.)

Mon interlocuteur semble hésiter un instant, puis sans mots dire, il se dirige vers l’escalier. Mais, alors que je commence à me détendre, et que la peur résiduelle reflue , il s’adresse de nouveau à moi :


" Je suppose que ça ne vous dérange pas de me conduire auprès de votre oncle, n'est ce pas ? J'ai quelques mots à lui dire. "

« À cette heure ? Vous voulez rire, je ne vais pas réveiller mon oncle. Et, de toute façon, je pense qu’il n’apprécierait pas que je mêle des histoires familiales et professionnelles. Cela ne serait bon ni pour vous ni pour moi. Mais si vous souhaitez le voir, attendez le matin et demandez à n’importe quel homme de l’équipage, il vous dira où le trouver. »

Son attitude m’inquiète, il ne semble pas vouloir me laisser seule, et surtout s’il veut parler au capitaine, je risque d’avoir de sérieux ennuis dès qu’il mentionnera ma présence… Il y a peu de caches dans un bateau, et je pense qu’aucune d’entre elles ne résiste à une fouille correcte. Mais je n’ai pas vraiment de choix… Le tuer ? Même si j’en étais capable, cela laisserait trop de traces. Et je ne peux sûrement pas le neutraliser sans effusion de sang, loin de là. Il faut que je trouve un moyen de lui faire quitter la cale…

Prétextant l'heure comme excuse pour ne pas aller voir le capitaine, elle réduisait ses plans à néant. Elle ne semblait pas vouloir quitter la cale, ce qui était certes louche, mais pas plus que la présence du voleur en ce lieu. Il était le seul homme armé hormis l'équipage, s'il devait la tuer et qu'elle était ce qu'elle disait être, il serait le seul suspect. Mais quoiqu'il fasse le demi-elfe sentait qu'elle lui cachait quelque chose, le problème étant qu'il n'avait aucune idée de ce que cela pouvait être.

Alors qu'il se sentait résigné, un détail lui vint à l'esprit, elle était armée et en armure. Son oncle, à ses dires, n'avait pas l'air d'être homme à demander à sa nièce d'assurer la sécurité. Un doute s'immisça dans l'esprit du bâtard. Il ne voyait aucune raison à ce qu'elle soit ainsi vêtue, à moins qu'elle ne lui mentît depuis le début. Il ne trouva qu'un moyen de connaître la vérité.

" Alors soit, j'irai voir votre oncle demain. Je dois vraiment parler avec lui d'une chose importante, je lui dirai aussi de faire plus attention à vous. Il est très dangereux de se promenait seule la nuit, vous pourriez faire des rencontres des plus douteuses. "

La réaction de la jeune femme lui donnerait la réponse qu'il attendait. S'il avait confirmation de son identité, il l'attraperait par la jambe et s'en servirait comme otage et objet de chantage. Sinon, il aviserait selon son comportement.

La réponse de l’homme est remplie d’une douce ironie : une mise en garde pour des rencontres douteuses… C’est un peu tard. Mais il semble bien décider à rencontrer le capitaine, et à lui parler de moi qui plus est. Insister pour le contraire serait voyant, mais je dois tout de même tenter quelque chose, même si je crains qu’il ne soit presque aussi sincère que moi.

« Dangereux de se promener seule la nuit ? Allons, nous sommes sur un bateau, pas à Tulorim. Qui serait assez stupide pour m’agresser ici, et subir à coup sûre la justice du capitaine ? Il n’y a nulle échappatoire, seulement les fers qui attendent les criminels. Et je sais peut-être mieux me défendre que vous ne le croyez. Je ne porte pas une arme au flanc juste pour le côté décoratif de la chose, voyez-vous, et je n’ai pas besoin de chaperon pour assurer ma protection.
Sur ce, bonne nuit. Je pense que vous n’avez rien de plus à faire ici, n’est-ce pas ? »

Elle répondit avec audace, pensant qu'elle était en sécurité sur ce navire. Elle semblait bien inexpérimenté, faire valoir son statut comme pour signifier qu'elle était au-dessus de tout problème. Elle aurait mieux fait de se présenter comme une clandestine, ça lui aurait apporté beaucoup moins de problèmes. Bien qu'il doutait encore légèrement de son identité, il décida à la croire. Il desserra sa cape, jusqu'à ce qu'elle puisse être retiré d'un simple mouvement.

