>> un réveil difficileVisite au temple - partie IOcéma avait rapidement traversé la ville. Sur sa route seul quelques enfants qui guettaient son rétablissement s'étaient montrés et avaient vite disparu. Elle s'attendait à en voir arriver une nuée d'un moment à l'autre, ce qui se passa sur le parvis du temple de Yuimen. D'abord il y eut les piétinements puis les rires, les cris... Et se fut un véritable tourbillon _composé de quasiment tout ce que comptait Cuilnen de petits elfes, humains, et autres créatures plus ou moins étranges et définissables_ qui entoura la magicienne. Elle avait compté sur une certaine discrétion, elle ferait mieux la prochaine fois.
La masse mouvante et bruyante la rendait toujours de bonne humeur et elle leva son bras valide au ciel en riant tandis que les plus petits s'accrochaient à sa robe. Elle éleva la voix mais ses premières paroles se noyèrent dans le concert d'acclamations et de joies de la foule enfantine. Puis il y eut des
"chhhhhuuut" d'abord timides... De plus en plus insistants, quelques coups de coude et, lentement, le silence se fit dans la jeune assemblée.
Hum, hum... Suite à ce barouf d'honneur, il me semble que je suis obligé de vous conter une histoire. Enfin, si vous acceptez mon modeste conte en récompense de vos efforts...Un
"oui!" unanime et sonore éclata dans l'air. Un des prêtres de Yuimen sortit du temple et observa l'assemblée qui brisait la tranquillité du lieu sacré. Il n'approcha pourtant pas et, souriant, il répondit d'un hochement de tête approbateur à l'œillade de la conteuse.
Pour aujourd'hui Yuimen est magnanime et nous autorise à utiliser le parvis de son temple. Prenez place ! Asseyez-vous, ou vous risquez de tomber à la renverse de surprise, car aujourd'hui je vais vous conter l'histoire étonnante d'une Faera.Quand chacun fut installé en cercle devant l'entrée du temple, Océma s'avança, solennel, et s'installa avec force mouvements exagérés sur les marches. Elle contempla son public un instant et entama son récit d'une voix douce, celle-là qu'on utilise pour formuler un secret.
Dans une ville lointaine, très lointaine, coulaient deux fleuves : l'un horizontal, comme tous les fleuves. L'autre vertical, pour la simple raison qu'il était composé d'air et de vent et que tel était son bon plaisir. La ville était donc séparée en deux: la ville-vent s'étalait tout en hauteur aux abords du fleuv-ent et surplombait la ville-eau qui s'accrochait aux rives du fleuv-eau. À la jonction des deux courants, l'eau et l'air se mêlaient. Aucun ne laissait la priorité à l'autre _la politesse n'est pas connue des éléments_ ainsi ils chevauchaient, bouillonnaient et se fondaient en une myriade de bulles.
Un jour, l'une de ces bulles apparut avec une Faera en son cœur. Mi-eau, mi-vent, elle n'avait en naissant aucune idée de la forme à adopter, tiraillée qu'elle était entre ses deux composants. Elle réfléchit un instant, puis elle monta le long des rues de la ville-vent, écoutant aux sorties des manches à air ce que ce dernier murmurait.
Chuuuuuuiii...Chhhheercheee les choooses dans leurs chhhutes. Des idées choooient à chhaaaaque instant.
Il disait vrai, le vent: des objets il en tombait. Tout droit, vertical, ils passaient en sifflant. Des choses lâchées par les habitants : vaisselles, vêtements, bibelots qui obligeaient les gens à toujours avoir un parapluie, ce qui est fort peu compatible avec le vent. Parmi les milliers d'objets qui descendaient ainsi aucun ne plut à la Faera. Elle chuta quelque temps avec eux, les imitant, sifflant elle aussi, puis... Plouf. Elle plongea dans la ville-eau.
Elle dériva entre les maisons, sous forme liquide, et demanda conseil au courant.
Glou, glou... Glane, agglomère, sur le sol de glaise glissent des objets.
En effet, dans les rues l'eau ruisselait en de fins filets, emportant avec elle ce que les habitants oubliaient à terre : des aliments ou des outils. La Faera en regroupa beaucoup, sales et boueux, mais même décrassés aucun ne l'inspira. Alors elle laissa tout en plan et retourna là où elle était née.
Elle observa les fleuves se couper. Les bulles s'envolaient loin, loin, rebondissaient et allaient plus loin encore. Elle admira leur liberté et voulu les imiter. Seulement, l'air et l'eau en elle ne pouvaient se dissocier... Elle fit tout son possible, s'étira, se dispersa, s'enroula... Et pour finir elle prit la forme de fines gouttelettes et fut emportée par le vent.
On peut la voir parfois, si la chance nous sourit, au fond des vallons ou près des lacs. Elle flotte au-dessus du sol, apparaissant au matin ou les jours de pluie. Je suis sur vous l'aurez reconnu : je parle de la brume. Le silence occupa quelques instants l'espace puis les premières impressions fusèrent. Les grands, incrédules, cherchaient toujours à s'affirmer contre les plus jeunes qui défendaient la véracité de l'histoire. La conteuse était oubliée, le conte vivait. Océma regardait la joute en souriant sans prendre la peine de départager les camps. Puis, sans signe annonciateur, la terre trembla légèrement, coupant court à tous les discours.
