>>L'art du négoceMarche ou crèveAprès une nuit infâme sur le lit de paille je n'avais guère envie d'entendre les instructions pour l'expédition et je décidai d'aller inspecter les alentours en nourrissant un secret espoir : si les dieux s'intéressaient à mon cas je me perdrais sans plus jamais retrouver le chemin de cet endroit.
Les bruits de la forge me parvinrent dès que je fus dehors. Le marteau résonnant sur l'enclume et le gargouillis de la lame trempée avaient quelque chose de rassurant. Durant un instant je crus être près de mes galeries. Les seuls éléments m'indiquant le contraire étaient la neige glacée et le soleil qui encore une fois avait trouvé le courage de se hisser au-dessus de Yuimen. Je me demandais bien ce qui le poussait à venir contempler nos conneries.
Sous un appentis construit avec deux mains gauches l'oreilles pointues s'affairait. Nous imaginions généralement le forgeron comme un gaillard bas de plafond avec un caractère exécrable et des biceps comme des cuissots, et c'était bien ainsi que les choses devraient être. Mais le monde ayant pour désagréable habitude de ne pas être comme il le devrait c'était la frêle stature de Sanisstra qui actionnait le gigantesque soufflet et battait le métal. La scène était grotesque _comment pouvait-elle fabriquer quoi que ce soit de correct ?_ pourtant le marteau tombait lourdement et la cuirasse qui se trouvait en dessous avait un aspect irréprochable.
Bonjour messire Longtunnel. Bien dormi ?Je ne me décidais toujours pas quant à l'attitude de cette bonne femme : cynique ou positivement idiote.
Comme une nuit en terrain hostile.
Ho ! Vous ne devriez pas vous inquiéter, je veillais.En fin de compte elle était positivement idiote. Je décidai d'aller voir ailleurs si d'autres formes de vie plus intéressantes habitaient dans le coin mais la sale manie d'empêcher les gens de faire leur vie la reprit ; elle brandit une lame encore rouge sous ma barbe.
Laissez ici votre vieille cuirasse et votre hache. Et quelques pièces également : je veux être payé pour mon travail.J't'ai rien d'mandé.
Pensez donc à votre protection ! Vous aurez besoin de mon armure très bientôt... Et de mes conseils également si vous voulez être capable d'accomplir votre promesse.Humffr...Nous nous ressemblons, quoique vous en pensiez, je n'ai pas toujours habité ici savez-vous ? J'y suis même venu contre mon gré. Enfin, je suppose que ça ne vous intéresse pas...Tu d'vrais êt' aussi lucide tout l'temps...
...Mais je vais vous aider et quand vous deviendrez le héros que vous devez être vous me remercierez.Mon grognement incrédule et mes insultes ne l'arrêtèrent pas. Elle avait la tête dure comme du granit et une fois qu'une idée y avait creusé son trou elle n'en sortait plus. Elle dégagea deux bâtons d'un râtelier d'armes et m'en lança un.
Hier vous avez pris conscience de l'efficacité de votre arme. Continuons l'entraînement.Les Thorkins ont généralement une bonne endurance ; grâce à celle-ci je tenais encore debout à la fin de la matinée et je pouvais me targuer d'être à peu près entier. Sanisstra avait une façon bien particulière de concevoir un entraînement, activité dans laquelle les mots « bourreau » et « torture » auraient eu toute leur place.
À mesure que j'apprenais à dévier les coups sans réellement pouvoir riposter ils étaient devenus plus rapides et fréquents jusqu'à un rythme insoutenable. Elle m'empêcha d'agir comme je l'avais toujours fait : immobile comme un roc, encaissant les dégâts. Je dus danser, passer d'une jambe à l'autre, contrôler mon poids pour affaiblir ses attaques écrasantes et renforcer les miennes qui avaient des allures de pichenettes. Je tentai bien d'afficher la plus mauvaise volonté possible et j'y parvins fort bien sur les premiers échanges : je perdis trois dents et ma joue droite doubla de volume en prenant une sale couleur violacée. Je sauvai donc ma vie en participant sérieusement.
Alors que le soleil se traînait de plus en plus haut dans le ciel d'un bleu écœurant je n'avais toujours pas compris l'utilité de ce stupide entraînement. Chacune de mes rares attaques avaient été détournée avec lassitude par l'elfe comme des insectes opportuns. Elle me disait d'attendre, elle me jugeait loin d'être prêt. Je ne voyais pas comment le fait d'éviter, dévier, ou le plus souvent fuir un coup allait m'aider à battre un adversaire. Je fus bientôt proche de l'épuisement ; elle cessa alors ses assauts.
La réputation des Thorkins d'êtres violents et directs était colportée par des incultes n'ayant probablement jamais rencontré d'elfe noire, en tout cas pas Sanisstra. Elle déclara que j'étais peut-être prêt : la série d'attaques suivante aurait pour but de me tuer _comme si ça n'était déjà pas le cas_ et je n'y survivrais pas sans riposter. Ses mouvements s'accélérèrent et elle exécuta quelques moulinets qui firent vibrer l'air pour m'encrer dans le caillou que cette fois elle était sérieuse. Je crus à nouveau percevoir une volonté meurtrière dans son attitude, et j'en eus la certitude quand elle posa son regard glacial sur moi. Je ne pus m'empêcher de frissonner.
Les dernières heures me permirent de survivre de justesse aux deux premières passes d'armes mais la colère de Sanisstra, et sa violence augmentèrent. Elle souhaitait que j'attaque : si je ne trouvais pas comment utiliser tous les exercices stupides de ce matin elle m'anéantirait. Ainsi concevait-elle un bon entraînement : avance ou crève.