" Vous avez raison, nous ne sommes pas à Tulorim, mais soyez quand même vigilante. Les mers peuvent se montrer bien plus terrifiante que la terre. Au contraire, je trouve que les bateaux sont des endroits où il est impossible de fuir et où la peur est facile à installer. Sur ce je vous laisse. "

Il monta les marches jusqu'à se retrouvait derrière elle. Puis lui donna un violent coup de pied dans le dos.

" Je vous avais averti, la nuit permet de très mauvaise rencontre. Maintenant, si vous vous pensez assez doué pour vous défendre seule, montre-le moi. "

Après une futile mise en garde au vu ma situation, il m’affirme qu’un bateau présente justement cet avantage qu’on ne puisse pas fuir, et que cela offre la possibilité de répandre la terreur. Soit il est extrêmement fort, soit il est complètement suicidaire… Mais il part enfin, remontant l’escalier. Alors même que je me détourne, un choc, violent, me surprend, dans le dos. Je tombe à terre, amplifie un peu le mouvement pour m’éloigner. Ma tête heurte le sol, embrouillant mon esprit, mais empêchant aussi la surprise et la peur d’arriver. Je me relève, me mets en garde, fais un pas en arrière. La confusion s’efface, mais pas assez vite : déjà mon adversaire est sur moi, menaçant. Par réflexe, je tente un direct du poing gauche, détendant naïvement mon bras. L’inconnu pare sans difficulté mon attaque, et dans la continuité de son mouvement me décoche une sévère claque. Je recule sous le choc, remonte mes poings, reprenant ma garde.

« - Si c'est ça que tu appelles savoir te défendre, c'est que tu n’as aucune notion de la force de certaines personnes !

(Saleté ! N’aie pas trop confiance en toi pour un coup aussi minable !)

- Tu appelles ça de la force ? Ma grand-mère me giflait mieux que ça, avorton ! »

Profitant de ma provocation, ou peut-être réellement touché, il réattaque, trop hâtivement, d’un coup de pied, qui atterrit sans grand mal sur mon avant-bras gauche replié contre mon corps. Avant qu’il n’ait pu reprendre son équilibre, je m’élance, courbée, passe sous sa garde, et lui assène un sévère coup de coude dans le mollet gauche, puis m’écarte vivement. Enhardie par mon succès, je m’élance à nouveau, visant la tête. Mais, trop vite pour que je comprenne ce qui m’arrive, mon poing est dévié, m’entraînant sur le côté, et une violente douleur me cueille à l’estomac. Sous l’impact, je fais quelques pas titubant en arrière. La douleur veut me faire tomber, m’obliger à me recroqueviller, mais cela signerait ma défaite. Grimaçant, je fais mine de me remettre en garde, mais continue de reculer, gardant une certaine distance avec mon assaillant. Quand, au bout de trois pas, j’atteins les premières caisses, je me glisse dans leur ombre, m’élance, et j’essaye d’oublier la douleur, espérant pouvoir prendre suffisamment d’avance pour qu’il ne puisse pas me voir me glisser dans ma cache.

Le voleur descendit les marches pour faire face à cette jeune femme, celle-ci s'était relevé et mis en garde. Il lui laissa porter le premier coup, qui visa la hanche. Il le para sans aucune difficulté et répliqua d'une gifle.

« Si c'est ça que tu appelles savoir te défendre, c'est que tu n’as aucune notion de la force de certaines personnes !

« Tu appelles ça de la force ? Ma grand-mère me giflait mieux que ça, avorton ! »

(Sa grand-mère peut-être, mais je ne pense pas que ce soit son cas.)

Trà thù l'attaqua en lançant sa jambe vers elle, son pied vint frapper son avant-bras. Profitant que le demi-elfe ne soit pas revenu en place, elle bondit et le frappa au mollet. La douleur n'est pas très impressionnante, par contre le coup n'était pas commun. Elle s'éloigna rapidement pour revenir à l'assaut cherchant à l'atteindre au visage. Par réflexe, le bâtard le dévia du plat de la main, puis lui asséna un violemment son poing, alors qu'elle était encore prise par son élan. Elle tituba sur quelques pas avant de se redresser avec grand mal. L'inconnue continua à reculer jusqu'aux caisses, parmi lesquelles elle s'enfonça pour se cacher.

