L'odeur ici était atroce, et ce n'était pas dû qu'aux palefreniers garzoks. La quantité de montures était effrayante. Omyre devait avoir une sacrée cavalerie. De plus, les loups avaient l'air de réclamer plus d'espace, mais pas de sentir moins. Un garzok vint les trouver :
« Ah, vous voilà. Venez, je vous y emmène... »
Pataugeant dans la boue, il les conduisit jusqu'à un enclos à ciel ouvert, un milieu d'un dédale d'éléments semblables où étaient parqués les loups. Là, Azra reconnut avec surprise le loup qu'il avait monté dans l'arène. L'énorme bête noire se cabrait violemment, se débattant avec deux garzoks qui tentaient de le maîtriser.
« Cette bête refuse de revenir auprès de son maître. Il nous a demandé de la dresser à nouveau, mais il n'y a rien à faire... »
Koriga sourit :
« Je pense qu'il s'est trouvé un nouveau maître... »
Il fit un signe à Azra, l'enjoignant d'entrer. Le jeune homme ouvrit des yeux ronds.
« Mais... je ne sais pas monter... »
« Tu l'as magnifiquement fait dans l'arène ! Vas-y ! »
On ouvrit la porte de l’enclos et Azra s'approcha du loup. Il était à peine plus petit que lui, et il fallait reconnaître qu'il était très beau, avec son poil noir et argent. Ses crocs étaient cependant inquiétants, et le nécromancien fut rassuré de voir Rendrak se glisser à ses côtés, prêt à intervenir. Les deux hommes qui tenaient le loup s'éloignèrent, visiblement rassurer de voir quelqu'un d'autre prendre leur place. Mais le loup se tranquillisa dès qu'Azra fut devant lui. Stupéfait, le garçon tendit une main hésitante pour lui effleurer le museau, mais il recula de quelques pas avec un léger grognement.
« Pas à dire, il semble qu'il ait trouvé son nouveau maître ! rit Koriga. Mais il est hésitant... »
Le palefrenier hocha la tête.
« C'est une bête hargneuse, difficile à apprivoiser... Tenez, monsieur, mettez-lui ça et montez sur son dos... »
Azra mit quelques secondes à comprendre qu'il était le 'monsieur' en question. Cela lui faisait bizarre d'être appelé ainsi. Il prit des mains du palefrenier une selle et des rênes, qu'il regarda d'un air perplexe. Mais à sa grande surprise, ce fut Rendrak qui prit les devants. Il ramassa la selle et la posa sur le dos du loup qui renâcla, visiblement peu désireux d'être touché. Mais le liykor murmura des paroles tranquillisantes.
« Comment fais-tu ça ? » souffla Azra.
« Quand j'ai servi dans l'armée, il m'arrivait parfois de m'occuper des chevaux. Mon commandant pensait que les bêtes allaient devenir folles et que ce serait impossible pour moi, mais j'ai su les apprivoiser. »
Le jeune homme se rappela que son compagnon avait appartenu à l'armée kendrane, chose dont il valait mieux ne pas trop se vanter par ici. Rendrak parvint finalement à mettre le harnachement en place et fit signe à Azra de monter. Le palefrenier cria :
« Il s'appelle Ombos ! Appelez-le par son nom pour le rassurer ! »
Azra s’exécuta, murmurant doucement le nom de l'animal. À sa grande surprise, cela fonctionna. La créature, d'abord grondante, ne tarda pas à se calmer et à se laisser approcher. Il tendit une main et effleura les poils qui se révélèrent contre toute attente particulièrement soyeux. Il n'avait pas fait trop attention lorsqu'il l'avait monté la première fois, mais maintenant il réalisait vraiment à quel point c'était une belle bête.
Le monter restait une perspective inquiétante. Mais maintenant, il avait vraiment envie d'essayer, même s'il craignait fortement un échec.
Malhabile, le jeune kendran, qui n'avait jamais monté aucun animal, eut des difficultés à escalader le colosse. Mais quand il fut dessus, une sensation bizarre se répandit en lui. Le loup s'était laissé faire, et maintenant Azra se sentait en position dominante. Pourtant il sentait qu'il n'était pas sur une charrette mais sur un être qui vivait et respirait. C'était quelque chose de déroutant.
