La zone d'embarcation

"La compagnie Air Gris vous souhaite un bon voyage sur ses lignes"

Cette grande plaine se situe légèrement à l'extérieur de la ville. C'est ici que vous embarquerez et débarquerez pour les voyages aériens.

Ici, les cynores se posent et décollent à destination de Tulorim et Dehant. Les marchands et les équipages déchargent les marchandises en provenance de la capitale et du reste du monde.

En arrivant, vous pourrez emprunter à pied ou à cheval le chemin qui vous amène directement en ville. Si vous préférez, vous pourrez aussi louer une calèche pour continuer votre voyage dans tout le confort.

"La compagnie Air Gris espère que vous avez fait un agréable voyage à bord de son cynore"

Pour plus d'informations, veuillez vous rendre dans la partie sur les voyages aériens. Vous posterez ici jusqu'à votre embarquement.

"Yarthiss ! Atterrissage à Yarthiss d'ici quelques instants !", entends-je subitement à côté de moi.

Encore un peu ensommeillé, je frotte mes yeux, revoyant mentalement les derniers événements.

Après avoir vaguement rangé le bout de papier attestant de mon achat à Bouhen, j'amène mon oiseau à bord de l'engin bizarre. Lyïl ne semble pas franchement en avoir peur, au contraire de quelques passagers redoutant de poser le pied sur la rampe. Ridicules. Comme l'a annoncé le géant au comptoir, ce navire étrange ne décolle pas avant une bonne heure, le temps que des marchandises et des passagers en retard n'arrivent. Je demeure attentif aux mouvements des autres créatures à bord, histoire de m'assurer qu'elles gardent leur distances.

Perché sur le bastingage, je ne parviens pas à rester de marbre quand toute la structure tressaille, vibre, puis décolle dans un vrombissement qui n'a rien de naturel. Ce moment de surprise passé, je demeure bras croisés, à regarder le sol s'éloigner. Rien de bien extraordinaire pour quelqu'un qui sait déjà voler. Ce qui est un peu plus fascinant, c'est d'apercevoir des lueurs synonymes de vie humaine, et surtout la vitesse à laquelle je les dépasse.

( Si j'avais des pierres bien lourdes à faire choir sur ces imbéciles... ), m'amuse-je.

Je finis par m'accoutumer aux bruits et m'adosse au montant de bois, lové contre mon oiseau, pour sommeiller un peu. Je ne dors que d'un œil, et pas sur de longues périodes. Évidemment, il faut qu'un des passagers soit malade non loin, et qu'un autre ait si peur qu'il prie à voix haute en permanence.

Quand je trouve enfin le repos, il faut justement que nous parvenions à une escale. Malgré la nuit tombée sur le vaste endroit, nombreuses sont les silhouettes de toutes tailles à se mouvoir entre les bateaux volants. Ces elfes de "Air-Gris" sont rodés à l'exercice, et il ne me faut qu'une poignée de minutes pour monter à bord d'une version gigantesque de ce que j'ai emprunté. À bord, je demeure méfiant et me tiens près de la sortie en restant discret. Trop d'abrutis à peau rosée, ayant pu voir l'avis de recherche lancé par la grosse moche. Pas assez d'endroits où se percher pour esquiver les bottes. Et là encore, il me faut attendre que cesse l'afflux de géants malodorants avant que le départ ne se fasse.

C'est donc sur le qui-vive que je quitte à dos de harney le vaisseau trop rempli une fois à destination. Là, à Tulorim, un elfe gris apprend à la ronde un retard pour le départ suivant. Le cynore a apparemment percuté un obstacle dans les airs et doit donc être examiné. Contrarié, seuls les visages pâlissant de certains géants m'empêchent de franchement m'énerver. Quand j'embarque, je suis satisfait de voir quelques imbéciles humains préférer attendre plutôt que de prendre ce vol. Idée à retenir ça, faire courir le bruit d'un risque pour réduire le nombre d'enquiquineurs.

Cette fois-ci, installé non loin du pilote heureusement silencieux, je parviens à dormir un peu plus posément. J'aurais pu déballer le filet lutin et le suspendre, mais j'aurais perdu ce temps-la en repos. Et il m'aurait en plus fallu le ranger ensuite.

Lorsque je suis réveillé à l'arrivée, je remarque que le jour est en train de se lever. Finalement, le trajet a été court. J'ai encore du mal à croire que je suis à présent sur un autre continent, et si loin de mon point de départ.

Après avoir guidé mon oiseau hors de la machine volante, je nous éloigne en bordure de la zone d'embarcation et le nourris. J'en profite pour faire de même et manger une baie sucrée, tout en demeurant vigilant. Mon estomac est encore un peu noué.