« Où est donc passé celle qui disait pouvoir se défendre ? Ce dont vous avez été capable peut vous sembler dérisoire, mais peu de femmes en sont capables. En fait toutes celles qui ont eu un entraînement. Allez, sortez de là! vous ne voudriez pas que je vous recherche, poignard au poing. »

Il s'approcha des premières caisses en restant tout de même à une distance valable près à se défendre.

J’avance, contourne un empilement de barriques, ralenti l’allure, m’arrête.


« Où est donc passée celle qui disait pouvoir se défendre ? Ce dont vous avez été capable peut vous sembler dérisoire, mais peu de femme en sont capables. En fait toutes celles qui ont eu un entraînement. Allez, sortez de là! vous ne voudriez pas que je vous recherche, poignard au poing. »

(Viens me chercher si tu l’oses ! L’honneur et le courage ne siéent qu’aux vivants, et je préfère rester parmi eux ! )
Figée, je tends l’oreille, la respiration en suspend. Seul l’habituel et bruyant silence du navire me répond… Un craquement. Est-ce lui ? Peut-être. Mais la distance n’est pas identifiable… Je ne peux pas savoir ce qu’il fait. Étrangement, la situation ne provoque pas autant de peur en moi qu’elle ne devrait. Je reprends ma marche, le plus furtivement possible, contrôlant ma respiration, restant courbée, avançant en suivant du bout des doigts le bois des caisses, arrivant finalement devant mon refuge.

S’il est derrière moi, c’est la fin. Sinon… Il me reste peut-être quelques heures, à pouvoir rester ici, dans l’ombre. Une pointe de désespoir me traverse alors que je me coule sans bruit dans le mince tunnel que j’ai formé, et je me recroqueville, les jambes serrées contre mon corps, dans le recoin obscur qui me sert de cabine, au milieu de la cargaison.

Avec l’attente, le désespoir se mue en mélancolie, amère. Pourtant, les quelques regrets qui me tiraillent son vite repoussés : en rejugeant mes choix, je ne peux en trouver qui est été une erreur. Mais si la situation à l’instant présent ne me dérange pas particulièrement, je crains la suite. Aie-je le choix ? Aie-je jamais été libre, ou est-ce que mes décisions n’ont jamais influencé un tant soit peu ma vie ? Je ne sais plus. L’envie de pleurer me prend, mais reste bloquée un peu avant mes yeux, ne m’apportant aucune libération. Je reste ainsi, mes pensées s’envolant peu à peu, ne restant que ce désir de larmes, inassouvi, au milieu des vagues formes que mes yeux croient distinguer dans le noir.

La fatigue cependant, et la vanité de ma veille, finissent par me faire fermer les yeux. Je m’allonge, toujours repliée, appuie ma tête sur mon bras, et essaye de dormir, tentant d’oublier l’instant, et surtout, le lendemain.

Il entendit les craquements dus à ses pas, elle s'éloignait, cherchait un endroit où se cacher. Le voleur attendit, mais rien ne se passa, elle ne cria pas après les marins. Il comprit rapidement qu'elle lui avait menti. Elle devait être une clandestine, ayant peur que les marins ne la trouvent. Il n'avait donc rien à craindre d'elle, mais lui pouvait s'amuser. En effet, elle n'aura aucune façon de savoir s'il avait prévenu l'équipage ou pas.

( Je sens que je vais m'amuser, en plus provoquer la peur est une action qui me permettra de rétablir mon équilibre. Je pense que, les prochaines nuits, je vais avoir souvent faim, je risque de faire beaucoup de bruit)

Il s'éloigna des caisses, heureux d'avoir trouvé réponse à son ennui et à ses problèmes. Les marches grincèrent lors qu'il les remonta. Il retourna à sa cabine se demandant ce qu'il pouvait bien faire, il n'était pas fatigué puisqu'il avait dormi toute l'après-midi. Ayant fini son livre, il n'avait vraiment plus rien à faire.

