La Voix Sombre appuie mes paroles. Entendre cette existence irréelle m'approuver pour une fois est assez surprenant. Le Coeur précise que l'inaction d'Amalia a permis que des crimes soient commis, et que son frère s'est fait haïr du plus grand nombre. La Gardienne poursuit. Bien qu'étant censés être des instruments, Sombre comme Dorée se sont mis d'accord. Ils se sont faits prisonniers par eux-mêmes, chose qui manque de peu me faire tiquer. Renoncer à sa liberté pour le bien d'autrui ? Quelle idée saugrenue. Cela pourrait sans doute se tenir, mais dans mon esprit, c'est juste un beau gâchis.
Les épreuves mises en place n'étaient que pour tester un être qui aurait la volonté et la sagesse de ne pas abuser de leurs pouvoirs. Je hausse un sourcil au nom qu'ils lui donnent. Celui qui marche à l'aube et au crépuscule. Un être ni bon ni mauvais et entre les mains de qui l'un comme l'autre seraient contenus. D'après cette description, pas besoin d'être un héros pour y parvenir. L'idée de laisser des indices par le nom de la rue était la leur, car plus visible qu'un bouquin poussiéreux.
L'armure dorée est moins confiante, m'affirmant que pour le meilleur ou le pire, je suis celui qui correspond à leur attente. J'ai du mal à prendre la mesure de ce que cela signifie. Pour moi, j'ai juste mis la main sur une parcelle de grand pouvoir, d'abord par curiosité puis par nécessité. J'ai côtoyé des objets à l'histoire importante, et pourtant, je ne me sens ni humble ni frappé de supériorité. Cela ne serait pas moi.
Le Sombre bondit, m'indiquant que je peux donc tout massacrer à mon gré, chose tempérée par la Dorée qui précise que je ne dois pas le faire. Si je déchaine le pouvoir du Coeur, mes ennemis finiront en charpie, mais ce dernier semble m'avertir. Cela ne pourrait causer que mon propre malheur. Mes souvenirs de la citadelle me permettent de me rappeler de la folie du Sombre. Détruire pour détruire. Non, cela n'est pas moi. Détruire de façon ciblée, pour rompre tout lien avec ce passé que je hais, oui.
"
Celui qui marche à l'aube et au crépuscule, hein ? Franchement, non. Trop noble pour moi. Et trop long. Je vais me contenter de Nessandro.", fais-je avec un certain détachement.
Je les regarde tour à tour, puis j'avise mon bras noirci, auparavant brûlé, un instant. Le chagrin de l'épreuve d'obscurité reste tapi au fond de ma gorge, même si j'ai été distrait par tout ce que je viens d'apprendre.
"
Et j'en sors pas indemne...", souffle-je avec un brin de dépit. "
Tout de même...", commence-je perplexe. "
Magiques ou pas, savoir ce qui se passait en-dehors de vos prisons ou dans le cœ... La tête des autres reste impressionnant. Même pour moi."
Je suppose que nous n'allons plus avoir beaucoup de temps pour échanger. Aussi bizarre que cela semble, ces deux consciences sont loin de me laisser indifférent. Pas que je les apprécie ou quoi que ce soit, surtout la Sombre, mais j'ai presque l'impression qu'ils sont un peu des facettes de moi, à leur façon. Après tout, je n'ai rien de féminin. Et j'espère bien que cela ne m'arrivera jamais, l'horreur...
Un peu perdu, je tente de rassembler mes idées. Maintenant que j'ai accompli mon but, je me sens vide. Ou c'est juste l'emploi lourd de ma magie et de mon énergie martiale qui en est la cause.