C'est l'orbe noir qui m'a poussé à venir jusqu'ici. Même si la Voix Sombre a été vaincue, croire qu'elle a entièrement disparu serait naïf. Peut-être que ce fragment de son pouvoir contient encore son souhait de me nuire. Je dois demeurer sur mes gardes. Qui sait si je ne vais pas tomber dans un piège ? C'est toutefois un risque à courir car cette pointe de doute a fait se réveiller la corruption. Je sens la fièvre attaquer mon pectoral gauche et mes lombaires.

( Bon, Yarthiss. Et maintenant ? )

Je lève le nez, attentif et plus méfiant que jamais, tout en flattant le plumage de mon oiseau sombre. Est-ce que l'orbe va tenter de communiquer encore une fois ?

C'est une ville entièrement nouvelle qui s'étend devant toi. Enfin, entièrement nouvelle... ça reste de simples géants ordinaires... Il n'empêche que tu n'a pas la moindre idée d'où aller, ni de quoi faire, et tu auras beau scruter le sol à tes pieds, aucune inscription magique n’apparaît...

Visiblement, tu vas devoir te débrouiller pour savoir ce que tu es censé faire ici. Et puis d'abord, est-ce vraiment la destination ? Ou seulement une étape ?

J'attends, encore et encore, pendant que Lyïl se rassasie. À part les mouvements de géants, rien ne semble troubler la quiétude et le manque de vie autour de moi. Je commence à dévoiler les dents, palpant l'orbe dans mon sac. Après m'avoir fait faire tout ce trajet, voilà que ce bibelot magique me laisse le bec dans l'eau ? C'est à n'y rien comprendre. Et que suis-je censé faire dans cette ville de géants ? Chercher un indice dedans ? Dehors ? Partir vers une autre destination ? Oui, mais où dans ce cas ?

Si cela se trouve, l'orbe a besoin de temps pour rassembler son énergie et se faire comprendre de nouveau. À moins qu'il y ait quelqu'un ici susceptible de me renseigner quant à l'apparition du pendant doré. Si les humains savent faire autre chose que de déformer la vérité, bien entendu.

Bondissant sur le dos de mon harney après l'avoir flatté, je le fais décoller.

( Quitte à attendre, autant m'occuper utilement. Voyons s'il n'y a pas un marchand de choses magiques dans les environs. Ils sont généralement un peu plus au fait que le quidam moyen, et j'ai encore ce caillou bizarre à faire examiner. ), songe-je avec un agacement certain.

Je refuse toutefois de perdre plus d'une demie-journée dans cet endroit. Une cité humaine demeure justement humaine, et cette pensée me hérisse les plumes.

L'aube commence à poindre lorsque ma monture et moi arrivons en vue de la zone où j'ai débarqué la veille. J'ai du mal à croire que cela fait déjà une journée que je suis en Imiftil, à Yarthiss en fait, et surtout que j'en repars déjà. Sans cette pression dans mon torse, je serais resté. Pas pour profiter de ces humains stupides que j'ai sauvé malgré moi ou retrouver le vieil archiviste Markos, par contre. J'aurais trouvé un coin tranquille où maitriser ma magie, entrainer mon corps et mon esprit, dans l'optique d'abattre mes ennemis. Mais je ne peux pas perdre de temps. Je veux revoir Dae'ron, ce mâle aldryde connu depuis à peine quelques semaines et dont la fausse mort m'a pratiquement détruit. Même maintenant, penser à sa gorge s'ouvrant contre sa javeline ne quitte pas ma mémoire.

C'est le comble. Je suis parti exprès pour ne pas avoir à m'en préoccuper. Pour couper les ponts et me libérer de lui avant de lui accorder trop d'importance. Et non seulement cela a complètement échoué, mais en prime j'ai subi sa mort brutale en pleine face. Le pire est que je n'arrive pas à l'oublier. La douleur que cela a causé persiste, tapie en moi comme un prédateur attendant un instant de faiblesse pour ressurgir. Seule solution, constater par moi-même qu'il est en vie. Je veux aussi savoir pourquoi il me cherche. D'après les deux entités magiques, la Voix Sombre et l'Âme Pure de mes orbes, il y a quelque chose à son sujet que je n'ai pas réalisé. Et plutôt que de me creuser la cervelle pour rien, autant le faire confirmer par le premier concerné.

Juché sur le dos de mon oiseau, je m'approche du comptoir toujours occupé par un géant elfique à peau grise. On dirait bien que quelle que soit l'heure, il y a forcément un membre d'Air Gris dans les parages. Et aussi des passagers. Pas moyen d'être tranquille pendant ce trajet aussi, si je comprends bien. Cela m'agace, mais je ne suis pas assez en forme pour laisser un semblant de hargne prendre le dessus. La lassitude est encore bien présente dans mon corps, et perdre connaissance dans ce sanctuaire forestier n'a pas été des plus reposant. Surtout avec un matelas type caillou coincé sous les lombaires.