Il monta sur le pont, où il s'allongea pour regarder le ciel. Le pont était éclairé par la lune qui commençait à décroître. Les étoiles fuyaient le retour du soleil, tandis que le vent se levait, gonflant les voiles. Il resta ainsi jusqu'à ce que les premiers rayons de soleil viennent se refléter sur les eaux, puis regagna sa cabine, évitant avec soin les marins.

Allongé sur sa paillasse, le voleur imaginait ce qu'il pouvait faire pour rendre son voyage plus exaltant. Pour qu'il puisse faire peur à la clandestine, il avait décidé de dormir pendant l'après-midi, mais il lui restait encore ses mâtiné à occuper. Plusieurs options lui passèrent par la tête comme aider les marins, discuter avec d'autres passagers, mais il en garda une tout autre. Il allait écrire, ça faisait plusieurs années qu'il ne s'était pas exercé, cependant, il était sûr qu'il savait encore le faire.

Il dut retourner voir la servante des Braord pour lui demander de quoi écrire, ce qu'elle lui fournit sans trop de problèmes. Ce qu'il allait écrire, lui était venu immédiatement, un dialogue entre un marin et un passager, qui dénonçait un clandestin. Il lui suffirait de le faire lire dans la cale par n'importe lequel des membres de l'équipage pour faire croître la peur chez sa cible. Il fut tellement plongé dans ses exercices d'écriture qu'il ne vit pas le temps s'écouler. Il savait qu'il lui faudrait remplir les pages qu'on lui avait données pour qu'un marin le crût. Quand il releva le nez de ses écrits, il alla dormir.

Après s'être réveillé, il se descendit à la cale d'un pas lourd. Sans discrétion, comme l'aurait fait un membre de l'équipage, il se dirigea vers les caisses. S'enfonçant dans le labyrinthe, il tapait dans les caisses, vérifiait qu'elles étaient bien scellées. Puis repartit.
Il monta sur le pont comme la veille, mais cette fois-ci il chercha à parler avec un maximum de marins, essayant d'apprendre si l'un d'eux savait lire correctement. Cette nuit les recherches fut vaine, toutefois, il apprit que chaque soir se n'était pas les mêmes qui travaillaient.

Le lendemain les choses se passèrent de manière très similaire. Cependant, le jour qui suivit fut marqué par la fin de la pièce. Celle-ci était courte et contait l'histoire d'un homme rencontrant une clandestine sur un bateau, après une rencontre des plus mouvementé, le passager dénonça l'inconnue qui se révéla plus tard être la nièce du capitaine embarquée malgré le souhait de ses parents. Certes elle n'était pas géniale, mais peut-être arriverait-il à la vendre quelques yus à une bande d'acteurs itinérants. Fier de son écrit, il ne dormit pas et se mit à la recherche d'un comédien.

Il trouva enfin un matelot capable de lire correctement alors qu'il finissait son service.

" Excusez-moi on m'a dit que vous saviez lire, est-ce vrai ? "

" Oui, pourquoi ? "

" Voyez-vous j'ai écrit une petite pièce de théâtre et j'aurais besoin de votre avis sur une scène. Bien sûr je vous donnerais quelques yus en échange de votre participation. "

Il lui tendit le livre assemblé le matin en hâte avec de la ficelle. Le marin accepta la demande, voyant qu'on ne lui demandait pas de lire trop. Après qu'il ait finit ce qui lui prit pas mal de temps, au vu de sa vitesse de lecture, le demi-elfe lui montra le passage de la dénonciation lui expliquant qu'il ne lui paraissait pas très réaliste. Il conclut qu'il fallait la jouer et que le meilleur moment serait la nuit dans la cale comme dans la pièce. Une fois en place ils commencèrent.

" Alors, pourquoi m'avoir fait venir ici ? "

" Excusez-moi de vous avoir dérangé pendant votre quart, j'ai quelque chose à vous révéler. "

" Et qu'est-ce donc ? "

" Je pense qu'il y a un clandestin caché parmi cette cargaison. "

" Vous avez bien fait, mieux vaut être prudent, on ne sait jamais comment peut évoluer une situation. "

Le marin s'enfonce parmi les ombres, reste quelques instants sans rien faire, puis revient.

" Je vous remercie de votre aide ! Comme je le pensais ce passage ne semble pas très réel. Voici ce que je vous avais promis. "

" Si vous avez encore besoin d'aide faites-moi signe. "

Le bâtard donne une poignée de yus volait sur le brigand qu'il avait tué au marin qui remonta assez vite à la surface. Trà Thù attendit qu'il fût assez loin et s'assit sur l'escalier.