La solution vint instinctivement : j'avais appris à bouger pour ma survie et la violence des coups m'impressionnait moins. La charge qu'elle porta fut rapide mais les réflexes acquis récemment _qui s'apparentaient étrangement à de la peur_ me sauvèrent encore. Comme la veille la seule échappatoire se trouvait vers l'avant, avant que le bâton n'atteigne son but. C'était le même exercice . Je vins à la rencontre de l'attaque en transférant tout mon poids vers la cible. Le bout de mon arme sembla gagner en poids, se chargeant de toute l'énergie que je pouvais lui donner. Il dévia l'attaque qui m'était destinée et poursuivit sa course vers mon adversaire. Au dernier moment elle pivota et recula d'un pas. Le bâton s'écrasa dan la neige et projeta une gerbe blanche.
L'exercice s'acheva enfin. Mon bourreau déclara avoir fait le maximum pour le peu de temps dont nous disposions. Bien entendu j'étais toujours loin de contrôler mes mouvements et elle doutait de ma survie à court terme. Je ne pus que hocher la tête tout en remerciant silencieusement Valyus pour toutes les épreuves qu'il mettait sur mon chemin ; j'accompagnai cette prière d'un avertissement : il vaudrait mieux qu'il arrête avant que je ne crève pour de bon ou que je devienne fou. Mais sur Yuimen les dieux étaient des êtres _ou non-êtres, la question était encore débattue_ sourds :
L'elfe trouva bon de faire la causette et elle déballa un monceau « d'informations primordiales à la compréhension de la situation » dont les trois-quarts me passèrent à travers le ciboulot sans y trouver d'accroche, ce qui sauva probablement ma raison. Le discours portait essentiellement sur l'ordre mystérieux dont mes hôtes faisaient partie. La pièce maîtresse en était Heili, quatrième du nom, la première _la vrai_ ayant été la fondatrice du mouvement. Elle avait survécu à Mertar et y avait même trouvé matière à vérifier ses hypothèses. Elle poursuivit naturellement sa vie en cherchant à comprendre et exhumer l'ancienne magie Thorkin. Le monde s'en serait mieux porté si elle était tombée dans un puits pour y crever tranquillement : partant du fait que les saloperies qui disparaissaient avaient sûrement de bonnes raisons de le faire, son dessein était contre-nature. Outre sa dangerosité intrinsèque, cette quête stupide rassembla au fil des générations une foule de tarés congénitaux voyant dans son accomplissement une mission divine. Ils développèrent une propension à détecter des signes à chaque embranchement de galerie ; ainsi de retour d'Oaxaca fut à leurs yeux le signe de l'approche de leur avènement. Une déesse maléfique souhaitant engloutir le monde dans les ténèbres éveillait toujours des pulsions héroïques conduisant à beaucoup de morts et peu de gloires.
Un inconscient arrachant à la poussière un vieux marteau relativement célèbre était aussi un signe _à mon grand désarroi_ surtout quand ce pauvre bougre tripotait un vieux trône et déclenchait ce que l'elfe appelait obscurément « l'appel du dragon ». La succession des événements m'avait donc amené à un point catastrophique : si je me grattais le cul une horde de cinglés y trouverait un sens profond. En d'autres termes, ils me colleraient au wagonnet tant qu'ils ne seraient pas tous morts avec, par exemple, le crâne accidentellement défoncé.
L'oreilles pointues, fêlée du casque mais intuitive, se garda de me dévoiler le nom de leur organisation. Toujours est-il qu'Heili avait été élevé au rang de quasi-divinité et lorsqu'elle mourait une autre prenait sa place avec ce titre farfelu « d'ingénieure en chef », un mot ancien définissant un être possédant un grand savoir d'après eux. La façon de désigner la successeure était assez conventionnelle : un conclave d'illuminés spécialiste des signes scellait le sort d'un marmot en l'enlevant à sa famille pour lui bourrer le caillou d'inepties. C'était une pratique courante sur Yuimen et probablement ailleurs aussi.
Sanisstra monologua longuement sur d'autres aspects de sa secte. Le soleil avait depuis longtemps abandonné l'idée de monter quand le flot de paroles se tarit. J'avais alors acquis la conviction d'être parfaitement en danger bien que je ne connus pas la nature de ma mission future.
Venez héritier de Thor, l'assemblée est réunie.Elle se leva pour rejoindre la tour et pénétrer à l'intérieur. De nombreuses traces de pas marquaient maintenant la neige sur le pas-de-porte, la bâtisse était probablement pleine d'individus gagnant à ne pas être connus.
Ils se tenaient en demi-cercle et s'arrêtèrent de discuter quand j'eus passé la porte. Tous ces regards tournés vers moi annonçaient une des pires journées de mon existence, pour sûr. Il y avait là une représentation exhaustive de toutes les races plus ou moins autoproclamées pensantes de Yuimen, y compris un arbre qui se tenait loin de la cheminée avec une poupée de chiffon dans les branches. Les costumes renseignaient aussi sur la diversité régionale qui s'amalgamait, certaines coupes m'étaient inconnues et j'eus préféré qu'elles le restassent. Chacun de ces tarés possédait une seule chose en commun : ils portaient tous une tablette ou un parchemin relié sur lequel s'étalait en runes anciennes la suite de mots obscure « protocole de récupération des données ». Une phrase telle que « tout autres endroits du monde est plus sûr que celui-ci en ce moment » aurait probablement mieux convenu.
(((achats auprès de Sanisstra: protection de la tête ; protection de jambes ; cuirasse. Pour la forge de cet équipement elle possède les 3 unités de mithril récupéré au fond de Mertar
ventes auprès de Sannistra: grande hache de mertar (For +4) ; cuirasse cabossée (End +2))))>>dirigé Grunnr I.1