Allez discuter ailleurs. Yuimen a besoin de calme.La troupe s'éparpilla sans demander son reste face à la mine sévère du prêtre. Océma se retint de rire. Elle connaissait bien l'elfe, enfant elle venait souvent jouer au temple et il s'était occupé d'elle. La plupart des ecclésiastiques arboraient un air sombre qui sentait le renfermé , comme le reste de leur personne. Peut-être même étudiaient-ils la façon d'avoir l'air sombre et de sentir la poussière entre les prières. Ce vieux prêtre n'avait jamais compris la leçon: il faisait beaucoup d'effort mais il n'arrivait pas à cacher sa nature accueillante et c'était même un des rares habitants de Cuilnen à fréquenter la magicienne sans honte. Elle se leva et s'approcha avec un sourire aux lèvres.
Vous ne me faisiez pas fuir ainsi.Tu revenais toujours Océma, comme attiré par le temple. Et Yuimen en est témoin, j'avais autre chose à faire que jouer!Vous m'avez appris la magie, ce n'était pas vraiment un jeu.Et aujourd'hui elle t'aide. J'en suis heureux.La magicienne fronça les sourcils. Il ne pouvait connaître les récents événements et jamais elle n'avait fait étalage de sa magie dans un autre cas. A bien y regarder, il n'avait pas posé de question sur son bras et l'écharpe le laissait indifférent. Elle écarta ces pensées en les déclarant trop centrée sur sa personne ; elle devenait probablement suspicieuse pour rien _ La faute aux hypothèses de Torië _. L'affaire fut classée, les choses importantes lui avaient toujours échappées, et elle venait à nouveau de passer à côté.
Vous ne m'avez pas tout appris. Faire trembler le sol comme ça, je ne l'avais jamais vu.Elle commença par soutenir passivement le regard du prêtre. Mais il dura plus que la bienséance ne le permettait : il jugeait. Elle fut un instant gênée, puis elle se redressa et leva la tête dans une attitude de défi. Un marmonnement qu'elle identifia comme un "Hum... Peut-être...pourquoi pas...A voir, ect..." sortit finalement de la bouche de l'elfe mais c'était incompréhensible.
Tu n'as pas assez de fluide pour ça jeune fille.Le fluide, ça s'absorbe.Elle avait lâché la réponse sans hésitation, faisant confiance à un vague souvenir de lecture, un ouï dire, ou peut-être un enseignement du temple. En tout cas elle n'avait aucune idée de la façon de s'y prendre, comme toute chose importante elle n'avait rien écouté. Au sourire qui déforma furtivement le coin de la bouche de son interlocuteur elle sut qu'elle avait accidentellement marqué un point...
Est-ce comme les fleuv-ent? Une histoire pour enfant ?... À moins qu'elle n'ait dit une bêtise. Elle encaissa l'attaque et inventa vite une réponse.
Une histoire oui. Celle d'un elfe qui apprenait la magie à une enfant...... N'écoutant qu'à moitié....... Pour retenir la substance du discours sans s'encombrer du superflu.Es-tu sur qu'elle possédait une telle sagesse ?La magicienne mordilla sa lèvre inférieure. Il fallait éviter ce genre de piège si elle voulait obtenir quelques informations. À Cuilnen il était mal vu de dévoiler la magie elfique à des humains, le prêtre avait donc inventé un moyen de dispenser un peu de son savoir à Océma. C'était un jeu: une sorte de joute verbale parsemée de savoir, si elle le méritait bien entendu. Elle se mit à marcher de long en large sur le parvis.
Nulle sagesse chez elle, encore aujourd'hui elle ignore ce mot, mais elle a l'intuition et la volonté.L'intuition? Comment ferait-elle donc trembler le sol alors ?Hum... Je pense qu'elle concentrerait son fluide à ses pieds et qu'elle le relâcherait d'un coup....Et il se diluerait dans la terre sans rien donner, elle serait vite épuisée... C'était une jolie histoire mais elle manque cruellement d'imagination, je préférai celle de la ville verticale.Mais vous oubliez la volonté du personnage. Elle finira bien par faire céder le prêtre à un moment ou un autre...
Une idée traversa soudain l'esprit de la magicienne, elle s'arrêta de marcher et fixa son adversaire droit dans les yeux, prête pour un coup de bluff.
...Et peut être que le temps manque et qu'il est urgent de faire une exception...L'elfe resta silencieux. La surprise scintilla une seconde au fond de son regard, il semblait plus circonspect, plus inquiet. Il pivota et, sans un mot, se dirigea vers l'intérieur du temple. Juste avant d'entrer il jeta un dernier regard sur la jeune femme, il la jugeait une ultime fois.
Il ne te suffira pas de dégager ton fluide par les pieds bêtement petite oie. Il te faudra trouver un nœud d'énergie dans la terre vers lequel le diriger. C'est le choc qui créera le tremblement _ Yuimen fasse que tu sois capable d'accomplir ceci, et d'autres choses encore _ Vois avec mes frères pour te procurer assez de fluide.Le prêtre disparut dans le temple et Océma resta interdite. Le jeu était terminé, l'insouciance envolée, remplacée par une réalité emprunte d'angoisse qu'elle entrevoyait seulement. Son bluff avait eu plus d'effet qu'escompté et son désir de connaître le fin mot de l'histoire venait d'augmenter ; au temple aussi il se préparait à quelque chose.
Elle entra silencieusement et chercha du regard un prêtre disponible pour répondre à sa demande. Comme à leur habitude ils semblaient tous avoir quelque chose de très important à faire, comme marcher de long en large, et les rares inactifs méditaient, repliés sur eux-mêmes. Elle s'avança vers l'un d'eux au hasard.
Bonjour. Je heu... Je souhaite me procurer du fluide...Elle réfléchit un instant puis ajouta, peu sur d'elle.
... La plus grosse quantité que vous puissiez me donner.(((Océma achète 1/8 de fluide de terre)))
(((Océma achète 1/8 de fluide de terre)))