Ruelles de CuilnenIl n'y avait pas grand monde. Enfin c'était peu dire vu qu'il n'y avait personne de visible. Il faisait plus sombre dans la boutique, malgré les grandes vitrines qui laissaient passer les chauds rayons du soleil. C'était le genre de boutique dans laquelle on se demandait toujours comment le marchand faisait pour en vivre.
Elle était propre et bien rangée mais apparemment pas très fréquentée. Elle semblait cependant bien fournie en bijoux et autres potions de couleurs plus ou moins surprenantes. Evangelina hésita, restant sur le pas de la porte. La boutique était-elle ouverte, déjà ? Mais une voix venue du fond la boutique la rassura.
"Entrez donc, je suis à vous dans un instant !"C'était une voix masculine, pleine d'assurance et de gentillesse. Evangelina, rassurée, pénétra dans la boutique et l'étudia de l'intérieur. Tout, ou presque, était en bois. Les meubles, le sol, le plafond et les poutres... Cependant le bois n'était pas brut mais finement décoré de bas reliefs et de fines gravures. L'Aniathy n'en comprit pas le sens ou la symbolique. Elle ne voyait que des enluminures torturées, comme des branches ou des racines se croisant dans une forêt.
Au fond de la pièce, un long meuble servait pour acheter ce que le client avait choisit, et au centre trônait une petite table basse sur laquelle contrastait un bouquet de fleur très coloré. Au plafond pendait un lustre en fer, simple, à une seule bougie, accroché à une des poutres apparentes.
Evangelina se rendit du côté des potions, gardant le meilleur pour la fin. Il y avait vraiment de tout, de la simple potion de soin comme celle qui avait sauvé Fear à des potions qui pouvait rendre le buveur très puissant pendant quelques temps. L'Aniathy étudia l'effet des potions, se demandant si elle devrait en avoir besoin.
Puis une question lui vint à l'esprit, un doute comme elle en avait souvent ces temps-ci. Elle se tourna vers Larhe qui trainait du côté des bijoux.
"Larhe ?""Oui ?""Il se passe quoi si... on boit une potion ?"Larhe se retourna en réfléchissant.
"Je n'en sais rien, je ne suis pas sûr que ça fonctionne.""Moi non plus c'est pour ça que je te demande...""Demande au vendeur quannd il sera là, peut-être qu'il sait.""Ah oui bonne idée."Elle lui sourit tendrement, amoureuse, puis se retourna vers les potions. Devait-elle en prendre une ou deux, pour le cas ou Fear se mettrait de nouveau dans le pétrin ? Elle renonça vite à cette idée, il valait mieux qu'elle l'empêche de se mettre dans le pétrin que de le soigner une fois blessé.
"Bonjour !"Evangelina et Larhe se retournèrent d'un même mouvement, alors que le vendeur venait d'apparaitre derrière le comptoir. C'était un elfe blanc, apparemment dans la force de l'âge mais avec déjà une expérience conséquente de la vie. Les cheveux longs et bien coiffés, simplement, et ses vêtements blancs violacés impeccables montraient qu'il prenait soin de son image. Rien d'étonnant pour un commerçant, surtout qu'il n'en faisait pas trop. Il n'avait qu'une bague, à l'annulaire droit, peut-être une alliance.
Il les regardait en souriant. Un sourire apparemment sincère, mais il sembla étonné en voyant Evangelina. Était-ce l'état lamentable du haut de sa robe qui le gênait ? Elle n'était qu'une Aniathy, mais il était vrai que ses formes attirantes pouvaient gêner étant donnée qu'elles n'étaient plus vraiment dissimulées entièrement. Instinctivement elle mit ses mains devant sa poitrine.
Mais l'elfe blanc continua à la regarder, non pas vulgairement, encore moins méchamment, mais plutôt surpris.
"Vous... Vous êtes une Aniathy ?""Je... euh, oui..."Evangelina était très gênée, et baissa les yeux devant le regard du vendeur. Il était vrai que l'état de sa robe laissait aussi apparaitre les marques caractéristiques des Aniathys, les fines coutures symétriques qui parcouraient son corps. Mais l'elfe blanc s'excusa vite.
"Excusez-moi, je ne voulais pas me montrer grossier ou malpoli. Mais les Aniathys sont assez... rares dans nos contrées.""Ce n'est pas grave...""Si... Enfin. Je suis assez honoré que des Aniathy visitent mon magasin."Evangelina ne comprenait pas vraiment son enthousiasme. Elle regarda Larhe qui semblait un peu inquiet.
"C'est... gentil, mais il n'y a pas de quoi...""Bien sûr que si. Par contre, je ne voudrais pas être indiscret mais... Que vous est-il arrivé ?""Je... Je me suis battue.""Battue ? Tien dont...""Oui. C'est assez long à expliquer et... personnel.""J'entends bien, je ne voulais pas être indiscret.""D'ailleurs vous ne connaitriez pas un magasin de vêtements de... ce type ?""Si, mais j'ai mieux. Vous ne le savez sûrement pas mais je suis père, et ma fille est adulte depuis quelques semaines maintenant. Mais j'ai toujours gardé ses habits, me disant qu'ils pourraient un jour servir pour ses enfants, ou autre chose..."Evangelina voyait où il voulait en venir. Mais pourquoi ?
"Elle a eu votre taille, alors attendez quelques instants que je retrouve ça à l'étage."Evangelina n'eut même pas le temps de protester que le vendeur avait déjà disparu. Elle regarda Larhe qui haussa les épaules d'incompréhension, puis se retourna vers les vitrines de bijoux. L'Aniathy se tourna donc vers les étages de potions, étudiant les différents types de potions qui existaient.