" Alors, comment avez-vous trouvé la répétition de mon œuvre ? "

Du bruit. Danger ! Cette pensée me traverse avant même que je ne me souvienne de ma situation. Des pas, lourd, bruyant. Je retiens à temps un mouvement de panique : ici et maintenant, l’immobilisme est la meilleure solution. Je calme ma respiration, éprouve mes muscles en restant le plus statique possible. Je ne prends même pas la peine de dégager ma dague : si l’on me cherche, me défendre sera inutile, et même nuisible. La gorge sèche, j’attends et écoute. Beaucoup de bruit, difficile à discerner : pas, choc du bois contre le bois, grommellement. Mais… une seule source, je crois : un hommes, peut-être deux, mais probablement pas plus. Aucun ordre, pas de paroles échangées… Cela ne ressemble pas à une battue organisée pour débusquer les clandestins. Pas encore… Le danger reste bien présent cependant. S’il s’avise de fouiller par ici…
Pendant un temps inconnu, le boucan continue, rythmant ma peur. Je surveille l’entrée de mon refuge, craignant à chaque instant de voir une tête s’encadrer dans l’ouverture, ou même une caisse bouger.
Pourtant, rien de tout cela arrive ; finalement, les pas s’éloigne, me laissant me détendre.

Quelle heure peut-il bien être ? Quel jour ?
J’ai dormi, mais après une telle veille, avec si peu de nourriture, comment savoir pendant combien de temps ? Si je suis encore là, peu de temps à du passer après mon altercation avec l’inconnu… Je me sens pourtant à la fois reposée, faible, affamée, et mon ventre est encore douloureux, mais mon esprit est libre des brumes du sommeil.

La peur sourd en moi, remontant lentement, envahissante. Pourquoi suis-je encore libre ? Certes, ils ne sont pas pressés, je ne peux pas fuir ; mais me laisser du temps est étrange. Ou alors… Peut-être que mon agresseur n’a pas encore parlé de moi, et qu’il attend l’aube. Ou bien, il n’avait pas prévu que je m’enfuie, et il attend le moment où moi, je le dénoncerai. Après tout, il ne sait rien de moi… Sûrement se doute-t-il que la nièce du capitaine aurait hurler pour obtenir des renforts, tout de même.
Enfin, ses raisons importent peu. Puis-je le faire taire ? Visiblement, non. Je ne peux pas vraiment me balader sur ce bateau, je ne sais pas où le trouver, le tuer pose trop d’autre problème, et je n’ai rien pour négocier.
Je ne peux que rester là, cachée, et prier. Enfin, je prierai plus tard, quand je ne pourrai plus faire que cela.


Je tends l’oreille, aucun son troublant ne me répond. Je sors de ma cachette, vérifie que je suis seule, et commence à aménager mon territoire en vue d’une longue isolation : en plus d’améliorer légèrement la disposition des caisses proches pour me laisser un peu plus de place, je ramène la moitié du contenu d’une caisse – des mandarines, encore. Pas très équilibré, mais je ne peux pas faire la fine bouche. Une heure plus tard environ, je suis à nouveau recroquevillée, et j’attends.

…

Je ne sais plus depuis combien de temps je suis ici. Je dors, rêve, veille, pense ; mange et aie pourtant continuellement faim. De temps en temps, j’use de mon sort, voie le passé des lieux : de l’eau, à perte de vue, le jour, la nuit, à l’aube ou au crépuscule : mais aucun de moyen de savoir quand je suis, moi, maintenant. De temps en temps, du bruit se fait entendre, dans la cale ; jusqu’ici, personne ne m’a trouvé. Je me sens faible, terriblement faible, ankylosée également. Je mange mes fruits, m’endors, m’agite, aie peur à chaque fois que je ferme les yeux de les rouvrir avec des fers au pied. Le risque s’atténue à chaque heure qui passe, et pourtant ne disparaît pas ; et j’ignore quand l’heure passe, si cela fait un jour, deux, trois, une semaine ? Je mesure le temps à la quantité de nourriture restante, mesure aléatoire dans le rêve fiévreux et obscur qui me sert de quotidien.

