De loin, Kívan pourrait ressembler à s’y méprendre à n’importe quel Kendran : une peau pâle, une silhouette svelte légèrement plus grande que la moyenne, le tout surmonté par une épaisse chevelure brune. Cependant, si l’on fait plus attention, il dégage un je-ne-sais-quoi d’exotique et de fascinant, que ce soit dans les traits de son visage cachés par ses cheveux et sa barbe ou dans ses mouvements félins, qui laisse fortement penser que son ascendance n’est pas uniquement humaine.

Kívan est en effet l’exemple parfait du métissage des deux races dont il est issu. Ses traits sont fins et creusés par l’entrainement militaire. Ses pommettes hautes se terminent sur une mâchoire très carrée et découpée au couteau. Des taches de rousseur maculent ses joues et son nez. Ce dernier est court et droit, surmontant de fines lèvres. Ses grands yeux, d’un vert intense, sont vifs et pétillants. Tranchants avec ce visage altier, des cheveux fins et sales tombent en mèches éparses devant ses yeux en amande et dissimulent, tant bien que mal, des oreilles effilées qui trahissent une fois pour toutes son héritage elfique. Un corps plus musculeux et une pilosité nettement plus développée que les elfes, viennent néanmoins à l’encontre de cette dernière observation. Enfin, une barbe fournie, taillée grossièrement lors des présentations officielles, achève de lui manger l’autre moitié du visage pour dissimuler ses traits anguleux, derniers héritages visibles de sa nature elfique. Ce métissage pourrait se révéler très harmonieux, voire même esthétique, si Kívan ne le cachait pas derrière ces différents artifices pour le masquer.

Il porte quotidiennement une simple tunique usée, en toile d’un bleu sombre délavé, et des braies, le tout ajusté à sa taille par des lanières de cuir. Quelques pièces d’armure en cuir viennent agrémenter la tenue, et s’avèrent vitales lors des entraînements à l’arme blanche.

Depuis son arrivée à la milice, Kívan a appris à dissimuler ses émotions en toutes circonstances, à faire oublier sa présence en toutes situations. Son visage arbore donc généralement une absence d’expression permanente. Auprès des autres miliciens, Kívan est calme et toujours avare de mots, préférant observer ce qui se passe autour de lui. Il n’éprouve absolument aucun sentiment vis-à-vis des personnes qui l’entourent. Au cours des années des années passées à la milice, il a murit une intelligence froide, analytique, en permanence sur le qui-vive, prêt à disparaitre si nécessaire, notamment quand il se sait pourchassé par ses autres camarades qui veulent le victimiser.

En réalité, Kívan est intérieurement encore un jeune garçon qui garde une certaine âme d’enfant, quelque peu naïve. Il ne livre sa véritable personnalité que lorsqu’il se sait en confiance absolue. Il devient alors quelqu’un d’assez chaleureux, plutôt espiègle, voire même moqueur. Secrètement, il n’aspire qu’à voyager, à découvrir de nouveaux mondes, à embrasser la liberté qui lui a été retirée enfant, objectifs qu’il n’arrive à obtenir que lors de ses nombreuses rêveries et échappées sur les toits de la ville.

Kívan possède des rudiments de lecture et d’écriture, enseignés à la milice de Bouhen.

Jeune enfant sauvage abandonné, cet orphelin a survécu de chapardages, alternant entre les petits villages du comté de Bouhen et les profondeurs protectrices des forêts alentours, avant de se faire attraper un jour la main dans le sac. Il fut alors déposé auprès de la milice de Bouhen, qui avait régulièrement pour habitude d’accepter des orphelins pour grossir ses rangs et fut nommé Kívan. Si son passé était encore obscur aux yeux de tous, son avenir était désormais imposé : il deviendrait milicien de Bouhen.

Après avoir été énergiquement décrassé, relativement éduqué et passablement civilisé, Kívan comprit rapidement qu’il n’inspirait que dégoût et méfiance auprès de son entourage qui n’avait pas l’habitude de rencontrer des elfes. Les moqueries de ses camarades sur son origine et son double héritage étaient quotidiennes. Ses supérieurs semblaient aussi s’amuser de la chose et le maintenaient constamment aux corvées ingrates de la milice, tout en l’empêchant de progresser dans les grades et en évitant de l’afficher aux dehors des murs. Déjà naturellement solitaire et relativement misanthrope, Kívan se renferma encore plus sur lui-même, parlant peu et préférant se faire oublier de façon permanente. Ayant rapidement compris qu’il avait besoin de moins de sommeil que les humains, il profitait de ces heures gratuites pour vagabonder sur les toits de la cité et rêvasser en s’imaginant une vie en dehors des murs. Il avait déjà tenté de s’échapper mais il se faisait rapidement retrouver par les miliciens avec son physique atypique, et les punitions étaient terribles…

Après des années passées à la milice, les moqueries ne l’atteignaient plus et son quotidien lui était moins amer. Son entrée dans l’âge adulte opéra aussi de nombreux changements physiques majeurs qui lui permirent d’effacer une partie de son ascendance elfique et d'ainsi mieux se fondre dans la masse grouillante des Hommes. Il arborait désormais une barbe fournie et peu entretenue qui masquait ses traits anguleux et il laissait ses cheveux longs détachés pour recouvrir ses oreilles effilées et masquer ses yeux en amandes. Les entrainements militaires portaient eux aussi leurs fruits et la silhouette autrefois frêle et délicate d’adolescent elfe s’était effacée au profit d’un corps plus musclé. Ce nouveau physique faisait que certaines pensaient à deux fois avant de venir l’encanailler. Le départ des anciens et l’arrivée de nouvelles recrues aidèrent aussi à tarir le bizutage constant, qui n’était désormais plus qu’irrégulier, quand ses camarades cherchaient un bouc émissaire. Kívan put donc faire son entrée dans la vie adulte de manière plus tranquille que lors de son adolescence.

L’arrivée de Théo marqua un tournant dans la vie de Kívan. Ce jeune colosse évadé de sa campagne imposait le respect par son physique musculeux et ses compétences martiales, même si les jaloux moquaient régulièrement, lorsqu’il avait le dos tourné et qu’il se trouvait loin, ses origines provinciales ou son côté gauche et parfois maladroit. Moins au fait des considérations racistes exprimées par certains de ses camarades, il réussit à amadouer et à se rapprocher de Kívan en qui il voyait un compagnon d’infortune, le tout non sans difficulté. Une très forte amitié finit par se nouer entre les deux jeunes hommes au fil du temps. Les deux compères aspiraient cependant à une vie meilleure. Et le soir, quand le soleil couchant caressait le port, il leur arrivait de rêver de se faire recruter dans la milice royale, de monter de puissants destriers, de porter de belles armures étincelantes et de partir effectuer de nobles quêtes comme sauver des princesses ou occire des dragons... Et sans qu’ils le sachent encore, cette opportunité allait bientôt leur être donnée…