"Voilà, je pense que ça vous ira à merveille !"Evangelina se retourna vers le vendeur qui était déjà redescendu.
Il tenait dans les mains une pile de vêtements pliés, apparemment en cuir teinté noir. Il les déplia sur le comptoir et invita sa cliente à avancer. Elle regarda ce qu'il lui proposait et ne put qu'être impressionné. Sa fille devait être belle. Il y avait deux vêtements, un corset et une jupe assortie. Ils étaient bien en cuir noir, mais pas seulement. Ils étaient parsemés de touche de rouge, principalement aux contours et aux bords, sous la forme de fine dentelles. La jupe était même agrémentée de nœuds et de rubans rouges qui la rendait encore plus belle.
"Je... C'est très beau mais... je ne peux pas accepter !""Bien sûr que si, c'est offert par la maison. Essayez les."Evangelina leva ses yeux vers lui. Il semblait sincèrement vouloir lui offrir, sans contrepartie.
"Mettez-vous derrière le comptoir, personne ne vous verra."Evangelina obéit. Elle commença à se déshabiller, ou plutôt à enlever les loques qu'était devenue sa robe, puis enfila la jupe et le corset que voulait lui offrir le vendeur.
"Larhe ? Tu peux...venir serrer le nœud ?"Son compagnon s'exécuta. Puis elle ajusta le tout avant de tourner sur elle même. Ces habits étaient confortables, agréables à portés et pas très encombrants. L'Aniathy leva les yeux vers son compagnon qui semblait très amoureux. Le vendeur lui indiqua le miroir, invisible de l'entrée, entre une étagère et un mur. Elle se plaça devant et regarda son reflet. Elle fut sublimée.
Le corset lui allait presque parfaitement, moulant ses formes comme si c'était du sûr mesure. Et le décolleté qu'il faisait était tout simplement ravissant. Les dentelles aux épaules et aux bas du corsets se mariaient très bien avec ses cheveux et la pierre de sa nuque. Et ses yeux noircis ne juraient pas. La jupe quant à elle était... courte. Mais elle lui allait à ravir et se conjuguait très bien avec ses formes et le corset.
"Alors ?""Je... vais peut-être accepter.""Tant mieux, il vaut mieux qu'ils servent à quelqu'un plutôt que de s'abimer dans un placard."Evangelina se retourna vers le vendeur, appréciant au passage l'aisance des mouvements avec ses nouveaux vêtements.
"Non, je ne peux pas les prendre comme ça. Laissez moi au moins en payer un !""Bien sûr que si vous pouvez les prendre. Si vous voulez, achetez un de mes bijoux, mais ces habits sont d'ores et déjà à vous.""Merci mais...""Tarata. A quoi servent-ils dans mon placard ? Ma fille est trop grande pour les porter et n'aura d'enfants que dans quelques années. Et je ne vais pas lui faire de petite sœur donc... Voilà."Il était souriant et Evangelina ne répondit pas. Mais elle ne pouvait pas partir comme ça, il fallait qu'elle prenne quelque chose dans ce magasin pour le remercier. Elle se dirigea vers les vitrines de bijoux, accompagnée de Larhe.
"J'en ai trouvé un qui va te plaire."Il montra du doigt un collier argenté, finement ouvragé, représentant une jolie feuille enluminée enroulée autours d'une pierre verte.
"En effet..."Elle se tourna vers le vendeur.
"Il est possible de l'essayer ?""Bien sûr."Il se rapprocha et prit le collier de la vitrine avant de l'attacher délicatement au cou de l'Aniathy. Cette dernière se dirigea vers la vitrine et étudia son reflet. Il était beau ce collier, elle l'aimait bien.
"Avant de vous décider, je tiens à vous préciser que la pierre sertie peut être magique.""C'est vrai ?""Oui. Celle-ci ne l'ai pas, mais j'en ai de plus ou moins puissantes en stock."Evangelina réfléchit. Il ne valait mieux pas tenter le diable en prenant des pierres trop puissantes. Elle restait une Aniathy, très sensible aux perturbations de magie.
"Non, je vais vous prendre celui-là.""Entendu. Un collier... Son nom est Feuille de l'aube, poétique non ?""Oui, très.""Cela fera 72 yus. Si jamais vous désirez un collier magique, n'hésitez par à revenir, je serait heureux de vous garder comme cliente.""Merci, j'en serait ravie aussi. Voici les yus.""Mais, il y en a 80 ?"Evangelina ne répondit pas, mais son regard voulait tout dire. Le trop plein était pour le remercier des cadeaux.
"Entendus.""Puis-je... vous demander votre nom ?""Bien sûr. Je m'appelle Lety, Illyam Lety. Et vous ?""Evangelina. Et Larhe.""A bientôt alors, j'espère que nos chemins se recroiseront.""Je l'espère aussi, et merci pour tout."Les deux Aniathys sortirent de la boutique. Evangelina était heureuse. Et elle était encore plus belle qu'avant.
Cette chose qu'elle voulait connaitre
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Les dieux ne sont qu'enfants, inconscients et inaptes. Ils souffriront comme j'ai souffert, perdront à jamais leur pouvoir et erreront, comme jamais personne n'avait encore erré. Ils pleureront, remplissant les mers, et saigneront, car tel est le sort que je leur réserve, car enfin ils vivront ce qu'ils ont fait vivre...
Merci à Itsvara
« Les hommes ne sont pas nés du caprice ou de la volonté des dieux, au contraire, les
dieux doivent leur existence à la croyance des hommes. Que cette foi s'éteigne et les dieux meurent. » Jean Ray