Dormir…

…

Pour la première fois depuis… depuis le début de mon isolation, je me réveille doucement, normalement. Mon corps est toujours aussi faible, mais mon esprit est étrangement lucide, limpide. Seule une légère douleur au crâne me rappelle que je n’ai pas pris l’air depuis…disons depuis trois jour, et n’en parlons plus, mais je peux réfléchir sans difficulté, l’élancement n’est qu’un rappel, un avertissement.

Des pas… Deux hommes, discutant. Leur voix est trop loin… Ils s’approchent, un silence…
Soudain, une voix d’homme, claire et distincte, s’élève :


" Alors, pourquoi m'avoir fait venir ici ? "

" Excusez-moi de vous avoir déranger pendant votre quart, j'ai quelque chose à vous révéler. "


Mon agresseur ! C’est lui, à coup sûr ! Que fait-il ici ? Pourquoi maintenant ? Va-t-il révéler ma présence ? Si tard … Probablement si près du but… À la peur s’ajoute la déception, l’espoir déçu. Il m’a laissé tranquille si longtemps… Pourquoi ? Mais la peur fait son œuvre, brouillant mes pensées. Je ne peux qu’écouter, les nerfs à vif, l’estomac noué. Ma gorge s’assèche, mes poignets me tiraillent, et leurs paroles, scellant ma condamnation, se grave dans mon esprit qui n’arrive pas à les fuir, ne faisant qu’enregistrer les événement scellant mon destin.

" Et qu'est-ce donc ? "

" Je pense qu'il y a un clandestin caché parmi cette cargaison. "

" Vous avez bien fait, mieux vaut être prudent, on ne sait jamais comment peut évoluer une situation. "

Le marin s'enfonce parmi les ombres, reste quelques instants sans rien faire, puis revient.

Fuir ? Impossible. Les tuer ? Irréalisable. Me cacher ? Ridicule : où ? Je ne peux que les attendre là, attendre qu’il me découvre, m’amène au capitaine, qui me remettra à la milice… Une peur, primaire, m’envahit : ce n’est plus mes entrailles ou mes nerfs qui me rappelle ma situation, mais mon corps en entier, devenu lui-même un étranger me hurlant sa, ma détresse. Finalement, dans mon esprit, la peur laisse place à la résignation. J’ai fait un pari ; je l’ai perdu. Voilà un choix que je pourrais regretter désorm…

" Je vous remercie de votre aide ! Comme je le pensais ce passage ne semble pas très réel. Voici ce que je vous avais promis. "

" Si vous avez encore besoin d'aide faites moi signe. "

Quoi ?
Des pas, remontant l’escalier…
" Alors comment avez-vous trouvé la répétition de mon œuvre ? "

Je reste figée, choquée, en oubliant jusqu’à ma respiration. IL… Que… Non ! Son œuvre ? Un mélange de soulagement, d’humiliation et de désir de vengeance me submerge. Il se joue de moi ? Ce type m’agresse, m’oblige à rester enfermé entre deux caisses, à manger n’importe quoi, et au final il se moque de moi, jouant une dénonciation ? Une oeuvre… Une pièce de théâtre ? Ce n’était que ça…

Le soulagement prend finalement le dessus, et à ma propre surprise, un rire s’échappe de mes lèvres. Un petit rire, discret, cristallin. Quelques larmes perle au coin de mes yeux. Je ne sais pas de quoi je ris, de moi, de lui, de tout, pourquoi je pleure. Une pensée me traverse l’esprit, la crainte d’un piège. Mais je ne veux même pas examiner cette possibilité. Il y a tellement plus simple, et si l’on me présente de l’espoir après la nuit, je ne veux pas douter. Mon corps est encore secoué, tremblant, de peur et de soulagement mélangé. Mon esprit se noie dans ces sentiment et sensations, et ne sait que choisir : liberté, vengeance, remerciement, haine, joie,…

Je m’extrais pour la dernière fois de ma cachette, inspire, rempli mes poumons, et avance vers la silhouette que j’aperçois dans l’escalier, créant de ma main gauche un petit globe lumineux, que je suspends au-dessus de moi, répandant une légère lumière sur mon visage, et prenant garde à ne pas éclairer mon interlocuteur : un mélange de respect et de haine m’habite, de reconnaissance et de vengeance ; mais pour l’instant, il aura mon respect, et je ne le dévoilerai pas à moins qu’il ne le souhaite.