Le palefrenier lui expliqua comment donner des ordres à l'animal avec les rênes tandis que Koriga s'était assis sur la bordure de l'enclos avec un sourire goguenard, attendant sans doute la chute du garçon dès qu'il ferait un mauvais mouvement. Suivant les instructions, Azra donna une légère impulsion. Rien ne se passa.
« Quand je dis légèrement, c'est quand même plus fort que ça ! » s'exclama le garzok.
Rougissant légèrement, Azra donna une impulsion plus forte. Aussitôt, Ombos s'élança brusquement en avant. Le jeune homme serra les jambes de peur de tomber.
« Restez calme ! Il sent votre nervosité ! »
« C'est bien ma veine... »
Il n'était pas du tout rassuré et ne voyait pas comment ça pourrait changer. Il donna une nouvelle impulsion et cette fois-ci, le loup parti au trot. Le voyant arriver devant la barrière, Azra fit un geste un peu trop sec pour lui dire de tourner, et aussitôt, il renâcla et s'arrêta net.
« Ne vous inquiétez pas, il n'ira pas dans le mur ! Pas la peine de lui donner d'ordre express pour éviter la collision ! Il est intelligent et vous devez le considérer comme tel. »
Le conseil prit le jeune nécromancien par surprise. C'était bien un être pensant qui se tenait là. Un animal, certes, donc pas aussi intelligent qu'un humain, mais tout de même un être pensant. C'était la différence par rapport à une charrette : la charrette était un outil, le loup était un allié. Comprenant cela, Azra commença à progresser. Il suivait à la lettre les consignes données par le palefrenier garzok apprenant à diriger le loup, à utiliser les rênes non comme un instrument de contrainte mais comme un mode de communication, un langage simple que l'animal pouvait comprendre. Ils firent quelques tours de l'enclos tandis que le palefrenier expliquait que quand ils se connaîtraient mieux, le jeune homme pourrait même ordonner à son loup de bondir, d'effectuer des virages serrés et autres manœuvres compliqués.
« Les loups sont moins hauts que les chevaux, mais ils sont plus souples et plus efficaces en montagne... et ils mordent ! Ombos est une belle bête, une des meilleurs qu'on a dressée ici ! Cela ne plaît pas à son ancien maître mais honnêtement, vous avez l'air de quelqu'un qui prendra bien soin de lui... »
« J'espère, souffla Azra. Comment dois-je le nourrir ? »
« Laissez le en pleine nature et il chassera tout seul, puis il reviendra à vous. »
Hochement de tête. Pendant plusieurs minutes, le nouveau louvetier d'Omyre continua à s’entraîner à communiquer avec sa monture, mais bientôt, le loup montra des signes d’énervement, au point de manquer de jeter le garçon à terre d'un ébrouement. Le palefrenier expliqua qu'il était fatigué et qu'il valait mieux démonter maintenant.
« Les loups, même dressés, restent des animaux très nobles et très sauvages. Ombos n'a jamais connu la liberté mais soyez sûr qu'il n'hésitera pas à vous faire comprendre qu'il n'est pas content ! »
« J'aime autant ça. » répondit Azra en descendant.
Il flatta l'encolure de l'animal aux solides crocs. Rendrak rit :
« Alors, contre la fourrure de quel loup tu préféreras dormir maintenant ? Tu ne vas pas m'abandonner, hein ? »
« S'il fait le guet la nuit, je pourrais te révoquer... » sourit le nécromancien.
« Voilà au moins une bonne nouvelle ! »
« Alors pas de jalousie ? »
« Tu plaisantes ? Être jaloux d'une boule de poils stupide ? »
Mais le ton était joyeux. Il ne restait plus qu'à demander aux autres ce qu'ils pensaient de ce nouveau compagnon. À peine cette idée lui traversait-elle l'esprit que Chandakar gronda d'un air hystérique :
(Annihilation ! Tout ne sera plus que mort !)
(Je suppose que c'est un assentiment...)
Le jeune homme se tourna donc vers le palefrenier tandis que Koriga le rejoignait d'un air maussade, déçu que le garçon ne se soit pas cassé la figure quelques fois. Azra demanda ensuite :
« Je voudrais votre meilleur équipement ! Un sac de voyage, une selle et des rênes aussi confortables pour moi que pour lui ! »
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David le nerd
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