"Eh l'elfe !", fais-je pour attirer l'attention du géant. "Salutations matinales et tout cela.", poursuis-je, expédiant la politesse qui me rend nauséeux en un instant. "Un trajet Yarthiss-Bouhen. Avec monture."

Sur ce, j'agrippe ma sacoche, sentant un léger inconfort au manque flagrant de sommeil. Cette fois-ci, je vais tenter de dormir un peu à bord, même si quelque chose me dit que ce n'est pas gagné.




Achat d'un ticket pour un trajet multiple Yarthiss-Tulorim-Kendra Kâr-Bouhen (45 + 40 + 45) pour 130 yus.

Le jeune homme sourit poliment malgré l'attitude de l'aldryde. Il lui remit le billet et lui souhaita bon voyage !

Kalas arriva près de Yarthiss en fin d'après-midi, après quelques jours de voyages. Il avait déjà repéré les immenses bateaux volants qui plainaient haut dans le ciel et s'empressa de rejoindre ce qui ressemblait à une embarcadère. Cette dernière ne se trouvait pas dans la ville-même, ce qui déçu quelque peu Kalas. En effet, le jeune homme aurait voulu se perdre dans les rues de la cité afin d ela découvrir, mais il préféra rejoindre sa destination le plus rapidement possible.

Une fois les marches de la haute structure de bois atteintes, le jeune Shaman s'avança vers ce qui semblait être un guichet pour les passagers. Discernant une vieille femme à lunettes les yeux plongés dans de nombreux papiers, Kalas attira son attention d'une politesse sans faille.

« Bonsoir, Madame. Je… J'aimerais rejoindre Tulorim à l'aide de l'un de ces… heu…. »

La guichetière leva le regard vers le client ne sachant même pas dans quoi il allait monter. Elle reprit le fil de la discussion et le brieffa sur la marche à suivre.

« Un cynore, jeune homme. C'est un cynore. Et pour rejoindre Tulorim, nous avons un départ dans une quinzaine de minutes. L'embarcation décharge les arrivants à l'instant, d'ailleurs. »

« D'accord. Hem, puis-je monter à bord ? »

« Il faudra vous acquitter d'un ticket avant d'embarquer, jeune homme. C'est votre première fois, je suppose ? »

« C'est cela... »

La vieille femme parcourut Kalas du regard pendant de longues secondes, avant de se rapprocher comme si elle souhaitait que la conversation reste secrète.

« Vous êtes un aventurier, c'est ça ? »

« Hein ? Je veux dire ! Pardon ? »

« Vous avez dû entendre parler de ce qu'il se passe à Tulorim. C'est pour ça que vous y allez ? »

« Heu…. »

« Pas de soucis, je suis muette comme une tombe ! C'est gratuit pour vous, jeune homme ! Profitez bien du voyage ! »

Sur ces mots, elle déchira un petit ticket qu'elle tendit à Kalas un grand sourire au milieu du visage avant de replonger dans ses papiers. Comprenant qu'il n'aurait pas davantage d'explications, le Shaman se retourna encore perturbé par les paroles de la vieille femme et se dirigea vers le cynore qui finissait de se vider. Peu de gens semblaient prendre part à ce vol de nuit en direction de Tulorim. Kalas s'avança donc vers le contrôleur à l'entrée de l'embarcadère qui hurlait aux passagers de venir embarquer.

« Départ pour Tulorim dans dix minutes ! Vous êtes priés d'embarquer ! »

« Bonsoir… Heu, voilà. »

« Merci bien, monsieur. Bon voyage à vous. »

En grimpant les trois marches qui le séparait de la terre ferme, le jeune mage ressentit un étrange mal-être qui l'empêcha de s'approcher des rebords du vaisseau. Perturbé par des hauts-le-coeur, il s'approcha en titubant d'un siège à l'intérieur d'un abri et se posa lourdement dessus. Sans le savoir, Kalas faisait l'expérience de la contradiction de ses fluides avec son environnement. Les dix minutes d'embarcation se déroulèrent très vite pour le jeune homme qui avait plongé sa tête dans ses bras, manquant de vomir à plusieurs reprises.

« Bon sang… C'est horrible... J'espère que le trajet sera aussi rapide que ça... »

Une fois le dernier passager embarqué, le contrôleur ferma la petite barrière du vaisseau et cria les instructions de vol au pilote qui obéit sans tarder.

« Départ pour Tulorim imminent ! Attention à vous et restez assis pendant la durée du trajet ! C'est parti ! »

L'immense cynore se souleva dans les airs, faisant trembler les bancs sur lesquels étaient assis les passagers. Nombre d'entre eux s'acclamait par de petits cris de surprise, mais Kalas garda la tête dans ses bras, priant pour que le voyage se déroule aussi vite que possible.