« Mon avis est partagé… Je n’ai pas pu avoir une vue d’ensemble de votre oeuvre, et ma critique ne peut donc que porter sur le jeu et surtout la voix des acteurs, mais je dois dire qu’ils étaient très convaincants. »

Ma voix est basse, tremblante, incertaine, contraste avec mes paroles, faussement banales et posées. Je sais que je lui donne une sorte de victoire en affichant ainsi mon état, mais cela ne fait rien, ou peut-être que si, ou peut-être que…

Je stoppe mes pensées, m’assoit sur une caisse non loin de l’ouverture menant au pont, et tente de me calmer.

Assit sur les marches, il entendit un rire éclater, pas très fort, mais il le localisa assez rapidement. Après un temps d'attente, la jeune femme se révéla grâce à lui, grâce à une boule lumineuse flottant au-dessus d'elle, toutefois celle-ci n'éclairait pas le voleur. Elle s'approcha et dit d'une voix faible, tremblante et peu assurée qu'elle n'avait pas vu la pièce et qu'elle ne pouvait donc pas juger. Puis elle se posa sur une caisse, sûrement pour se calmer. Trà Thù prit la parole d'un ton joyeux et léger.

" Ce que vous dites est faux, sachez qu'a par moi personne n'est descendu dans cette cale, pas un marin, réalisez-vous ce que cela signifie et du niveau de la représentation que vous avez eue ? Pour ce qui est de voir l'oeuvre en entier, il n'y a pas de problème, mais vous risquez de le regretter. Par contre, au vu de vos capacités, je pense que vous feriez une magnifique bougie, hélas je n'ai pas de scène dans laquelle vous pourriez jouer. Je penserai à en écrire une si vous êtes intéressé. "

Il lui laissa à peine le temps d'assimiler la chose, avant de reprendre.

" Mais sachez que ce voyage n'est pas encore fini, le théâtre est un art de rebondissement. Cet acte ne finira qu'avec l'arrivée de navire à Krenda-Kar. Maintenant, si vous le souhaitez je peux répondre à certaines de vos questions. "

Un flot de paroles sort de l'ombre où se trouve l'homme : il affirme qu'il a joué seul sa pièce, que je n'aurais probablement pas intérêt à la voir en entier, me propose un rôle, celui d'une bougie, dans une pièce qu'il pourrait écrire...
Une information me parvient clairement : nous allons à Kendra Kâr. Au moins un point d'ancrage pour mes pensées...
Alors que mon interlocuteur fait une pause, j'en profite pour l'interroger, répondant à son invitation, reprenant progressivement la maîtrise de ma voix et parlant le plus bas possible :

« Je ne sais par où commencer... Nous allons donc à Kendra Kâr ? Quand arriverons-nous ? Et...Qui êtes-vous ? Pourquoi cette scène, pourquoi m'avoir attaqué et ne pas m'avoir dénoncé ? Êtes vous le seul au courant de ma présence ? »

Reprenant la parole avec un peu plus de conviction, elle posa une série de question. Le voleur soupira.

" Quand je dis que vous pouvez poser des questions, ça ne veut pas dire que vous devez m'en bombarder, mais soit je vais vous répondre. En effet nous allons à Kendra Kar, si vous voulez savoir quand nous arriverons, je peux appeler un marin. Ensuite pourquoi je vous ai attaqué, tout simplement pour montrer la véracité de ma mise en garde. Même si j'avais quand même pensé à vous prendre en otage, mais n'étant pas la nièce du capitaine ça n'en vaut plus la peine. Cette mise en scène a été mise en place uniquement car je m'ennuyais, çela explique aussi pourquoi vous n'avez pas été dénoncée. "

Il s'arrêta et essaya de voir ce qu'il avait oublié, ce qui lui revint assez vite.

" Le fait que je sois le seul à savoir votre présence est à débattre et dépendra sûrement de votre comportement. Bien sûr vous marquez déjà un mauvais point, en me demandant qui je suis, sans vous être présentée avant. "

Sa façon dont il avait prononcé ses derniers mots étaient sans appel, il attendait qu'elle se présente.